Les fours à pain et les boulangers d'Ergué-Gabéric

Pierre Faucher 

 

Arkae > Tresors archives > Patrimoine rural > Les fours à pain et boulangers Ergué-Gabéric > KerrousBernez Rouz :

" Dans ce qu’on appelle le petit patrimoine le four à pain tient une place importante.

Dans ses pérégrinations à travers les quartiers d’Ergué, Pierre Faucher en a repéré quelques 70. C’est presque une ferme sur deux qui en possédait, et certains hameaux en cumulaient jusqu’à trois. De l’époque de l’ancien régime où le four était l’apanage du seigneur jusqu’au XIXe siècle où la fabrication du pain devient symbole de l’émancipation des droits seigneuriaux, le four à pain est un endroit particulièrement choyé de nos ancêtres. On s’imagine les bandes de gamins des années Déguignet s’agglutinant devant une fournée de bon pain tout chaud.
La magie continue aujourd’hui par les artisans boulangers. Certes les fours se sont modernisés mais le pain reste une base importante de l’alimentation contemporaine.

Cet article recense tous les lieux où on a fabriqué du pain à Ergué. Les fours existants ont été répertoriés, beaucoup de fours détruits et sans doute encore d’autres à découvrir.

N’hésitez pas à nous signaler des fours ou des noms de parcelles renfermant le nom « forn » afin que ce premier état des lieux puisse être véritablement complet."


B.R.

Photo : Four de Kerrous, four en bon état, bâtiment attenant.

 

 

Le pain constitue depuis longtemps la base de l’alimentation et à Ergué-Gabéric comme partout en Bretagne et en France, la population s’est organisée pour gagner son pain et le fabriquer.

Dans notre commune subsistent de nombreux fours à pain en granit et lors de la construction du four de Kerfrès par la famille Rannou, Arkae en avait présenté la rénovation (Keleier n°57 mai 2009) avec un article de P. Pliquet, l’artisan qui a remonté le four sur cette belle réalisation.

Depuis, l’étude sur les fours à pain à Ergué-Gabéric a été poursuivie et il peut en être dressé un premier inventaire.

 

1.    Fours en granit et pains de campagne en Basse-Bretagne.

Arkae > Tresors archives > Patrimoine rural > Les fours à pain et boulangers Ergué-Gabéric > KerellouUn livre récent de Pierre Le Guiriec, dont le grand-père était fournier1, le père boulanger, et lui-même s’est retrouvé apprenti-boulanger à 15 ans, et ensuite commercial pour un constructeur de matériel de boulangerie pendant 30 ans, présente sa recherche des vieux fours à pain, fours en granit traditionnels de Basse-Bretagne. (Livre à compte d’auteur - 24,50 € - édité en 2010, disponible en librairie).

L’évolution du fonctionnement des fours est d’ailleurs présentée dans ce livre (p.91 à 94) :
Le four « banal » du Moyen-âge à la Révolution qui appartient à la seigneurie ou aux abbayes. Le four est affermé à un fournier qui perçoit des droits pour cuire le pain (redevance fixée dans le bail – souvent 1/16e).

A partir du XVIIIe siècle, les fours de quartiers ou de bourgs deviendront libres de tous commerces. Les fourniers continueront encore à cuire leur pain au XIXe siècle souvent en parallèle avec d’autres activités commerciales (débit de boissons, épiceries variées, voire forgerons …).

Photo : four de Kerellou, au bord de la route (en 1834, sur le cadastre, il y avaitune maison de four accolée).

Après 1850, chaque ferme, hameau en même bourgade, disposait d’un four banal ou commun.
Ce n’est que vers la fin du XIXe siècle, que l’on verra apparaître des boulangeries professionnelles. Leurs fours, comme ceux des fermes, seront d’abord chauffés aux fagots de bois, puis équipés en appareils à mazout et après à l’électricité.

 

2.     Les fours en granit à Ergué-Gabéric.

De nombreux villages ou hameaux à Ergué-Gabéric disposaient de four à pain et un inventaire incomplet en fait apparaître près de 70 classés en 2 catégories :

  Four existant aujourd’hui, en bon état, parfois démoli partiellement (les pierres de façade ont parfois été prélevées), parfois un peu plus détérioré mais le corps du four est encore conséquent.
  Four disparu ou avec des restes limités mais recensés à partir de témoignages oraux ou écrits.

Le « ti forn », bâtiment qui se trouve à l’entrée du four pour la préparation du pain  et surtout de la cuisson est signalé.
Liste établie en mars 2011, par ordre alphabétique des lieux-dits.

Arkae > Tresors archives > Patrimoine rural > Les fours à pain et boulangers Ergué-Gabéric > Carte état des fours

Liste établie en mars 2011, par ordre alphabétique des lieux-dits.

