Trésors d'archives : Patrimoine religieux sommaire

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Église paroissiale de Saint-Guinal

La reconstruction du clocher de l’église Saint-Guinal, par Bernez Rouz, Bulletin municipal d'Ergué-Gabéric, septembre 2007
L'église Saint-Guinal au XVIIe , par Norbert Bernard, Keleier Arkae n° 16, janvier 2002
Inhumation foraine en 1729 (H. Chauveur - P.-Y. Castel), Keleier Arkae n° 23, novembre 2002, et Keleier n° 30, octobre 2003
J'ai été sonneuse de glas, par Marie Salaün, Keleier Arkae n° 45, juillet 2006


Chapelle de Kerdevot

Bibliographie générale sur Kerdevot, par Bernez Rouz
Index Général du livre Kerdevot, Cathédrale de campagne, par Bernez Rouz
Les statues du calvaire de Kerdevot, par Jean Guéguen et François Ac’h, Keleier Arkae n° 51, juin 2007
Le pélerinage des marins de Dugay-Trouin à Kerdévot en 1712, par François Ac'h, Keleier Arkae n° 81, janvier 2013
Fric-Frac à Kerdévot en 1773, par Jean-François Douguet, Keleier Arkae n° 73, avril 2012.
Quand le vieux cantique de Kerdévot servait à la propagande royaliste, par Bernez Rouz, Keleier Arkae n° 84, octobre 2014
En revenant de Kerdévot, Texte de Léon Le Berre (Abalor) extrait de Fleurs de Basse-Bretagne, 1901.

Chapelle de Saint-Guénolé

La chapelle Saint-Guénolé, par Bernez Rouz, Keleier Arkae n° 4, juillet 2000
Restauration de la chapelle Saint-Guénolé, Gaëlle Martin, Keleier Arkae n° 4, juillet 2000
Saint-Guénolé : une restauration qui ne restera pas sans suite. Interview de P. Le Bihan, Keleier Arkae n° 8, décembre 2000
Les statues restaurées de Saint-Guénolé

Chapelle de Saint-André

Renaissance des Amis de Saint-André, Keleier Arkae n° 5, septembre 2000


Petit patrimoine religieux

Notes sur les chapelles par A. Le Braz
La croix de Kergaradec
Les deux enclos paroissiaux d'Ergué-Gabéric
La petite Vierge de Kroaz ar Gac
Ar Groaz Verr
Recteurs d'Ergué-Gabéric au XXe siècle, par Marie-Annick Lemoine, archives personnelles, non daté

 


La maladie des pommes de terre

La maladie des pommes de terre (1845-1850)

 

Dans ses Mémoires, Jean-Marie Déguignet prend prétexte de la maladie des pommes de terres en 1845-1850 pour raconter des légendes, notamment la légende du chat noir (Histoire de ma vie, éd. An Here, 2001, p. 72 à 76). 

Mais les archives, elles, nous en donnent un aperçu plus terre à terre, plus concret. Plusieurs épidémies de mildiou se succèdent entre 1845 et 1849. Leurs conséquences économiques et sociales se font vivement ressentir à Ergué-Gabéric. Le nombre de mendiants et d'indigents s’accroît de 29, en 1836, soit 1,43% de la population de la commune, à 198, en 1846, soit 6,08 % des Gabéricois ! Le nombre de décès qui, dans les années 1840-1845, varie entre 45 et 50 décès par an grimpe à 107 décès en 1849.

Au milieu du XIXe siècle, au pays de Quimper, la consommation de pommes de terre se répartit comme suit : 4/8e pour les hommes, 3/8e pour les les porcs, 1/8e pour les chevaux et bovins. Déguignet précise dans Histoire de ma vie que les « pommes de terre rouges, grosses et très productives, étaient alors la principale nourriture des pauvres et des pourceaux ». Plus loin, au Huelgoat, on précise qu'elles sont consommées par les indigents et quelques journaliers. On notera que les mendiants et indigents gabéricois appartiennent essentiellement à des familles de journaliers. En effet, parmi les chefs de famille dont les professions sont connues, on a : en 1846, 18 journaliers sur 21 chez les indigents (soit 85,71 %) et 9 sur 11 chez les mendiants (soit 81,82 %) .

Dans un premier temps, les habitants les plus aisés d’Ergué-Gabéric trouvent à fournir des moyens de subsistance à leurs concitoyens. Dans le compte-rendu du conseil municipal d'EG du 27 mai 1846, on compte sur la bienveillance des nobles et sur les chefs d’exploitation pour employer ceux-ci. La papeterie d’Odet, de son côté, emploie ainsi 20 personnes par jour (mais s'agit-ils de 20 mêmes journaliers réembauchés chaque jour ?). Des emplois qui participent sans doute à leur tour à la création d'autres emplois : On se souviendra que, vers 1842-1843, le père de Jean-Marie travaillait déjà pour les employés de la papeterie.
 
Le 10 janvier 1847, la municipalité décide de participer à l'effort général à hauteur de 90 francs. Mais la situation se prolonge. Suivant les directives administratives de la préfecture, la municipalité parvient tant bien que mal à employer des indigents aux travaux de voirie. Nicolas Le Marié, propriétaire de la papeterie, apporte aussi une aide financière pour des travaux sur la route entre Ergué-Gabéric et Briec.
 
D’aucuns accueilleront des enfants de l’hospice et profiteront d'aides conséquentes. On recense ainsi 16 enfants d’hospice dans la commune en 1851, puis 77 en 1856. En 1847, une mendiante est hospitalisée au frais de la commune d’Ergué-Gabéric, mais il n'est pas certain qu'elle ait été malade de la consommation de pommes de terres avariées.

En 1901, une nouvelle épidémie se déclare. À ce sujet, on peut se demander s’il y a un rapport chronologique avec la rédaction du chapitre sur la maladie des pommes de terres dans Histoire de ma vie.
 

Norbert Bernard - Keleier n°3, juin 2000, complété par des recherches inédites


Trésors d'archives > Géographie > Les mines d'antimoine

Les mines d'antimoine d'Ergué-Gabéric

 
Kerdévot est le site d’une belle et riche chapelle du XVe siècle, lieu paisible de visite, et qui s’anime plus particulièrement le deuxième dimanche de septembre, jour du pardon de Notre Dame.
Ce que l’on sait moins, c’est que Kerdévot fut le site d’une mine d’antimoine, en exploitation au début du XXe siècle de 1913 à 1916, puis de 1924 à 1928.
Dans les années 70-80 des travaux de recherches furent même entrepris sur la commune d’Ergué Gabéric afin d’essayer de faire revivre ce passé minier. Aujourd’hui la mine est abandonnée, et il ne subsiste que l’entrée barricadée, les principales galeries étant remplies d’eau et par endroits effondrées.
 
Situation des travaux mimiers, puits et galeries, à la fermeture de la amine en 1916La Société des Mines de la Lucette commença les travaux de recherches au printemps de 1913, à trois cents mètres au sud-est de la chapelle, sous la direction de son ingénieur, M. Ebrard, assisté de trois contremaîtres ainsi que de quatre mineurs espagnols venus du Genest en Mayenne (siège de la mine d’or et d’Antimoine de la Lucette, ainsi que d’une usine de traitement métallurgique).
Entre 1913 et 1915, 3 puits, 1 kilomètre de galeries et 3 niveaux d’exploitation (à des profondeurs de 25, 38, et 50m) furent établis sur les terres de Niverrot.
Situation dse travaux miniers, puits et galeries, à la fermeture de la mine en 1916.

Une trentaine d’ouvriers au début de l’exploitation, 54 en 1915 (37 ouvriers au fond, 17 de jour) furent engagés dans la région (ce qui ne se fit pas sans causer localement des problèmes, ainsi que le rapporte le compte rendu du conseil municipal d’Ergué Gabéric du 28 mars 1915) :
Le Maire donne ensuite connaissance au Conseil des plaintes qui lui viennent de tous côtés, plaintes émanant de cultivateurs, propriétaires et fermiers de la commune, qui demandent qu'on leur vienne en aide en empêchant s'il est possible les domestiques de ferme et ouvriers agricoles d'abandonner les travaux des champs pour se faire embaucher à la mine d'Antimoine.
Le Conseil Municipal reconnaissant l'exactitude des faits qui lui sont signalés et au vu  de la situation critique que traverse l'agriculture par suite du manque de bras et de la chute de la main-d'œuvre, situation qui ne fera qu'empirer du fait des mobilisations futures,
Considérant que la réouverture de la mine d'Antimoine de Kerdévot aggravera encore d'une façon très regrettable la situation en attirant par des salaires assez élevés tout ce qui reste d'hommes valides dans le pays, émet le vœu suivant :
Que Mr le Préfet du Finistère fasse ce qui est en son pouvoir pour décider les ingénieurs qui dirigent les travaux d'exploitation de cette mine, à ne prendre dans son personnel aucun ouvrier agricole.
( Délibération du conseil municipal d'Ergué-Gabéric, 28 mars 1915).
 
Antimoine à Kerdévot : Mineurs 1915
Groupe de mineurs en 1915.
 
Le minerai était extrait, lavé, trié, mis en sac, puis expédié par train de Quimper à la fonderie du Genest. Durant la période allant de 1913 à 1915 (interrompue par la mobilisation en août 1914, les travaux avaient repris le 1er mars 1915), 2 000 à 2 500 tonnes de minerai, à une teneur moyenne de 35% en stibine, furent extraites. Mais en 1916, la Société de Lucette arrêta l’exploitation et entreprit le démontage des installations.
 
En 1927 la Société des Mines de la Lucette reprit des recherches en contrebas de Niverrot, à la limite du placître de la chapelle dans un périmètre auparavant interdit à la prospection, là où Jean Mahé, agriculteur à Kerdevot, avait en 1914 mis à jour du minerai à seulement 2 mètres en dessous de la surface du sol. Les premiers résultats furent excellents, mais le gîte fut très vite épuisé, et le 1er novembre 1928 les travaux furent définitivement arrêtes. On n’avait extrait que 61 tonnes de minerai à une teneur moyenne de 25% en stibine. La fin de la mine fut ainsi rapportée dans le Kannadig de novembre 1928 :
Le dernier filon est exploité, et toutes les nouvelles fouilles n’ont donné aucun résultat sérieux. C’est donc le départ définitif des mineurs.
La semaine dernière, M. Bideau, le sympathique et distingué ingénieur de la mine, nous a quitté pour la Lucette. Respecté et aimé de ses ouvriers, M. Bideau avait su se créer de nombreuses et profondes amitiés au Grand-Ergué, et son départ sera universellement regretté. Les regrets accompagneront aussi Mme Bideau, si généreuse, si charitable à l’égard de toutes les misères. On se rappellera longtemps sa patience, sa délicatesse envers une pauvre mère qui venait de perdre son unique enfant. Que Dieu leur rende en bénédictions tout le bien qu’ils ont fait parmi nous.
(Kannadig Intron Varia Kerzevot, 1928).
 
Le 15 octobre 1927, le journal Le Finistère signalait quelques difficultés d'exploitation :

Un lock-out* à Kerdévot

Mardi dernier, les quarante ouvriers de la mine d'antimoine de Kerdévot, en Ergué-Gabéric, ont menacés de faire grève si leurs salaires n'étaient pas relevés.
Les mineurs ont demandé 36 francs par jours, au lieu de 22 francs et les manœuvres, 25 francs, au lieu de 18 francs.
Le chef d’exploitation a aussitôt soumis par télégramme ces revendications au directeur de la mine, qui a répondu par la même voie, de suspendre les travaux.
On dit que le travail serait repris dans un mois environ, lorsque l’installation de machines, actuellement en cours, sera complètement terminée.
Le personnel de la mine est fort heureusement composé, en majeure partie, d’ouvriers agricoles et de carriers qui, souhaitons-le pourront trouver du travail dans la région. L’ordre n’a pas été jusqu’ici troublé.

* Fermeture provisoire d’entreprise en situation de grève.

 
Le 30 mai 1936, la Société des Mines de la Lucette renonçait définitivement à son droit exclusif de recherches.
 
De 1971 à 1979, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) reprenait, sur la commune d’Ergué Gabéric et ses environs, un programme d’exploration basé sur des travaux de géochimie, suivi de tranchées et de forages, et localement de travaux miniers.
 
En 1971 et 1972, puis de 1975 à 1977, une prospection géochimique fut réalisée à différentes échelles suivant une bande de 4 * 25 km² comprise entre Elliant à l’est et le Steir à l’ouest. Six secteurs anomaux en Antimoine furent mis en évidence, Kerdévot, Mez en Lez, Kerveady et Menez-Kerveady sur la commune d’Ergué Gabéric, Ty Gardien et Gourleo sur Quimper. Ces secteurs, hormis Kerdévot déjà bien connu, devaient par la suite faire l’objet de travaux complémentaires.
 
Mezanlez - Ergué-Gabéric : le secteur fut reconnu par tranchées et sondages. Plusieurs lentilles minéralisées furent observées en surface, mais disparaissaient rapidement en profondeur. Seules les minéralisations observées au Bois de Kergamen pouvaient présenter quelque intérêt, bien qu’il s’agisse d’une lentille presque totalement érodée.
Kerveady - Ergué-Gabéric : les phases de recherches comportaient des tranchées, des sondages et des travaux miniers par descenderie. En surface la structure est reconnue sur 160m, mais avec une minéralisation très irrégulière. En profondeur (niveau -40m) la structure est également très irrégulière et très faiblement minéralisée. On note sur ce secteur la présence d’or observé dans un sondage.
Menez Kerveady - Ergué-Gabéric : les travaux de tranchées et de sondages ont mis en évidence un faisceau filonien formé de plusieurs branches de faible puissance et à faible teneur en stibine.
Ty Gardien - Quimper : les minéralisations ont été reconnues par tranchées, sondages et travaux miniers. On y a observé localement de fortes teneurs en stibine, mais là aussi discontinues et de faible extension.
Gourleo - Quimper : les travaux par tranchées ont montré une minéralisation sous forme de filons quartzeux de faible puissance et à faible teneur.
 
En conclusion, les travaux réalisés par le BRGM de 1971 à 1979 ont pu définir des minéralisations à Antimoine, mais d’extension limitée et à teneur faible, les gisements non économiques ne permettant pas un renouveau de l’activité minière à Ergué Gabéric.
 
 
Calcination solaire de l'antimoineLa découverte, toute fortuite, des filons d’Antimoine de Kerdevot tient quelque peu du conte populaire. Au printemps de 1911, alors que les hommes de Niverrot faisaient une « grande journée » de défrichage, l’un de se trouva devant un bloc de pierre, qui a priori ne se distinguait en rien des autres, mais qu’il fut incapable de soulever de même qu’aucun de ses compagnons. Il fallut deux hommes pour le porter sur une charrette, dont le chargement fut déversé en bordure de route. Au moment des prestations, corvée d’entretien des chemins, le patron de Niverrot, Jean Louis Huitric, décida de faire un sort à la fameuse pierre. Celle-ci fut brisée en fragments bleuâtres constellés d’éclats métalliques. Un morceau fut envoyé à fin d’examen à l’abbé Favé, aumônier à Quimper, qui constata la présence d’Antimoine. Fernand Kerforne, professeur de géologie à la faculté des Sciences de Rennes, confirma la présence à Kerdevot de blocs de quartz contenant de la stibine et des oxydes d’Antimoine. Par la suite il céda ses droits de découverte à la Société Nouvelle des Mines de la Lucette, qui en 1913 présenta une demande de concession d’une superficie de 120 hectares sur les communes d’Ergué-Gabéric et Elliant. Voila comment une vulgaire pierre, objet de curiosité, conduisit à ouvrir une exploitation minière sur notre commune.
Gravure de Abraham Bosse La calcination Solaire de l'antimoine - copyright © Adam McLean 2003
 

Glossaire :

L’Antimoine est connu depuis le 10e millénaire avant J.C., notamment des Babyloniens. Son nom vient du grec anti mos, pas seul, ayant toujours été trouvé avec d’autres métaux. On note également l’utilisation du mot grec stimmi qui désignait un sulfure d’Antimoine de couleur noire, connu maintenant sous le nom de stibine. Sous l’Antiquité les femmes utilisaient ce minerai comme fard à cils. C’est Pline l’Ancien qui aurait dénommé ce minerai du nom latin de stibium, à l’origine du symbole Sb.
Au Moyen Age, on retrouve le nom latin antimonium, l’Antimoine étant alors bien connu des alchimistes Dans le manuscrit Currus Triumphalis Antimonii, le Prieur Basile Valentin y décrit l’Antimoine vers 1450. La légende, qui reste bien une histoire plus ou moins imaginaire, veut que le moine Basile Valentin utilisa de la poudre de minéraux contenant de l'Antimoine comme purgatif, car c'est un des effets de cet élément lorsqu'il est absorbé. Mais le résultat fut un nombre très élevé de décès dans le monastère, d'où le nom par la suite d' "anti-moine" pour l'élément.
La Société des Mines de la Lucette, crée en 1898, a exploité le gisement d’or et d’Antimoine de la Lucette situé sur la commune du Genest Saint Isle, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Laval en Mayenne. L’activité minière s’y est poursuivie jusqu’en 1934, la production totale étant de 42 000 tonnes d’Antimoine et 8 700 kg d’or. La société a également exploité le gisement de Kerdevot ainsi que d’autres gisements d’Antimoine, en particuliers en Algérie jusqu’en 1960. La Société des Mines de la Lucette détient également la fonderie et l’usine de St Genest, dont l’activité de transformation du minerai d’Antimoine se poursuit encore de nos jours.
Anomal : qui s’écarte de la norme, de la règle générale (en géochimie, zone à teneur plus élevée que l’ensemble de la région)
Gîte : masse minérale comportant un ou des métaux susceptibles d’une exploitation.
Lentille : masse de terrain se terminant de toute part en biseau.
Pendage : angle entre une surface, plan de faille, et un plan horizontal.
Stibine : Sulfure d’Antimoine (Sb2S3), une des formes les plus courantes du minerai d’Antimoine.
 

