Pour une signalisation bilingue

 
Comme beaucoup de communes, Ergué-Gabéric s’apprête à appliquer les principes du bilinguisme sur les panneaux de signalisation. Une première réunion avec un élu de Pluguffan a permis de s’informer sur la manière de procéder. Une commission a été mise en place comprenant des membres d’Arkae et de Brezhonegerien Leston’ pour faire un état des lieux et faire des propositions pour une politique rationnelle et progressive de mise en place d’une signalisation bilingue.
 
Photo : ces noms anciens porteurs d'histoire et d'identité nous viennent du Moyen-âge.
 
La dénomination publique des noms a un intérêt patrimonial capital. Ce sont ces noms anciens qui sont aujourd’hui porteurs d’histoire et les noms que nous mettons aujourd’hui à nos rues seront aussi les témoignages de notre époque : il faut donc les choisir avec soin, car c’est notre image que nous transmettons. Dans ce contexte, le bilinguisme a toute sa pertinence. Certes le nombre de bretonnants de naissance continue à décroître, mais, d’un autre côté, jamais l’attachement à notre langue ancestrale n’a été aussi fort, et, à l’image de la filière bilingue créée à Lestonan, le breton est langue d’avenir pour affirmer notre identité dans un monde qui perd peu à peu ses repères.
 
La situation linguistique des prochaines années semble se dessiner avec plus de netteté : la totalité de la population parlera le français, et ce sera la langue commune de notre société. A côté de cela une minorité non négligeable continuera à cultiver ses racines en utilisant le breton. L’objectif fixé par le Conseil Régional est de dix pour cent de la population. Enfin l’usage de l’anglais  ne fera que s’accentuer à l’heure de la mondialisation. Ergué accueille déjà plusieurs familles anglophones, ou mixtes, et la pratique du multilinguisme ne fera que s’accentuer.
 
Cette étude comprend trois volets :
  1. Les noms de lieux déjà existants.
  2. Les noms de rues déjà existants et à créer.
  3. Les dénominations à créer : signalisation routière et celle des bâtiments publics.
 
Les principes qui nous guident dans cette étude sur le bilinguisme sont simples :
  1. Respecter le legs de nos ancêtres en gardant les noms bretons qu’ils ont forgés depuis 1500 ans.
  2. Utiliser les formes bilingues quand il le faut.
  3. Donner la possibilité aux nouveaux apprenants de trouver dans la signalisation publique la marque forte de notre identité.
 
Une grande anarchie règne dans la toponymie d'Ergué-Gabéric à cause de la superposition de graphies anciennes ou fautives.
 
Les cadastres se contredisent, les cartes colportent des graphies parfois fantaisistes, le francisation se fait bizarrement : 
 
 
Breton du moyen âge :panneaux lieux-dits
  • Ty : aujourd’hui on écrit ti.
  • Parc : aujourd’hui on écrit Park.
  • Creac’h : aujourd’hui Krec’h.
Graphie du cadastre de 1836 : 
  • Croas ar gac : aujourd’hui on écrit Kroaz ar Gag.
Des noms ont été traduits en français : 
  • Ar sal C’hlas  devenu Salverte puis Salleverte.
  • Ar groaz ru devenu La croix rouge.
  • Meilh Jet devenu Moulin du Jet.
Certains noms ont subi une francisation orthographique :
  • Lenn hesk est devenu lenhesq.
  • Kersaoz est devenu Kersaux.
  • Kerfor est devenu Kerfort.
 
Certains noms ont été altérés par l’anglais :
  • Trolann devenu Troland ( il n’y a aucune raison de mettre un d comme dans l' anglais Land qui signifie « terre »).
  • Parc ar land : on devrait écrire Park al Lann (du breton Lann : ajonc).

D’autres sont écrits dans une orthographe qui n’a aucun fondement :

  • Kerhô : il n’y a aucune raison de mettre un accent circonflexe.

D’autres ont subi une bretonnisation mal aboutie :

  • Gars Haleg, Gars Halec, Garsalec : aujourd’hui on écrit en breton Garzhaleg, qui signifie Haie de Saules.
  • Hent ar troland vian : on devrait écrire Hent Trolann Vihan.
 
Les noms de rue les plus récents sont en français pour la plupart, mais on trouve beaucoup d’exemples mixtes français-breton : 
  • Allée Izella : on devrait écrire Ale Izelañ.
  • Avenue Per Jakez Helias : le vrai nom d’état civil est Pierre-Jakez Hélias ; si on le met en breton : Per-Jakez Helias, ne devrait-on pas mettre la pancarte en bilingue : Bali Per-Jakez Helias et Avenue Pierre-Jakez Hélias.
  • Angéla Duval : ou bien on met Anjela Duval qui est son nom de plume en breton ou Angèle Duval qui est son nom d’état civil     …/...
 
La totalité de la population d’Ergué parle le français. Un bon pourcentage connaît et pratique le breton. Le breton petit à petit acquiert une reconnaissance par les institutions. Il s’agit d’en tenir compte. De plus l’internationalisation des échanges implique qu’on fasse simple mais aussi enraciné. Il faut :
  • Tenir compte du patrimoine. Le nom c’est un patrimoine qu’on transmet. Avant toute dénomination il faut vérifier qu’un nom original ne disparaisse pas de la mémoire collective.
  • Eviter la banlieuisation d’Ergué. Evitons les noms qu’on trouve dans les pourtours de grandes villes où il faut baptiser à la va-vite des quartiers entiers de noms de fleurs, d’arbres, d’écrivains de peintres qui n’ont rien à voir avec la réalité locale.
  • Mettre en valeur nos hommes illustres.  Il est anormal de n’avoir pas à Ergué des rues Yves Cabellic, Guy Autret, Mgr de la Marche,
 

 

Quelques exemples :

 
Cleuyou(1834). Ce lieu-dit est prononcé localement /kleuyou/. L’éthymologie est claire : il s’agit du mot Kleuziou, Talus (le /Z/ entre deux voyelles ne se prononce pas en Cornouaille). Nous préconisons donc l’écriture Kleuyou.
 
Griffonès : Les formes anciennes sont : Griffonez (1426), Griffones (1475), Griffonnes (1536), Grifones (1680). Le problème à résoudre est d’écrire avec un ou deux /F/, un ou deux /N/ et d’écrire avec un /S/ ou un /Z/ à la fin du mot. Le mot vient de Grifon, animal fantastique du moyen âge, sans doute le célèbre dragon de la légende du Stangala. L’éthymologie, la prononciation et l’écriture du breton moderne convergent pour une écriture stabilisée : Grifonez.
 
Lestonan : Les formes anciennes sont Lesdonan (1540), Lestonnan (1540), Lesthonan (1678), Lestonnant (1678), Lestonan (1685). L’éthymologie du nom est donnée par la plus ancienne forme du nom Lez –Donan, qui peut se traduire par la cour (Lez) d’un petit noble rural dénommé Donan. Mais la prononciation de Lez renforce le D en T, et l’accent tonique très fort sur l’avant dernière syllabe sur le /To/ de Tonan renforce le Z en S. Celle ci d’ailleurs accentue tellement l’avant dernière syllabe que la dernière ne s’entend plus. On dit /Leston’/, comme on dit chez nous /bar/ au lieu de bara. C’est la conséquence de notre accentuation.

On peut donc garder la graphie actuelle Lestonan qui sans dénaturer l’origine du mot, tient compte de la prononciation locale.
Bernez Rouz