Présentation
 
2013 sera marquée par le centenaire des Paotred Dispount, le célèbre club de football de Lestonan. Une bonne occasion de s’interroger sur les débuts de la pratique sportive à Ergué-Gabéric.

Certes les fêtes de village se terminaient souvent par des joutes de baz-youd, de sevel ar berchenn, de teurel ar maen-pouezh, ces jeux traditionnels bretons spontanés tout comme la lutte (gouren). Des sports où il s’agissait de montrer sa force. Quant à la soule (Mellad) ancêtre du rugby, elle n’était plus guère jouée que dans quelques communes du Morbihan au début du XXe siècle. Elle a été vite détrônée par le fooball baptisé mell-droad en breton, c’est à dire balle au pied.
Il faut attendre le début du XXe siècle pour voir s’organiser la pratique sportive. Le football est né cinquante ans auparavant en Angleterre mais ne perce vraiment en France qu’après 1900.

Dans les villages, c’est le tir et la gymnastique qui sont à l’honneur. Ergué n’échappe pas à ce mouvement.
L’enquête de François Ac’h nous révèle la lente gestation d’un mouvement sportif organisé dans notre commune.

Bernez Rouz
 
 

Le comité de tir d'Ergué-Gabéric 1909 - 1914

 
La défaite de la France par les Prussiens et leurs alliés en 1870 a été vécue comme un énorme cataclysme. Il fallait s’expliquer pourquoi les soldats français s’étaient montrés moins valeureux, ou moins bien commandés, ou bien moins préparés.
De là est née une réflexion collective qui a concerné le service militaire lui-même, et l’instruction des réservistes, et la préparation militaire, et jusqu’à l’école publique, rendue obligatoire et désormais chargée de former à la gymnastique et de développer un esprit patriotique.
 

Service militaire et préparation militaire

Il fallait mieux former les futurs combattants, si on voulait reconquérir l’Alsace et la Lorraine.
D’où plusieurs décisions successives de réorganiser le service militaire (1872, 1889). En 1905, la loi du 21 mars le ramena de 3 à 2 ans, mais excluait cette fois toute dispense, ce qui fit cependant augmenter les effectifs de la conscription (environ 200.000 conscrits dans la classe d’âge de 1903, et 260.000 dans celle de 1906).

De plus, divers systèmes de préparation militaire, qu’ils soient scolaires (par exemple les « bataillons scolaires »), parascolaires ou post-scolaires, furent essayés. Puis des initiatives privées organisèrent des compagnies d’instruction et de préparation militaires pour des jeunes gens à partir de 17 ans : l’éducation physique devait être la base de cette préparation militaire ; les principales disciplines enseignées étaient la gymnastique, le tir, la marche, le maniement des armes.
Certaines sociétés avaient la gymnastique comme sport de référence, d’autres le tir, mais toutes associaient plusieurs disciplines dans la perspective d’une préparation au combat. Ces sociétés s’organisèrent en fédérations nationales et départementales en fonction de l’approche qui était la leur.
La loi (1885, 1892) vint encadrer l’intervention de ces différentes sociétés créées et organiser la « préparation militaire » : elle définit un unique programme de formation pour l’obtention d’un « brevet militaire » (1903).

En 1905, autre étape, la préparation militaire acquit une importance encore plus grande : elle fut confiée ou à l’Etat, dans ses établissements d’enseignement (Sociétés Scolaires ou S.S.), ou à des Sociétés « agréées par le ministre de la guerre » (S.A.G.), ou à des associations non agréées mais souscrivant un contrat d’association.
Diverses instructions ministérielles précisèrent dès lors ce qui concerne les programmes, les tenues, les moyens (formateurs, stands, matériel de tir, locaux, diplômes…), et des financements furent prévus.
 

Des sociétés laïques de gymnastique, de sports, de tir et préparation militaire à Quimper

En 1895, le Préfet du Finistère recense les « sociétés de gymna-stique, de tir et d’instruction militaire » existant dans le département.
Il cite « la Quimpéroise » (gymnastique, exercices et tir), « La Brestoise », (gymnastique et tir), « la Morlaisienne » (gymnastique), une autre morlaisienne appelée « la Société mixte de tir » et « la Landernéenne » (tir) (ADF 4 M 409).