Balanou la pierre sous l’entrée du four est existante
Beg ar Menez  four en bon état, important.
Boden démoli, sans trace.
Bohars avec ti forn à l’entrée de la ferme.
Bourg route du cimetière, à l’intérieur d’une maison, sans entrée, ni cheminée.
Coat-Piriou  avec ti forn.
Creac’h Ergué attenant à un bâtiment
Congalic restes d’un four à un emplacement bien déterminé.
Griffonès grand four donnant sur un assez important bâtiment.
Guilly Vras un beau four au milieu de la cour.
Guilly Vian four démoli, sans trace.

Kerdales

- un four en bon état.
- l’entrée d’un autre four dans un mur avec la cheminée.

Kerdiles

- un four démoli, les enfants allaient jouer dedans.
- un autre aussi démoli depuis 30-40 ans.
Kerdudal  four en assez on état.
Kerellou  four au bord de la route, (en 1834, sur le cadastre,  il y avait une maison de four accolée).
Kerfors four à moitié démoli, cheminée haute de 3 - 4 m - linteau cassé
Kerfrès four rebâti en 2009, daterait d’environ 300 ans.
Kergoant four démoli.
Kergonan four recouvert de lierre.
Kerhuel four démoli, il était situé dans un talus près de la maison.
Keristin restes de la cheminée et façade d’un four dans un mur.
Kerho four important dans une cour (isolé).

Kerlaviou

- 2 fours en assez bon état (1 avec ti forn en démolition).
- 1 démoli, sans trace.

Kermoysan  four complet avec fournil en bon état.
Kernaon - four en partie écroulé, accès à l’intérieur d’un vieux cellier en cours de démolition.
- four cité démoli.

Kerveady

- four en bon état.
- four isolé dans un talus, avec un grand chêne sur la voûte pierres de façade enlevées.
Kerrous  four en bon état, bâtiment attenant.
Kersauz démoli.
Kervernic en assez bon état, sur un talus.
Kervian partie de four dans l’entrée de la ferme.
Kervoréden four démoli, les pierres ont servi à la construction d’un mur.
Kerourvois-Kerdévot démoli entièrement, en attente de reconstruction.
Kervreyen un beau four de taille importante.
Le Lec un four a été démoli au début du XXe siècle.
Lestonan un four démoli à Menez Groas.
Lestonan Vian four en partie démoli dans un talus où la voûte se délabre.
Lezergué four démoli (comme le pigeonnier).
Loqueltas four démoli et reconstruit hors commune.
Meilh Poul un peu en abandon, grande taille.
Meouet Vian un peu démoli, les pierres de la façade ont été enlevées.
Melennec four isolé, quelques pierres ont été enlevées. Date de 1791
Mezanlez  démoli, sans trace.
Moulin de Kergonan belle apparence, mais arbres incrustés dans le four.

Niverrot

- un acheté par la commune, démonté dans les ateliers municipaux.
- un, en bon état, toit en ardoises.
Pen Menez  démoli, les murs de façade subsistent.
Pennarun - un four en bon état, isolé.
- un petit four à l’intérieur du manoir, en granit.
Quélennec  2 fours auraient été démolis à Quélennec Huella.
Quélennec Izella   un four aurait existé auprès des vieux bâtiments.
Quillouharn - un grand four en bon état, isolé au centre du village.
- un four un peu démoli, au pignon d’une maison.

  Quillihuec

- démoli, sans trace.
- démoli, en face de Pen Carn Lestonan.
Saint-André les pierres de la façade d’un four au pignon d’une grange près de la chapelle existent.
Savardiry un four existait, noté sur des documents écrits.
Stang Quéau un four existait dans un talus entre les 2 fermes. Démoli.

Sulvintin

- traces dans un mur d’entrée.
- un autre démoli sans trace.
Tréodet cités dans un document écrit vers 1680 (inventaire après décés).
Squividan four dont on a ôté les pierres de façade et qui sert de poulailler.

 

3.    Les boulangers et les boulangeries à Ergué-Gabéric.

Jusque vers la fin du XIXe siècle, le pain était fabriqué et cuit dans la plupart des villages des communes rurales comme Ergué-gabéric.

3.1. Au bourg

Arkae > Tresors archives > Patrimoine rural > Les fours à pain et boulangers Ergué-Gabéric > PennarunVers la fin du XIXe siècle, ou début du XXe, Pierre Le Naour était boulanger au bourg. Son fournil et son four devaient se situer au bout de la maison Troalen et pas loin de l’école (espace Déguignet aujourd’hui). Il fournissait le pain chaque fin de semaine à Lestonan.

Jean Balés l’a remplacé entre les 2 guerres. La boulangerie - buvette - épicerie donnait sur la place.
Deux ouvriers boulangers Youenn Gueguen et Noël Peuziat fabriquaient le pain, à la levure (goût plus neutre), remplacé par le levain ensuite (plus suret).

Une fois par semaine, ils fabriquaient des boules de vrai pain de seigle, le pain noir d’antan, acide, à la mie compacte, délicieux tartiné au lard ou à la graisse salée. Le dimanche, on pouvait se procurer à l’étal de la boulangerie du pain doux et du gâteau breton maison.
Le four servait aussi à la cuisson du riz au lait et du pâté de campagne.
Jean Balés livrait le pain en automobile dans ses dépôts de campagne (Kerdilés, Kerdévot, Le Drohen ...).

