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 Louise Kergourlay de Lost ar Gilleg

Souvenirs de Louise Kergourlay

 

" Habitant à Lost ar Guillec depuis un peu plus d’un an, j’ai souhaité mieux connaître ce hameau. Avec Isabelle Guégan, habitante des lieux, nous sommes allées interviewer Mme Louise Kergourlay.
Née à Lost ar Guillec en 1932, elle est actuellement religieuse à Sainte-Anne d’Auray où elle nous avait préparé un très chaleureux accueil. Qu’elle en soit ici remerciée. " 
 

Un trésor à Lost Ar Guillec ?

« La légende veut que le premier bâtiment encore existant de Lost ar Guillec était la maison d’un notaire qui y aurait caché un trésor. La mère de Louise l’avait connu avec un toit de chaume et l’on disait alors que, lorsqu’on le détruirait, on trouverait le trésor… Sans doute est-il très bien caché.
Dans « les aveux collectifs de Christophe Blohio, Françoise Le Roux, sa femme et Jehanne Kerguz, mère de cette dernière », en 1540, on apprend qu’il y avait déjà un bâtiment à Lost ar Guillec. Etant donné le style de cette maison (présence notamment d’une accolade au-dessus de la porte), on peut avancer qu’il s’agissait déjà de celle-ci. Entre temps et jusqu’à ce que le propriétaire actuel l’aménage, elle a servi de débarras, de crèche à cochons.
Entre cette maison et la grande maison (partie neuve actuelle), il y avait un hangar avec le pressoir à cidre ainsi que du bois. On faisait en effet du cidre à Lost ar Guillec où il y avait de nombreux pommiers et le grand-père Nédélec a d’ailleurs reçu des prix pour son cidre bouché.
En 1846, date que l’on peut lire au linteau d’une fenêtre de la grande maison, M. et Mme Laurent s’installèrent à Lost ar Guillec. Peut-être firent-ils construire la grande maison. Ils venaient d’une grande ferme, à environ deux kilomètres de la chapelle de Kerdévot. N’ayant pas d’enfant, ils décidèrent de venir vivre dans une ferme de plus petite taille. Au bout de quelques temps cependant, ils eurent trois filles. De ces trois filles, l’une alla s’installer à Mezanlez. La fille de celle-ci recevra Lost ar Guillec en dot : c’est la grand-mère de Louise. Quant à son grand-père Nédélec, il venait de Lezergué. 
Derrière la grande maison il y avait un appentis avec d’un côté la laiterie et de l’autre, dans une partie plus longue, un âtre surélevé avec deux galettières. C’est là que l’on faisait des crêpes en quantité lors du grand pardon de Kerdévot, quand toute la famille se retrouvait à Lost ar Guillec et à Kergamen (acheté par le grand-père Nédélec). 
 

L’arrivée de la fée électricité

Le grand-père Nédélec acheta le moulin afin d’agrandir sa propriété. A côté, il construisit une autre maison pour sa retraite. Vers 1942-43, alors que le père de Louise et son commis faisaient le tour des fermes pour prendre le grain et rendre le son, ils embarquèrent un homme qui traînait son vélo. Celui-ci leur demanda s’il y avait l’électricité au moulin, ce qui n’était pas le cas. Un peu plus tard il vint y installer l’électricité, ainsi qu’à Kergamen et même à Lost ar Guillec. Il y avait une dynamo et quand le moulin tournait, les accumulateurs se chargeaient et on avait donc de l’électricité. Ainsi, le moulin a permis à la famille d’être les premiers à avoir l’électricité, dans les environs. Lors du débarquement en Normandie, la famille n’avait pas fini de manger que tous les voisins venaient suivre les actualités à la maison. 
L’activité du moulin permettait aussi d’élever un nombre considérable de cochons à Kergamen, puisque le père de Louise prélevait un kilo par sac de son pour les nourrir. 
Le moulin est resté en fonction jusqu’en 1950 environ, période où le père de Louise a cessé l’activité.
 

Un vrai paradis  !

Archives Arkae Louise Kergourlay de Lost ar Gilleg

Là où se trouve actuellement la maison neuve, il y avait un jardin clos, « un vrai paradis ». On y trouvait des poires, des groseilles, des fraises, des groseilles à maquereaux, des fleurs, des légumes… Il y avait aussi du très beau raisin. La vigne s’étendait sur les façades des bâtiments et l’on peut encore en voir un petit bout sur la crèche accolée à la grande maison. Du cresson poussait dans la petite rigole qui partait de la fontaine. Au marché, on vendait tous ces produits, ainsi que les noix et les pommes à couteau qui avaient un bon succès, les lapins, les poules… Ces « milles petites choses » qui faisaient que la ferme tournait.
Tous les champs autour étaient très cultivés, même là où il y a actuellement les pins.
 