« La Quimpéroise » a été fondée fin 1887 à la Mairie de Quimper à l’initiative de la société civile, plus exactement des premiers républicains de la ville : son président est Adolphe Porquier, le faïencier, qui sera maire de Quimper de 1896 à 1909.
Elle a comme buts :
  • de développer les forces physiques et morales des jeunes gens par l’emploi rationnel et hygiénique de la gymnastique et des sports en général.
  • d’accroître les forces défensives du pays par la vulgarisation des exercices militaires et des marches (ADF. 4M 422 - 2 février 1912).
Elle obtint après 22 ans de fonctionnement l’agrément du Ministre de la Guerre (S.A.G.) le 23 avril 1909 pour contribuer, dans le cadre officiellement défini, à la préparation militaire de la jeunesse, et accéder ainsi à divers avantages (subventions, prix et diplômes, fournitures en matériel de tir...).
Un rapport préfectoral du 22 février 1912 la présentait ainsi : « La Quimpéroise » est rattachée à l’Union des Sociétés de Gymnastique de France, déclarée d’utilité publique. Elle donne l’éducation physique conformément aux instructions ministérielles de l’Instruction publique et de l’armée… elle a organisé un cours spécial préparatoire au brevet militaire. Son enseignement pratique est complété par des causeries et des conférences sur des sujets comme l’anatomie et la physiologie élémentaires, l’hygiène, les principes sommaires de la morale, les droits et devoirs civiques, l’anti-alcoolisme. La société compte actuellement 102 gymnastes de 13 à 20 ans, dont 40 sont élèves dans les écoles publiques. Il faut y ajouter 25 « scolaires » formant une section de fifres. Il ressort de là que « la Quimpéroise », prenant les jeunes gens dès l’école, les retient à leur sortie pour les conduire jusqu’à l’heure de la conscription. (ADF. 4M 422).

« La Cornouaille » est une autre société quimpéroise, spécialement consacrée au tir, « société mixte » (réunissant des militaires et des civils), fondée en 1897 « avec le concours du 86ème Régiment territorial d’Infanterie ». « La Cornouaille » a intégré la Fédération des sociétés de tir du Finistère, et à travers celle-ci la Fédération nationale correspondante. Elle a pour devise « Si tu veux la paix, prépare la guerre » (Statuts, art.1) et pour but statutaire « d’accroître les forces défensives du pays, en développant le goût et la pratique du tir » (art.2). « Elle n’a aucun caractère politique. Toute discussion politique et religieuse est formellement interdite dans les réunions de la Société » (art.3). Les membres élèves son âgés d’au moins 16 ans (Statuts. ADF 4M 422).

Dès avril 1898, « La Cornouaille » compte 146 adhérents (ADF 4M 409). En mai 1913, le Préfet constate : « Cette société, la plus importante de l’arrondissement de Quimper, compte actuellement 462 membres, dont plusieurs élèves du Lycée de Quimper et les élèves-maîtres de l’Ecole normale. Elle rend les plus grands services au point de vue de l’enseignement du tir et de la préparation au brevet d’aptitude militaire » (ADF 4M 422).
 

Des sociétés de tir communales un peu partout

La loi du 21 mars 1905 portant réduction à deux ans du service militaire et développement des formations pré-militaires conduisit rapidement à créer dans un maximum de communes des sociétés de tir. En témoigne, pour ce qui concerne le Finistère, ce courrier du 20 août 1908 de l’Inspecteur d’Académie au Préfet du Finistère (ADF 4M 409) :
« Le 13 décembre (1907) mon prédécesseur vous adressait un rapport très documenté où il vous faisait savoir que l’enseignement du tir était donné d’une façon méthodique et raisonnée dans 77 écoles de garçons du Finistère.
Ce nombre a certainement augmenté depuis cette époque et je ne doute pas que lorsque je vous adresserai dans quelques mois le rapport annuel prévu par la circulaire ministérielle précitée, je n’aie à enregistrer une notable augmentation du nombre de ces associations (…)
Je vous serais obligé de proposer au Conseil Général, lors de sa prochaine réunion, de vouloir bien voter un crédit de 1000 francs par exemple, destiné à venir en aide aux sociétés existantes et à faciliter la création de nouveaux groupements. »

Effectivement, l’année suivante, le Conseil Général, en sa session d’août 1909, vote un crédit supplémentaire de 1000 francs au bénéfice des sociétés de tir scolaires et post-scolaires.

