Le cantonnier du bourg

 
Dans les années 40, quand on se rendait au bourg d’Ergué-Gabéric par la route qui longe le Jet en direction d’Elliant et avant d’atteindre le premier chemin qui mène au manoir de Pennarun, on pouvait apercevoir sur la gauche, dans un renfoncement, un curieux personnage.
 
De petite taille et de corpulence moyenne, vêtu modestement, chaussé de sabots et coiffé d’un béret rond, l’homme devait demeurer dans une petite maison derrière l’église.
 
Tous les jours de la semaine, sauf, sans doute, le dimanche, agenouillé sur une mauvaise paillasse, les fesses sur les talons, il cassait des cailloux. Ces cailloux devaient servir à combler les innombrables « nids de poule » des chemins de la commune. Il exerçait son métier de cantonnier par tous les temps.
« Je me souviens l’avoir vu, un jour qu’il pleuvait assez fort, comme cela arrive quelquefois dans notre région, avec pour seule protection, en forme de capuche comme celle des livreurs de charbon, un sac de pommes de terre. L’eau coulait sur son visage mais il ne semblait pas s’en inquiéter outre mesure, sa massette s’abattant avec régularité sur les pierres. La qualité de son travail était telle que les cailloux étaient homogènes dans la taille, « calibrés », comme le sont aujourd’hui les pommes, les oranges, les œufs ou les huîtres… Ses tas de pierre semblaient comme tracés au cordeau. »

Le métier de cet homme n’était pas valorisant et il ne susciterait sans doute pas de vocation de nos jours, mais la manière dont il l’exerçait mérite tout notre respect.
 
Bernard Le Bihan - Keleier Arkae n°18. (2002)
 
Jean Le Reste a reconnu dans ce cantonnier Alain Conan (1887-1966), né à Kerdilès. Il fut le dernier cantonnier « établi à son compte », à qui l’Equipement achetait directement les pierres. Ensuite, les cantonniers devinrent des employés communaux.