 

Un quartier très animé

Un petit sentier traversait la prairie derrière Lost ar Guillec. Il était si emprunté que jamais on n’aurait pu penser qu’il disparaîtrait. On allait de Lost ar Guillec à Kergamen par là. C’est aussi par là que ceux de Kernaou rejoignaient le Reunic, ainsi que ceux de Penmine, de Kerampeillet…
Le père de Louise avait aménagé la mare en face du moulin : il avait monté deux murs de chaque côté de la fontaine et adossé un toit en papier goudronné à la petite butte qui la surplombait. Les gens du quartier utilisaient ce lavoir couvert et durant le mois de janvier on l’invitait à prendre le café, en remerciement. Lui-même répondait aux invitations et il y avait comme cela un roulement pour s’inviter, lors du changement d’année.
A la forge du Reunic, on ferrait les chevaux, les roues des charrettes, on y trouvait également des machines à battre, etc. Pendant la guerre, le lundi matin surtout, les gens venaient apporter leur sac de blé au moulin. Et en attendant, ils allaient faire ferrer leur cheval chez le forgeron. Il y avait aussi un courtier en produits du sol et, plus loin sur la route, un cantonnier.
En ce lieu de passage qu’était le Reunic, on trouvait aussi un café-épicerie. La mère de Louise lui a raconté que les gens d’Elliant s’y arrêtaient pour se reposer et boire un café, en allant au marché de Quimper. On y organisait des repas de mariage, ainsi que les bals du 31 décembre, du petit pardon et du grand pardon de Kerdévot, les dimanches soirs. C’était très vivant. Au grand pardon, on rencontrait au bal du Reunic des personnes de toutes les communes alentours (Ergué-Armel, Elliant, Landudal).  »
Témoignage recueilli parAurélie le Déroff 
 
Voici retracé un morceau d’histoire de Lost ar Guillec, écho de cette vie dont est héritier le moindre de nos villages.
Et l’on ne vous a encore rien dit du « tonton russe », devenu précepteur des enfants du Tsar et qui possédait, dit-on, une rue entière à Saint-Petersbourg.
Le grand-père avait acheté Kergamen et quand sa fille Joséphine s’était mariée avec Monsieur Bacon de Kernaou on lui avait donné cette ferme. 
Marie-Louise, Joséphine et Marie-Jeanne sont restées.
Durant la jeunesse de Louise, Joséphine et Marie-Louise tenait la ferme de Kergamen. Un employé venait tous les jours du bourg pour y travailler. Puis elles sont venues à Lost ar Guillec et ce sont les Kergourlay qui se sont occupés de Kergamen jusqu’en 1963, qu’ils louaient à Joséphine, Kergamen étant un ferme plus importante (plus étendue, plus de bâtiments). Les grands parents, eux étaient au moulin.
Marie-Mouise et Joséphine s’occupaient du jardin, lorsque les Kergourlay sont partis à Kergamen. Elles l’aimaient beaucoup. Les deux tantes ont vécu avec leur mère jusqu’à son décès en 1949, dans la grande maison. Celle-ci était descendue du moulin après le décès de son mari.
Il y avait un petit pont. (la prairie du moulin)
De l’autre côté de la route, un petit champ fait aussi partie de la ferme de Lost ar Guillec. (Park Pont)
Plus haut, il y a aussi un peu de lande que Mezanlez avait donné dans la dote de leur fille, pour que Lost ar Guillec ait aussi un peu de lande, nécessaire à toute ferme autrefois.
L’étang sur la route de Mezanlez faisait partie du moulin. Il avait fallu faire des travaux pour que l’eau vienne l’alimenter. (elle a vu vider cet étang par 38 hommes).
Si l’on remonte dans le temps, Lost ar Guillec a peut-être été une fabrique de poterie gallo-romaine. En effet, lorsque tante Joséphine cultivait le petit jardin, elle trouvait beaucoup de poteries. La présence d’eau et de buis ainsi que l’intuition qu’une voie romaine devait passer à proximité, lui permettait d’arriver à cette conclusion.
Keleier Arkae - n° 26 février 2003
 

Trésors d'archives > Souvenirs > A l'école publique de Lestonan dans les années 20

A l'école publique de Lestonan dans les années 20  

 
Lors des entretiens que nous accordent nos anciens sur la vie tout au long du XXe siècle à Ergué-Gabéric, nous ne manquons jamais de leur demander les contes, comptines, chansons dont ils se rappellent.
La chanson dont nous vous présentons le texte ci-dessous nous a été interprétée par Madame Marie-Anne Coatalem, de Stang Ven. Elle l’a apprise à l’école communale de Lestonan et se souvient de l’avoir chantée dans le cadre des épreuves du certificat d’études qu’elle a passé en 1928.  
 
Charpentier solide et hardi maçon
Bâtissez la maison, bâtissez la maison.
Coiffe-là de tuiles ou de fines ardoises
Couvreur que je vois si vaillant.
Citadine ou villageoise, 
Qu’elle ait un sourire accueillant.
Peintre fais la claire et jolie,
Ferme-la bien bon serrurier.
A vous tous adroits ouvriers,
Faites-en une œuvre accomplie.
Jardinier pare-la de fleurs, 
Achevez la maison de l’homme ô travailleurs (bis)  
 
 
Ecole Lestonan Filles bourg 1927Madame Coatalem est née en 1914 à Stang Ven. Ses parents étaient ouvriers-papetiers chez Bolloré. Elle a été scolarisée à l’école communale de Lestonan. C’était alors le seul établissement scolaire du quartier, puisque l’école privée ne verra le jour qu’en 1928.
Mmes Manach et Rolland s’occupaient des plus jeunes élèves, Mlles Dréau et Rannou assuraient la maternelle et la 2ème classe.Mme Lazou préparait la 1ère classe au certificat d’études.
 