Dès lors, à Quimper, la Société « La Cornouaille » se montre très active pour obtenir l’implantation, autant que possible dans toutes les communes, d’une société locale de tir dans le réseau des écoles publiques. En effet, depuis plusieurs années, « La Cornouaille » a formé au tir de nombreux élèves-maîtres de l’Ecole Normale, ce qui permet de trouver dans la plupart des écoles un ou deux instituteurs susceptibles de devenir instructeurs à leur tour, tant auprès des élèves que des anciens élèves qui attendent leur départ au service militaire.
Nous pouvons observer avec quel dynamisme un dénommé Georges Koechlin1, qui est lieutenant de réserve du 118ème Régiment d’Infanterie, et par ailleurs vice-président de « La Cornouaille » va implanter des comités de tir dans les communes des environs de Quimper.

D’abord en 1907, fondation d’un comité à Bénodet, avec stand de tir installé à l’école du Perguet (Déclaration au J.O. du 30 juillet et premier concours le 2 septembre). Voici ce que Koechlin fait valoir au préfet, qu’il sollicite pour doter le concours d’une médaille : « Bien que conformément à la circulaire sur les sociétés de tir, il n’est pas question de politique, Bénodet, noyau de républicains, appréciera certainement à sa juste valeur la faveur que vous voudrez bien lui faire » (ADF 4M 409). Trois concours de tir ont lieu chaque année, en avril, août et septembre, avec participation de nombreux Quimpérois et séries réservées aux dames.
« … le but de cette société et celui des concours qu’elle organise chaque année : vulgariser l’étude du tir, l’enseigner à l’école aux enfants de 10 à 14 ans, conserver chez les adultes le goût du tir, c’est-à-dire coopérer à la défense nationale » (Le Finistère du 14 août 1909).

Le journal Le Finistère va annoncer de nouvelles créations de comités de tir de 1907 à 1910 : La Forêt-Fouesnant, Fouesnant, Gouesnach, Briec, Concarneau, Saint-Evarzec, Loctudy, Douarnenez, Plogonnec, Elliant… Il informe des dates de concours, des prix annoncés puis des résultats et performances.

La Société « l’Elliantaise » a son comité directeur composé de trois instituteurs. Elle instruit une cinquantaine d’élèves et également des anciens élèves. Argument avancé par le préfet pour obtenir une subvention du ministère en 1914 : « La Société de tir « l’Elliantaise » rend de grands services dans une commune où la concurrence faite par l’école libre à l’école laïque est particulièrement vive » (ADF. 4M 416 – mai 1914).
 

Le Comité de tir d’Ergué-Gabéric

L’évènement a eu lieu le 4 mai 1909.  Le Finistère2 du 8 mai 1909 l’annonce :
 
Ergué-Gabéric.
Création d’une société de tir. – Une société de tir vient de se fonder à Ergué-Gabéric sous le patronage de l’Union des Sociétés de tir de France. Le comité a été constitué comme suit : président-fondateur, le délégué de l’U.S.T.F. ; président actif, M. Tanguy, instituteur ; vice-président, M. Le Roux, propriétaire ; secrétaire-trésorier, M. Lennon, secrétaire de mairie ; directeur de tir, M. Le Borgne, instituteur-adjoint.
Ont en outre été nommés membres d’honneur : M. Le Roux, maire, et M. l’inspecteur primaire Chanticlair.


Le premier concours de tir organisé par le comité a lieu le 18 juillet. Nous apprenons par Le Finistère (17 juillet 1909) que le comité a essuyé des critiques concernant son obédience politique.

