Cahier de charges et doléances de la paroisse d'Ergué-Gabéric

 

Le cahier de doléances a été rédigé le 12 avril 1789, quinze jours avant la tenue des Etats généraux de Versailles. Ces doléances en neuf points ont été rédigés dans la sacristie de l'église paroissiale par une délégation de treize personnes, probablement le corps politique de la paroisse. C'est Augustin Gillart de Gongallic et Jean Le signour de Keranroux qui furent chargés de porter ces doléances à l'assemblée de Sénéchaussée du 16 avril. 184 députés des paroisses de la sénéchaussée se retrouvèrent ce jour là pour adopter un cahier général. Le 20 avril un cahier commun des sénéchaussées de Quimper et de Concarneau fut rédigé. Trois députés de Quimper, Le Déan, Le Guillou de Kerincuff et Le Goazre de Kervélégan furent chargés de le porter à versailles.

 

CAHIER DE CHARGES ET DOLEANCES DE LA PAROISSE D’ ERGUE GABERIC POUR LES ETATS GENERAUX FIXES AU 27 AVRIL 1789.

 

Nous, habitants de la paroisse d’ Ergué Gabéric, régulièrement convoqués et assemblés pour arrêter le cahier de nos charges, réclamations et doléances pour les Etats généraux convoqués par Sa Majesté à Versailles pour le vingt sept de ce mois :

1- Déclarons et confessons fidélité et obéissance au roi notre souverain Seigneur ; déclarons et professons encore sa personne sacrée.

2-Consentons et désirons qu’il soit pris des mesures sûres pour acquitter la dette nationale.

3-Que, pour y parvenir plus sûrement, les citoyens de tous ordres, rangs et dignités, supportent tous les impôts , indistinctement, proportionnellement à leurs facultés et à leurs biens.

4- Qu’il soit fait une répartition proportionnelle de tous les biens ecclésiastiques, sans distinction, de manière que tous les membres du clergé y aient une part raisonnable et graduelle, depuis l’archevêque jusques aux simples prêtres habitués des paroisses, afin que ceux-ci soient affranchis de la honte de la quête, c’est -à -dire de celle de mendier.

5- Que les citoyens de tous les ordres, sans distinction, contribuent à l’entretien des chemins publics et à la confection des nouveaux, s’il en était besoin.

6- Que le franc-fief, établi lorsque la Noblesse seule faisait le service des armes, soit aboli, aujourd’hui que les armés ne sont composées que du Tiers-Etat.

7- Que la justice ne se rende plus qu’au nom du roi ; que l’exercice de justice au nom des seigneurs soit supprimé ; que la compétence du présidial de Quimper soit élevée de manière que les sujets du roi, de cette extrémité de la province, ne soient contraints d’ aller à Rennes que pour des intérêts majeurs.

8- Que les aides coutumières soient supprimées, toutes corvées déclarées franchissables, le fief anomal ou domaine congéable converti en censive.

9- Nous déclarons, au surplus, adhérer, comme il est juste, aux charges arrêtées par le Tiers Etat dans sa dernière assemblée, desquelles charges qui sont imprimées nous avons parfaite connaissance et lesquelles aussi ont été remises au roi par nos députés vers Sa Majesté.

Fait et rédigé, en la sacristie de l’église paroissiale d’ Ergué Gabéric, ce jour douzième d’avril mil sept cent quatre vingt neuf.

Ainsi signés Hervé C. Lizien, Jean Jaouen, Jérôme Crédou, Jean Le Signour, Jean Lozeach, René Le Guennau, les autres ayant déclarés ne savoir signer quoique de ce requis et interpellé, et le mien avec signature ne mutatur.

Mettez P(rocureur) au présidial.
 
 
 
Le cahier de Doléances d’Ergué-Gabéric est décevant à première vue. Il est tiré d’un modèle qui a largement été diffusé dans la Sénéchaussée de Quimper. Ainsi on trouve à Guengat ou à Plonéis des points similaires si ce n’est la presque totalité du texte.
 
Ce qui peut expliquer ce manque d’originalité c’est le planning très serrés des assemblées primaires de la juridiction de Quimper. Celle-ci comportait 85 paroisses, et les hommes de loi durent effectuer un véritable marathon pour tenir toutes ces réunions. Il fallait faire vite et d’abord déterminer qui était convoqué à cette réunion. Il fallait être majeur et contribuable ce qui limite le nombre de participants. D’après le procès verbal il n’était que treize dont six ont signés.
 
C’est parmi ces six signataires qu’on choisira les deux députés d’Ergué.
 
La qualité des représentants gabéricois n’est pas à remettre en cause, sans doute trouvaient t’ils leur compte dans le modèle qu’on leur présentait.
On y retrouve sans surprise une déclaration d’allégeance au Roi et un soutien au principe des Etats Généraux pour tenter de faire face à la crise financière qui affectait le Royaume. Les représentants d’Ergué optent pour un impôt sur le revenu proportionnel touchant tous les citoyens. Ils se démarquent ainsi de la Noblesse et du Clergé qui en était exempt. Cependant l’assemblée gabéricoise défend le petit Clergé en soutenant une répartition plus équitable des revenus ecclésiastiques. Là encore le clivage entre haut et bas clergé est clairement prononcé. En voulant supprimer la quête du dimanche, c’est sans doute plus la défense de leur propre intérêt que la défense des prêtres, que les Gabéricois mettent en avant.
 
Dans le chapitre corvée, l’entretien des routes, doit être supporté par tous, comme les impôts. C’est le principe d’égalité. L’abolition du franc fief est plus intéressant. C’était un droit que le détenteur roturier de biens nobles devait payer au noble qui possédait anciennement la terre. En principe ce droit était dû tous les vingt ans. C’est une sorte de rachats de droits féodaux. On comprend que les propriétaires terriens d’Ergué ainsi que les bourgeois des villes soient intéressés par l’abolition de ce droit qui renchérissait les terres.
 
Les paysans souhaitent aussi racheter les corvées et supprimer le domaine congéable. Ce système typique de Basse Bretagne donnait la propriété des terres et des arbres au bailleur, le fermier étant propriétaire des édifices, des talus et des fossés ainsi que du bois de taillis. Ce système est considéré comme une survivance féodale c’est pour cela qu’il est assimilé a la notion floue de fief anomal c'est-à-dire irrégulier. Il a été systématiquement remis en cause avant la Révolution, mais il n’a pas été aboli au grand dam des tenanciers. D’ailleurs le cahier des sénéchaussées de Quimper et Concarneau ne retient pas l’abolition du domaine congéable, alors que 46 communes l’avaient demandée.
 
Il semble donc que les Gabéricois n’est pas pris très au sérieux la rédaction de leur cahier de Doléances. Ils ont confié ce soin au corps politique de la paroisse qui était habitué à relayer les information des Etats de Bretagne lors des prônes dominicaux. Il ne semble donc pas qu’il y ait eu une prise de parole et une expression des revendications profondes à Ergué-Gabéric contrairement à maintes paroisses qui n’ont pas hésitées à remettre en cause de façon virulente le pouvoir féodal.
 
Bernez rouz