Les conditions d’enseignement étaient loin d’être idéales : 103 élèves occupaient une même pièce, un rideau séparant simplement la première classe des autres, dont les effectifs se retrouvaient donc en commun. La cour plantée de tilleuls était agréable en été mais le sol en terre battue et aux nombreux nids de poules devenait très boueux en hiver. La cour restait cependant l’endroit idéal pour échanger dans un coin quelques mots en breton avec une amie complice et se reposer de l’usage du français ou encore, jouer au carré, à la balle, à la corde à sauter. 
Madame Coatalem se souvient des recommandations de l’institutrice pour le jour du certificat d’études : prendre un bain et mettre un sucre dans sa poche, pour parer à tout éventuel signe de faiblesse durant la longue journée d’épreuves. Madame Coatalem s’acquitta du bain réglementaire dans la lessiveuse, baignoire de l’époque.
Le matin du grand jour, elle revêtit son costume du dimanche. Avec les dix autres candidates au certificat d’études de cette année-là, elle partit dans le char à banc de M. Cariou de Munuguic. L’examen se déroulait à l’école Pasteur à Quimper. Les enfants avaient emmené leur casse-croûte pour le midi. Le soir, elles sont rentrées à Ergué-Gabéric avec un car de la société Mevellec. Neuf candidates, dont madame Coatalem, ont obtenu leur certificat d’études. 
L’obtention du certificat d’études était un honneur et l’instruction de la plupart des fillettes n’allait pas au-delà. L’institutrice de madame Coatalem aurait souhaité qu’elle intègre la sixième, à Quimperlé. Mais elle quitta l’école à l’âge de treize ans et demi. Elle travailla d’abord dans le cercle familial chez une sœur aînée, mère de deux enfants et bobineuse à la papeterie, puis chez son frère à la forge du Reunic, avant d’être employée dans différentes fermes.    
 
Photo : Fillettes à l'école publique de Lestonan vers 1927-28. 
 
 
 
 

Trésors d'archives > Géographie > Terre d'argile et de potiers

Terre d'argile et de potiers

De l'argile aux potiers à Ergué-Gabéric

Il y aurait eu des potiers à Ergué-Gabéric. Où ? Quand ?
D’où provenait l’argile qu’ils utilisaient ? Qu’est-ce que nous en savons ?
 

Des terres louées pour en extraire de l’argile à potier

Un article signé Daniel Bernard, paru en 1923 dans le Bulletin de la Société Archéolo­gique du Finistère nous fait connaître trois documents qui évoquent des terres louées pour en extraire de l’argile à poterie :

Il y a d’abord cet aveu (ac­cord) établi en 1493 par Isa­belle de Lesmaès, veuve de Canévet de Kerfors, au béné­fice de Charles de Kerfors, son fils aîné, par lequel celui-ci re­çoit entre autres donations :
« item une migne (mine) de terre de laquelle on fait des potz, affermée anciennement aux po­tiers qui la tiennent, sçavoir Je­ han Le Dourgar, Jehan Guézennec, Geoffroy Poupon et Guion Le Baelegou, la somme de 10 livres monnoie pour chacun an, a estre poyez aud terme de la Sainct Michel ». On sait que Geoffroy Le Pou­pon habitait à Parc-al-land en 1498. Il n’est pas dit où se trouvent précisément ces terres louées à des potiers pour en extraire de l’argile. Elles re­lèvent du Manoir de Kerfort.
 
Un autre aveu, daté de 1634, évoque une autre transaction :
« la poterie dudict Ergué affer­mée à Vincent Legall et Yvon Le Galland, pour payer par an quarante huit livres tournois (monnaie frappée à Tours, et par la suite monnaie royale) et une charge de potz ».
 
Puis, en 1652, dans un aveu fourni par Guy Autret, Sieur de Missirien, pour Lezergué, il est question de « deux parées de terres froides ou grandes ga­rennes dans lesquelles on tire de l’ardille (argile) à faire des potz, affermées à plusieurs parti­culiers et pouvant valoir com­munes années cent livres et six charges de potz ».
 
Première conclusion que nous pouvons tirer de ces docu­ments : du XVe au XVIIe siècles, les nobles de Kerfort louent à des potiers des terres dont ceux-ci extraient de l’ar­gile pour leurs fabrications.
 
 

Des potiers recensés le long de la route Quimper­ Coray

En septembre 1794, Jacques Cambry, un lorientais deve­nu Commissaire des Sciences et des Arts, est chargé d’une mission dans le Finistère : il doit établir un rapport, qui se­ra publié en 1799 sous le titre Voyage dans le Finistère ou Etat de ce département en 1794-1795, sur les biens nationaux, les activités économiques, les coutumes... du département.
 
A Quimper, il s’attarde sur les faïenceries de Locmaria, et si­gnale entre autre chose : « J’ai parlé de la faïence de Locmaria ; il existe d’autres pe­tites manufactures de grosse po­terie et de vases de grès dans le même lieu, à Gabéric, à Ergué ».
 