Ergué-Gabéric.
Concours de tir des sociétaires – Dimanche 18 juillet aura lieu le premier concours de la société de tir d’Ergué-Gabéric, sous la présidence de M. Tanguy, instituteur, président de la société.
Grâce au dévouement de ce dernier, qui a eu maintes fois maille à partir avec ses adversaires politiques, la société a pris un essor sur lequel on ne pouvait guère compter au début. Fondée le 4 mai 1909, cette société ne compte pas moins de 65 membres.
Aujourd’hui, ses détracteurs ont reconnu que, suivant les statuts, les questions politiques et religieuses étaient exclues des réunions et le but patriotique a fait triompher le comité.
De nombreux prix sont offerts pour ce concours. Pour y participer, se faire inscrire en arrivant à l’école d’Ergué-Gabéric.
Le coût de la série pour les adultes est de 0 fr. 25 et pour les jeunes gens de 0 fr. 15. La cotisation annuelle est de 1 fr. pour les adultes et de 0 fr. 50 pour les pupilles.

Ces premiers pas difficiles sont confirmés par M. Koechlin dans sa lettre au préfet du 26 octobre 1909 : « De grandes difficultés ont empêché au début les fondateurs de la société d’agrandir le nombre de ses membres. Reconnue par tous d’une utilité incontestable, la société vit normalement des ressources apportées par les cotisations ».
Mais ceci n’empêche pas de solliciter une subvention du Conseil Général (ADF 4M.416). Le Préfet y va de son avis favorable, et intervient également auprès du Ministre de l’Intérieur pour une demande de prix à remettre aux meilleurs tireurs, en recourant à ce seul argument : « les membres dirigeants sont républicains » (lettre du 5 novembre 1909. ADF 4M 416). Comme pour bénéficier d’un tel avantage la société doit avoir reçu l’agrément S.A.G., des renseignements plus précis sont demandés par ce ministère. Le Préfet confirme dans sa réponse du 20 novembre : « J’ai l’honneur de vous faire connaître que cette société, qui a souscrit la déclaration prévue par l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901, a pour but la vulgarisation du tir. L’attitude politique de ses membres dirigeants est républicaine » (ADF 4M.416).
Le comité forme ses membres au tir à travers des cours théoriques et des exercices pratiques. Les séances de tir ont lieu dans la cour de l’école publique du Bourg. Les sociétaires sont répartis en trois sections : les pupilles (enfants de l’école), les adultes (jeunes gens de 13 à 20 ans) et les vétérans (plus de 20 ans), les cours ayant lieu de mars à août, comme le précise Le Finistère du 25 février 1911.
Ce journal annonce régulièrement les concours de tir organisés à l’école par le comité : concours entre sociétaires et concours ouverts aux membres des comités voisins. Ainsi en 1910, pour le concours des 1er et 8 mai : annonce au journal du 16 avril, information sur les prix à attribuer (23 avril) et résultats (14 mai). Un autre concours a lieu le dimanche 27 juin (annoncé le 25).

A l’occasion d’une nouvelle demande de médaille à attribuer (lettre du 2 mai 1911. ADF 4M 416), nous apprenons que l’effectif est de 62 membres. Trois journées de concours se suivent dans l’année (mai, juillet et août, cette dernière propre aux pupilles). Souvent, une série de tirs est réservée « aux dames ». Un rythme d’activité identique de concours a été suivi de mars à septembre les années 1912, 1913 et 1914. M. Tanguy, le président, a été destinataire d’une lettre de félicitations du ministère, au titre des sociétés de préparation et perfectionnement militaire pour l’année 1912 (Le Finistère du 26 juillet 1913).

La guerre contre l’Allemagne est déclarée le 2 août 1914. Les membres du Comité de tir vont hélas ! devoir tirer à balles réelles sur d’autres hommes.

 

L’apparition des « Paotred Dispount » sur la scène locale

Foot à Ergué-Gabéric - Etienne Le Grand
Photo prise par Etienne Le Grand pendant la Grande Guerre.
Entre deux combats, les soldats se repliaient en arrières des lignes, pour quelques jours de repos. Ici, partie de football, avec les fusils de guerre en faisceau pour spectateurs.
 
 

A partir de la déclaration de guerre, nous n’avons plus aucune information concernant le Comité de tir d’Ergué-Gabéric. Il va subir le même sort que la plupart des autres comités de tir communaux créés depuis 1907 : à la fin de la guerre, ils auront perdu plusieurs de leurs membres, parfois leurs instructeurs ou responsables, et probablement la motivation pour préparer une nouvelle guerre.
Le Président départemental de la F.S.T.F. (c’est Georges Koechlin, depuis 1913) fait savoir le 24 mai 1919 dans le journal Le Finistère aux différents comités du département qu’il « serait heureux de reprendre contact avec les sociétés affiliées à la Fédération afin de savoir si elles sont en état ou non de reprendre leur activité d’avant-guerre » et propose de les aider éventuellement à retrouver le chemin des stands. En réalité, la plupart d’entre elles disparaissent à ce moment..

