Itinéraire d'un Gabéricois dans la Grande Guerre
Yves Le Gars
Né à L’Ile-Tudy le 8 septembre 1895, de Yves, marin-pêcheur, et de Henriette Cluyou. Son père disparaît en mer le 19 février 1900 à la suite du naufrage de son bateau, Le Petit Mousse (voir encart couleur).
Le naufrage du Petit Mousse
En février 1900, un enchaînement de tempêtes, comme rarement vues, est la cause de plusieurs naufrages. Voici en quels termes le journal Le Finistère relate celui du Petit Mousse, bateau de pêche de l’Ile-Tudy :
▪ « Le 21 février – On peut dire que depuis le 10 février 1900, la tempête a été permanente. Les accalmies ont été courtes dans l’intérieur et sur la côte, le vent ne cesse de souffler avec plus ou moins de violence suivant les heures. Dans la nuit de dimanche à lundi dernier, une nouvelle bourrasque s’est abattue sur Quimper sans occasionner de dégâts nouveaux. Hier, à 3 heures précises, un grain violent, vent, pluie et grêle, survenait brusquement, après quelques heures de soleil. Jamais pareilles perturbations atmosphériques n’ont été constatées. Les marins-pêcheurs ne sortent pas, ou s’ils prennent la mer, ils se tiennent aussi rapprochés des côtes que possible de peur de ne pouvoir fuir à temps les bourrasques qui éclatent tout à coup. La mer est d’ailleurs très dure ».
▪ « Concarneau, le 20 février – Au risque d’être engloutis, quelques audacieux marins n’en ont pas moins tenté des sorties au large. On a trouvé ce matin, dans la baie de La Forêt, le rôle d’équipage du bateau de pêche Petit Mousse, n° 1 735, du port de l’Ile-Tudy, monté par neuf hommes. On craint que ce bateau ne se soit perdu corps et biens, hier dans la matinée, en voulant se réfugier à Concarneau ».
▪ « Le 24 février – Tous les jours la mer rejette à la grève de lugubres épaves, corps humains, ballots de marchandises, débris de mâture ou de bateaux, attestant le nombre et l’importance des sinistres occasionnés par le furieux ouragan du 13 au 14 et par les tempêtes qui ont suivi ».
▪ « L’Ile-Tudy – Le cadavre de Le Gall (Alain-Joseph), âgé de 31 ans, un des matelots du canot de pêche Petit Mousse, n°1 735, du port de l’Ile Tudy, dont nous avions annoncé la disparition, a été trouvé engagé dans un paquet de filets, mardi, vers 1 heure de l’après-midi, sur la grève de Kerlin, en Trégunc, par le brigadier des douanes Le Touze, du poste de Trévignon. Après les formalités d’usage, le corps a été transporté par mer à l’Ile-Tudy, où il a été inhumé. Le Petit Mousse a dû sombrer en baie de Concarneau, dans la nuit du 19 au 20 février. Il est actuellement engagé sur les récifs de la pointe de la Jument. Les avaries à ce canot sont de peu d’importance, ce qui laisse supposer que les hommes auraient été enlevés par une lame sourde. Un béret de marin, un sabot, six écuelles en terre et 46 maquereaux ont été trouvés sur le pont ».
▪ « Après le naufrage du Neptune quelques jours plus tôt, l’émotion est immense dans la région. Le préfet Collignon se déplace à l’Ile-Tudy "visiter les veuves et les orphelins", leur apportant avec des paroles de consolation un premier secours qu’il leur a distribué, en leur donnant l’assurance d’une sympathie qui saura se souvenir. »
Le bureau de bienfaisance de l’Ile-Tudy « a fait distribuer à nos malheureux pêcheurs 160 pains de 5 kilos Cette distribution était nécessaire, car la misère est grande parmi eux. Depuis longtemps on n’avait pas vu un hiver aussi long et une série de tempêtes aussi continue et aussi fertiles en sinistres. Le mauvais temps empêche les pêcheurs de sortir du port et de rien gagner pour leurs besoins et ceux des leurs »
Le maire de la commune, M. Séchez lance un appel à l’aide, via la presse : « Quatorze marins ont trouvé la mort, laissant derrière eux 11 veuves et 25 orphelins. Les secours que l’administration de la marine ne manquera pas de leur accorder ne sauraient empêcher la charité privée de s’exercer. Je viens faire appel, au nom de la malheureuse population que je représente, bien persuadé que le concours de votre publicité sera acquis à cette cause, comme celui de tous les journaux auxquels je m’adresse en même temps qu’à vous ». Deux mois plus tard, l’on retrouve encore de « lugubres cadavres ». Le 12 avril, l’on découvre « au sud de l’île Verte, le cadavre décomposé d’un homme qu’on suppose appartenir à l’équipage du Petit Mousse, naufragé dans la tempête de février dernier ». Le surlendemain c’est, « dans les mêmes parages, la découverte d’un cadavre en décomposition qui paraît provenir aussi du naufrage du Petit Mousse ». Enfin, le 20 avril, c’est devant Le Guilvinec qu’un marin-pêcheur aperçoit un cadavre flottant qui « été reconnu pour être celui du sieur Le Gars, Yves, âgé de 33 ans, marin-pêcheur à l’Ile-Tudy. Cet homme faisait partie de l’équipage du Petit Mousse, qui s’est perdu corps et biens le 19 février dernier. Le Gars était marié et père de trois enfants ».
Le yacht La Linotte

De fameux navigateurs
La famille Thubé s’est particulièrement distinguée dans le monde de la voile. Gaston Thubé fils, beau-frère de René Bolloré, est le premier champion olympique français en voile. Avec ses frères, Jacques et Amédée, il remporte la médaille d’or aux jeux olympiques de Stockholm en 1912, sur le Mac Miche, un 6 mètres JI, devant l’équipage suédois. Il meurt en son château, à Saint-Marc-sur-Mer, en 1974, âgé de 98 ans.
Dossier (textes et photos) réalisé par Jean-François Douguet - Keleier 85 - décembre 2014