Effectivement, le recense­ment de la population effectué en 1791, signalait quatre po­tiers sur la commune d’Ergué­Gabéric : à Bec-ar-Menez, à Kervinic, à Kervéguen et à Mes­naonic.
  • A Bec­ ar­ Menez c’est Yves Coatmen (42 ans) qui est installé comme potier avec sa famille. Mais les registres d’Etat-civil ne signalent aucun potier qui lui ait succédé, pas même parmi ses cinq fils.
  • A Kervinic, Louis Istin est présenté à la fois comme potier et cultivateur en 1790. Voilà quelqu’un qui est né à Elliant en 1749, a habité suc­cessivement Parc al land, puis Guilly-huec, et qui est donc en 1790 à Kervinic avec son fils âgé de 22 ans. Un autre fils, Louis, sera signalé comme « potier-cultivateur » en 1798 à Guilly-vian, puis, en 1842, à Kervernic. Mais aucun des deux fils de ce dernier n’est mentionné comme potier.
  • A Kervéguen, Alain Huitric, 37 ans, exerce comme potier avec sa femme, son fils et sa fille.
  • A Mesnaonic, on trouve Ma­thias Gourmelen (51 ans), sa femme et trois domestiques.
  • On ne trouve pas de potiers ni dans la descendance d’Alain Huitric (Kervéguen), ni dans celle de Mathias Gourmelen (Mesnaonic).
  • Par ailleurs, les registres d’Etat-­civil des années sui­vantes devraient, à travers les informations qu’ils nous donnent, nous permettre de sa­voir l’importance de la profes­sion, la localisation des potiers éventuellement la permanence de certaines familles de potiers. Ainsi, nous repérons :
  • Joseph Quiniou potier à Kervoréden, en 1808.
  • René Jean Lozach, cultiva­teur et potier à Kerouzoul en 1817.
  • Louis René Gourmelin, né en 1814 à Kerfeunteun, est potier à Garsalec en 1850 et en 1852.
  • François Laurent, né à Pluguffan, est indiqué potier à Kervernic en 1854, puis cultiva­teur en 1856 et 1857, au même endroit.
  • Jean Laurent Toussaint Caugant est « potier » à Garsa­lec, en 1864-1866, et sa femme également est dite « po­tière et ménagère ». Mais en 1868 et 1878, ils sont à Len­hesq.
Pour aucun d’entre eux, il n’est signalé que leur descen­dance ait poursuivi dans le même métier et, à fortiori, dans le même lieu.
Quelles hypothèses pouvons- nous dégager des observations ainsi faites après la Révolution ?
  • On peut être potier et cultiva­teur à la fois. Mais le plus sou­vent, c’est uniquement l’activité de potier qui est mentionnée, ce qui ne veut pas dire que celle-ci excluait un travail an­nexe de culture et d’élevage.
  • Seul sur quatre, le potier de Bec-ar-Menez est qualifié d’ « actif » en 1790, c’est-à­dire ayant des revenus suffi­sants pour le rendre imposable.
  • Le métier (perçu comme acti­vité principale) ne semble pas se transmettre souvent de père à fils. Par ailleurs les potiers et leur descendance ne semblent pas avoir été établis durable­ment dans le même village. Il s’agirait donc d’un artisanat aléatoire.
  • Cependant, les potiers sont habituellement installés dans les mêmes villages, situés de part et d’autre de l’axe routier Quimper-Coray, qui traverse la commune d’ouest en est en em­pruntant une ligne de crête.Cette zone d’implantation au­rait un lien direct avec la pré­sence d’argile dans ces lieux.


Localisation des dépôts d’argile à Ergué-­Gabéric

En effet, l’essentiel de ce sec­teur est constitué de granites et granodiorites d’âge hercynien (250 à 400 millions d’années) et de micaschistes briovériens (600-650 millions d’années) dans lesquels sont situés les ni­veaux argileux en alternance avec des niveaux de grès. La présence d’argile au lieu­dit « Garront Leston » au sud de Leston Vihan est signalée dans le compte-rendu du conseil municipal du 9 août 1840, relatif au projet de dépla­cement du Bourg vers Lesto­nan.
A ce compte-rendu sont jointes les observations de per­sonnes opposées au déplace­ment, qui décrivent cette garenne de Lestonan dans les termes suivants : « Le terrain sur lequel il est question de transporter le bourg est en entier composé d’une épaisse couche d’argile si compacte qu’il sert à la fabri­cation de la poterie... que le terrain étant assie sur argile à potrie et n’absorbant pas les eaux de pluie, est inon­dés tous les hyvers et présente pendant plusieurs mois de l’an­née l’aspect d’un véritable ma­rais ».
Aujourd’hui des traces de l’ex­ploitation d’argile peuvent être observées à Ty Poisson où, au milieu des bois, des trous de quelques mètres d’extension et d’un mètre de profondeur au maximum, remplis d’eau en hi­ver, attestent de ces anciens tra­vaux.
 

Formation et composi­tion de l’argile

Les argiles ou roches argi­leuses sont composées d’élé­ments provenant de l’altération mécanique ou chimique de roches préexistantes, telles que les granites, les gneiss ou schistes. Elles sont observées en amas sur leur lieu de formation, ou peuvent être transpor­tées par le vent ou l’eau, puis se déposent en couches épaisses et continues dans les formations sédimentaires
 
  • La kaolinite, de couleur blan­châtre, utilisée en céramique et en particulier dans la fabrication de la porcelaine. En Bretagne le kaolin est encore exploité à Berrien (Finistère) et à Ploemeur (Morbihan).
  • La montmorillonite, connue sous l’appellation de terre de Som ­ mière, qui est utilisée comme dé­tachant, ou comme bentonite employée dans l’industrie pétro­lière.
 
Ces minéraux ne se ren­contrent pas isolément, mais dans des roches composées de minéraux typiques des argiles et d’autres minéraux tels que du quartz, des oxydes de fer, du calcaire, des débris végétaux.
 