Que se passe t’il donc désormais à Ergué-Gabéric ? Tentons un balisage rapide.
Rappelons d’abord l’arrivée à la mi-Juillet 1913 au presbytère d’Ergué-Gabéric d’un nouveau vicaire, l’Abbé Louis Le Gall. C’est autour de lui que va s’opérer le rassemblement de jeunes gens qui constituera les « Paotred dispount ».
Après un an de présence, il est mobilisé, à 38 ans, pendant environ 3 années de guerre, servant au front dans un service d’ambulances, puis à l’arrière. « Après avoir été réformé, (il) fut successivement auxiliaire dans les paroisses de Fouesnant, Edern et Morlaix » (extrait du registre-journal de la paroisse).
Un premier repère important apparaît sur le terrain administratif : la parution au « Journal Officiel » du 23 septembre 1919 de la déclaration faite le 5 septembre précédent d’une Société désignée « Les Sans Peur3 », dont l’objet est très brièvement annoncé : « Développer les forces physiques, la pratique du tir » Son siège Social est « au Bourg d’Ergué-Gabéric ». La seule activité précisément indiquée : « la pratique du tir ». Comme si c’était la seule discipline à annoncer explicitement. Il y a un enjeu en effet : tôt ou tard, il va falloir que cette jeune Société obtienne l’agrément S.A.G., qui ouvre la voie aux subventions et à des avantages multiples.

Un match de football a bien eu lieu auparavant, le 9 mars 1919 (Le Finistère des 1, 8 et 15 mars 1919). Le « Stade Quimpérois » joue contre une équipe désignée sous le nom « A.S. d’Ergué-Gabéric » dont le journaliste déclare que « la valeur nous est totalement inconnue, mais qui, composée de jeunes gens de la classe 1920, compte résister au Stade ». Il poursuit : « Après Kerfeunteun, voici Ergué-Gabéric, bientôt Ergué-Armel qui viennent au sport ; le Stade Quimpérois est heureux d’assister à cette éclosion de sociétés voisines et de pouvoir les encourager en les faisant applaudir du public quimpérois ». En effet, le dimanche précédent, le Stade Quimpérois invitait sur son terrain une « Union Sportive Quimpéroise » constituée surtout sur Kerfeunteun, et le match était présenté comme « le premier match sérieux du Stade Quimpérois » (après-guerre), qui allait « mettre sur pied un « onze » de bonne valeur ». Nous ignorons à quoi correspond cette « A.S. d’Ergué-Gabéric » et nous ne la retrouverons plus dans les chroniques sportives. Cette équipe n’a peut-être rien à voir avec les « Paotred » On peut penser que le Stade Quimpérois, qui était en mesure de constituer plusieurs équipes de jeunes joueurs, cherchait dans les communes proches des adversaires à qui les opposer, mais n’y a pas toujours trouvé le répondant recherché.

Voici encore un match de foot contre une équipe du Stade Quimpérois. C’est en 1922 : le dimanche 29 janvier, « la 4ème du Stade a eu raison des Paotred dispount par 13 buts à 0 (Le Finistère du 4 février 1922).

Ce n’est pas le soutien du Stade Quimpérois4 qui va permettre de lancer une société sportive à Ergué-Gabéric : c’est plutôt dans le sillage d’un patronage quimpérois, celui de la paroisse Saint-Corentin, que ce qui va s’appeler définitivement « les Paotred Dispount » va prendre son essor à partir de 1920. Ce patronage quimpérois, c’est « La Phalange d’Arvor », créée en 1904. Il pratique principalement les disciplines de la gymnastique. Sous la forte impulsion de l’Abbé Le Goasguen, vicaire à la Cathédrale, il tient à Quimper la dragée haute à la société laïque « la Quimpéroise ». A partir de 1910 il dispose d’une équipe de football qui va vite progresser ; la « Phalange » organise aussi, bien sûr, des formations de préparation militaire.