Références :


La mine d’Antimoine de Kerdevot, en Ergué Gabéric. A. Le Grand, (1968) Quimper Corentin en Cornouaille. pp 167-170
Le district antimonifère de Quimper-Kerdévot (Finistère, France). J. Guigues et M. Kerjean, (1982) Chronique de la Recherche Minière. pp 5-41
Etude du district antimonifère de Quimper. J.R. Blaise (1974) Rapport ENSG Nancy.
Pierre-Christian Guiollard, La mine d’or et d’Antimoine de La Lucette (Mayenne), 1996.

 
Jean-René Blaise - mars2007
 

Trésors d'archives > Personnage > Kenavo Norbert

Kenavo Norbert
 

Norbert Bernard nous a quittés lors du week-end du patrimoine, une coïncidence qui nous a tous frappés, terriblement. Depuis presque dix ans, il était en contact étroit avec Arkae, il était devenu impossible de conjuguer l’histoire d’Ergué sans passer par lui et par sa formidable érudition.

Etudiant en histoire à l’Université de Bretagne Occidentale à Brest, c’est en 1996 que Norbert prend contact avec Arkae. Licence en poche il propose au professeur Jean Kerhervé un mémoire de maîtrise sur les chemins et la structuration de l’espace en Cornouaille du V° siècle au XVII° siècle. Norbert trouve dans les archives d’Arkae, patiemment collectées depuis vingt ans, un premier substrat pour donner corps à son étude. Sa remarquable connaissance des écritures anciennes lui facilitera l’accès aux plus vieux parchemins de l’histoire de notre commune. Bien vite, les seigneurs d’Ergué lui deviennent familiers. Et le voilà dans notre vieux cadastre napoléonien traquant les chemins aujourd’hui disparus : les carront, croas-hent, carpont, dro-hent, hent-car, hent-meur, autant de toponymes qui fleurissent dans le dédale de notre bocage. Norbert présente son mémoire en 1997 et se lance tout de suite dans un autre travail de recherche, un D.E.A. (diplôme d’étude approfondie), première étape vers un doctorat.

Cette fois il prend pour étude la seigneurie des Rives de l’Odet (1425-1575). Ce monumental travail de 320 pages dactylographiées est consacré aux manoirs du canton de Briec et de Rosporden. Il le présente en 1999. Il a amassé alors une somme considérable de connaissances sur les familles nobles de Basse-Cornouaille au Moyen-Age.

Norbert Bernard en compagnie de Linda Asher, la traductrice américaine des Mémoires d'un paysan bas-breton de Jean-Marie DéguignetMais c’est un tout autre travail -son premier travail salarié- qui lui est confié en mars 2000 : le livre de Jean-Marie Déguignet Les Mémoires d’un paysan bas-breton, vient de rentrer dans le cercle restreint des meilleures ventes de librairie en France. L’association Arkae confie à Norbert la valorisation de l’ensemble des écrits de notre compatriote. On ne redira jamais assez l’extraordinaire travail réalisé pendant les cinq années de son contrat d’emploi-jeune au Centre de Recherche et de Documentation Déguignet (13/12/1999-26/12/2005). L’ensemble des écrits de l’enfant de Quélennec est maintenant disponible. Norbert y a ajouté un appareil critique considérable, fruit d’une recherche dans laquelle il excellait. Il a signé aussi une exposition sur Déguignet, et un site Internet, l’un des cinq qu’il faisait vivre.

Car Norbert, hormis son travail de recherche, avait deux passions : l’histoire et l’informatique. Sa générosité est totale, il ne refuse jamais un coup de main à ceux qui sont perdus dans la jungle informatique ou englué dans de vieux grimoires aux graphies incertaines. Il fait vivre bénévolement le site Internet de l’ASPREV, l’association du patrimoine religieux en vie ; il crée un site sur les nobles de Cornouaille, puis un site de généalogie pour présenter son cabinet de recherche nouvellement créé, enfin il collabore à l’encyclopédie en ligne wikipédia.

Au printemps dernier l’aventure Déguignet est terminée, Norbert édite son premier livre Les Voix d’Yves Pennec, récit d’après un procès en sorcellerie contre un habitant d’Ergué. Les projets sont nombreux : guide, conférencier, généalogiste, écrivain, et toujours collaborateur d’Arkae. On lui avait confié un travail de sauvegarde du bulletin paroissial de 1925 à 1939. C’était en mai, et Norbert dut lâcher prise, miné par un mal que les médecins n’arrivaient pas à cerner. La suite, c’est une opération chirurgicale au mois d’août et l’espoir de revenir rapidement à ses passions. Il voulait signer son livre au pardon de Kerdévot, il voulait plus que tout être présent le 18 septembre au café-crèpes de Saint André ou il s’était investi dans le comité de sauvegarde de la chapelle.

Mais Norbert n’était pas là, ce week-end du patrimoine pour lequel il a tant œuvré, il luttait déjà contre les ombres, il est mort dans la nuit.

Norbert s’en est allé avec ses rêves, ses envies de recherches, ses travaux inachevés. C’est une grande perte pour tous ceux qui l’ont connu car ses qualités humaines étaient à l’image de ses qualités professionnelles. Pour l’association, la mémoire de Norbert vivra à jamais : ses travaux sont disponibles dans notre centre de documentation sur l’histoire d’Ergué, ses écrits seront valorisés et tous ceux qui se pencheront sur l’œuvre de Déguignet sauront que le travail d’édition de l’ensemble de son œuvre est signé Norbert Bernard.
Bernez Rouz - Bulletin municipal d'Ergué-Gabéric - décembre 2005.
 
 

Trésors d'archives > Patrimoine religieux > Un pèlerinage à Kerdévot sous Louis XIV

Un pèlerinage à Kerdévot sous Louis XIV

Couverture des Mémoires de Duguay Trouin
Un soldat de Quimper, nommé Deschamps,
En visitant Kerdevot, le dernier carême,
A dit au fabricien qu’il a été secouru
Par Marie, dans sa campagne, pendant l’hiver passé.
 
Les soldats qui avaient été avec M. Duguay
Ne pouvaient plus retrouver leur route pour revenir à la maison.
En danger ils étaient de périr sur la mer périlleuse.
Ils se sont alors voués à la Vierge glorieuse.
 
Ils sont venus la remercier quand ils sont venus à Quimper ; 
Ils lui ont fait présent d’un magnifique chapelet,
Et de plus une autre offrande, et des honoraires de messe.
Soutenez-les encore, ô Vierge, dans leurs combats.
 
 
Ce sont là les strophes 30, 31 et 32 de l’« Ancien cantique de Kerdévot », tel qu’il nous est communiqué par l’Abbé Favé, vicaire à Ergué-Gabéric de 1888 à 18971. Elles évoquent « la mise à sac de Rio de Janeiro » en 1711 par le corsaire Duguay-Trouin, et le pèlerinage qui s’en suivit, à Kerdévot, au pardon du 11 septembre 1712, de soldats rescapés de cette expédition qui fit sensation. Nous nous référons ici à la relation faite de ce coup de main plein de panache et d’aventures dans les Mémoires de Monsieur Duguay-Trouin2 lui-même. Nous voulons ici comprendre la démarche de ces soldats pèlerins d’un jour, qui ont dû impressionner les habitués de Kerdévot.
 
Le long règne de Louis XIV3  fut une succession de guerres menées par lui contre les Etats européens. Sa politique de domination avait mobilisé toutes les ressources de la  Bretagne, imposé de nouveaux impôts4, rompu tout commerce de la province avec l’Angleterre et, du fait du blocus anglais, mis fin aux relations maritimes avec ses autres partenaires habituels. D’où un marasme économique persistant. L’activité des armateurs français qui était, en temps de paix, le transport maritime, devenait, en temps de guerre, la protection des navires français et l’attaque des bateaux ennemis, isolés ou en convois.  Ils armaient pour la « course ». Le « corsaire » fournissait le navire et prenait en charge les frais d’armement. Il se payait en s’appropriant marchandises et bateau. Il agissait sous couvert du roi (sur « lettre de marque »), ce qui lui donnait un statut de combattant, bénéficiant ainsi des règles du droit de la guerre et lui interdisant, par contre, de sortir du cadre défini.

 
Le projet de Duguay-Trouin
Duguay-Trouin, né d’une famille d’armateurs malouins, était un « corsaire » particulièrement audacieux ; en 1708, il comptait à son actif 16 captures de navires de guerre et plus de 300 de marchands. Il est anobli par le roi. Il forme alors un projet important : « une entreprise sur la colonie de Rio de Janeiro, l’une des plus riches et des plus puissantes du Brésil5 », qui est alors possession portugaise. Le Portugal est allié à l’Angleterre contre la France dans le cadre de la Guerre de Succession d’Espagne. Cette opération est menée avec des armateurs amis, qui la montent et la financent. Le roi donne son aval ; par convention, il fournit une douzaine de navires, avec leurs équipages (officiers, marins et soldats), contre versement d’un cinquième du revenu des prises. En somme, un accord de partenariat entre forces militaires du roi et armements privés. L’expédition se donne également pour objectif de délivrer les 600 Français retenus prisonniers à Rio  à la suite de l’échec, l’année précédente, d’une tentative semblable. 

 
La prise de Rio et les périls de la mer
 
Plan de la baie de Rio de Janeiro Mémoires de Duguay Trouin
Le départ de Brest a lieu le 2 juin 1711, après deux mois de préparatifs menés dans la plus grande discrétion. Le 12 septembre, au matin, l’escadre française composée de 18 vaisseaux et frégates, transportant 2000 marins et 4000 soldats, se présente à l’entrée de la baie de Rio de Janeiro. L’assaut final de la ville est donné le 21 septembre : c’est la débandade pour les 12 000 hommes de la garnison portugaise, dont le gouverneur accepte le versement d’une rançon très importante, en argent et marchandises, afin d'éviter la destruction de la ville elle-même après son pillage. 
Le 13 novembre, l’escadre reprend la mer avec le butin (plus d’1,3 tonne d’or, des navires marchands chargés du pillage des entrepôts). Mais le voyage de retour se révèle très périlleux : une forte tempête envoie par le fond deux navires avec leur équipage (1 200 hommes noyés) et une partie du butin accumulé à bord. Les premiers bateaux pénètrent dans la rade de Brest le 2 février 1712. Duguay-Trouin fait le bilan financier de l’expédition, côté armateurs : « les retours des deux vaisseaux que j’avais envoyés à la mer du Sud6, joints à l’or et aux autres effets apportés de Rio de Janeiro payèrent la dépense de mon armement, et donnèrent 92% de profit à ceux qui s’y étaient intéressés…7 ».

 
Le soldat Deschamps et les autres
C’est un des sept mercredis du Carême de 1712, entre le 10 février et le 23 mars, qu’un soldat de Quimper, nommé Deschamps, rentré sain et sauf de l’expédition de Rio, a annoncé au fabricien de Kerdévot la participation au prochain pardon, le 11 septembre, d’un groupe de soldats rescapés, pour exécuter le vœu qu’ils avaient fait à la Vierge au cours de la tempête essuyée au large des Açores. Certaines éditions des Mémoires de Duguay-Trouin donnent pour chaque vaisseau ou frégate de l’escadre de Rio l’état de ses effectifs au moment de l’armement, avec l’indication des commandements attribués. Ainsi la frégate L’Argonaute8, commandée par le chevalier du Bois-de-la-Motte, avait pour second enseigne un dénommé Droualin. Il s’agit de Benjamin Droualin9, un Bigouden, présenté comme faisant partie « de la Compagnie de Dernaud ». Lazare Darnaud apparaît, lui, sur les registres de St-Mathieu de Quimper : il est mort le 11 juillet 1721 à l’âge de 65 ans et est désigné à cette date comme « lieutenant de vaisseau et capitaine d’une compagnie franche de marine10 ». Quant au « soldat Deschamps », il s’agirait de François Deschamps, qui figure sur les registres de Quimper St-Mathieu pour son mariage le 15 octobre 1703 avec Anne Kerbaoul. Il y est effectivement présenté comme « soldat, dit "Belle Rose", dans la Compagnie de Monsieur Darnaud ». Le Cantique de Kerdevot n’indique pas le nombre de ces rescapés de l’escadre de Rio qui ont assisté au pardon du 11 septembre 1712. Nous pouvons cependant déduire qu’il s’agissait d’une partie des soldats de la Compagnie du Capitaine Darnaud, qui comptait des Cornouaillais dans ses rangs et naviguait sur la frégate L'Argonaute.

 
Les compagnies au XVIIIe siècle

Equipage de lArgonaute
Les compagnies franches de Marine sont les ancêtres de nos troupes de Marine actuelles. Elles avaient leurs bases dans les grands ports militaires français (Brest, Rochefort, Toulon et Port-Louis). Dans les années 1710, elles comptaient sur le sol français environ 10 000  soldats, à savoir 100 compagnies de 100 hommes chacune, et dans les colonies environ 5000 soldats. 
Ces soldats sont bien des fantassins formés au maniement du mousquet, au combat à l’épée, aux manœuvres d’attaque et de défense, aux patrouilles, aux parades, mais aussi à l’abordage et à l’attaque à la grenade, au débarquement en terrain hostile. Plusieurs avaient une formation de canonnier. En outre, ces soldats étaient accoutumés à la vie à bord, tout comme aux latitudes tropicales. Les hommes de troupe étaient recrutés en grande partie aux abords des grands ports, mais pas uniquement. L’engagement se durait de 6 à 8 ans. Beaucoup prenaient une identité d’emprunt : « La Fleur », « Boit-sans-soif », « Joli-Cœur », « Brin d’avoine »… ou encore « Belle-Rose », comme Deschamps.