Utilisation de l’argile

L’argile est un des plus an­ciens matériaux utilisés par l’homme. Mélangée avec de l’eau, elle donne une pâte qui peut être facilement moulée ou mise en forme. Après cuisson, elle donne un objet résistant et imperméable, tels que les céra­miques et les porcelaines, mais aussi tuiles et briques.
L’argile exploitée à Ergué Ga­béric, appelée glaise ou terre glaise, est de couleur grise, ver­dâtre ou brune, à cause de la pré­sence d’oxydes de fer et autres détritus mélangés aux minéraux argileux. On ne connaît pas sur la commune de dépôt de kaolin permettant la fabrication de por­celaine.
A Ergué-Gabéric l’argile de­vait vraisemblablement être utilisée pour la fabrication d’objets en terre cuite tels que vases, plats, briques et tuiles, et par les enfants pour la fabrication de billes.
On connaît une autre utilisa­tion de ressources minérales ex­ploitées à Ergué Gabéric. La faïencerie Keraluc de Quimper a utilisé des feldspaths (miné­raux essentiels de la plupart des roches magmatiques et de cer­taines roches métamorphiques ; les feldspaths par altération peuvent former de la kaolinite) provenant d’Ergué Gabéric pour la décoration de ses grès. Le manque d’homogénéité et le coût de préparation de ces maté­riaux bruts pénalisèrent leur uti­lisation, qui fut remplacée dans les années 1960 par l’émail de grès uni.
Jean-René Blaise - Keleier Arkae n° 52 août 2007

Souvenirs d'enfance (années 1940-1950) d'André Le Bihan (né à Kervoreden)
 
« Etant né et ayant passé ma jeunesse à Kervoréden en Ergué-Gabéric, j’ai quelques souvenirs liés à l’argile (« pri prat »). En effet dans la petite vallée allant de Saint André vers Guily Vras, Kerouzel, Mu­nugic, c’était des terres froides (« ar yeun »). Il y avait un trou à « Parc Pen all » d’où on extrayait l’argile servant à boucher les trous dans l’aire à battre (« ar leur ») et dans la cuisine dont le sol était de terre bat­tue. Les enfants, pour s’amuser, confectionnaient des objets divers en argile et les faisaient cuire dans l’âtre du foyer qui servait pour la préparation de la nourriture des cochons « Loch ar poël ».

 

L’oncle Lanic, qui était bouilleur de cru, distillait certaines fois, selon ses pérégri­nations (aujourd’hui on dirait planning), dans une espèce de clairière appelée « Ty Poézen ». Je pense que ce nom avait un rapport avec la poterie, « poez ». C’était à coté de Pen Carn Lestonan, vers Kerouzel et Garsalec. J’allais le voir à son travail. Voir distiller, c’était toujours magnifique... ».
Les minéraux les plus com­muns dans les argiles sont : l’illite, la forme la plus ré­pandue, qui est utilisée dans la fa­brication des objets en terre cuite, principal constituant des ar­giles trouvées à Ergué Gabéric. »
 

Trésors d'archives > Géographie > Les mines d'antimoine

Les mines d'antimoine d'Ergué-Gabéric

 
Kerdévot est le site d’une belle et riche chapelle du XVe siècle, lieu paisible de visite, et qui s’anime plus particulièrement le deuxième dimanche de septembre, jour du pardon de Notre Dame.
Ce que l’on sait moins, c’est que Kerdévot fut le site d’une mine d’antimoine, en exploitation au début du XXe siècle de 1913 à 1916, puis de 1924 à 1928.
Dans les années 70-80 des travaux de recherches furent même entrepris sur la commune d’Ergué Gabéric afin d’essayer de faire revivre ce passé minier. Aujourd’hui la mine est abandonnée, et il ne subsiste que l’entrée barricadée, les principales galeries étant remplies d’eau et par endroits effondrées.
 
Situation des travaux mimiers, puits et galeries, à la fermeture de la amine en 1916La Société des Mines de la Lucette commença les travaux de recherches au printemps de 1913, à trois cents mètres au sud-est de la chapelle, sous la direction de son ingénieur, M. Ebrard, assisté de trois contremaîtres ainsi que de quatre mineurs espagnols venus du Genest en Mayenne (siège de la mine d’or et d’Antimoine de la Lucette, ainsi que d’une usine de traitement métallurgique).
Entre 1913 et 1915, 3 puits, 1 kilomètre de galeries et 3 niveaux d’exploitation (à des profondeurs de 25, 38, et 50m) furent établis sur les terres de Niverrot.
Situation dse travaux miniers, puits et galeries, à la fermeture de la mine en 1916.

Une trentaine d’ouvriers au début de l’exploitation, 54 en 1915 (37 ouvriers au fond, 17 de jour) furent engagés dans la région (ce qui ne se fit pas sans causer localement des problèmes, ainsi que le rapporte le compte rendu du conseil municipal d’Ergué Gabéric du 28 mars 1915) :
Le Maire donne ensuite connaissance au Conseil des plaintes qui lui viennent de tous côtés, plaintes émanant de cultivateurs, propriétaires et fermiers de la commune, qui demandent qu'on leur vienne en aide en empêchant s'il est possible les domestiques de ferme et ouvriers agricoles d'abandonner les travaux des champs pour se faire embaucher à la mine d'Antimoine.
Le Conseil Municipal reconnaissant l'exactitude des faits qui lui sont signalés et au vu  de la situation critique que traverse l'agriculture par suite du manque de bras et de la chute de la main-d'œuvre, situation qui ne fera qu'empirer du fait des mobilisations futures,
Considérant que la réouverture de la mine d'Antimoine de Kerdévot aggravera encore d'une façon très regrettable la situation en attirant par des salaires assez élevés tout ce qui reste d'hommes valides dans le pays, émet le vœu suivant :
Que Mr le Préfet du Finistère fasse ce qui est en son pouvoir pour décider les ingénieurs qui dirigent les travaux d'exploitation de cette mine, à ne prendre dans son personnel aucun ouvrier agricole.
( Délibération du conseil municipal d'Ergué-Gabéric, 28 mars 1915).
 
