Bodenn
Ses jeunes années se déroulent à Odet, mais également à Nantes, dans sa famille maternelle. Après le décès de son père, en 1935, la famille se replie à Paris, puis revient, pendant la Seconde Guerre mondiale, à Odet.
À 17 ans, en mars 1943, Gwenn-Aël Bolloré embarque avec neuf compagnons pour rejoindre les Forces françaises libres pour la Grande-Bretagne. Il entre dans les commandos de marine, seule unité qui accepte des hommes de moins de 18 ans. Il débarque à Ouistreham, en Normandie, le 6 juin 1944, avec le célèbre commando Kieffer et les « bérets verts ». Il racontera plus tard son aventure de marin-infirmier dans le livre Nous étions 177. Il recevra également la Croix de guerre et la médaille de la Résistance pour son engagement militaire.
Après la guerre, il fréquente les milieux artistiques parisiens, côtoie Boris Vian, Jean Cocteau, Roger Nimier et les caves de Saint-Germain-des-Prés. Cinéaste, il produit des courts-métrages et un long : Les naufrageurs, dont il signe le scénario. Ce film est tourné par Charles Brabant en 1959 en pays bigouden avec les acteurs Henri Vidal (Yann Le Cœur) et René Cosima (Moïra la Sorcière). Gwenn-Aël Bolloré reste également proche des milieux littéraires. Il dirige ainsi la maison d'édition La Table ronde à Paris, de 1953 à 1988. Écrivain, il signe une bonne vingtaine d'ouvrages, tantôt scientifiques, tantôt romanesques, tantôt biographiques, comme Né gosse de riche, qui retrace sa jeunesse. Il accueillera souvent des écrivains à Odet et présidera des salons littéraires, tels que celui du livre maritime à Concarneau.
Gwenn-Aël Bolloré est un passionné de mer et de sciences. Parallèlement à ses activités professionnelles et artistiques, il parcourt les océans à la découverte de poissons que l’on croyait disparus. Ainsi du cœlacanthe et de crabes jusqu’alors inconnus. Après la guerre, il reprendra des études scientifiques et obtiendra un doctorat à 50 ans. Il construira aussi un musée océanographique à Odet, réunissant des collections de minéraux, de poissons et crustacés. L’entrée de cette étonnante bâtisse fut longtemps bordée d’os de baleine et surmontée d’une dent de narval.
Avec ses deux frères, René III et Michel, Gwenn-Aël a codirigé les papeteries Bolloré, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’en 1981. Les premières années, il est formé par les papetiers de l’usine de Cascadec, puis par les ingénieurs de l’usine Ecusta, aux États-Unis. À son retour d’Amérique, il est nommé directeur technique des papeteries, puis, en 1952, vice-président du groupe. Il dirige l’usine aux côtés d’une équipe d’ingénieurs et voyage souvent pour étudier l’évolution de la fabrication du papier à cigarettes : « c’est quelque chose de vivant, le papier, ce n’est pas de la mécanique pure : il faut savoir le pourquoi et le comment, il faut sentir la chose ; si on ne sent pas la chose on est un mauvais papetier » (source : voir le lien en bas de page). Avant son départ en retraite, il fait entrer aux papeteries une première machine de papier polypropylène.
Gwenn-Aël Bolloré a vécu pleinement son siècle. Il a laissé trace de son passage à Odet à travers des livres et des passions maritimes. Après son décès, en 2002, sa fabuleuse bibliothèque fut vendue aux enchères après avoir été exposée à la bibliothèque de Quimper. On se rappelle en particulier du manuscrit de « Nord », le célèbre livre de Céline. De manière plus générale, Gwenn-Aël Bolloré a laissé le souvenir d’un homme chaleureux et accueillant.
Voir l'interview réalisée par Bernez Rouz et Gaëlle Martin en 2000 : http://www.arkae.fr/index.php/component/content/article/23-tresors-darchives-fr/403-arkae-g-tresors-darchives-g-personnages-g-gwenn-ael-bollore
D'après une synthèse de Pierre Faucher.
