La maladie des pommes de terre (1845-1850)

 

Dans ses Mémoires, Jean-Marie Déguignet prend prétexte de la maladie des pommes de terres en 1845-1850 pour raconter des légendes, notamment la légende du chat noir (Histoire de ma vie, éd. An Here, 2001, p. 72 à 76). 

Mais les archives, elles, nous en donnent un aperçu plus terre à terre, plus concret. Plusieurs épidémies de mildiou se succèdent entre 1845 et 1849. Leurs conséquences économiques et sociales se font vivement ressentir à Ergué-Gabéric. Le nombre de mendiants et d'indigents s’accroît de 29, en 1836, soit 1,43% de la population de la commune, à 198, en 1846, soit 6,08 % des Gabéricois ! Le nombre de décès qui, dans les années 1840-1845, varie entre 45 et 50 décès par an grimpe à 107 décès en 1849.

Au milieu du XIXe siècle, au pays de Quimper, la consommation de pommes de terre se répartit comme suit : 4/8e pour les hommes, 3/8e pour les les porcs, 1/8e pour les chevaux et bovins. Déguignet précise dans Histoire de ma vie que les « pommes de terre rouges, grosses et très productives, étaient alors la principale nourriture des pauvres et des pourceaux ». Plus loin, au Huelgoat, on précise qu'elles sont consommées par les indigents et quelques journaliers. On notera que les mendiants et indigents gabéricois appartiennent essentiellement à des familles de journaliers. En effet, parmi les chefs de famille dont les professions sont connues, on a : en 1846, 18 journaliers sur 21 chez les indigents (soit 85,71 %) et 9 sur 11 chez les mendiants (soit 81,82 %) .

Dans un premier temps, les habitants les plus aisés d’Ergué-Gabéric trouvent à fournir des moyens de subsistance à leurs concitoyens. Dans le compte-rendu du conseil municipal d'EG du 27 mai 1846, on compte sur la bienveillance des nobles et sur les chefs d’exploitation pour employer ceux-ci. La papeterie d’Odet, de son côté, emploie ainsi 20 personnes par jour (mais s'agit-ils de 20 mêmes journaliers réembauchés chaque jour ?). Des emplois qui participent sans doute à leur tour à la création d'autres emplois : On se souviendra que, vers 1842-1843, le père de Jean-Marie travaillait déjà pour les employés de la papeterie.
 
Le 10 janvier 1847, la municipalité décide de participer à l'effort général à hauteur de 90 francs. Mais la situation se prolonge. Suivant les directives administratives de la préfecture, la municipalité parvient tant bien que mal à employer des indigents aux travaux de voirie. Nicolas Le Marié, propriétaire de la papeterie, apporte aussi une aide financière pour des travaux sur la route entre Ergué-Gabéric et Briec.
 
D’aucuns accueilleront des enfants de l’hospice et profiteront d'aides conséquentes. On recense ainsi 16 enfants d’hospice dans la commune en 1851, puis 77 en 1856. En 1847, une mendiante est hospitalisée au frais de la commune d’Ergué-Gabéric, mais il n'est pas certain qu'elle ait été malade de la consommation de pommes de terres avariées.

En 1901, une nouvelle épidémie se déclare. À ce sujet, on peut se demander s’il y a un rapport chronologique avec la rédaction du chapitre sur la maladie des pommes de terres dans Histoire de ma vie.
 

Norbert Bernard - Keleier n°3, juin 2000, complété par des recherches inédites