Antimoine à Kerdévot : Mineurs 1915
Groupe de mineurs en 1915.
 
Le minerai était extrait, lavé, trié, mis en sac, puis expédié par train de Quimper à la fonderie du Genest. Durant la période allant de 1913 à 1915 (interrompue par la mobilisation en août 1914, les travaux avaient repris le 1er mars 1915), 2 000 à 2 500 tonnes de minerai, à une teneur moyenne de 35% en stibine, furent extraites. Mais en 1916, la Société de Lucette arrêta l’exploitation et entreprit le démontage des installations.
 
En 1927 la Société des Mines de la Lucette reprit des recherches en contrebas de Niverrot, à la limite du placître de la chapelle dans un périmètre auparavant interdit à la prospection, là où Jean Mahé, agriculteur à Kerdevot, avait en 1914 mis à jour du minerai à seulement 2 mètres en dessous de la surface du sol. Les premiers résultats furent excellents, mais le gîte fut très vite épuisé, et le 1er novembre 1928 les travaux furent définitivement arrêtes. On n’avait extrait que 61 tonnes de minerai à une teneur moyenne de 25% en stibine. La fin de la mine fut ainsi rapportée dans le Kannadig de novembre 1928 :
Le dernier filon est exploité, et toutes les nouvelles fouilles n’ont donné aucun résultat sérieux. C’est donc le départ définitif des mineurs.
La semaine dernière, M. Bideau, le sympathique et distingué ingénieur de la mine, nous a quitté pour la Lucette. Respecté et aimé de ses ouvriers, M. Bideau avait su se créer de nombreuses et profondes amitiés au Grand-Ergué, et son départ sera universellement regretté. Les regrets accompagneront aussi Mme Bideau, si généreuse, si charitable à l’égard de toutes les misères. On se rappellera longtemps sa patience, sa délicatesse envers une pauvre mère qui venait de perdre son unique enfant. Que Dieu leur rende en bénédictions tout le bien qu’ils ont fait parmi nous.
(Kannadig Intron Varia Kerzevot, 1928).
 
Le 15 octobre 1927, le journal Le Finistère signalait quelques difficultés d'exploitation :

Un lock-out* à Kerdévot

Mardi dernier, les quarante ouvriers de la mine d'antimoine de Kerdévot, en Ergué-Gabéric, ont menacés de faire grève si leurs salaires n'étaient pas relevés.
Les mineurs ont demandé 36 francs par jours, au lieu de 22 francs et les manœuvres, 25 francs, au lieu de 18 francs.
Le chef d’exploitation a aussitôt soumis par télégramme ces revendications au directeur de la mine, qui a répondu par la même voie, de suspendre les travaux.
On dit que le travail serait repris dans un mois environ, lorsque l’installation de machines, actuellement en cours, sera complètement terminée.
Le personnel de la mine est fort heureusement composé, en majeure partie, d’ouvriers agricoles et de carriers qui, souhaitons-le pourront trouver du travail dans la région. L’ordre n’a pas été jusqu’ici troublé.

* Fermeture provisoire d’entreprise en situation de grève.

 
Le 30 mai 1936, la Société des Mines de la Lucette renonçait définitivement à son droit exclusif de recherches.
 
De 1971 à 1979, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) reprenait, sur la commune d’Ergué Gabéric et ses environs, un programme d’exploration basé sur des travaux de géochimie, suivi de tranchées et de forages, et localement de travaux miniers.
 
En 1971 et 1972, puis de 1975 à 1977, une prospection géochimique fut réalisée à différentes échelles suivant une bande de 4 * 25 km² comprise entre Elliant à l’est et le Steir à l’ouest. Six secteurs anomaux en Antimoine furent mis en évidence, Kerdévot, Mez en Lez, Kerveady et Menez-Kerveady sur la commune d’Ergué Gabéric, Ty Gardien et Gourleo sur Quimper. Ces secteurs, hormis Kerdévot déjà bien connu, devaient par la suite faire l’objet de travaux complémentaires.
 
Mezanlez - Ergué-Gabéric : le secteur fut reconnu par tranchées et sondages. Plusieurs lentilles minéralisées furent observées en surface, mais disparaissaient rapidement en profondeur. Seules les minéralisations observées au Bois de Kergamen pouvaient présenter quelque intérêt, bien qu’il s’agisse d’une lentille presque totalement érodée.
Kerveady - Ergué-Gabéric : les phases de recherches comportaient des tranchées, des sondages et des travaux miniers par descenderie. En surface la structure est reconnue sur 160m, mais avec une minéralisation très irrégulière. En profondeur (niveau -40m) la structure est également très irrégulière et très faiblement minéralisée. On note sur ce secteur la présence d’or observé dans un sondage.
Menez Kerveady - Ergué-Gabéric : les travaux de tranchées et de sondages ont mis en évidence un faisceau filonien formé de plusieurs branches de faible puissance et à faible teneur en stibine.
Ty Gardien - Quimper : les minéralisations ont été reconnues par tranchées, sondages et travaux miniers. On y a observé localement de fortes teneurs en stibine, mais là aussi discontinues et de faible extension.
Gourleo - Quimper : les travaux par tranchées ont montré une minéralisation sous forme de filons quartzeux de faible puissance et à faible teneur.
 