À la mort de ses parents, décédés à 15 jours d'intervalle en 1838, Jean-René Bolloré se trouve, à 20 ans, en charge de ses trois jeunes sœurs. Un an plus tard, en 1839, il est engagé dans la Marine nationale et part sur les mers. En 1847, il se marie à Elisa Bolloré (1824-1904), sa cousine. Elisa est la fille de son oncle, Guillaume, et de Marie Perrine Le Marié, la sœur de Nicolas Le Marié. Après son mariage, il devient le gendre de René-Guillaume Bolloré, fabricant de chapeaux à Quimper.
Son diplome de chirugien de troisième classe en poche, Jean-René Bolloré embarque à 20 ans sur un frégate de 52 anons, l'Amazone. Commence alors une vie de bourlingue, qui le conduit de Brest en Chine, en passant par la Méditerranée et le Brésil. La vie en mer de Jean-René est connue grâce au journal de bord qu'il a écrit : "Voyage en Chine et autres lieux". Ce texte a été publié par la Société finistérienne d'histoire et d'archéologie en 1979 et préfacé par Gwen-Aël Bolloré, son descendant. Dans ce récit de voyage, on le voit protestant contre l'état sanitaire du bateau ou s'affrontant au commandant qui refuse la rapatriement d'un matelot dysentérique. Il y dit aussi l'ampleur de son travail : en 1843, il dénombre 256 interventions, tous cas confondus. Les maladies vénériennes, apportées de Chine, occupent une grande partie de son temps.
Avant les années 1850, la famille Bolloré ne semble guère avoir suivi l'implantation et le développement de la papeterie d'odet. Mais en 1859, René-Guillaume Bolloré, l'oncle d'Elisa (épouse de Jean-René), est présent par sa signature sur une demande de construction de pont sur l'Odet. À la barre de l'entreprise à partir de 1861, Jean-René Bolloré se serait montré prudent à ses débuts et conscient des limites son savoir en matière de gestion industrielle. Cela ne l'a pas empêché d'agrandir l'usine et d'investir dans du nouveau matériel pour s'adapter aux exigences du marché. Du papier fabriqué à partir de chiffons (dont le coût s'accroît en raison de sa raréfactrion), il passe au papier fin. Ainsi les débouchés s'élargissent considérablement. Dans les années 1860, l'arrivée du chemin de fer à Quimper ne procure pas à l'entreprise les avantages escomptés. Si elle ouvre la voie vers les principaux centres de consommation, elle augmente aussi les coûts de production, car il faut transporter jusqu'à la gare les marchandises. Les sources d'énergie poseront aussi problème. Avec l'installation de machines mordernes plus performantes, la prise d'eau aménagée sur la rivière ne suffit plus à l'alimentation de l'usine. Il faut alors recourir à de nouvelles forces motrices, en investissant. Ce que fera Jean-René Bolloré.
Jean-René s'intéresse à la politique. Élu conseiller général en 1873, il présente sa candidature dans la 2e circonscription de Quimper aux élections législatives de 1876. Mais face au député sortant Georges Arnoult, il essuie un revers cuisant dès le premier tour de scrutin. La Chambre ayant été dissoute, il retente sa chance l'année suivante, avec, cette fois, l'avocat Louis Hémon. Sans plus de succès.
Miné par la maladie, Jean-René Bolloré décède en 1881, laissant sa femme, Elisa, avec cinq enfants. Au moment où il meurt, la papeterie est florisssante, employant plus de 80 salariés et atteignant le stade industriel.
La veuve de Jean-René, Elisabeth Bolloré gèrera pendant une dizaine d'années, entre 1881 et 1891, la partie administrative de la papeterie d'Odet. Ce fait est relaté dans une lettre adressée à l'évêque en 1891.
Source : d'après Pierre Faucher, La papeterie d'Odet, 2018, classeur disponible au local de l'association Arkae.