 
« Une espèce de miracle »
 
La rafale The gust 1680 W. v. VeldeLes Mémoires de Monsieur Duguay-Trouin font un récit intéressant du retour à Brest. « Le 20 décembre, après avoir essuyé bien des vents contraires, nous passâmes la ligne équinoxiale, et le 29 janvier, nous nous trouvâmes à la hauteur des Açores. Jusque-là, toute l’escadre s’était conservée11 ; mais nous fûmes pris sur ces parages de trois coups de vent consécutifs, et si violents qu’ils nous séparèrent tous les uns des autres. Les gros vaisseaux furent dans un danger évident de périr ; Le Lys, que je montais, quoique l’un des meilleurs de l’escadre, ne pouvait gouverner par l’impétuosité du vent ; et je fus obligé de me tenir en personne au gouvernail pendant plus de six heures, et d’être continuellement attentif à prévenir toutes les vagues qui pourraient faire venir le vaisseau en travers. Mon attention n’empêcha pas que toutes mes voiles ne fussent emportées, que toutes mes chaînes de haubans ne fussent rompues les unes après les autres, et que mon grand mât ne rompît entre les deux ponts ; nous faisions d’ailleurs de l’eau à trois pompes, et ma situation devint si pressante au milieu de la nuit, que je me trouvais dans le cas d’avoir recours aux signaux d’incommodité, en tirant des coups de canon, et mettant des feux à mes haubans. Mais tous les vaisseaux de mon escadre, étant pour le moins aussi maltraités que le mien, ne purent me conserver, et je me trouvais avec la seule frégate "l’Argonaute", montée par le chevalier du Bois-de-la-Mothe, qui dans cette occasion voulut bien s’exposer à périr, pour se tenir à portée de me donner du secours.
Cette tempête dura pendant deux jours avec la même violence, et mon vaisseau fut sur le point d’en être abîmé12, en faisant un effort pour joindre trois de mes camarades, que je découvrais sous le vent13. En effet, ayant voulu faire vent arrière sur eux avec les fonds de ma misaine seulement14, une grosse vague vint de l’arrière qui éleva ma poupe en l’air et dans le même instant il en vint une autre encore plus grosse, de l’avant, qui passant par-dessus mon beaupré15 et ma hune de misaine16, engloutit tout le devant de mon vaisseau jusqu’à son grand mât. L’effort qu’il fit pour déplacer cette épouvantable colonne d’eau dont il était affaissé17 nous fit dresser les cheveux, et envisager, pendant quelques instants, une mort inévitable au milieu des abîmes de la mer. La secousse des mâts et de toutes les parties du vaisseau fut si grande que c’est une espèce de miracle que nous n’y ayons pas péri, et je ne le comprends pas encore…18 » Six vaisseaux purent se regrouper à l’issue de la tempête et rejoindre Brest. Deux autres y arrivèrent deux jours après. D’autres purent atteindre La Corogne ou Cayenne. Mais deux autres ne réapparurent jamais : Le Fidèle et, hélas ! Le Magnanime. Ce dernier était commandé par le chevalier de Couerserac, qui fut l’autre grand héros de l’expédition, « mon compagnon fidèle », écrit Duguay-Trouin, « qui dans plusieurs de mes expéditions m’avait secondé avec une valeur peu commune [...] ma confiance en lui était si grande que j’avais fait charger sur le "Magnanime", qu’il montait, plus de six cent mille livres en or et en argent. Ce vaisseau était en outre rempli d’une grande quantité de marchandises ; il est vrai que c’était le plus grand de l’escadre, et le plus capable, en apparence, de résister aux efforts de la tempête, et à ceux des ennemis. Presque toutes nos richesses étaient embarquées sur ce vaisseau, et sur celui que je montais19 ». Image ci contre : La Rafale, W. v. Velde, 1680. Navire en haute mer, pris dans une bourrasque comparable à celle que l'expédition de Duguay-Trouin a pu vivre.

 
Un « magnifique » chapelet remis en ex-voto à Kerdévot
 
"La flotte de Duguay Trouin à l'attaque de Rio" par F. Perrot, 1844
Nous savons ainsi que L’Argonaute, le vaisseau sur lequel était embarquée la Compagnie de Darnaud, a subi les mêmes tourments que ceux supportés par Duguay-Trouin sur Le Lys. Chacun des hommes qui étaient à son bord a pu « envisager, pendant quelques instants, une mort inévitable au milieu des abîmes de la mer ». D’où cet appel au secours, lancé à la Vierge : « En danger ils étaient de périr sur la mer périlleuse. Ils se sont alors voués à la Vierge glorieuse », dit le Cantique. Comme par mouvement d’instinct, ils ont décidé d’aller trouver la Vierge, en reconnaissance, dans l'un de ses sanctuaires connus. Ce serait à Kerdévot. Et c’est le « soldat Deschamps » qui effectua, peu après l’arrivée des navires à Brest, la prise de contact pour préparer la démarche. Ce choix tient certainement à la notoriété de Kerdévot dans une population qui n’est pas celle des campagnes cornouaillaises, mais celle des villes, des milieux des Armées et de la Marine royale : « Ils sont venus la remercier quand ils sont venus à Quimper ; Ils lui ont fait présent d’un magnifique chapelet, Et de plus une autre offrande, et des honoraires de messe ». L’usage est que le pèlerin laisse sur place un « ex-voto », témoin dans le temps de sa reconnaissance pour le secours apporté, terme de l’échange entre protecteur et protégé. L’ex-voto peut être un calvaire érigé après une épidémie de peste (Plougastel-Daoulas), les béquilles de l’estropié guéri, la médaille militaire du soldat rentré au foyer, le tableau représentant l’accident qui « par miracle » n’a pas fait de victime… Dans le cas présent, on ne serait pas étonné de trouver une maquette de la frégate L’Argonaute ou une peinture du bateau dans la tempête. On s’étonne plutôt de trouver un chapelet, objet qui n’est pas spécialement lié à l’image du soudard. On s’étonnera moins, cependant, si le chapelet est en or et en argent, et si on se reporte au récit de Duguay-Trouin : « En entrant dans cette ville abandonnée, je fus surpris de trouver d’abord sur ma route les prisonniers qui étaient restés de la défaite de M. Du Clerc20. Ils avaient, dans la confusion, brisé les portes de leurs prisons, et s’étaient répandus de tous côtés de la ville, pour piller les endroits les plus riches. Cet objet excita l’avidité de nos soldats, et en porta quelques-uns à se débander ; j’en fis faire, sur-le-champ même, un châtiment sévère qui les arrêta ; et j’ordonnai que tous ces prisonniers fussent conduits et consignés dans le fort des bénédictins21. » « Dès le premier jour que j’étais entré dans la ville, j’avais eu un très grand soin de faire rassembler tous les vases sacrés, l’argenterie et les ornements d’église, et je les avais fait mettre, par nos aumôniers, dans de grands coffres, après avoir fait punir de mort tous les soldats ou matelots qui avaient eu l’impiété de les profaner, et qui s’en étaient trouvés saisis. Lorsque je fus sur le point de partir, je confiai ce dépôt aux Jésuites, comme aux seuls ecclésiastiques de ce pays-là qui m’avaient paru dignes de ma confiance ; et je les chargeai de le remettre à l’évêque du lieu22. » Nous pouvons émettre l'hypothèse que les soldats de la Compagnie de Darnaud ont commis eux aussi des actes de pillage, au domicile de riches particuliers ou dans des églises, et ce malgré les mesures dont tient à faire état Duguay-Trouin. Un chapelet en or et argent est relativement facile à dissimuler. Mais quand la tempête se déchaîne sur plusieurs jours et qu’on pense que tout ce qui survient est voulu par la puissance divine, alors les éléments en furie crient au sacrilège et l’esprit est assailli par le remords devant l’impiété reconnue. Le soldat se rend alors à l’évidence : le chapelet est voué à la Vierge, la grande Protectrice ; il faut se rendre à son sanctuaire pour le lui remettre. Si nous nous en sortons, c’est qu’elle y consent. Une hypothèse qui expliquerait un « blanchiment » de chapelet par les compagnons de « Belle-Rose », qui assurément n'étaient pas des « enfants de chœur » !
 
François Ac’h
 
Notes
 
1. Texte en breton et en français (56 strophes) dans BSAF 1891, pages 170 et sv., sous le titre « L’ancien cantique de Kerdevot ».
2. Nous avons consulté le texte des Editions France-Empire, mars 1991, avec présentation par Philippe Clouet.
3. Louis XIV est mort en 1715. Il prit réellement le pouvoir à la mort de Mazarin, en 1661.
4. D’où la Révolte dite des Bonnets rouges, en 1675.
5. Mémoires de Monsieur Duguay-Trouin, p.128.
6. Ainsi était appelée, en particulier par les pirates, corsaires et armateurs, la partie de l’Océan Pacifique baignant l’Amérique du Sud. C’est dans cette partie de l’empire espagnol (mines du Pérou et de Potosi), plutôt qu’en France, que Duguay-Trouin pouvait vendre certaines marchandises saisies à Rio, par exemple le sucre (pages 155-156).
7. Mémoires de Monsieur Duguay-Trouin, p. 163.
8. Frégate munie de 46 canons, avec 287 hommes à bord, dont 51 officiers et mariniers, 97 matelots et 106 soldats.
9. Le grand-père de Benjamin Droualin avait été sénéchal du baron du Pont (Pont-l’Abbé) ; il avait restauré le manoir de Lestrémec, en Tréméoc, pour en faire le berceau d’une famille qui ne cessera de fournir des officiers aux armées et à la Marine. Un frère de Benjamin a été tué au siège de Lille en 1708.
10. A la suite d’un second mariage, il est le père de Jean-Charles Darnaud, « écuyer », qui se marie à Quimper en 1704.
11. Terme de marine : « naviguer sans se perdre de vue ».
12. Sens ancien : « tombé dans un abîme »
13. « dans la direction opposée à celle du vent (d’où vient le vent) »
14. « en faisant gonfler la voile basse du mât d’avant »
15. « mât couché sur l’éperon à la proue d’un vaisseau »
16. « Hune de misaine » : petite plate-forme de bois placée au sommet du mât de misaine
17. « qui l’avait fait tomber à un niveau inférieur sous son poids »
18. Mémoires de Monsieur Duguay-Trouin, p. 160-161.
19. Ibid., p. 162.
20. L’hiver 1711, une précédente expédition, conduite par le capitaine Duclerc, avec cinq vaisseaux et un millier de soldats, avait mis le cap sur Rio afin de se saisir à son point de départ de la flotte portugaise transportant vers Lisbonne l’or recueilli au Brésil. Ce fut un échec : 600 hommes restèrent prisonniers à Rio.
21. Mémoires de Monsieur Duguay-Trouin, p. 150.
22 Ibid., p. 156.

Dossier réalisé par François Ac'h - Keleier 81 - janvier 2014


Trésors d'archives > Géographie > Le Stangala inattendu d'André Guilcher

Le Stangala inattendu d'André Guilcher

 

Stangala Guilcher recto 1Qualifié par Louis Le Guennec de « plus extraordinaire paysage terrien de Cornouaille », le Stangala n’a été étudié par les géographes que relativement récemment. André Guilcher (1913-1993) y a consacré quelques pages dans sa thèse sur Le Relief de la Bretagne méridionale de la baie de Douarnenez à la Vilaine (1948). Ce Sénan, agrégé de géographie, a été professeur au lycée de Brest avant la guerre. Mobilisé, blessé au front près de Sarreguemines en février 1940, il reçoit la Croix de guerre pour son courage. Revenu en Bretagne, il est nommé au lycée de Nantes où il prépare sa thèse de doctorat. C’est ce qui l’amène à visiter notre Stangala, pendant l’été 1941. Passionné par la Bretagne, il écrit son périple en breton dans le journal Arvor. Il publiera en breton un ouvrage de géographie sur les vallées marines et les gouffres de l’océan (Kaniennoù ha traoniennoù mor, 1943). C’est cet écrit rare sur le Stangala que les Brezhonegerien Leston ont traduit ici. Rappelons enfin qu'André Guilcher est l'un des grands spécialistes mondiaux de la morphologie littorale. Outre les écoles citées, il a enseigné dans les universités de Nancy, de la Sorbonne et de Brest.

Ar Stangala d'André Guilcher
Traduction Brezhonegerien Leston, atelier Kontakaoz, janvier 2014.
 
Les balades agréables ne manquent pas aux alentours de Quimper. Nulle part en Bretagne, peut-être, on ne trouve des paysages aussi verdoyants et doux qu’en Cornouaille. L’Odet jusqu’à Combrit, le Steir, le Stangala, constituent autant de vallées boisées où il fait bon se promener les jours d’été. Le trajet de Quimper à Bénodet est renommé à juste titre ; le Stangala est moins connu car moins accessible. Aucune route ne le traverse : il est vrai qu’il est plus silencieux et comme le dirait M. Le Guennec – paix à son âme – grand connaisseur et fan de la Cornouaille, les automobiles ne peuvent y accéder et empester l’air de leurs gaz d’échappement. Pour aller au Stangala, partons ensemble de Quimper de bon matin. Au lieu d’aller directement par Cuzon ou par le terrain de foot de Keruhel, il vaut mieux prendre la route de Landudal. Une balade d’environ 35 km, c’est ce qu’il y a de mieux pour s’aérer les poumons. Passée la voie de chemin de fer de Rosporden, nous montons petit à petit vers Lestonan en traversant des champs fertiles. Les tours de la cathédrale et les hauteurs du Frugy s’estompent dans les brumes matinales, déjà à moitié dispersées dans les vallées du Jet et de l’Odet. On arrive rapidement sur un plateau à environ 115 m d’altitude, qui s’élève doucement vers Coray et Briec.Nous ne sommes plus très loin de la vallée du Stangala, pourtant nous ne l’apercevons pas encore. Voilà une descente : là se trouve la vallée de l’Odet et nous y accédons par un vieux pont couvert de verdure. Terminé pour nous le chemin facile : nous allons retourner sur Quimper à travers prairies et champs. Ici la vallée de l’Odet est attachante et paisible. Sur le côté gauche de la butte il y a un « tertre », sorte de pente escarpée et boisée. Sur le côté droit, nous distinguons petit à petit des collines en direction du Nord. Un peu après nous sommes sous la voûte sombre d’un bois de sapins. Sous les arbres une charmante petite route longe le canal qui conduit l’eau de l’Odet à la grande papeterie Bolloré, où l’on fabrique le papier à cigarette bien connu de tous. L’usine est nichée au fin fond de la vallée, entourée de verdure ; et jamais la nature n’a été aussi peu polluée par le travail de l’homme. La rive gauche devient de plus en plus escarpée à Griffonès. L’Odet, qui coulait jusqu’ici vers l’ouest, se dirige brusquement vers le sud. Des hauteurs, à 80 m au-dessus de l’eau, c’est un spectacle sans égal de voir la rivière faire un méandre et sauter par-dessus les rochers. À Griffonès, nous atteignons le grand Stangala. Désormais, les deux rives ont la même hauteur. Jusqu’au moulin de Penn-C’hoad, la rivière chute de l’altitude de 41 m à pas plus de 10 m sur une distance d’environ 3 km (¾ de lieue). Cela fait quelques années, les ingénieurs avaient pensé faire un grand barrage à côté du moulin de Penn-C'hoad. Il y aurait eu un lac là où se situe aujourd’hui le Stangala, comme celui qui est à Guerlédan sur le Blavet. On aurait eu de l'électricité en abondance pour Quimper et la totalité de la Basse-Cornouaille. Pourtant cette idée-là n’a pas été menée à son terme, je ne sais pour quelle raison. Le Stangala est toujours le Stangala, une rivière rapide et bouillonnante. Tout d’abord, le Grand Stangala, plus majestueux et plus sauvage ; ensuite le Petit Stangala avec ses petits bois et ses petits sentiers, où les Quimpérois vont marcher et entendre, durant l’été, les rires des enfants jouant à cache-cache : les deux Stangala étant remplis de truites et fréquentés par les pêcheurs spécialistes du « lancer léger ». Entre les hauteurs de Beg-ar-Menez et la chapelle Saint-Guenolé, en vérité, le Stangala est un paradis inattendu. Notre randonnée se termine au moulin de Penn-C’hoad. Du côté de Quimper, la vallée est bien plus large. Sans tarder nous sommes dans la plaine de Kerhuel. Ici se trouve le confluent de l’Odet et du Jet. En fait, la plaine de Kerhuel n’est que la continuité de la vallée du Jet, si droite depuis Saint-Yvi. 
 
Stangala Guilcher verso
Si vous êtes un peu curieux, vous demanderez après cette randonnée : pourquoi cette vallée de l’Odet n’a-t-elle pas toujours la même allure de Landudal à Quimper ? Pourquoi y-a-t’il au début une différence de hauteur entre les deux rives ? Pourquoi ensuite la rivière court-elle dans le passage étroit des hautes collines du Stangala ? Pourquoi aussi l’eau va-t-elle si vite entre les rochers du Stangala ? Enfin pourquoi la vallée est-elle si large et la rivière si calme après le moulin de Penn-C’hoad ? Il y a de bonnes raisons à cela. À l’origine, l’Odet coulait sur les plateaux de Beg-ar-Menez, Saint-Guénolé, Lestonan, bien plus haut que maintenant ; peu à peu, à force de grignotage, l’érosion leur a fait perdre de l’altitude. La roche, bien sûr, n’était pas aussi dure partout. Avant Griffonès, on trouve du granit sur le côté gauche, c’est une roche dure et résistante. Sur la droite, au contraire, on trouve surtout du schiste, beaucoup plus tendre. Pour cette raison, la rive droite a été érodée plus vite que la gauche. Entre Grifonnès et le moulin de Penn-C’hoad, on trouve du granit des deux côtés, ce n’est pas étonnant de voir des reliefs élevés des deux côtés et tant de rochers qui barrent le courant. Près de Quimper, enfin, nous retrouvons l’Odet dans le schiste, comme le Jet depuis Saint-Yvi ; de la roche tendre à nouveau et à nouveau une large vallée. 
 
