Notes sur les chapelles par Anatole Le Braz

Anatole Le Braz

En 1886 Anatole Le Braz est nommé professeur de lettres au lycée de Quimper. Dès son arrivée, François-Marie Luzel alors archiviste départemental et conservateur du musée archéologique de la ville, l’associe à ses travaux. Anatole Le Braz effectue bientôt ses premières collectes de contes, légendes et traditions. Il se voit confier trois missions officielles par le ministère de l’Instruction Publique, notamment afin de recueillir les traditions populaires sur les vieux saints bretons et leurs oratoires puis sur ce qu’il reste de la tradition des mystères bretons. Dans ce cadre, de 1892 à 1898 environ, il parcourt la Basse Bretagne et se sert de petits carnets sur lesquels il consigne ses observations ainsi que sa rencontre et quelques-uns de ses échanges avec Déguignet. Voici rassemblés des extraits des carnets d’Anatole Le Braz dans lesquels il est question d’Ergué-Gabéric. Ils nous donnent ainsi des aperçus de notre patrimoine dans les années 1890 et nous font part d’éléments et de traditions aujourd’hui oubliés.

 

Fontaine Saint-Guénaël à Kerrouz

« fontaine de Saint-Guénaël près du Stangala au village de Kerrouz où l’on trempait les enfants pour les guérir de certaines maladies. Guénaël patron d’Ergué-Gabéric ». (carnet E 76)

Saint-Guénolé

« Saint-Guénolé : pardon 3ème dimanche de juillet. La chapelle sur une hauteur dans un bois de hêtres ». (carnet E 40)

Photo : Extrait des carnets d'Anatole Le Bras concernant la statuaire de St Guénolé.

« À Ergué-Gabéric, auprès de Saint-Guennolé, il y a une fondrière (eun toul-lap) qu’on appelle poull ar c’héméner. C'est là, disait-on, qu'on trouvait tous les enfants qui naissaient dans les fermes des environs.
Le quéméner qui a donné son nom à ce poull était un tailleur extraordinaire : il allait toujours seul, ne voulait pas d'apprenti. Pour revenir chez lui le soir, il passait toujours par ce poull. Il y avait de l'eau là, dans l'hiver, jusqu'à la ceinture. Chaque fois qu'il arrivait près de ce poull noir, il criait :
- Harz ar Bleiz ! Venez à mon secours, car le loup me dévore.
Il y avait réellement des loups en ce pays, dans ce temps-là. Les gens accouraient pour lui porter aide. Lui alors se moquait d'eux :
- Vous auriez mieux fait de rester au lit.
Mais à la fin, à force de se moquer des paysans, ceux-ci n'allaient plus. Or, un soir, il fut dévoré. On ne trouva que sa tête. Cette tête est encore là sous une grosse pierre debout, un menhir où est sculptée une croix. Cette pierre est toujours là ».
« À Saint-Guennolé, il y a un saint Isidore au-dessus du portail d'entrée, avec une faucille à la main. »

Sainte Apolline

« Il y a en Ergué, sur la route de Kerdévot, auprès de Lezergué, une fontaine de sainte Apolline (santez Apollina).
C'est la patronne des dents : elle est représentée à Saint-Guennolé avec une tenaille à la main, et une dent entre les pinces de la tenaille. On allait à la fontaine jeter des croix de bois, pour le mal de dents. Peut-être la statue de sainte Apolline est-elle maintenant au bourg d'Ergué ». (carnet ED 40 253-258, propos inédits de J.-M. Déguignet recueillis par Anatole Le Braz )

Saint-André

« II y a encore en Ergué-Gabéric la chapelle de Saint-André qu'on a reconstruite il y a une quinzaine d'années.
« Le dimanche des Rameaux, les paysans cornouaillais ont l'habitude de planter un rameau de laurier bénit dans leurs champs ». (id.

Kerdévot

« 29 juin 1899 venu ce soir à Kerdévot. Remarqué l’hermine ailée qui est sculptée au fronton de la Tour. Le calvaire a quatre niches de face et deux sur chaque bout. Toutes vides. On entend du dehors le bruit sourd du balancier qui fend lourdement son heure. Édouard remarque avec raison que quelqu’un qui entendrait cela de nuit - un Breton - serait singulièrement effrayé. Sur la route un peu avant d’arriver à la chapelle et sur la gauche, une maisonnette d’où sortait un bruit de métier de tisserand et un chant de navette. Il y aurait quelque chose à écrire sur un tisserand de Notre-Dame. La chapelle de Kerdévot est une belle chose mais ce qui est encore plus beau c’est le cadre, l’immense chênaie plusieurs fois séculaire qui lui sert de parvis et tout alentour un foisonnement de verdure intense avec entre les grandes frondaisons de jolies éclaircies de soleil sur des prairies, sur des froments, sur des vergers où les fruits se nouent ».
Et plus loin dans le même passage : « Le chêne est à lui seul un monument avec de grandes plaies, de vraies grottes dans son écorce et les bossellements de ses racines qui forment des sièges naturels ». (carnet EG 86)
« Le clocher est d’une sveltesse extraordinaire et pointe très haut au dessus des arbres. On le voit de la montée de tout à l’heure aigü et clair au-dessus des grandes verdures de la vallée boisée où est située la chapelle à mi-versant. Deux fermes sont de part et d’autre : l’une un ancien manoir avec un très grand porche, l’autre masquée derrière un rideau de pins ». (carnet ED 42).

Lezergué

"Vu au château de Lezergué (9 septembre 1893) sur une armoire datant de 1822 dans la cuisine une représentation de saint Edern mitre en tête sur un cerf à corps de cheval très fringant avec énormes bois sinueux, la crosse dans une main. Les gens de la maison savent du reste que c’est saint Edern ». (carnet ED 42)

 

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