Rapide présentation de la chapelle de Kerdévot

Ce texte est issu du dépliant disponible lors des visites guidées de l'été à la chapelle. Il a été établi sous le contrôle de Gaëlle Martin, adjointe au patrimoine d'Ergué-Gabéric, et traduit en plusieurs langues.

 

Kerdévot Photo Clélia Steczuk 2018Arrivant par une route sinueuse de campagne, on remarque la gracieuse flèche de la chapelle de Kerdévot, entre les frondaisons. Sur le placître, abrité par deux chênes séculaires, sont groupés la chapelle, le calvaire et la sacristie. A 300 mètres, dans le champ voisin, la fontaine. En entrant dans le porche sud, on est surpris par l’ampleur de l’édifice : 13 m de hauteur, 30 m de long. L’ensemble est harmonieux. Le plan est un simple rectangle, mais la séparation entre le chœur et la nef est soulignée par un puissant arc-diaphragme et autrefois par un jubé dont il reste un accès dans le mur. Le chevet est plat et percé d’une large baie axiale. Cette formule, très souvent utilisée en Bretagne, est d’origine anglaise. La chapelle est lambrissée. Comme fréquemment en Bretagne, on a utilisé le savoir-faire des charpentiers de marine. Libéré du problème de la poussée d’une voûte, on a pu hausser et ouvrir largement les arches des travées.

Un peu de chronologie
De style gothique flamboyant, la chapelle fut commencée par le chœur vers 1470 et achevée par la nef au début du XVIe. Le chœur est donc contemporain de la progression de la cathédrale et sous l’influence architecturale de ce chantier. Peut-être les maîtres d’œuvre ont-ils travaillé sur les deux chantiers en même temps ? Le clocher, écroulé le 2 février 1701, fut reconstruit l’année suivante. Le maître d’œuvre respecta le style gothique et ajouta des éléments de décoration classique (XVIIe). En réussissant le rapprochement de styles si différents, il fit preuve d’une parfaite maîtrise de son art. Par contre, la sacristie, datée 1705, est clairement du XVIIIe. La toiture à l’impériale, en forme de carène de navire renversée, est une belle réussite. C’est une forme savante héritée des modèles de la Renaissance française, introduite ici en milieu rural. Le calvaire (XVIe) est un des sept calvaires aux Apôtres du Finistère, mais il est très incomplet. Les statues des Apôtres n’ont peut-être jamais occupé leurs niches et le registre supérieur est vide des groupes sculptés qui devaient l’orner.

Pourquoi cette chapelle de campagne présente-t-elle une telle ampleur, une telle richesse ?
La tradition orale veut que la chapelle fut construite pour remercier la Vierge d’avoir arrêté, à la frontière des deux communes, la terrible épidémie de peste qui ravageait Elliant et menaçait Ergué-Gabéric. La « peste d’Elliant » a tellement frappé l’imagination populaire que son histoire est arrivée jusqu’à nous dans de multiples versions, dont une recueillie par Th. Hersart de la Villemarqué dans son livre le Barzaz Breiz, publié en 1839. Dans la réalité, il pourrait s’agir de l’épidémie de 1450, parmi les nombreuses autres épidémies de peste. 
Mais il faut aussi remarquer la grande abondance des armoiries et blasons (vitraux, façades). La noblesse locale s’est fait largement représenter pour ses dons. En effet, à la fin du XVe, cette classe sociale veut témoigner de son ascension dans un contexte politique favorable qui est celui du puissant Etat breton, créé par les ducs dans le courant du siècle. Les ducs eux-mêmes favorisent ce mouvement de rénovation du paysage architectural par une politique de mécénat. L’intérêt du pouvoir ducal pour la construction de Kerdévot se remarque ainsi sur la façade (hermine passante, bannière ducale) et sous le lambris (écu plein de Bretagne).

Les pièces du mobilier : retables et statues
pardon Kerdevot 2014 samedi 13 Benoît BondetLa fabrique de Kerdévot était donc assez riche pour s’offrir une belle construction et, par la suite, de belles pièces de mobilier pour en orner l’intérieur. Le retable flamand est en bois (chêne) polychrome et doré. Il raconte la vie de la Vierge en bas : la Nativité, la Dormition, les Funérailles. En haut, l’Adoration des mages, le Couronnement, la Présentation au temple. Il devait aussi comporter des volets peints. Les trois panneaux du bas et le panneau du couronnement ont été réalisés vers 1500 dans les ateliers d’Anvers. Au XVIIe siècle, un artiste breton a sculpté les deux panneaux du haut, à droite et à gauche. Connaissant l’importance des relations commerciales maritimes entre la Bretagne et les Flandres, on peut supposer qu’il est venu par mer. Mais quand ? Nous n’avons aucune information sur ce sujet. Ce retable a malheureusement été victime d’un vol en 1973. De nombreuses statuettes ont été dérobées. Aujourd’hui sa protection est assurée.
A gauche, la Vierge de Kerdévot est assise sur un trône imposant. Cette Vierge à l’Enfant affirme le triomphe de la maternité. Etant donnés le style et le décor Renaissance, c’est peut-être une œuvre fin XVe, importée d’Italie ou d’influence italienne. On possède peu d’informations sur cette statue remarquable. A droite, une Vierge de la Victoire foule le démon de son pied gauche et présente son enfant de front. Elle peut dater du début XVIIIe.
Quant aux retables des bas-côtés : à droite, celui de la Déploration serait peut-être de la fin XVe et de style hispanisant ; à gauche, le baptême du Christ a été volé en 1973. Il est remplacé par une Epiphanie, peut-être réalisée par un artisan local vers la fin du XVIe. L’encadrement est du XVIIIe.
Une statue de Saint Thélo, chevauchant un cerf, doit être du début du XVIIe. La crucufixion, au nord, est une œuvre composite difficile à dater.