Les balades seraient beaucoup plus agréables si on pouvait toujours savoir pourquoi les choses sont comme elles sont. Voir de beaux paysages, c’est bien. Les comprendre c’est mieux. Si vous êtes de Quimper, allez donc jusqu’au Stangala. Regardez autour de vous et cherchez à comprendre. Vous n’aurez pas perdu votre temps.
 
Lan Devenneg (André Guilcher) 
 
 
Notes
- « StankAla » ou actuellement Stangala : non loin de l’usine Bolloré se trouve une fontaine dédiée à Saint Ala ou Alar. En fait, elle se situe un tout petit peu plus vers l’est. « Stank » ou « stankenn » est utilisé dans le sens de vallée profonde en Cornouaille.
- D’après ce que dit un conte fantastique, un griffon y vivait autrefois, une espèce d’énorme dragon terrifiant qui avalait les jeunes filles.
 
 
articlestangalavu
 
Le Stangala, un accident intéressant
Bernez Rouz
Si l'on jette un oeil attentif aux cours d’eaux gabéricois, on s’aperçoit qu’ils sont tous orientés Est-Ouest vers le creux de Quimper. C’est le cas du Jet, de son affluent le ruisseau de Keringard et de l’Odet sur la partie nord de la commune. Pourquoi donc l’Odet pique-t-il brusquement vers le sud à Beg ar Menez ? Dans sa thèse Le relief de la Bretagne méridionale de la Baie de Douarnenez à la Vilaine, André Guilcher explique ce phénomène par une rupture de pente tecnico-structurale. Ergué-Gabéric se trouve en effet dans une zone de failles importantes, dans laquelle se sont produits des soulèvement de plaques géologiques. C'est pourquoi les rivières coulant sur des parties de plateaux surélevées ont dû se frayer des chemins dans des roches dures pour rejoindre le creux de Quimper, zone de confluences des cours d’eau de la région. On voit ainsi l’Odet, comme le Jet à Elliant, mais aussi d’autres petits ruisseaux, basculer vers le sud. Jean François Douguet a repris l’essentiel des explications d’André Guilcher dans son livre Le Stangala (Cahier n°1 d'Arkae), pages 55-59.

Trésors d'archives > Guerres > La libération d'Ergué

Jour par jour
La libération d'Ergué-Gabéric

 

Il n'y avait pas encore deux mois que le Débarquement des Alliés avait eu lieu en Normandie, le 6 juin 1944. La « percée d'Avranches » avait réussi le 31 juillet.  Le 3 août, à 12 heures, puis encore à 18 heures, la BBC de Londres répétait le message suivant : « Le chapeau de Napoléon est-il toujours à Perros-Guirec ? ». Tel était le signal convenu, adressé à la Résistance intérieure de Bretagne, FFI et FTPF1, pour déclencher l’insurrection générale et passer à un harcèlement systématique de l’occupant, alors que les troupes américaines fonçaient sur Brest et Lorient. Ces deux mois (du 6 juin au 3 août) ont été marqués par des évènements dramatiques pour les résistants de la région de Quimper. Ils avaient ordre, dans le cadre du « Plan Vert », de multiplier les actions de sabotage (contre voies ferrées et câbles téléphoniques aériens ou souterrains) et les attentats contre les ennemis, dans le but de fixer l'adversaire sur place, pour qu'il ne rejoigne pas la Normandie en renfort. Dès le 7 juin, le chef local de la Résistance, « Jeannot » (alias le capitaine d'active Jean Pézennec), a organisé la périphérie de Quimper en sept secteurs de sabotage, dirigés chacun par un chef de secteur pour une douzaine d'hommes. Ainsi, Quimper est entouré de sept « maquis » installés dans la campagne et astreints aux règles élémentaires de la clandestinité. Ces groupes vont pouvoir compter sur la complicité effective de plusieurs fermes. Malgré les difficultés rencontrées, la mission sera remplie : pendant le mois de juin, peu de trains arriveront à Quimper ou en repartiront, et le téléphone ne fonctionnera que par intermittence.

Mais, avec l'aide de « collaborateurs » français, l’occupant engage une répression impitoyable. Des résistants sont arrêtés et emprisonnés à Saint-Charles, tels que Bellan, chef du secteur 2. Fin juin, des postes de maquis sont pris d'assaut (Le Guélen en Briec et Penhoat en Kerfeunteun, le 27 juin ; Kergrenn en Ergué-Armel, le lendemain) et 17 résistants y sont tués, dont le capitaine Pézennec lui-même. Deux fermes d'Ergué-Gabéric (Kerfrès, le 17 juin, et Kerhamus, le 29 juin) sont également visées, mais le sang-froid des habitants (et un peu de chance) permet d'éviter d’autres massacres. Fin juin encore, le « Colonel Poussin » (Mathieu Donnard), chef départemental des FFI est arrêté à l'occasion d'un déplacement dans le Morbihan. Il est exécuté le 29 juillet à Pluméliau. La Résistance doit se réorganiser. C’est le « Colonel Berthaud » (Roger Bourrières) qui devient le nouveau chef des FFI du Finistère. Il a installé son Etat-Major à Quimper, dans les locaux de l’entreprise Joncour (au Moulin aux Couleurs, route de Pont-l'Abbé). Le chef militaire FFI pour l’arrondissement de Quimper est désormais le capitaine Philippot, et son adjoint est le capitaine Monteil. Cette délégation militaire va bénéficier de l’assistance d’une équipe Jedbugh2 parachutée pour aider les maquisards à s’organiser. 
 
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Témoins et acteurs
 
Alain Le Grand (1918-1992) a vécu la guerre comme marin, jeté  dans l’enfer de Dunkerque. Il est entré ensuite dans la police : à Quimper, de 1942 à 1944, il a été, dans ce cadre particulier, un résistant contraint à des formes de clandestinité exigeantes. Puis, tout en poursuivant sa carrière, il est devenu l’historien local essentiel de la guerre. Nous lui devons, à lui et à son collaborateur Georges-Michel Thomas, une somme de 1 000 pages en deux tomes, sous le titre Le Finistère dans la guerre, et des publications sur la même période. Il a aussi laissé aux Archives du Finistère une masse de notes, documents, brouillons, très utiles pour qui veut encore chercher derrière lui.
Albert Philippot, ancien combattant de 14-18, est capitaine de réserve. Enseignant à Quimper, il a participé en 1937 à la création du mouvement scout des « Eclaireurs de France ». Mobilisé, fait prisonnier puis libéré, il se met à la disposition de la Résistance. Il est appelé à remplacer le capitaine Pézennec en tant que commandant de l’arrondissement FFI de Quimper. Il aura un rôle important dans les combats du Menez-Hom, de la presqu’île de Crozon puis de Lorient. Il rédigera des notes sur La Résistance et la Libération dans le Sud-Finistère.
Gabriel Nicolas (décédé en 1997) est un lieutenant de réserve. Il habite à Ergué-Armel (Kergoat al Lez). Marié et père de trois enfants. Démobilisé, il travaille au Centre de libération des prisonniers de guerre à Quimper. Il est entré en résistance par le Mouvement « Vengeance », avec Henri Le Guennec, mais a échappé aux arrestations du 20 janvier 1944. Il commandera la 5e compagnie des FFI. Le 3 août, 130 résistants le rejoignent au camp de Langolen. Il est chargé de tenir la route de Coray et de couvrir un secteur qui va de l’Eau blanche à Gourvily. Il raconte son engagement et celui de sa compagnie dans un texte déposé aux archives par Alain Le Grand. Une version abrégée de ce récit est consultable en ligne.
Jean Grall (1921-1987), jeune Quimpérois, observe beaucoup ce qui se passe en ville et autour de la gare. Il prend des notes pour lui-même, simplement pour se rappeler… Il noircit 16 carnets ou agendas entre juillet 1938 et octobre 1944. Le 4 août 1944, il rejoint Langolen pour le rassemblement de la 6e compagnie FFI (Lieutenant Danion), dont il fait partie. La compagnie se positionnera entre la route de Rosporden et celle de Bénodet. Puis elle sera dirigée sur  Fouesnant et la presqu’île de Crozon. Jean observe et note. Le Centre culturel quimpérois a édité, sous le titre Carnets, 1938-1944, un extrait de ses notes sur la période du 4 août au 16 octobre 1944.
Jeanne Bohec (1919-2010) a 21 ans quand elle rejoint le Général De Gaulle en Angleterre. Elle était aide-chimiste à la Poudrerie du Moulin-Blanc à Brest. Engagée dans les Forces françaises libres, elle travaille sur la fabrication d'explosifs et suit une formation militaire (parachutisme, tir, sabotage, radio…). En février 44, elle est parachutée en tant qu’instructrice en sabotage pour la Bretagne. Elle est l’agent « Râteau », ou encore « Micheline ». Elle circule à bicyclette entre le Finistère Sud (où elle donne des cours de sabotage) et le Morbihan (maquis de Saint-Marcel). On trouvera le récit de cet engagement exceptionnel dans La plastiqueuse à bicyclette, Edition du Sextant, 2004.
Césaire Le Guyader, libraire de la rue Jean Jaurès à Quimper, est membre du Parti Communiste. Il suit de près les évènements de cette guerre sur ses différents fronts et découpe, pour les coller dans des cahiers d’écolier, les articles qui l’intéressent. Il y ajoute ses propres réflexions et fournit un récit précis de la libération de Quimper, telle qu’il l’a vécue. Ces cahiers, qui relèvent d’une collection privée, ont été mis à la disposition d’Arkae pour consultation.
L'abbé Gustave Guéguen, recteur d’Ergué-Gabéric de 1941 à 1956, tient un registre-journal où il note ce qui concerne la vie de la paroisse, et parfois les actualités marquantes. 
Bernard Le Bihan. En 1944, c’est un gamin qui vit au Bourg d’Ergué-Gabéric. Sa famille, de Lorient, se réfugie à Ergué, d'où vient le père. En été 2000, il fournit un article dans le Keleier n°6 d’Arkae, où il raconte ce qu’a été pour lui le 5 août au Bourg.
Alain Le Roux est agriculteur au Mélennec. Il porte sur un agenda de poche une petite comptabilité des ventes de la ferme en lait, beurre et œufs. Et parfois, il y mentionne aussi les évènements importants, tels que les 4 et 5 août 1944.
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Jeudi 3 août 1944
Ce jeudi 3 août, à Ergué-Gabéric, le recteur Gustave Guéguen a-t-il connaissance du déclanchement de l’offensive ? Dans son Journal, nous lisons cette simple information : « un train a déraillé sur la voie à 50 mètres en aval de la station signalétique : plusieurs wagons remplis de petits morceaux de bois bien sec pour gazogène. Dès le soir et toute la matinée du lendemain, des brouettes, des charrettes à bras, de grosses charrettes sillonnaient les prairies environnantes pour prendre leur part de butin et sous une chaleur tropicale transportent à domicile la provision hivernale ». Le ton du recteur se fait plutôt désabusé: « Pour l'honneur de l'humanité, l'on eût souhaité que les riches laissâssent aux pauvres le soin de profiter de l'aubaine. Hélas, l'humanité n'est pas belle ». Il s'agit là d'un déraillement parmi bien d'autres, organisé en ces jours de forte tension pour paralyser tout trafic ferroviaire et créer un sentiment d'insécurité chez l'occupant. Et les scènes de pillage se multiplient,   par exemple en gare de Quimper, ce même jour, comme le raconte Gabriel Nicolas : « Un train rempli de matériel pour les troupes d’occupation attendait depuis plusieurs jours, faute de pouvoir aller plus loin ou être déchargé. Dans l’après-midi du 3 août, une ruée de la population pilla tous les wagons qui contenaient des dizaines de tonnes de matériel le plus divers, en état neuf, allant du gros moteur électrique aux pneus de voitures et de camions, emportés à bras, en brouette, en voiture, voire par camion. Pas de responsable allemand ou français pour s’opposer au pillage ».
 
 
Vendredi 4 août 1944
Ce matin-là, Jean Grall, qui habite rue de La Fontaine, près de la gare de Quimper, sait ce qu’il a à faire : rejoindre le maquis de Langolen, comme tous les FFI de la 6e compagnie, convoqués ce 4 août sous le commandement du Lieutenant Danion. Car c'est à proximité de deux fermes de Langolen que l'aviation anglaise doit parachuter, la nuit suivante, l'équipement destiné aux résistants, en particulier l'armement dont ils sont démunis : « Départ à 7h30 de chez Henri Carn avec Henri Desseron. Eau blanche : deux Allemands en side-car. Filons par les jardins et des maisons inconnues. Retrouvons d’autres copains au pont de Saint-Denis. Remontons le canal de la papeterie vers la route de Langolen. Le groupe augmentant, nous avons deux gars en avant-garde et deux autres en queue de colonne. A la moindre alerte, coup de sifflet et disparition. A l’arrivée au camp, un gars mal rasé, casquette marine, revolver à la ceinture renseigne les arrivants… ». Mais ce même matin du 4 août, dans la ville de Quimper, les services administratifs allemands, dont la Gestapo, ont abandonné leurs bureaux dans une précipitation remarquée par les habitants ; ils quittent Quimper pour rejoindre Lorient ou Brest. Cependant, des troupes combattantes se sont simplement repliées à Kerfeunteun (Likès et séminaire). La population quimpéroise croit au départ des occupants et est persuadée de l’arrivée imminente des Américains…
 

Cahier Césaire Le Guyader

Césaire Le Guyader note : « A 11 heures 30, la bonne, Madame Kerinvel, rentre de la ville et m’annonce le départ des Allemands : la ville est en émoi ; on attend les Américains d’un moment à l’autre. On les croit aux environs de Rosporden, que la Résistance a libérée [...] A 13 heures Julie vient et confirme cette nouvelle extraordinaire : "Quimper est en liesse". Je pars vers 13 h 30. Des groupes partout. On pavoise. En ville, grosse animation. On attend les libérateurs… St Charles lâche des détenus. La préfecture est décorée des drapeaux français, américain. La mairie, des drapeaux français, américain, anglais et belge : on prépare un drapeau de l’URSS. L’électricité est rendue ; on écoute la radio. Pas vu de la journée d’hommes de la Résistance, mais une vingtaine de voitures automobiles, cars ou tourisme allemands, avec mitrailleuses et fusils prêts au tir. Les rues sont pavoisées, les maisons aussi, le soleil brille. On attend toujours les "Noirs" [sic] libérateurs » (voir photo ci-contre).
 
Dans le cours de l'après-midi, la population se livre en ville au pillage des bâtiments et magasins libérés par les Allemands. A Langolen, selon Jean Grall, c’est une pagaille complète. Le parachutage prévu la nuit précédente n’a pu avoir lieu. Les compagnies convoquées la veille n'ont donc pas été équipées. Il y a déjà là plus de 500 hommes, et des volontaires arrivent encore de partout. Les armes manquent, mais aussi la nourriture, le couchage...« De temps à autre des gars arrivaient de la ville colportant les histoires les plus invraisemblables, entretenant ainsi l’indescriptible pagaille qui régnait déjà. [...].
16 h 45. Des gars arrivent. L’un brandit une grenade allemande et en a une caisse. Il clame : "Plus d’Allemands à Quimper. Les drapeaux flottent. On a calotté un camion de grenades et une traction de la Gestapo".
16 h 50. Un libéré de St-Charles passe : "On libère les gars après une prétendue vérification de papiers".
17 h 05. Un cycliste rentre : "Il y a encore des fritz, mais les drapeaux à croix de Lorraine flottent sur la cathédrale et la caserne". Il me disait aussi que les Français "récupéraient" le vin de la Gestapo rue René Madec devant les Boches eux-mêmes…
 
Ce qui se passe à cette heure à Quimper ? « Berthaud » a fait une apparition à la préfecture pour prononcer la destitution du préfet de Vichy en place et prendre quelques mesures d'urgence. Episode moins spectaculaire que celui qui a lieu vers 18 heures : un homme escalade une tour de la cathédrale et plante un grand drapeau tricolore à son sommet. Sur la place Saint-Corentin, on chante la Marseillaise... Mais « Berthaud » a rejoint le camp de Langolen. Suivant Alain Le Grand3, à Langolen, « Berthaud » discute  avec ses adjoints « d’une action à mener d’urgence sur Quimper. On pense que la garnison allemande n’est pas tellement importante. D’aucuns font des réserves quant à la possibilité de représailles contre la ville. L’action est décidée, on attend les véhicules. Ils arrivent vers les 20 heures. Une colonne se forme : en tête, la voiture dans laquelle prennent place Berthaud et ses adjoints, une camionnette et un camion transportant la 5e compagnie FFI4, et un détachement de FTP… ».
Cette décision, qui a été imposée par « Berthaud », de prendre possession de la ville dès le soir du 4 août, est sévèrement critiquée sur place par Albert Philippot : « Nous ne pouvons armer au plus que 50 hommes, et je considère cette marche sur Quimper comme une folle aventure qui peut se solder par le massacre du petit détachement que nous pouvons équiper. Blathwayt5 est de mon avis et affirme que "c'est du cinéma".Jean Grall n'est pas en reste pour souligner l'incongru de la situation : « Plusieurs surexcités décidèrent de descendre sur Quimper avec la quasi-totalité des armes du camp. Une partie embarqua dans une voiture particulière et le reste dans un camion "Bourhis-grains". Ils chantaient tous. Peu après quelques-uns revinrent : une voiture était en panne. Un autre convoi fut formé de quatre ou cinq voitures de tourisme, commandé par Monteil ».
 