En conclusion, les travaux réalisés par le BRGM de 1971 à 1979 ont pu définir des minéralisations à Antimoine, mais d’extension limitée et à teneur faible, les gisements non économiques ne permettant pas un renouveau de l’activité minière à Ergué Gabéric.
 
 
Calcination solaire de l'antimoineLa découverte, toute fortuite, des filons d’Antimoine de Kerdevot tient quelque peu du conte populaire. Au printemps de 1911, alors que les hommes de Niverrot faisaient une « grande journée » de défrichage, l’un de se trouva devant un bloc de pierre, qui a priori ne se distinguait en rien des autres, mais qu’il fut incapable de soulever de même qu’aucun de ses compagnons. Il fallut deux hommes pour le porter sur une charrette, dont le chargement fut déversé en bordure de route. Au moment des prestations, corvée d’entretien des chemins, le patron de Niverrot, Jean Louis Huitric, décida de faire un sort à la fameuse pierre. Celle-ci fut brisée en fragments bleuâtres constellés d’éclats métalliques. Un morceau fut envoyé à fin d’examen à l’abbé Favé, aumônier à Quimper, qui constata la présence d’Antimoine. Fernand Kerforne, professeur de géologie à la faculté des Sciences de Rennes, confirma la présence à Kerdevot de blocs de quartz contenant de la stibine et des oxydes d’Antimoine. Par la suite il céda ses droits de découverte à la Société Nouvelle des Mines de la Lucette, qui en 1913 présenta une demande de concession d’une superficie de 120 hectares sur les communes d’Ergué-Gabéric et Elliant. Voila comment une vulgaire pierre, objet de curiosité, conduisit à ouvrir une exploitation minière sur notre commune.
Gravure de Abraham Bosse La calcination Solaire de l'antimoine - copyright © Adam McLean 2003
 

Glossaire :

L’Antimoine est connu depuis le 10e millénaire avant J.C., notamment des Babyloniens. Son nom vient du grec anti mos, pas seul, ayant toujours été trouvé avec d’autres métaux. On note également l’utilisation du mot grec stimmi qui désignait un sulfure d’Antimoine de couleur noire, connu maintenant sous le nom de stibine. Sous l’Antiquité les femmes utilisaient ce minerai comme fard à cils. C’est Pline l’Ancien qui aurait dénommé ce minerai du nom latin de stibium, à l’origine du symbole Sb.
Au Moyen Age, on retrouve le nom latin antimonium, l’Antimoine étant alors bien connu des alchimistes Dans le manuscrit Currus Triumphalis Antimonii, le Prieur Basile Valentin y décrit l’Antimoine vers 1450. La légende, qui reste bien une histoire plus ou moins imaginaire, veut que le moine Basile Valentin utilisa de la poudre de minéraux contenant de l'Antimoine comme purgatif, car c'est un des effets de cet élément lorsqu'il est absorbé. Mais le résultat fut un nombre très élevé de décès dans le monastère, d'où le nom par la suite d' "anti-moine" pour l'élément.
La Société des Mines de la Lucette, crée en 1898, a exploité le gisement d’or et d’Antimoine de la Lucette situé sur la commune du Genest Saint Isle, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Laval en Mayenne. L’activité minière s’y est poursuivie jusqu’en 1934, la production totale étant de 42 000 tonnes d’Antimoine et 8 700 kg d’or. La société a également exploité le gisement de Kerdevot ainsi que d’autres gisements d’Antimoine, en particuliers en Algérie jusqu’en 1960. La Société des Mines de la Lucette détient également la fonderie et l’usine de St Genest, dont l’activité de transformation du minerai d’Antimoine se poursuit encore de nos jours.
Anomal : qui s’écarte de la norme, de la règle générale (en géochimie, zone à teneur plus élevée que l’ensemble de la région)
Gîte : masse minérale comportant un ou des métaux susceptibles d’une exploitation.
Lentille : masse de terrain se terminant de toute part en biseau.
Pendage : angle entre une surface, plan de faille, et un plan horizontal.
Stibine : Sulfure d’Antimoine (Sb2S3), une des formes les plus courantes du minerai d’Antimoine.
 

Références :


La mine d’Antimoine de Kerdevot, en Ergué Gabéric. A. Le Grand, (1968) Quimper Corentin en Cornouaille. pp 167-170
Le district antimonifère de Quimper-Kerdévot (Finistère, France). J. Guigues et M. Kerjean, (1982) Chronique de la Recherche Minière. pp 5-41
Etude du district antimonifère de Quimper. J.R. Blaise (1974) Rapport ENSG Nancy.
Pierre-Christian Guiollard, La mine d’or et d’Antimoine de La Lucette (Mayenne), 1996.

 
Jean-René Blaise - mars2007
 

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Ergué sur la carte de Cassini

 
Sur la carte de Cassini, de la fin du XVIIIe siècle, apparaît le nom « Ergué-Guberie ou le Grand Terrier ».
Que peut signifier ce grand terrier ?
 