L’Abbé Le Goasguen est par ailleurs le secrétaire de l’Union Départementale des Patronages, ce qui lui confère toute l’autorité nécessaire pour développer et orienter le réseau des patronages.
Alors qu’il vient de participer à Paris au Congrès de la F.G.S.P.F. (Fédération Gymnastique et Sportive des Patronages de France), il est chargé le 22 novembre 1920, d’en présenter les décisions à Landerneau lors d’une réunion des directeurs de patronages du Finistère : il est décidé de limiter désormais les relations avec les autres fédérations, en particulier laïques, et de renforcer l’organisation des patronages catholiques entre eux. « Il a été adressé aux directeurs de patronage une circulaire recommandant les rencontres interpatronages pendant la saison qui va s’ouvrir. La circulaire insiste sur l’avantage de rencontres amicales entre jeunes gens formés par une même discipline et animés d’un même esprit… » (Le Finistère du 24 septembre 1921).

Ainsi, en football, pour le secteur de Quimper, un challenge regroupant 15 sociétés va se dérouler entre le 1er octobre 1921 et le 15 avril 1922 Désormais, les « Paotred dispount » vont disputer leurs matchs presque exclusivement dans ce cadre du Challenge des Patros de la F.G.S.P.F. de la Cornouaille. (Progrès du Finistère du 15 octobre 1921).

Foot-ball
Challenge départemental de la F.G.S.P.F. - C’est dimanche prochain 16 octobre que commencent les rencontres des équipes affiliées à la F.G.S.P.F. dans le secteur de Quimper qui comprend toute la Cornouaille. Déjà 15 sociétés sont engagées et nous recevons chaque semaine de nouvelles adhésions qui nous permettrons sous peu de constituer un nouveau groupe.
Voici les matchs annoncés pour dimanche : Fleurs d’Ajonc de Pont-Aven reçoit Lions Saint-Marc de Trégunc - Les Mouettes d’Arvor de Lanriec reçoivent Concarneau - La Phalange d’Arvor 1re va contre l’Avant-Garde de Quimperlé - Les Potred-Dispount 1re d’Ergué-Gabéric contre les Jongleurs de N.D. à Quimperlé - Les Potred-Dispount 2e d’Ergué-Gabéric contre Riec - La Jeanne d’Arc Quimper 1re reçoit la Phalange d’Arvor 3e - La Phalange Saint-Joseph de Combrit reçoit la Jeanne d’Arc de Pont-l’Abbé.

De même pour la gymnastique et la clique : les « Paotred » sont invités à se produire à Saint-Denis quand la « Phalange » y organise une journée festive au nouveau Foyer des Familles le 1er mai 1921. De même à la kermesse de la « Phalange » le 12 juin 1921. (Progrès du Finistère du 18 juin 1921).

La Phalange d’Arvor.
Grande Fête à Saint-Denis, 12 juin. - Dès 6 h. ½, les sons joyeux des trompettes (…)
A 2 heures, nous entendons les clairons. C’est la Société des Paotred dispount, conduite par M. l’abbé Le Gall, d’Ergué-Gabéric. Cette jeune Société produit bon effet. J’en juge par les exclamations qui se font entendre à leur entrée : « Oh ! ils sont costauds !! ». Quelques minutes après, les jeunes de la Jeanne-d’Arc font leur entrée  (…)
Puis viennent les exercices en plein air, acrobaties..., ballets des Pierrots.
Un compliment aux Potred dispount pour leur travail aux barres : c’est bien, très bien.
La Jeanne-d’Arc, par ses représentations théâtrales, a fait réellement plaisir.
Les pyramides de la Phalange d’Arvor, comme tout son programme du reste, ont été artistiquement enlevées ( …)

La « Phalange » entraîne les gymnastes des « Paotred » avec elle dans ses déplacements : au Festival de Quimperlé le 26 juin suivant, puis à Brest au concours régional de gymnastique de la Fédération des Patros à la mi-août.

C’est ce même été, le 3 juillet 1921, qu’a lieu l’inauguration du « Patronage du Sacré-Cœur »5 au lieu-dit « l’Hôtel » où les « Paotred » disposent d’une grande salle au rez-de-chaussée d’une maison, et d’un terrain équipé d’une baraque. L’évènement est annoncé par un article du Progrès du Finistère le 2 juillet 1921.