Arrivés à Quimper, ces maquisards se répartissent en petits groupes pour converger vers le centre-ville, où des accrochages ont lieu avec des patrouilles allemandes. Bilan : deux morts et une dizaine de blessés du côté des résistants, qui doivent décrocher. Ils s’installent pour la nuit, une partie sur le Frugy, une autre à Saint-Denis. Un détachement de la compagnie de Briec, également engagé dans cette attaque sur Quimper, y a aussi perdu deux hommes. Césaire Le Guyader ne comprend pas ce qui se passe ce soir-là à Quimper : « Nous rentrons chez nous vers 18 h 30. Nous voyons dans l’Odet flotter la guérite aux couleurs allemandes de la Kommandantur, des chenilles, des barbelés, des cadres dont celui d'Hitler. Tout est calme. A 21 heures, des coups de fusils, des rafales de mitrailleuses se font entendre ; ça cogne très fort. Des hommes passent, le fusil et le fusil mitrailleur au poing. "Qu’y a-t-il ? Que se passe-t-il ?". Les explosions succèdent aux explosions. Des grenades à main, sans doute. Ça dure une grande partie de la nuit… Pourquoi ? ».
Jean Grall, qui est resté à Langolen avec la 6e compagnie, dans l'attente d’un nouveau parachutage, rapporte ce qu’il apprend de l’équipée lancée sur Quimper : « Fanch Carn au volant d’une voiture avait des cailloux plein les poches. Pour lui, l’aventure faillit mal se terminer. Rue du Frout, dans un couloir du pensionnat Notre-Dame-de-l’Espérance, quatre ou cinq furent blessés. M. Volant, garagiste, tué. Fanch plusieurs éclats dans le ventre. Il avait le gros intestin perforé et son cas fut longtemps considéré comme désespéré ».
 
Une autre pagaille a régné ce même jour au bourg d'Ergué-Gabéric. Le recteur Gustave Guéguen observe : « Vers 17 h, remue-ménage, cris de joie, embrassades innombrables ; le chef de groupe (Viol de Kerfeunteun) emprisonné à Saint-Charles depuis 10 jours arrive au bourg prendre la direction de sa section. Ces transports de joie sont trouvés excessifs, et l'on juge sévèrement les demoiselles trop prodigues de leurs baisers. Dans la soirée, le bourg [est] en émoi par l'arrivée de la Résistance : des moteurs ronflent. De camions et d'autos descendent de nombreux jeunes gens armés de fusils et de fusils mitrailleurs. Ils escomptent prendre Quimper la nuit ou le lendemain !!! Ces troupes pleines d'enthousiasme et délirantes ne sont ni aguerries ni disciplinées et pour ma part, j'éprouve un sentiment pénible de penser que le salut de la France est entre les mains de pareils écervelés. L'enthousiasme gagne la population et deux auberges arborent les trois couleurs : cette marque de patriotisme prématurée leur vaut de faire d'excellentes affaires. Comédie humaine ! » Il n’est pas dit que ce soient les « surexcités » de Langolen qui aient fait une halte au bourg d’Ergué. On peut plutôt comprendre que le bourg a été, pendant la journée du 4 août, le point de ralliement de la section de Le Viol et peut-être d'autres éléments qu’aucun témoignage ne nous permet d’identifier. En soirée deux autres groupes de résistants montant vers Langolen  (non identifiés par nos témoins) sont passés au bourg. Selon Gustave Guéguen, « au crépuscule arrivent de Quimper deux sections se dirigeant sur Langolen et fort disciplinées celles-ci et donnant vraiment une impression de sécurité6. L'ordre est donné de ne rien tenter sur Quimper, j'en suis fort aise ». Ainsi les contradictions apparues au camp de Langolen ont également cours à Ergué. On attaque sur Quimper ou pas ? A peine s’est-il rassuré que le recteur se trouve contredit : « …des audacieux du bourg vont en ville la nuit aider des camarades en détresse et dépourvus de munitions ; ils peuvent faire leur voyage sans blessure, mais leur auto est criblée de balles ». Ce groupe parti d’Ergué est donc revenu sain et sauf. Une tradition orale précise qu’il était dirigé par Fanch Balès, et qu’il avait plutôt pour objectif de se constituer une bonne réserve de cigarettes en attaquant l'entrepôt des tabacs de la rue de Douarnenez. Cette même source confirme les nombreux impacts de balles sur le véhicule.
 
Sur son petit agenda, à la page du vendredi 4 août, Alain Le Roux, de Mélennec, a noté : « Départ des troupes allemandes de Quimper et de la Gestapo. Nettoyage de la ville par la Résistance. Drapeau français et américain partout ».
 
 
Samedi 5 août 1944
Les maquisards n'ont pas pu se rendre maîtres de Quimper, où le réveil est plutôt brutal. Et les Allemands, repliés sur Kerfeunteun, ont repris le contrôle du centre-ville. Césaire Le Guyader note : « Ce matin, à 6 h. Réveil à coups de fusil et de mitrailleuses...  Les drapeaux quittent les fenêtres avec une vitesse intempestive… Un passant me dit : "Enlevez vos drapeaux. Les Boches les arrachent ou tirent dessus". Il est 9 h 30. La fusillade continue, très nourrie par moments. On annonce une arrivée en masse de ceux qui nous quittaient hier si rapidement. Avaient-ils cru eux aussi que les Américains étaient à Rosporden ? Sans doute, il n’y a que cela qui peut expliquer leur si rapide départ. Mais où sont mes camarades7 ? On avait désigné Faou comme commissaire de police en remplacement de l’affreux Bodiguel. Un nouveau préfet était en place depuis hier soir, Mr Berthaud ; des affiches déclaraient Quimper en état de siège. Actuellement on nous dit que les Allemands sont à nouveau maîtres de la préfecture, de la mairie, de l’hôtel des postes, de la Kommandantur… La fusillade reprend de façon spasmodique ; il est 10 h 30. J’enlève mes drapeaux ». Puis il s’explique : « Julie vient d’entendre dire à l’instant que la Radio de Paris annonce l’arrivée des Américains à Ploërmel. Il paraît qu’on attendait hier la descente en parachute de 600 Américains, d’autres disent 500. Ce qu’il y a de certain, c’est que nous attendons toujours. Alors pourquoi un bobard hier ? Pourquoi cette prise de la préfecture et de la mairie s’il n’y avait rien de prêt pour tenir les Allemands en respect ? Où est Monsieur Berthaud8 ? ».
 
Au matin de ce samedi, le drapeau tricolore flotte toujours au-dessus de la cathédrale, Une section de la 5e compagnie est restée installée en observation sur le Frugy. Les autres ont rejoint les sorties de la ville vers Lorient (l’Eau blanche) et vers Brest (Gourvily). La situation des résistants s'est nettement améliorée du fait des parachutages, enfin réussis, destinés à la 6e Compagnie FFI et à la compagnie de Briec. Albert Philippot évalue : « Nous pouvons aligner environ 300 hommes armés, possédant une trentaine d'armes automatiques et les trois bazookas. Nous devenions un adversaire avec qui il faudrait compter ». Il poursuit : « La seconde phase de la bataille pour Quimper allait commencer. Ne pouvant encore espérer donner l’assaut […], nous décidons d’établir autour de la ville une série de petits points d’appui dont la mission sera de harceler tous les convois ennemis qui passeront, sans nous laisser accrocher ». Jeanne Bohec confirme : « Les troupes allemandes qui défendaient la côte sud, de Penmarc’h à Concarneau, reçurent l’ordre de se replier sur Brest en passant par Quimper. Partout, ces détachements se heurtèrent aux forces de la Résistance, qui les attendaient en embuscade. Nous occupions toutes les hauteurs qui dominent la ville, toutes les routes et passages obligés. Attaqués en un point, les Allemands en retraite qui réussissaient à passer étaient de nouveau assaillis un peu plus loin ».
 
Dans ces conditions, les affrontements sont inévitables. En centre-ville d'abord. 
Vers 10 heures, des résistants postés sur le Frugy blessent par balle deux allemands qui passent sur le pont Sainte-Catherine et le Champ de Bataille. Réaction immédiate : convaincus que les tirs proviennent de la préfecture, les Allemands y pénètrent, y jettent des grenades incendiaires et prennent en otages une trentaine d’employés, qui sont enfermés à la prison de Saint-Charles. Césaire Le Guyader note : « 10 h 45 : la Préfecture flambe. 12 h 05 : Je rentre d’avoir été aider à déménager les habitants du pâté de vieilles maisons. On craignait que tout le quartier ne brûle. Il y a espoir de voir le feu épargner le voisinage. Le vent, assez fort, souffle du nord-est… et je suppose que les boiseries et les tentures de cet important immeuble étaient ignifugées. Mais où est Monsieur Berthaud ? ». Jeanne Bohec raconte la suite de l’épisode du drapeau : « Au sommet de la cathédrale le pavillon tricolore flottait toujours, semblant les narguer. Ils ouvrirent le feu sur lui, essayant de couper la corde qui le retenait, en vain. Alors ils prirent le curé de la cathédrale et plusieurs autres personnes en otages, menaçant de les fusiller si le drapeau n’était pas enlevé dans les dix minutes. Apprenant cela, l’homme courageux qui avait été le placer là-haut refit la périlleuse ascension et descendit notre emblème. Les Allemands le piétinèrent avec rage ». Cette agitation quimpéroise trouve un écho auprès du recteur Gustave Guéguen : « Le samedi matin, la fusillade est nourrie dans la vallée du Jet9. Le bruit court que la cathédrale est en feu ; en réalité, c'est la préfecture qui brûle, on ne saura probablement jamais pourquoi. Les drapeaux disparaissent des fenêtres, les panneaux sont mis aux devantures et le bourg prend son aspect morne habituel. J'admire la bravoure et la prudence de mes paroissiens ».
 
Dans le cours de la journée, le dispositif résistant d'encerclement de la ville se poursuit. « Berthaud » a sorti de Quimper le PC des FFI pour l'installer sur l'axe Langolen-Quimper, au Rouillen, en Ergué-Gabéric, chez Alfred Le Mercier10. La 5e compagnie (Nicolas) se regroupe à proximité du Rouillen et cantonne à Kerellan, en protection de l’Etat-Major. « Nous tenons solidement les routes de Brest, Concarneau, Coray, Rosporden », constate Albert Philippot. Jeanne Bohec raconte ce transfert : « Nous quittâmes Quimper dans un camion de Joncourt et le PC fut installé non loin de la ville près d'un important embranchement de routes, si je me souviens bien sur la route de Brest, près du moulin de Tréqueffélec11. Nous y retrouvions, avec une compagnie FFI, l'équipe Jedburgh. Son capitaine12 prit le commandement de fait. Les liaisons avec les autres compagnies FFI étaient assurées comme toujours par des jeunes filles ».
 
La compagnie de Briec, avec à sa tête le lieutenant Le Gars, s’est lancée dans la bataille le matin même ; dans la nuit, 27 résistants sont descendus du car Berthelot, de Landudal. Ils ont plusieurs accrochages dans la journée avec des Allemands sur la route de Brest. Dans l'après-midi, un convoi motorisé venant de Brest surprend un groupe de résistants en train de se désaltérer à proximité du café tenu par la famille Le Jeune. Un échange de tirs s'engage. Quatre résistants sont tués. Les Allemands incendient la maison et exécutent sur place quatre membres de la famille. La compagnie de Briec va cantonner à Cuzon. Grâce à Jean Grall, nous pouvons suivre la 6e Compagnie FFI (Lieutenant Danion). Cette dernière a pu s'équiper : en effet, un nouveau parachutage d'armes a réussi du côté de Langolen dans la nuit du 4 au 5 août. Le matin ils récupèrent, montent et dégraissent les armes : « A 14 heures, j’avais un fusil, un chargeur de 10 balles et deux cartouchières de toiles (100 balles) ». Il poursuit : « Des gars venus de Quimper disent que la préfecture brûle depuis ce matin puisque l’on n’a pas voulu ôter le drapeau de la cathédrale et que 400 Russes vont et viennent dans les rues en tirant sur les drapeaux ». Dans la soirée, le camion gazogène et une vieille voiture font la navette vers Quimper. Le groupe 1, celui de Jean Grall, attend son tour. « Le lieutenant Danion nous réunit – répartition des chargeurs, FM, mitraillettes. Sans brassards FFI, nous en taillons dans ces gros rouleaux de chiffons accompagnant les armes pour le dégraissage… Ils embarquent enfin : « les fermiers qui ramassent le foin, les habitants de la route nous saluent [...] Arrêt à la Croix-Saint-André. Progression en colonne de chaque côté de la route, arme au poing… un ivrogne couvert de médailles me crie : j’en ai tué à l’autre et je veux le refaire… ».
 
Qu'est-ce qu'on comprend à Mélennec de tous ces évènements ? Alain Le Roux a noté : « Fausse arrivée des Américains à Quimper. Ils sont partis en renfort à Brest. Fusillade à partir de la route de Rosporden sur nous. Donné lambic et beurre et oeufs au commandant Berthaud et officier américain13  au Rouillen. Arrivée d'Allemands (russes) de la côte (escarmouche). Feu à la préfecture. N'ai pu aller que jusqu'au Pont Firmin ». 
 