Photo : four de Pennarun, un four en bon état isolé.

La famille Nédelec, après la seconde guerre mondiale remplacera J. Balés.
Trois fours seront construits par J. Balés et la famille Nédelec, au bord de la rue de la Fontaine, puis près de la grande salle et au milieu avec le fournil.

Biannic, le deuxième boulanger du bourg entre les 2 guerres. Il tenait aussi buvette, épicerie, salle de mariage et téléphone (à l’emplacement du commerce longtemps tenu par Marie et René Poupon).
En 1938, la famille Biannic prendra possession de la nouvelle maison qu’elle a fait bâtir en plein centre bourg (la mairie sera construite à côté en 1955-56).
Le café-mercerie Lennon, en face de l’église, vendait du pain fourni par la boulangerie Le Ster de Stang Ven.

Après la fermeture en 2001 de la boulangerie Nédelec, un bâtiment construit par la commune accueille la boulangerie du bourg depuis 2005, en face de l’église.

3.2. A Lestonan

Pierre Le Naour possédait une boulangerie à Lestonan où il déposait le pain fabriqué au bourg. En 1912, est venu Germain Guéguen qui louait la maison avec four servant de boulangerie, un hangar et une petite cour situés Menez-Groas. Germain Guéguen envoyait aussi du pain à Ti Ru.
La boulangerie, après un incendie en 1922, fut reconstruite et modernisée.
En 1947, au décés de Germain Guéguen, son fils François lui succéda jusqu’en 1970.
Ensuite, André Dervoet d’Elliant fut boulanger de 1970 à 2000. Et depuis, Arnaud Herledan (2000 - 2006) et Michel Girard se sont succédés.
A Stang Ven, la boulangerie Le Ster fut créée probablement vers 1923.
Après la seconde guerre mondiale, vers 1948, elle fut prise par Jean Philippe, ancien coureur cycliste, à l’origine du circuit de la Vallée Blanche et d’OCB.
Fanch Le Ster, vers la fin des années 1950, reprit le commerce familial - boulangerie, épicerie, bistrot - avec des tournées sur Briec, Ergué et Landudal.
La boulangerie Le Ster a ouvert un magasin de vente à Pen Ergué de 1987 à 1999.

3.3. Vers Garsalec - Saint-André

Peu après la fin de la guerre 39-45, à quelques 300 mètres du carrefour de la Croix Saint-André, juste avant la ferme de Kernaon, Mathias Binos ouvrit une boulangerie - bistrot.
En 1953, Guillaume et Catherine Plouzennec lui ont succédé, et Catherine sillonna jusqu’en 1981 les routes d’Ergué-Gabéric vers Garsalec et vers Landudal (voir Keleier n°55 - mai 2008).

3.4. Bara-bio à Kerveguen

Depuis plus de 20 ans, l’exploitation agricole de Kerveguen (Yves Le Gall) produit des céréales biologiques et fabrique en meunerie des farines diverses.
Et la boulangerie façonne des pains biologiques (farine fraîche de « la ferme », levain naturel, sel de Guérande, eau de source) cuits dans des fours chauffés au bois.

3.5. Au Rouillen

Avec l’urbanisation de ce quartier, des dépôts de pain furent installés :
- au magasin de Kérélan (Timmy) : 1978-1998
- à Pen Ergé (Le Ster de Stang-Ven).
Le supermarché de la Salle Verte vend du pain depuis 1998.
Une boulangerie importante fabrique et vend - rue P.J. Hélias - du pain et des gâteaux.
 

4.    Souvenir d’un mitron pendant la guerre 1939-45.

Jean Guéguen, fils de Germain qui fut boulanger à Lestonan de 1912 à 1947, aida son père pendant la guerre.
Il raconte le souvenir de la fabrication du pain de seigle.

" Le pain de seigle, plus communément appelé « pain noir », se faisait tous les mercredis.
La veille, on prenait une boule de pâte qui était restée dans du gros sel depuis une semaine. On la mettait dans la maie avec de l’eau tiède et on ajoutait un peu de farine pour faire un levain dans un demi-seau. On couvrait avec un sac.
Le lendemain, on reprenait le levain et on pétrissait avec de la pâte fraîche pour obtenir la pâte à pain.
On faisait 2 sortes de pain : de 1 kilo ou de 2 kilos.
Avant la cuisson, on les enduisait avec une pâte bouillie liquide faite de farine blanche et d’eau. Souvent, en les sortant du four, ces pains étaient fendus sur le pourtour. "

 

  1. Fournier : celui qui s’occupe de chauffer le four, de cuire le pain et éventuellement de faire le commerce du pain (vente au comptoir, portage à domicile, tournées …).

 

Dossier réalisé par Pierre Faucher - Keleier 67 - mars 2011

 

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