Ergué-Gabéric.
Inauguration du Patronage. - Demain dimanche, 3 juillet, aura lieu l’inauguration du Patronage du Sacré-Cœur par Mgr Duparc, Ergué-Gabéric.
Inauguration du Patronage. - Demain dimanche, 3 juillet, aura lieu l’inauguration du Patronage du Sacré-Cœur par Mgr Duparc, évêque de Quimper et de Léon, avec le concours de la « Phalange d’Arvor » et de la « Jeanne-d’Arc » de Quimper.
A 11 heures, messe pour les gymnastes, au bourg, à l’église paroissiale. Allocution de M. Le Goasguen, directeur de la « Phalange ».
Après la messe, départ pour l’Hôtel, dîner. A 2 h, arrivée de Mgr Duparc. A 2 h ½, vêpres dans la baraque, bénédiction de la statue, du drapeau. Allocution de Mgr Duparc. A 4 h, mouvements d’ensemble, exercices aux agrès, ballet des Pierrots.
Rendez-vous dimanche matin, à 11 heures moins quart, dans l’allée de Pennarun.
Le directeur : Le Gall, vicaire

Les « Paotred Dispount » se sont constitués sur le modèle de la « Phalange d’Arvor » : un lieu convenant aux activités, une bonne équipe de gymnastes accompagnée d’une clique ; une équipe de football de bon niveau, et enfin des cours de préparation militaire conduisant à la participation à des concours de tir et à l’examen du Certificat de Préparation au Service Militaire. Ainsi, à l’issue de la 2ème session d’examen sanctionnant la préparation militaire de la classe 22, organisé à Quimper, nous verrons apparaître parmi les candidats à qui est attribué le C.P.S.M. deux sociétaires des « Paotred » : Pierre Quéré et Marcel Le Gallès (Le Finistère du 16 septembre 1922).

Les « Paotred Dispount » sont prêts pour assurer une très belle prestation à Odet à l’occasion des Fêtes du centenaire des Papeteries Bolloré en juin 1922, pour la plus grande satisfaction de René Bolloré, leur président, et de ses invités.

A suivre…

 
  1. Georges Koechlin, né en 1872, est le fils d’un industriel de Mulhouse fortement engagé dans la guerre de 1870 contre l’occupation allemande. Il se replia en Suisse, puis à Paris et enfin à Bénodet, où il construisit une villa qui devint l’Hôtel Kermor. Le fils partage les idées républicaines et l’esprit de revanche du père. Lieutenant de réserve au 118ème R.I. de Quimper, il habite Quimper. Il est entomologiste de profession.
  2. Journal républicain fondé par Louis Hémon en 1872. Louis Hémon aura été député de Quimper de 1876 à 1885 et de 1889 à 1912, puis sénateur jusqu’à sa mort en 1914. - Le délégué du l’U.S.T.F (Union des Sociétés de tir de France) est M. Georges Koechlin. - M. Le Roux, propriétaire, est probablement Jean-Louis Le Roux, de Lezouanac’h, leader des républicains, conseiller municipal et délégué cantonal auprès des écoles publiques, futur maire de 1925 à 1929.
  3. Cette déclaration officielle semble préférer la traduction en français du véritable nom : « Paotred dispount ».
  4. Le « Stade Quimpérois » a vu le jour sous la forme d’association déclarée en 1905. Des matchs de football se déroulaient dès 1904 entre lycéens sur le plateau de la Déesse, ou au vélodrome du Véloce-Club ou au champ de manœuvre sur le Frugy. Le « Stade Quimpérois » eut d’abord le même président que « la Quimpéroise » un professeur du Lycée, François Parent… Le « Stade Q » dominait avant la guerre de 14-18 le championnat de Basse Bretagne avec l’A.S. Lambézellec. Il doit se reconstruire après la guerre.
  5. Cette appellation est rarement attestée. Les salles de patronage étaient souvent dédiées à un saint, dont elles portaient le nom. Le patronage lui-même prenait ou ne prenait pas le nom de ce saint pour se désigner lui-même.
 
François Ac'h - keleier Arkae 77 - février 2013