De son côté, le recteur d’Ergué-Gabéric fait état du grand remue-ménage survenu dans le bourg ce jour : « A midi, fausse alerte heureusement ; on prétend que les Allemands encerclent le bourg et l'on entend une rafale de fusil mitrailleur. En fait, c'est un exercice de tir qui glace tout le monde d'effroi ». Mais Bernard Le Bihan se montre plus précis dans l’article qu’il a présenté dans le Keleier n°6 d’octobre 2000. Ainsi ce souvenir d’enfance concernant ce moment de panique : « Dans le bourg d’Ergué-Gabéric, un groupe de maquisards bavarde devant l’école des filles. Admiratifs et curieux, quelques gamins les observent… Soudain, venant de la rue du presbytère, semblant apeuré et essoufflé, un gamin plus grand que les autres crie : "les boches, les boches… ils arrivent !". Et il indique la direction du cimetière. François Balès, pas du tout impressionné, déclare : "je rentre de patrouille de nuit et je vais me coucher. S’il y a du grabuge, venez me chercher". Un responsable donne des ordres et tout le monde s’éparpille dans toutes les directions […]. Un car manœuvre sur la route de Kerdévot. Sur le toit, un résistant est armé d’un fusil mitrailleur […]. Brutalement trois rafales d’arme automatique déchirent le silence ; elles proviennent de l’endroit où le car s’est placé pour prendre la rue en enfilade. Un silence s’installe comme si le bourg retenait sa respiration […] ». Le calme paraissant revenu, le gamin finit par rejoindre les maquisards. « Ceux-ci commentent l’évènement : "Heureusement que ce n’était qu’une fausse alerte, dit l’un d’entre eux. Qu’est-ce que j’aurais fait avec ça ?". Et il exhibe un poignard de scout. Un autre dit  : "Et moi, avec ça ? en montrant un pistolet de petit calibre, tout juste bon à effrayer les chiens." Une patrouille qui cherchait le contact avec les Allemands revient en poussant devant eux l’auteur de la fausse alerte. Immédiatement conduit devant le chef, celui-ci lui assène une gifle formidable et lui dit : "Si tu avais été un homme, nous t’aurions fusillé". »
 
 
Dimanche 6 août 1944
La journée du 6 août est généralement considérée comme ayant été calme à Quimper : « une sorte de trêve ponctuée de coups de feu isolés », dira Jeanne Bohec. Cela se traduit quand même par plusieurs morts et blessés parmi les habitants. Pour Césaire Le Guyader, le 6 août est plutôt mouvementé : 
« 10 h du matin. J’ai fait le tour de la préfecture. Il n'en reste que les murs. Tout est consumé. Me trouvant sous les arbres en face de l’Hôtel de l’Epée et contemplant le désastre, j’entends le bruit d’une foule galopante. Je me retourne et de tous sens couraient des gens : hommes et femmes. "Ils viennent ! Ils viennent !" criaient des gens. 
– Où sont-ils ?
– Ils viennent !
Je me dirige vers la Banque Loyer, où je trouve un groupe : 
– Qu’y a-t-il ? 
– Les Boches descendent de Saint-Charles ! Ils tirent. 
Les gens passent en courant. Georgina vient vers nous ; on lui demande 
– Où sont ils ? 
– Est-ce que je sais, moi ? Les aut’ cour’, moi je cour’ aussi, répond-t-elle de son ton inimitable. 
– Rentrons ensemble, lui dis-je, par derrière la préfecture.
Nous passons le pont du Café de Bretagne et longeons les grilles du palais préfectoral doucement, en disant "les salauds ! Ils nous emmerderons donc jusqu’à la fin !". Huit jeunes filles affolées sortent de la rue Sainte-Thérèse en courant vers nous. "Allons bon ! dis-je, les voici dans notre rue !" Nous abordons le coin avec beaucoup de circonspection. Rien. Tout est calme. Des groupes discutent. On entend : "Ils reviennent, ils ont des grenades. Ils tirent sur tous ceux qui sont dans la rue ! Il faut rentrer…". Personne ne sait ce qui se passe. Pendant que je trace ces lignes, j’entends des coups de feu et des pas rapides dans la rue. Alors quoi ? Où est Monsieur Berthaud ? Qui est ce type qui vient et qui fout le camp, c’est ça un préfet ? Il n’était donc au courant de rien ? Ca commence bien !! »
 
Par ailleurs, côté résistants, le dispositif s'améliore encore. Albert Philippot en témoigne : « La compagnie de Briec étant descendue au complet, elle prend à son compte le secteur de la route de Brest et celui de Saint-Denis qu'occupait depuis la nuit la compagnie Nicolas14. Celle-ci prend le secteur des routes de Rosporden et de Coray. Il ne peut toujours pas être question de résister à une attaque en force de l'ennemi sur un point donné ; nos hommes peuvent faire de la guérilla, mais pas de combat rangé. L'ordre est donc d'éviter de se faire accrocher et de harceler l'ennemi. Nous avons ainsi deux ou trois bouchons échelonnés sur chacune des routes que nous contrôlons. A mesure que des armes de récupération tombent entre nos mains, nous complétons notre dispositif. La compagnie Danion15 prend la route de Rosporden en arrière de la compagnie Nicolas, vers Kergonan, et la route de Concarneau vers Ty Boss. La compagnie Bédéric16 s'installe à cheval sur les routes de Concarneau et de Bénodet, poussant des éléments assez loin de Quimper […]. La 2e compagnie (commandée par Fer, qui est revenu prendre sa place au combat17) et la 8e compagnie, placée sous les ordres du Capitaine Espern, ne sont pas encore armées ; elles sont des réserves à Ergué-Gabéric, où elles gardent les prisonniers que l'on a faits18 ». Gabriel Nicolas peut encore renforcer sa 5e compagnie : « Ce dimanche, des dizaines de volontaires se présentent à Kerellan ; nous en prenons une vingtaine dont un sous-lieutenant d'active [...]. » Il peut tester l’efficacité de son organisation. Ainsi, « tôt le matin, un agent de liaison motocycliste vient se faire prendre au poste de garde du passage à niveau de l'Eau blanche [...]. On récupère un revolver et une moto. Notre premier prisonnier ira à Ergué-Gabéric où se crée le premier camp19 ». Cependant, à partir d’un semi échec le soir à l’Eau blanche, il lui paraît qu’il faut y établir un poste permanent : « le dimanche, en fin de journée, un convoi allemand quitte la ville par la route de Rosporden sur laquelle nous n'avons aucun poste à l'Eau blanche. En passant, il nous arrose de rafales d'armes automatiques pour aller plus loin se faire accrocher par la 6e compagnie et se faire détruire avant de gagner Lorient20 ». Le recteur d’Ergué-Gabéric, ce dimanche, écrira : « Vers 16 h arrivent les sections de Langolen et celles de Quimper vues le vendredi : elles prennent possession du bourg ; on poste des fusils mitrailleurs au bord des trous creusés par ordre des Allemands pour leur défense21. Le chanoine Grill22 qui se met bénévolement à la disposition des troupes est reçu au presbytère, où il logera toujours et où il prendra parfois ses repas.Vers 20 h. arrivent des prisonniers allemands et deux Quimpéroises trop aimables pour eux. Le bourg au complet devant l'école publique des filles où on les a rassemblés ; les femmes sont désolées parce qu’on ne fait pas faire le tour du bourg à ces honteux trophées ; le soir, on circule très tard en commentant les évènements ».
 
 
Lundi 7 août 1944
La veille au soir, le convoi allemand qui voulait s'échapper vers Lorient n'avait pas été stoppé à l'Eau blanche. D'où cette décision signalée par Gabriel Nicolas : « La 5e compagnie, complétée en armes et en effectif, met une section sur la route de Rosporden, à l'Eau blanche derrière le barrage bétonné construit par les Allemands23 ». Le même Gabriel Nicolas, qui commande cette 5e compagnie, raconte : « Vers 10 heures, je me trouve devant le barrage avec le chef de section lorsque nous sommes prévenus qu'un convoi allemand se dirige vers Rosporden. La section est en alerte et nous n'attendons pas longtemps pour voir arriver les véhicules. A une centaine de mètres, nous ouvrons le feu. Sous la mitraille, les voitures s'arrêtent à une cinquantaine de mètres. Des hommes giclent des véhicules et disparaissent des deux côtés. Le feu des armes a duré à peine 5 minutes qu'il arrive sur le barrage une volée d'obus de mortiers fort bien ajustés, mais un peu tard : les jeux sont faits. Nous avons localisé ces tirs comme provenant du Grand séminaire. Avec une rapidité étonnante, les voitures de la Croix-Rouge sont sur place pour relever morts et blessés. Les rescapés regagneront le séminaire. Quatre hommes valides seront faits prisonniers. Interrogés par un interprète, nos captifs sont pâles et pitoyables. On leur a tant dit que les "terroristes" fusillaient les prisonniers. L'interrogatoire ne peut avoir lieu ; ils ne sont pas à même de répondre. Ils seront conduits au camp de prisonniers d'Ergué-Gabéric. Nous récupérons trois camions, deux mitrailleuses légères, une trentaine de fusils et des grenades24...» .
En ville de Quimper, Césaire Le Guyader constate un calme relatif : « 7 août. Journée d’attente… coups de fusils et de grenades... des morts. Beaucoup d’avions ».En réalité, depuis le samedi 6 août, des démarches sont entreprises par le commandement FFI, par les conseillers militaires anglais qui l’assistent et par la Croix-Rouge, en vue d'obtenir une reddition allemande. Les différents contacts pris n'aboutissent pas à un accord, mais les préparatifs d'un départ des troupes allemandes sont observés. 
L'Abbé Gustave Guéguen a eu connaissance des combats de l'Eau blanche : « Le lundi 7, à la fin de la matinée, fusillade nourrie semblant venir du sommet de la colline25, en fait de l'Eau blanche. On veut empêcher les Allemands (4 ou 500) de sortir de Quimper ; l'aumônier est allé sur les lieux. Dans l'après-midi, les nôtres ont tué 12 Boches : un seul a une égratignure à l'oreille. On est venu demander une chambre pour le Capitaine Espern26, capitaine de l'artillerie de l'active de Trégourez. Un matelas a été prêté pour une ambulance provisoire. Vers 19 h sont arrivés 60 prisonniers TOT27 ; de très nombreux avions ont sillonné le ciel, surtout l'après-midi, quelques-uns très bas. A 21 heures, il y a eu des bruits de bombes ».
 
 
Mardi 8 août 1944
 
Le matin
Gabriel Nicolas décrit : « Au milieu de la matinée, un convoi d'une dizaine de véhicules venant de Concarneau est attaqué vers Ty Bos par la 6e compagnie mitraillant à outrance. Le convoi passe et gagne le Grand séminaire ». Albert Philippot présente une version tout aussi brève : « Le 8, un convoi ennemi fort d'une douzaine de voitures est accroché par le poste que la compagnie Danion a installé à Ty Boss. Les deux FM s'enrayent au cours de l'engagement, le convoi passe, nous avons deux blessés...»
Alain Le Grand se montre bien plus précis : « une douzaine de camions transportant 250 soldats environ28. Au lieu dit Ty Boss, ils mettent pied à terre pour escorter les véhicules... ». Les Allemands avaient, semble-t-il, repéré le barrage la veille. « ...Les deux FM des FFI s'enrayent. La section décroche avec deux blessés [...]. Les Allemands prennent en otage un cultivateur, Jean-Louis Le Meur (37 ans), d'Ergué-Gabéric29, qu'ils obligent à marcher devant la colonne. Parvenue à l'entrée de l'agglomération, route de Concarneau, à l'intersection de l'avenue Kergoat-al-Lez, les soldats abattent l'otage, déchirent sa carte d'identité et en dispersent les morceaux. La colonne descend vers la gare, mitraillant et jetant des grenades dans les maisons... ». Une vieille femme est tuée et une quinzaine de civils sont blessés.
Alain Le Grand revient sur la matinée : le commandant de la gendarmerie « rapporte, d'une nouvelle intervention au PC (allemand) du Likès que la garnison allemande quittera la ville aux environs de midi, par la route de Plogonnec, allant vers Brest. En effet, vers 12 h 30, on entend des explosions : les Allemands font sauter leurs munitions au Likès et au Séminaire. Ils incendient aussi le relais téléphonique de Kerfeunteun30 ». Et les cellules de la prison Saint-Charles s'ouvrent.
De son côté, l'Abbé Gustave Guéguen note : « Mardi 8. Le matin, été au PC du Rouillen (Abattoir Mercier31) pour mission qui n'a pas réussi. Le commandant Berthaud n'a rien d'un militaire extérieurement. Aperçu une demoiselle32 qui a été deux ans en Angleterre, parachutée depuis six mois comme instructrice du déboulonnage des voies ferrées.Un scout a hissé le drapeau au sommet de la tour sans ma permission : j'ai fait la remarque le lendemain, et le jeune est venu offrir ses excuses33 ».
A Quimper, Césaire Le Guyader observe : « Mardi 8 août. C’est calme vers 9 heures. Je me dirige vers la mairie pour voir ce qui s’y passe au sujet du conseil municipal. Rosuel y vient vers 9 h 30 et me dit qu’il se rend au Vieux séminaire, où a lieu une réunion pour constituer une liste. Je vais avec lui… Vers midi, la liste est constituée. Je rentre à midi trente. Julie était dans l’angoisse, car les coups de feu ne cessent pas. Le soleil est radieux. Beaucoup d’avions. »
 
L’après-midi
Autre combat important, et même décisif, dans l’après-midi de ce 6 août : celui de Tréqueffélec. Voici ce que dit Gabriel Nicolas : « Vers 13 heures, un convoi quitte la ville par la route de Brest, contrôlée par Pierre Le Gars de la compagnie de Brest, qui dispose de 260 hommes. Dès le départ, le feu des armes est intense ; la Wehrmacht doit quitter ses camions pour un sévère combat d'infanterie qui durera plusieurs heures. Les tirs sont meurtriers de part et d'autre, mais la compagnie de Briec ne lâche pas sa proie. La 2e section de la 5e compagnie FFI – mon unité –  gagne les lieux de combat vers 14 heures et se met à la disposition du commandant de la compagnie de Briec. Elle permettra à ce dernier d'améliorer sa puissance de feu, ce qui obligera l'adversaire à décrocher, abandonnant ses véhicules, dont trois brûlent sur la route. Il devra à pied gagner la presqu'île de Crozon ». Et dans la soirée, sept camions allemands sont ramenés à Kerellan en guise de butin, dont l'un contient 50 paires de bottes et d'autres, une grande quantité de vivres et d'armes.
Albert Philippot indique qu'il y a eu plus de 150 tués du côté allemand, et de « nombreux » blessés : « Nous avons à déplorer sept morts et trois blessés à la compagnie de Briec. Ce combat semble décider du sort de Quimper. Le soir même l'ennemi incendie ses dépôts de munitions et remonte vers Locronan en utilisant la petite route de Croechou34, que nous ne contrôlons pas ».
L'Abbé Gustave Guéguen a eu vent de cette action : « Le soir, tard, appris que la section du bourg a bousillé cinq camions d'allemands s'enfuyant vers Brest par la route de Briec : le groupe de Briec a eu cinq morts ; ceux enfuis par la route de Locronan ont pu échapper alors qu'il eût été si facile de les attaquer des bois qui précèdent le pont du chemin de fer de Douarnenez ou au bas de la côte de la Lorette. Discussion vive au sujet du sort que l'on fait subir aux prisonniers, qu'il ne faut pas achever35 ».
Césaire le Guyader conclut : «  Ce soir, 18 heures, la Ville est libre. Les "FFI" occupent les sorties de la ville ».
 
 
Mercredi 9 août 1944
Albert Philippot annonce : « Le 9 août, nous entrons définitivement dans Quimper ». Gabriel Nicolas développe : « La délégation militaire s'installe [en] centre-ville tandis que les unités demeurent sur place pour éviter un retour de l'occupant encore présent sur la côte, à Concarneau, Bénodet, Audierne. Il y a alors 860 hommes armés autour de la ville, à savoir : 450 hommes du mouvement Vengeance, 250 hommes du mouvement Libération-nord, et 150 hommes des FTP. Quelques groupes armés font également le coup de feu, ce qui porterait le total à 900 hommes ». C'est aussi ce 9 août que le Finistère a un nouveau Préfet, Aldéric Lecomte. Gustave Guéguen poursuit sa chronique : « Mercredi 9. Mangé au mess des officiers – 2 seulement, le capitaine Espern et le lieutenant Fer. Le capitaine est arrivé à la fin du repas avec le docteur de l'asile et nous avons attendu pour le dessert.Prise d'armes à Quimper vers 16 h. près du monument aux morts. Le directeur du ravitaillement, le commissaire de police sont désignés ; le nouveau préfet est attendu ».
 
 
Jeudi 10 août 1944
Gustave Guéguen : « Jeudi 10. Les prisonniers et TOT sont partis, ceux-ci à Pluguffan, ceux-là à Guengat. Le matelas a été rendu le vendredi dans la soirée ». Les autres chroniques tiennent que les prisonniers sont rassemblés au camp de Lanniron. Le samedi 12 août, le recteur notera encore : « Samedi à 3 h. du matin, réveil par suite de canonnade intense dans les parages de Penmarc'h. Cela a duré une heure d'une façon intense. Puis le bourg est retombé dans sa torpeur habituelle ». Césaire Le Guyader fera partie du Comité local de Libération pour y représenter le Parti communiste. Le 15 août, il se joindra aux FTP et sera chargé des effectifs au bureau de leur Etat-Major à l’Hôtel Templet.Il participera au siège de Lorient.
 
Les FFI et FTP qui ont libéré Quimper enverront quatre sections combattre à Fouesnant, Bénodet et Concarneau, que les Allemands évacueront par mer, vers Lorient, le 25 août. Il ne restera à libérer que Lezongar (Cap Sizun), la presqu'île de Crozon et Lorient. Ce n'est que le 22 septembre qu'on verra les troupes américaines passer à Quimper, après la reddition des Allemands dans la presqu'île de Crozon.
 
