Qui percera le mystère du canal Odet ?

Pendant un temps, le Bigoudic et l'Odet ont suffi à alimenter en eau la manufacture de papier. Très vite, il a fallu aménager un canal. Qui l'a construit ? Quand ? Une asso lance un appel.

Canal de lOdet Isabelle Rahavi Ouest France 08.08.2017
L'histoire

Le canal est toujours visible depuis ses berges devenues un lieu de promenade au Stang Luzigou. Pourtant le mystère reste entier quant à la date de création de ce canal et quant à la main-d'oeuvre qui s'y est affairée. Pierre Faucher, de l'association Arkae, a entamé des recherches sur le sujet. « Nous ne possédons aucune archive exploitable et nous lançons l'appel : qui dispose d'informations sur le sujet ? » Pour le moment tout est affaire d'hypothèses.

Une chute d'eau
Dès les débuts de la papeterie de l'Odet, en 1821, Nicolas Le Marié a eu besoin de créer une chute d'eau, productrice de force. Deux cours d'eau existent sur le site en friche, le Bigoudic et l'Odet qui sont à maîtriser pour répondre aux besoins en eau de la papeterie. « Le Bigoudic a dû être le fournisseur d'eau exclusif à l'origine, mais pendant combien de temps ? » questionne Pierre Faucher. L'Abbé A Fouët, dans son discours du centenaire des papeteries, prononcé en 1922, évoque le détournement « du cours d'eau de la rivière sur 1500 mètres, Nicolas Le Marié fait sauter des mètres cubes de roches et crée la chute d'eau de toutes pièces ». Évoque-t-il le canal actuel ou un premier canal ? On sait qu'en 1834, Nicolas Le Marié acquiert à Annonay les premières machines à papier. Il est alors considéré comme l'un des plus fins papetiers de France.

Les terres du moulin de Coat Piriou
« À partir de 1852, il achète les terres nécessaires à la construction du canal, notamment celles du moulin de Coat-Piriou dont la démolition est signalée en 1859. » Est-ce que la réalisation du canal s'est déroulée dans la décennie 1850-1860 ? « Nicolas Le Marié est alors au sommet de ses capacités d'entreprendre », explique Pierre Faucher. Jusqu'en 1861, il garde la direction de l'entreprise. Mais à la fin de ce siècle, le progrès industriel exige des transformations qui ne viennent pas et l'usine sombre.

Le renouveau du Docteur Bolloré
Arrive alors son neveu, le docteur Bolloré, qui lui succède jusqu'en 1881. Le docteur Bolloré consacrera vingt et un ans à perfectionner et moderniser l'usine d'Odet. Doit-on dater la construction du canal lors de cette période de renouveau ? À la mort du docteur Bolloré, les aléas survenus à son oncle recommencent. L'industrie évolue rapidement dans tout le pays et la concurrence se fait rude.

L'arrivée de la vapeur
Ce sera l'aîné de ses enfants qui succédera au docteur Bolloré durant les vingt-quatre années suivantes. À charge pour lui de transformer à nouveau l'usine sous peine d'être distancé par la concurrence. René Bolloré, prend les rênes de l'entreprise. Il décide de concentrer l'activité de l'usine sur le papier à cigarette et a obligation de modifier les procédés de fabrication avec de nouvelles machines. À l'eau, devenue moteur insuffisant, succède la vapeur. La chaudière, achetée en 1886, nécessite de grands besoins en eau. Faut-il retenir cette nouvelle date ?

Qui et quand ?
Chacune des générations Bolloré augmente la production et modernise les procédés de fabrication. Mais qui décida et quand de faire construire ce canal ? Des ouvriers furent-ils recrutés ? Ou fit-on appel à des bagnards ou à des prisonniers de guerre comme pour le canal de Nantes ? Aucune trace de logement des ouvriers ou des bagnards n'apparaît dans les archives municipales. Pourtant l'arrivée massive de ces hommes qui ont eu pour tâche de creuser et d'empierrer le canal n'a pas dû passer inaperçue et a sans doute révolutionné la vie du village. « Nous avons questionné les plus anciens. En vain. Aucun n'a souvenir d'avoir entendu parler de la construction de ce canal ! » s'étonne Pierre Faucher.

Ouest-France, mardi 8 août 2017, par Isabelle Rahavi