Le sens le plus probable doit se rapprocher de celui du livre terrier.
Sous l’Ancien Régime un livre terrier ou un livre rentier est un peu l’ancêtre de notre cadastre, il décrit l’ensemble des biens d’une seigneurie. Pour qu’une paroisse vienne à être nommée le grand terrier, cela laisse supposer qu’il y ait eu une seigneurie avec un nombre conséquent de biens. À Ergué-Gabéric, à cette époque, les principaux seigneurs propriétaires sont le roi, l’évêque de Cornouailles et de nombreux nobles, les premiers étant les De La Marche.
 
Les terres du domaine royal sont cependant moins nombreuses à Ergué-Gabéric qu’à Elliant. L’évêque de Cornouaille pour sa part est propriétaire de la quasi-totalité des paroisses de Kerfeunteun – et Cuzon – et Lanniron, ainsi que de Coray. Les biens de ces deux seigneuries ne se distinguaient donc pas par leur importance sur la paroisse d’Ergué-Gabéric.

Les autres terres étaient partagées entre une dizaine de manoirs et seuls se détachaient les biens des De La Marche, seigneurs de Lezergué, Kerfors et autres lieux. Cependant leurs biens restaient malgré tout dans la moyenne pour une famille noble de cette envergure.
 
Et les moines rouges? Certaines interprétations qui nous sont parvenues rapportent que ce nom de grand terrier conserverait la trace de biens des moines rouges, c’est-à-dire des Templiers. Malheureusement il n’y a jamais eux d’établissement templier à Ergué-Gabéric. Tout au plus peut-on mentionner leur établissement à Notre-Dame du Guélen en Ergué-Armel.
Mais dans ce cas c’est Ergué-Armel qui aurait dû recevoir le nom de Grand Terrier. En outre l’ordre du Temple disparut en 1314, et le terme Grand Terrier n’apparaît jamais dans les actes officiels avant Cassini. Il serait surprenant que après plus de 450 ans de silence l’idée d’un établissement templier aie pu refaire surface. Le seul établissement monacal propriétaire dans la paroisse est l’abbaye de Landévennec, au Guélennec, cependant ses biens gabéricois relevaient de la seigneurie de Guelevain et des Salles en Landrévarzec. Et le Guélennec à lui seul ne permet pas de qualifier la paroisse de Grand Terrier.

L’explication la plus plausible de ce nom reste une erreur de transcription.
La carte de Cassini, il faudrait dire les cartes, fut réalisée sur plusieurs années et CASSINI ne travailla pas seul mais dirigea une équipe (arpenteurs, enquêteurs, graveurs, etc.). La graphie du nom même d’Ergué-Gabéric, orthographié Ergué-Guberie nous incite à être prudent.
Autres erreurs plus significatives : Logueltas et Kerveil y sont appelés respectivement Loqueste et Le Mooul (!).
On y trouve aussi deux lieux-dit appelés Tréolan, preuve que cette carte a été réalisée en plusieurs étapes – dans d’autres communes cela se voit souvent par des corrections dans le tracé des chemins.
 
Depuis le XVIe siècle les documents réalisés couvrant un vaste territoire n’ont cessé de comporter des erreurs.
En 1553, Charles Estienne, imprimeur lyonnais, publie La Guide des Chemins de France, et sauf erreur il n’est jamais venu en Bretagne car entre Vannes et Quimper il place : Ancray (comprendre Auray, erreur de lecture ?), Hennebont, Pontſecort (Pontscorf), Quimpelay (coquille) et Rosseperdan (transcription phonétique ?).
Dans les années 1950, l’administration française fait réaliser par l’INSEE un index des noms des lieux, hameaux et écarts afin d’avoir une écriture normalisée de ces différents noms. Gongallic y est devenu Congalic, Le Cluyou, Cluyon, Mesanles, Mez-en-Lez et une erreur d’écriture de Parc Loch Guen donne Pallach-Guen en plus de Parc-Lochguen plus correctement orthographié.
 
Pour en revenir au Grand Terrier, il y a plusieurs hypothèses possibles : phonétique la prononciation de Grand Ergué est proche de celle de Grand Terrier, la liaison entre le d final et le E initial se prononçant comme un t [granterge]– Gran Tergué. La graphie étant « corrigée » a posteriori pour le d de Grand.
La transformation de son [g] – gu – en son [i] peut tenir à plusieurs hypothèses. La première pourrait être que l’une des personnes travaillant sur la carte aie mal compris le nom – prononcé trop vite, mal articulé, etc. Une autre hypothèse est plutôt graphique, le g d’Ergué peut ressembler, écrit manuellement à un y, donc Ergué – en breton Erge – devenu Eryué ou Eryie – si la modification du t à déjà eu lieu : Teryué ou Teryié. Et cette dernière forme teryé a pu être « corrigée » en terrier lors d’une relecture.
 
Vous avez dit Cassini ?
C'est à l'initiative de Louis XV, impressionné par le travail cartographique réalisé en Flandre, qu'est levée la première carte géométrique du Royaume de France.
César François Cassini de Thury (1714-1784) dit Cassini III, fils de Jacques, est chargé de réaliser ce travail à l'échelle "d'une ligne pour cent toises", soit 1/86400e.
La carte s'appuie sur le réseau géodésique que viennent d'établir (de 1683 à 1744) Jean-Dominique Cassini et son fils Jacques (père de Cassini De Thury).

Les levées commenceront en 1760 avec César François Cassini De Thury et se termineront en 1789 avec son fils, Jacques Dominique Cassini. La publication sera retardée par les événements de la Révolution pour n'être achevée qu'en 1815.
La carte de Cassini servira de référence aux cartographies des principales nations européennes pendant la première moitié du XIXe siècle.