Allocution du colonel Berthaud à Quimper Libération Archives municipales de Quimper
Allocution du colonel Berthaud en 1945 (Archives municipales de Quimper)
 
 
Notes
1. Les FFI étaient le produit du rapprochement de plusieurs mouvements, les principaux à Quimper étant Vengeance et Libération-Nord. Une concertation avec les FTPF était en cours depuis quelques semaines pour établir le plan d’action à suivre ensemble.
2. Voir note 6.
3. Le Finistère dans la guerre 1939-1945. Tome 2, « La Libération », page 272.
4. La 5e compagnie, celle commandée par le lieutenant Nicolas, a engagé quatre sections dans cette opération.
5. A la suite du Débarquement en Normandie, des équipes de trois conseillers militaires furent parachutées par les Alliés derrière les lignes allemandes dans le but d’activer et de diriger l’action des maquis, de les assister dans les communications avec Londres, dans les parachutages et les opérations de sabotage. L’équipe Jedburgh « Gilbert », composée du Capitaine Blathwayt (GB), du Capitaine Paul Charron de la Carrière (F) et du sergent radio Neville Wood (GB) a été parachutée dans la nuit du 9 au 10 juillet 1944 à Coadry (Scaër) et a accompagné les maquisards dans les combats autour de Quimper, Rosporden, Concarneau et la presqu’île de Crozon. Le capitaine anglais de l’équipe Jedburgh « Gilbert », parachuté comme conseiller militaire, était à Langolen le 4 août 1944.
6. Il doit s’agir des routiers « Eclaireurs de France », qui ont intégré le secteur 3 (Le Grand, page 265-256), rescapés du massacre du Guellen en Briec. Ils sont commandés par Roger Le Bras. Ils montent au camp de Langolen « en uniforme » scout, pour se faire équiper : « les bébés  éclaireurs sont arrivés dans la nuit et ce matin, ils vont être les premiers servis. Un coup du Capitaine Philippot ! » écrira le lendemain Jean Grall, un peu jaloux des protégés de Philippot.
7. A plusieurs reprises dans son texte, Césaire Le Guyader s’interroge sur l’absence apparente dans les rues de Quimper de ses « camarades » FTP En réalité, la 1ere compagnie FTP (Mével) était à Langolen dès le 4 août et a envoyé un détachement le soir même occuper Quimper (sous commandement Louis Cren).
8. Autre phrase récurrente sous la plume de Césaire Le Guyader : « Que fait donc ce Monsieur Berthaud, cet incapable, etc. » Une réelle suspicion devait exister entre FFI et FTP ! 
9. Il s’agit peut-être de coups de feu signalés par un seul autre témoin, Alain Le Roux, qui écrit : « Fusillade à partir de la route de Rosporden sur nous (à Mélennec). » Voir ci-dessous.
10. Alfred Le Mercier était un « marchand de porcs ». Né en 1892 à Rostrenen, il était en location au château de Kerivoal en Kerfeunteun. Sous le régime de Pétain, en tant que vice-président du Groupement d’achat de viande, il avait des responsabilités dans le Ravitaillement du Finistère. A la même période, il fit l’acquisition d’une ferme au Rouillen. Mais depuis le mois d'octobre 1943, Alfred Le Mercier était recherché par la police allemande pour appartenance à une organisation clandestine, le « Groupe Champagne ». C’est à son domicile de Kerivoal que s’était installé le PC des FFI sous le commandement de « Poussin », puis c’est à son nouveau domicile du Rouillen que s’était ensuite installé l’Etat-Major de « Berthaud ».
11. Jeanne Bohec a oublié le nom de la nouvelle implantation du PC (Le Rouillen), tout à fait transitoire il est vrai (du 5 au 8 août).
12. Il s'agit du Capitaine anglais Blathwayt.
13. Il ne peut que s’agir du Capitaine Blathwayt, qui est anglais et non américain.
14. Ou 5e compagnie.
15. Ou 6e compagnie.
16. Ou 7e compagnie.
17. Le lieutenant Théophile Fer (« Broustail ») est lui aussi, comme Monteil et Bellan,  professeur au lycée de La Tour d’Auvergne. Il commandait le secteur 3 du maquis qui a opéré courant juin sur le territoire d’Ergué-Gabéric. Blessé le 27 juin lors du massacre de la ferme du Guellen, dont il a pu s'échapper, il avait du se mettre totalement en retrait.
18. Nous apprenons ici que ce sont le lieutenant Fer et le capitaine Espern qui rassemblent les éléments de leurs compagnies au bourg d’Ergué-Gabéric, en attendant les livraisons d’armes promises.
19. Un centre de détention tout à fait transitoire (du 6 au 9 août) a donc existé au bourg d'Ergué-Gabéric, dans les locaux de l'école publique des filles, route de Kerdévot (actuel Centre Deguignet). Y étaient rassemblés les combattants allemands faits prisonniers et des ouvriers travaillant pour l'Organisation Todt (voir aussi note 27).
20. On peut comprendre que le convoi allemand tire sur Kerellan en quittant Quimper, puis se fait accrocher par la compagnie de Bédéric sur la route de Rosporden et est enfin détruit à Rosporden.
21. Il s’agit probablement des trous individuels creusés pour la défense des soldats allemands qui ont cantonné au bourg d’Ergué-Gabéric, du samedi 17 juillet au jeudi 5 août 1943. Des habitants furent réquisitionnés pour creuser des tranchées. Deux autres hébergements de troupes allemandes furent imposés au bourg le 24 février et le 16 juin 1944.
22. Le chanoine Corentin Grill, né à Langolen en 1889, est un fort tempérament. Prêtre-instituteur en 1913, puis inspecteur de l’enseignement catholique de 1919 à 1939, il s'engage comme aumônier militaire. Fait prisonnier, il est libéré en 1942. Il est ensuite affecté à l'école Sainte-Anne de Quimper. Après le Débarquement, il rejoint le maquis de Scaër vers le 20 juillet. Le samedi soir, 5 août, il « demande l'hospitalité au presbytère ; il vient de Scaër à pied. Il sera notre hôte jusqu'au mercredi matin », écrit Gustave Guéguen. On le trouvera ensuite dans la presqu'île de Crozon, au siège de Lorient, puis en Allemagne avec l'armée d'occupation et en Indochine, jusqu’en 1955. Il décède en 1975.
23. Alain Le Grand (tome 2, page 279) précise qu'il s'agit d' « épaulements en béton qu'ont fait construire les Allemands en prévision du débarquement allié ».
24. Marcel Philippot confirme : « Le 7, le poste que la compagnie Nicolas tient à l'Eau blanche attaque et détruit trois camions allemands qui tentaient de sortir par la route de Rosporden ».
25. Il s'agit de la colline de Boden, qui se trouve dans l'axe Bourg-Eau blanche.
26. Le capitaine Louis Espern est né à Edern et a passé son enfance à Trégourez. Il est officier de carrière : lieutenant d’artillerie en 1939, il combat sur le front des Ardennes et connaît le repli sur Dunkerque. D’Angleterre, il passe en zone non occupée, puis rejoint Vannes et Quimper, où il travaille à l’implantation d’abris sur la place Saint-Corentin. Il entre en relation avec « Berthaud » qui lui confie le commandement de la 8e compagnie FFI, jusqu’à ce qu’il se saisisse d’un canon de 115 abandonné par les Allemands et constitue à partir de là une batterie d’artillerie qui interviendra dans les combats du Menez-Hom.
27. L’Organisation TODT, fondée par l’ingénieur nazi Fritz Todt, se développa dans la construction civile et militaire, en particulier dans la construction du mur de l’Atlantique. Après la mort de Todt en 1942, l’organisation est dirigée par Albert Speer. En 1944, elle employait 1,4 million de travailleurs, dont la grande majorité était des prisonniers de guerre, travailleurs forcés venus des pays occupés.
28. Jean Grall participait à ce combat : « …près de 250 Allemands, et nous étions 17 ».
29. Jean-Louis le Meur a 37 ans. Il est né à La Forêt-Fouesnant. Il est agriculteur, installé à Kervernic en Ergué-Gabéric après son mariage avec Marie-Françoise Gourmelen. Il est père d'une petite fille. Il était allé à Ty Bos à bicyclette pour demander un coup de main à sa parenté pour les travaux de la moisson. La colonne d'Allemands venant de Concarneau, qui voulait traverser Quimper, l'a pris comme otage, le faisant avancer devant eux pour pouvoir l'abattre à la moindre manifestation d'hostilité (cf. Keleier Arkae n°38, mars 2005, p. 4).
30. Alain Le Grand, tome 2, p. 280.
31. Le recteur appelle Abattoir Mercier ce qui n'était qu'une ferme, dont les bâtiments servaient à regrouper les porcs achetés par Alfred Le Mercier avant leur expédition sur pied en région parisienne. Ces locaux sont aujourd'hui occupés par l'entreprise "Kenta Electronic".
32.Il s'agit de Jeanne Bohec.  Si le recteur d'Ergué-Gabéric se félicite de l'avoir « aperçue », elle ne signale pas avoir vu le recteur au Rouillen.
33. Il s'agit ici sans doute d'un jeune maquisard du groupe des « Eclaireurs  de France », groupe formé autour d'Albert Philippot (voir note 6). Ce fait est confirmé par les Annales de l’école privée de filles N.D. de Kerdévot, où nous lisons : « Nos classes sont réquisitionnées pour un groupe de FFI. C’est avec plaisir que nous les cédons, car l’heure de la libération approche. Le lundi 7 août, un drapeau tricolore flotte au haut du clocher. Nos cœurs respirent. Nous sommes en France libre ! Pendant cinq jours, les Patriotes occuperont notre petit bourg en attendant d’avancer sur Quimper. A leur départ, beaucoup de Quimpérois, voyant la préfecture en flammes, prirent la fuite et se réfugièrent dans les familles amies. L’école N.D. de Kerdévot ouvrit encore ses portes et hébergea une dizaine de personnes sans abri ».
34. Le Croëzou.
35. Ce n’est pas du tout une discussion de salon : il y a là, au bourg, une cinquantaine de prisonniers allemands. Fallait-il les tuer ou les faire prisonniers ?  Argument sans doute avancé : on peut leur faire subir le sort qu’eux-mêmes réservent habituellement aux « terroristes » tombés entre leurs mains.
 

Dossier (textes et photos) réalisé par François Ac'h - Keleier 83 - juillet-août 2014

 

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Trésors d'archives > Guerres > La mort dun jeune réfugié lorientais fin juin 1944

Un dommage de guerre
La mort d'un jeune réfugié lorientais fin juin 1944


Le dimanche 25 juin 1944, c’était le pardon des chevaux à Kerdévot. Le recteur porte cette information dans son registre-journal : « Ce même jour, un jeune réfugié de Lorient, Jacques Le Mouël a été affreusement blessé par une grenade au Rouillen à quelques mètres plus bas que la maison André sur la route de Squividan. Diverses versions : il s'amusait avec cette grenade avec d'autres compagnons comme avec une balle ; il a voulu éviter que de jeunes enfants la touchent ? En fait, il a eu la main emportée, les poumons perforés ; transporté à l'hôpital, on lui a amputé la main sans l'endormir ; il est  mort le lundi à 13 heures et a été enterré le surlendemain ». Aucun journal ne fait état de cet accident. Seul, le Progrès du Finistère du samedi 1er juillet 1944 annonce, dans sa chronique quimpéroise de l’état-civil, le décès de « Jacques Le Mouel, célibataire, 19 ans, comptable, 3 rue de l’Hospice ». Sans plus. Et cependant, en 1954, une décision ministérielle vaudra à Jacques Le Mouël d’être reconnu « Mort pour la France » et son nom figurera sur le Monument aux morts de la commune.
 
 
◙ Ce que donne le procès-verbal de la gendarmerie.
 
Les trois gendarmes Kernoa, Guillaume et Brenner sont chargés de l’enquête. Ils se rendent sur les lieux le dimanche même, « informés qu’un accident venait de se produire vieille route de Lestonan en Ergué-Gabéric, et que plusieurs personnes avaient été blessées par l’éclatement d’un enfin explosif » (ADF. 200W77). Quand ils arrivent, la Feld-gendarmerie de Quimper est déjà sur place, qui « nous dit qu’un engin explosif, vraisemblablement une grenade, qui était placée dans un des trous creusés sur la route, et destinés à la pose des mines, avait explosé, et que plusieurs personnes étaient blessées ». Puis « le docteur Quéméré de Quimper, présent, nous déclare que deux jeunes gens, dont l’état de l’un était très grave venaient d’être transportés à l’hôpital de Quimper, et que deux enfants avaient été conduits à la clinique du Docteur Pilven à Quimper ». 
 
Les gendarmes se rendent alors à l’hôpital, où ils peuvent entendre à 21 heures l'un des deux jeunes gens blessés, Gilbert Guinet. Ils reprennent leur enquête le surlendemain, 27 juin, pour interroger les 5 autres témoins qui faisaient partie du groupe, et également deux promeneurs qui se trouvaient sur les lieux au moment de l’accident. Sept jeunes s’en allaient à la « piscine » à St-Denis, en cette fin d’après-midi de dimanche… 
▪ Gilbert GUINET, né à Ergué-Gabéric le 5 mai 1926, habite Cité Lebon à Ergué-Armel.
▪ Jacques LE MOUËL, né le 24 juillet 1924 à Lorient, comptable à la Compagnie Lebon, demeurant au Bourg d’Ergué-Gabéric. Il est donc à un mois de ses 20 ans.
▪ Félix HEIMOT, né le 11 janvier 1925 à Ergué-Armel, mécanographe à la Compagnie Lebon et demeurant Cité Lebon à Ergué-Armel.
▪ Henri THEPOT, né le 27 décembre 1926 à Quimper, menuisier, demeurant 26 route de Coray à Ergué-Armel.
▪ Pierre KERMAIDIC, né le 29 juin 1926 à St-Renan (Finistère), mécanicien, demeurant 72 route de Rosporden en Ergué-Armel.
▪ Michel MORVAN,  né le 23 juillet 1925, à Ergué-Armel, plombier, demeurant 52 route de Rosporden à Ergué-Armel.
▪ et Jean LAVANANT, né le 3 octobre 1926 à Ergué-Armel, apprenti ajusteur demeurant Cité du Gaz à Quimper.
 
Chacun des six jeunes interrogés déclare avoir eu le même emploi du temps ce dimanche :  
« Aujourd’hui, 25 courant, j’ai assuré la garde du câble souterrain Quimper-Nantes, de 12 h à 18 h. J’ai quitté mon poste à la fin de mon service et me dirigeais vers Saint-Denis, avec l’intention de m’y baigner. » « J’ai assuré le service de garde aux fils téléphoniques à Ergué-Armel, de 12 h à 18 h. Mon service terminé, je me suis dirigé, en compagnie de plusieurs camarades, dont Le Mouël Jacques et Guinet Gilbert, dans la direction de St-Denis. Nous avions l’intention de nous rendre à la piscine »
Après avoir franchi le passage à niveau de l’Eau Blanche, ils ont traversé la route de Coray et se sont engagés sur la « vieille route de Lestonan » en deux groupes distants d’une dizaine de mètres. Morvan raconte : « A environ 100 mètres de la route de Coray, à l’endroit où la route est minée, j’ai vu un emplacement de mine, dont le couvercle était enlevé et déposé à proximité. Par curiosité, j’ai regardé dans cet endroit, et j’ai vu un engin de couleur marron et de forme ovale. Je l’ai pris, et après l’avoir examiné, je l’ai passé à d’autres camarades. Ceux-ci, après l’avoir regardé, me l’ont remis. Mon camarade Le Mouël Jacques, qui se trouvait à 5 ou 6 mètres de moi, m’a dit de lui passer cet engin pour le remettre à l’endroit où je l’avais pris. J’ai roulé cet engin sur la route, et Le Mouël s’en est saisi ». 
Les témoignages concordent ; la plupart disent avoir vu une des caissettes ouverte, couvercle posé à son côté : « à l’endroit où des trous ont été creusés par les troupes d’occupation pour la pose de mines, nous avons aperçu dans l’un de ces trous, dont le couvercle en bois était enlevé, un engin explosif, paraissant être une grenade ou un détonateur. Mon camarade Morvan s’en est saisi, à l’effet de l’examiner, par curiosité ». Et la grenade a passé entre plusieurs mains, pour revenir dans celles de Morvan qui « l’a jetée sur la route ». « C’est à ce moment que Le Mouël Jacques s’en est saisi, avec l’intention de la jeter dans le bois à proximité. Il l’avait depuis quelques secondes dans la main, lorsqu’elle fit explosion », déclare Guinet. Celui-ci poursuit : « Mon camarade a été blessé grièvement. Sa main a été arrachée ; il a en outre des éclats dans tout le corps et a été transporté à l’hôpital aussitôt. J’ai reçu des éclats dans la jambe gauche. Néanmoins, j’ai réussi à regagner mon domicile. »
Helmot : « Après l’explosion, il s’est dégagé une fumée opaque, et cette fumée dissipée, j’ai aperçu mon camarade Le Mouël couché dans le fossé droit, en direction de la papeterie. Je me suis empressé d’accourir, pour voir ce qu’il avait, et j’ai constaté que son poignet droit était arraché, et qu’il avait été atteint par plusieurs éclats sur tout le corps. Mon camarade Guinet a également été blessé à la jambe ». « Affolés par ce bruit », Kermaïdic, Thépot et Morvan, se sont « sauvés en courant vers l’Eau blanche ». Lavanant et Helmot sont restés sur place. Lavanant : « Quand j’ai entendu la détonation, je me suis retourné et j’ai vu Le Mouël couché dans le fossé. Il avait le poignet droit arraché et un morceau de l’oreille droite enlevé. Tous les autres camarades, sauf Félix Helmot et moi, se sont sauvés en entendant l’explosion. J’ai ensuite été aidé par un jeune homme qui travaillait dans un champ à proximité, à transporter le blessé jusqu’au débit André, route de Coray, où l’ambulance est venue le prendre quelque temps après ». Au moment où les cinq derniers témoins sont interrogés, ils disent avoir connaissance de la mort de leur camarade Jacques Le Mouël, survenue le lendemain de l’accident à 13 h 30. Les six jeunes gens n’ignorent pas non plus « que deux enfants avaient été également atteints. Ces enfants étaient accompagnés de leurs parents, et nous venions de les croiser un petit moment avant l’explosion » (Lavanant). 
 
