Témoignage sur la mine d'antimoine de Kerdévot

 

Ce texte est extrait de la revue bilingue Evid ar Brezhoneg. Il fut publié en 1975.

Il contient une brève introduction sur l’histoire de la découverte de l’antimoine à Kerdévot.

Il se poursuit par l’interview d’un ancien mineur Jean-René Even  qui habitait Kerroué-Kerfeunteun mais qui était originaire d’Ergué-Gabéric.

 

C’est en 1911 que l’on découvrit, par hasard, ce corps appelé antimoine à Kerzevod, en Ergué Gabéric, près de Quimper. Un jour que les gens du village extrayaient des pierres dans les champs, on en trouva une plus lourde que les autres sans que personne ne sût pourquoi. Cette pierre fut utilisée pendant un certain temps afin de savoir qui aurait la force de la soulever. Mais un jour, elle fut brisée ; les morceaux en étaient bleus et brillants. Le propriétaire des terres interrogea l’un de ses amis, expert en pétrologie, sur ce qu’il enétait. Il s’agissait d’antimoine. Les piques et les pelles se mirent donc à extraire de la terre et à creuser dans la carrière. Il vint trente ouvriers, puis plus de cinquante, travailler à la mine. Ils n’étaient pas tous du pays. Il y eut même des Espagnols, mais beaucoup venaient des environs de Quimper, tel Yann Even de Kerfeunteun. Une fois, les mineurs firent grève ; ils travaillaient pour une société parisienne, la “Société nouvelle des mines de la Lucette”. La grue qui remontait la terre cessa de travailler en 1916. Elle recommença en 1921, jusqu’en 1928. Depuis, on n’extrait plus rien de la mine de Kerzevod.

 

Interview d’un ancien mineur Jean-René Even

Jean-René Even, mineur à KerdévotA quelle époque y travaillez-vous?
C’était avant la guerre de quatorze et je n’avais pas encore trente ans, et maintenant j’en ai quatre-vingt dix.  Je suis maintenant un vieil homme. Pendant 2 ans  j’y ai travaillé.
 
D’où étaient les gens qui travaillaient avec vous ?
Je venais de Kervern, mais tous ne venaient pas d’Ergué-Gabéric. Il y avait aussi des étrangers, de Saint-Malo, de France, et il y avait même des Espagnols. Un des trous dans la mine a été appelé Le trou des Espagnols.
 
Et le travail, comment était-il ?
Comment se passait la journée ?
Nous travaillions pendant sept-huit heures, mais huit jours les gens travaillaient, et il y avait trois groupes. Je commençais le soir et jusqu’au matin je travaillais dans la carrière. Ainsi je pouvais  m’occuper de ma ferme pendant la journée.  Nous extrayions de la terre et à l’intérieur se trouvait l’antimoine. Cette terre  à était remontée à la surface par la grue.
 
Et quelle était la couleur de l’antimoine ?
Elle était bleue, presque noire. Et ensuite je ne me souviens pas très bien  où elle était expédiée. je suis devenu oublieux, mon gars. Dans la Mayenne, par le train je crois.
 
Comment était-ce dans la mine ?  C’était profond ?
Il y avait une cheminée pour descendre en
bas et là, ce n’était pas clair, je te le dis, mon gars. Mais chacun était muni d’une lanterne qui fonctionnait au carbure. Oui. C’était profond, deux ou trois kilomètres sous la terre, jusqu’à Keryann, si vous savez où ça se trouve.
 
Ça n’était pas dangereux ?
ça n’était pas, non. Personne n’a jamais été tué. Nous travaillions comme des taupes et l’eau coulait partout. Mais ce n’était pas mal payé.
 
Combien vous donnait-on à cette époque ?
Je ne m’en souviens pas, mon gars.  J’ai perdu la mémoire…vingt réaux = cinq francs, la journée. Mais nous étions assez bien payés et on nous donnait aussi un morceau de pain. Mais il n’y avait pas de lard.
 
Et depuis les choses ont beaucoup changé ?
Oui, iI y a certainement du changement : le travail n’est plus si pénible qu’auparavant. Il y a maintenant des machines partout et des tracteurs au lieu des chevaux.
 
Et les gens, ils ont changé aussi?
Les gens ? Oh oui, beaucoup. Ils ne sont plus
sérieux. Autrefois, les gens étaient mieux que maintenant. Maintenant, ils sont devenus électriques. La roue tourne trop vite.
 
Collecté par Jean-Michel Kernaleguen
Petit neveu de Yann Even

 

 

Accident à la mine de Kerdevot. Trois ouvriers ensevelis.

(article paru dans l’hebdomadaire Le Citoyen daté du 26 mai 1927).

Contrairement à ce que rapporte  Jean René Even, qui y travaillait avant guerre, il y a eu à la mine de Kerdevot au moins un accident important, à l’occasion d’un éboulement. Mais c’était en 1927, ce qui peut expliquer qu’il n’en a pas gardé de souvenir personnel.

Un accident qui aurait pu avoir d’irréparables conséquences s’est produit samedi soir près de la Chapelle de Kerdévot, où l’on entreprend actuellement l’exploitation d’un gisement d’antimoine.

Trois ouvriers ont été pris sous un éboulement, dans un puits de 10 mètres de profondeur. Ils ont pu être retirés rapidement, grâce à l’activité du personnel qui se trouvait à la surface.

L’un d’eux, Hervé Moisan, 48 ans, habitant à Landudal, a été grièvement blessé. Les deux autres, Michel Heuven, 23 ans, d’Ergué-Gabéric, et Pierre Merrien, 42 ans, d’Elliant, n’ont été que légèrement atteints.

Ils ont été transportés tous les trois à l’Hôpital de Quimper.

 

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