Les gendarmes interrogent les parents. D’abord René COURTé, né le 5 septembre 1912 à Douarnenez, chauffeur à la SNCF et demeurant 14 rue de Chateaubriand à Ergué-Armel : « …vers 18 h 45, je me promenais en compagnie de ma femme, ma fille Marie-Renée, âgée de 4 ans ½, et de la famille Mésange, demeurant 9 rue de Chateaubriand à Ergué-Armel. Nous revenions de la piscine de Saint-Denis et rejoignions la route de Coray en passant par le moulin de St-Denis en Kerfeunteun. Arrivés à l’intersection de la vieille route de Lestonan, en Ergué-Gabéric, le chemin que nous empruntions, nous avons croisé un groupe de jeunes gens de cinq ou six, qui descendaient la côte. L’un d’eux tenait un engin à la main, paraissant être une grenade, et a dit qu’il allait la jeter à l’eau. Je leur ai dit qu’il valait mieux laisser cet engin tranquille et qu’il était peut-être dangereux de jouer avec. Nous avons continué notre route, et après avoir parcouru quelques mètres, j’ai entendu derrière nous une forte explosion. Je me suis retourné et j’ai entendu ma petite fille, qui était par la main avec le petit Mésange Gérard, appeler sa mère. Je me suis précipité vers elle, et j’ai constaté qu’elle avait une blessure au-dessus de l’oreille gauche, et que le petit Mésange portait des blessures à la main gauche et aux deux jambes. J’ai aperçu également un jeune homme tomber, mais je ne me suis pas soucié de lui. J’ai pris ma fille dans mes bras et l’ai transportée au Café André, où l’ambulance de Quimper est venue la prendre pour la transporter à la clinique du docteur Pilven. Elle a subi sur le champ l’opération du trépan. Actuellement elle se trouve en traitement dans cet établissement, où le médecin traitant vient de me déclarer qu’il ne peut encore se prononcer sur son état. » La déposition de Madame Robert Mésange, née Paule BABIN, tante du petit garçon blessé, est quasi identique.
 
L’enquête est ainsi conclue : « L’accident, dû à l’explosion d’un engin, soit une grenade ou un détonateur, s’est produit sur la vieille route de Lestonan, à environ 100 mètres de la route de Coray. A cet endroit, il existe sept trous, d’une profondeur de 15 centimètres. L’un des couvercles en bois a été enlevé et posé à proximité. D’après plusieurs personnes, le couvercle a été enlevé depuis plusieurs jours, mais nous n’avons pu savoir par qui ».
 
 
◙ Un dispositif anti-chars autour de Quimper
 
En cette fin juin 1944, les Allemands en occupation à Quimper se préparent à l’arrivée aux portes de la ville des chars alliés, pour l’instant retenus en Normandie. Ils ont déjà pris des mesures de défense telles que, à L’Eau Blanche, le barrage de la route de Rosporden, constitué par des épaulements en béton de chaque côté de la route formant une chicane ; la route était ainsi ramenée à la largeur d’une seule voie, et celle-ci était fermée par des chevaux de frise. Ce dispositif anti-blindés était complété par des mines anti-chars. Cette description nous est fournie par le Lieutenant Nicolas, chef FFI du secteur Est, dans son récit de la libération de Quimper (ADF 208 J 155).
Sur la « vieille route de Lestonan », c’est un dispositif plus simple qui a été installé. Le Lieutenant Nicolas raconte : « Dans toutes les routes autour de Quimper, on a creusé des trous faisant environ 40 cm au carré et autant de profondeur. Ces trous sont garnis d’un coffrage en bois avec tampon en bois pour la fermeture. Ils sont destinés, le moment venu, à recevoir des mines anti-chars ». Il précise que ces trous ont été creusés par des Français réquisitionnés par l’intermédiaire de la mairie et encadrés par l’Organisation Todt ou par des soldats allemands. 
Il raconte ensuite : « Vers le 19 ou le 20 juin […] on m’avait demandé de faire enlever les coffrages que les Allemands avaient fait mettre en place aux entrées Est de la ville au travers des routes […] Ces coffres ou boîtes étaient fermés par de solides tampons de bois situés au niveau de la route et ne gênant pas la circulation. Il suffisait d’enlever les boîtes, et les trous finiraient par se remplir de par la circulation des véhicules ».
Deux volontaires se proposent pour la mission. « Ils partent en début d’après-midi, connaissant bien les coffrages des diverses entrées Est de la ville de Quimper. Marchant en poussant leur vélo, ils allaient atteindre le moulin Saint-Denis sur la route de Coray pour enlever les premiers coffres lorsqu’un ''halt !'' retentissant et très germanique leur fit lever la tête pour voir deux superbes feldgendarmes dissimulés en haut du talus bordant la route. C’est la surprise. Pas question de fuir : les mitraillettes sont braquées sur eux ». Cela s’est probablement  passé à l’endroit même où a eu lieu l’accident qui, quelques jours après, a fait un mort et trois blessés. Les chars alliés n’auront pas à entrer dans Quimper.
 
 
◙ Qui a deposé cette grenade ? 
 
Est-ce par souci réel de la sécurité de la population quimpéroise, en particulier celle des enfants, que, le 17 juin, le Feldkommandant Von Coler avait demandé au préfet d’interdire de toucher aux caisses à mines fixées dans la chaussée des routes (voir ci-dessous la lettre au préfet datée du 17 juin) ? Ces caisses sont pour l’instant vides de tout explosif. Si on les déterre, le risque serait celui lié aux « nids de poule » dans la route. Si on enlève uniquement le couvercle, la caisse, se remplissant peu à peu de détritus et d’eau, deviendra inutilisable dans sa destination. Le Feldkommandant sait très bien que les « terroristes » ont entrepris de visiter ces dispositifs anti-chars pour les neutraliser. C’est pourquoi, dans le même temps, il les fait surveiller par ses gendarmes placés en embuscade.
Qui a bien pu déposer une grenade dans l'une de ces caisses au départ de la « vieille route de Lestonan » ? L’enquête ne le dit pas. Ce peut être quelqu’un, résistant ou pas, qui avait besoin de se débarrasser d’un objet compromettant : il aurait facilement trouvé un endroit plus discret pour le déposer. Soit, mais le fait de placer cette grenade dans cette caisse, un jour où cette route est fréquentée par tous ces promeneurs à pied, peut aussi être une manœuvre délibérée servant à illustrer la mise en garde du Felkommandant aux saboteurs : « Ne touchez pas aux caisses à mines ! ». 
 
Visuel ci-dessous : acte de décès de Jacques Le Mouël

Acte de décès Le Mouel Jacques DSC 1604

 
Notes
1. Nom de l’actuelle « Route du Stangala »
2. En fait, les mines ne sont pas encore déposées dans les caissons qui doivent les recevoir.
3. Ils seront conduits par les deux Allemands, à pied, le vélo à la main, jusqu’à la gendarmerie allemande située face à la gare. Interrogés pendant 2 heures, ils sont soupçonnés d’être des « terroristes ». A force d’astuces, ils arriveront à se faire libérer…
 
 
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Une famille lorientaise réfugiée au Bourg
 
Réfugiés lorientais 1943
Le 16 janvier 1943, le préfet du Finistère est informé qu’un train de réfugiés venant de Lorient arrive en gare de Quimper dans le quart d’heure qui suit. Ils fuient les frappes aériennes qui ont lieu sur cette ville (voir photo ci-contre: Lorientais fuyant les bombardements de 1943, © Ouest France, 07/11/2009.). Le Felkommandant Fischer réagit : tout hébergement de réfugiés doit avoir obtenu son accord préalable. Réponse du préfet le lendemain : « les rares réfugiés qui, à leur arrivée, ne savaient où se rendre, ont été dirigés par mes soins en dehors de la zone côtière, sur les localités de Briec (39 réfugiés) et d’Edern (16 réfugiés) » (ADF 200W16). Les quelques personnes qui arrivent à Ergué-Gabéric ont donc peut-être choisi cette commune. Parmi eux, la famille Le Mouël. 
Le père, Jean-Louis Le Mouël, né en 1881 (61 ans), est un ancien ouvrier de l’arsenal de Lorient. Il habitait au 13, rue de l’assemblée nationale avec son épouse Jeanne Brivoal, 57 ans. Leur logement a été détruit. Ils habitent désormais au Bourg d’Ergué-Gabéric, où les ont accompagnés :
▪ leur fille Jeanne, 32 ans, et le fils de celle-ci, Jean Le Tallec, 8 ans ; elle habitait 12 rue de Liège à Lorient (logement détruit), et était couturière en journée. 
▪ leur deuxième fille, Suzanne, 20 ans, et le mari de celle-ci, Henri Gourlet, né le 24 juillet 1919 (23 ans), ont également abandonné leur maison partiellement endommagée. Ils ont un bébé de quelques semaines. Henri Gourlet travaillait aussi à l’arsenal de Lorient comme mécanicien. 
▪ enfin leur fils Jacques, qui a 19 ans. (ADF 178W4).
Au 23 janvier, la préfecture a recensé dans 146 communes sur les 301 que compte le Finistère, soit un total de 1 973 réfugiés lorientais. La Feldkommandantur insiste pour que ces réfugiés quittent le département pour pouvoir assurer aux troupes d’occupation les cantonnements dont elles ont besoin. Le séjour des Lorientais ne sera autorisé que pour certaines situations précises : « séjour chez des ascendants ou descendants, maladies graves, femmes en couches, vieillards intransportables (des certificats médicaux doivent être joints), travail pour les autorités allemandes (avec certificat de l’unité ou de la firme qui emploie le réfugié) ». (Lettre du préfet aux maires, le 16 mars 1943. ADF 200W17). Effectivement, Henri Gourlet souscrit un engagement au titre du Service du Travail Obligatoire et part en Allemagne le 29 mars 1943. Il travaillera à Stettin (en Pologne actuelle), dans une entreprise allemande de transport (Lehmann-Bauër) comme mécanicien-chauffeur (ADF 178W4). Il sera rapatrié le 18 juin 1945. C’est peut-être ce départ au STO qui aura permis à l’ensemble de la famille Le Mouël de rester à Ergué-Gabéric. En ce qui concerne le jeune Jacques Le Mouël, arrivé à Ergué-Gabéric le 16 janvier 1943, l’allocation due aux réfugiés civils indigents lui est versée à partir de ce jour jusqu’ au 30 avril 1943 (ADF 1W19), ce qui signifierait qu’il a disposé de ressources suffisantes à partir du 1er mai. Ce serait peut-être donc à partir du 1er mai 1943 qu’il aurait bénéficié d’un emploi de comptable à la Compagnie Lebon (ADF 200W77). Il décède le 26 juin 1944 et son corps est inhumé à Ergué-Gabéric.
Jean-Louis Le Mouël et sa femme quitteront Ergué-Gabéric à la fin du mois de juillet 1946, tandis que leur fille Jeanne et le jeune fils de celle-ci y resteront encore jusqu’à la fin mai 1947. Tous les quatre avaient été enregistrés comme domiciliés au Bourg lors du recensement de 1946.
 

Dossier (textes et photos) réalisé par François Ac'h - Keleier 85 - décembre 2014

 

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Trésors d'archives > Guerres > Yves Le Gars

Itinéraire d'un Gabéricois dans la Grande Guerre
Yves Le Gars

 
Né à L’Ile-Tudy le 8 septembre 1895, de Yves, marin-pêcheur, et de Henriette Cluyou. Son père disparaît en mer le 19 février 1900 à la suite du naufrage de son bateau, Le Petit Mousse (voir encart couleur).
 
Le Gars Yves Grande Guerre Ergué GabéricMalgré la mort de son père dans un naufrage, Yves Le Gars embarque à son tour comme mousse, le 5 juillet 1909, sur le Saint-Antoine. Mais la pêche est un métier bien trop dangereux et difficile pour le jeune garçon de 14 ans, qui débarque dès le 8 septembre suivant. Sans doute sollicité par les autorités, à une époque où les aides institutionnalisées n’existent pas, René Bolloré propose alors au jeune mousse un embarquement plus confortable sur le yacht La Linotte, goélette à vapeur de sa belle famille, les Thubé (voir encadrés p. 9), à Nantes. Il navigue ainsi durant toute la saison estivale 1910, de mai à septembre. Selon la tradition familiale, c’est en 1912 que Yves Le Gars est embauché à la papeterie Bolloré, à Odet. Pourtant, on le retrouve sur deux bateaux de pêche inscrits à Pont-l’Abbé, L’Elise et Le Petit René, de janvier 1913 à février 1914. Et il est inscrit maritime définitif le 20 janvier 1914. Le 4 mars 1915, Yves Le Gars est mobilisé au 2e dépôt de la marine à Brest comme matelot de 3e classe. Mais ce même jour, la commission de réforme du 2e arrondissement le reconnaît impropre au service à la mer et exclusivement utilisable dans un service de la marine à terre. A la suite d’une hospitalisation, du 16 mai au 7 juin 1915, il bénéficie d’un mois de convalescence qu’il passe à l’Ile-Tudy. Le 15 avril 1916, il est affecté à l’artillerie du front de mer à Brest. Le 1er janvier 1917, il est promu matelot de 2e classe et le 16 avril il est nommé télégraphiste. Le 16 mai 1917, il est affecté à Rochefort, aux patrouilles du golfe de Gascogne, mais son embarquement est annulé. Il est alors affecté au 4e dépôt de la flotte des équipages à La Rochelle. Le 1er janvier 1918, il est affecté au centre administratif de Rochefort, détaché au Bataillon de recrutement de La Rochelle. Le 28 septembre 1918, il obtient officiellement son titre de matelot-télégraphiste des arsenaux (mais il en touchait la solde depuis septembre 1917). Le 15 octobre 1919, il est placé en congé illimité et se retire à Odet, en Ergué-Gabéric, avant d’être définitivement démobilisé le 4 mars 1920. Entre-temps, en 1918, son jeune frère Joseph, était mort de la grippe espagnole, quelques jours après sa mobilisation dans la marine, à Brest. Dès le 17 juin 1919, Yves Le Gars avait épousé, à Ergué-Gabéric, Jeanne Niger, couturière, dont le père (conducteur de machine à papier) et les sœurs travaillaient à la papeterie. Il effectuera lui-même toute sa carrière aux Papeteries de l’Odet, aux machines à papier tout d’abord, puis comme conducteur de la centrale thermique, avant de terminer garçon de laboratoire. Il décède à Quimper le 18 février 1979.
 
 
Le naufrage du Petit Mousse
En février 1900, un enchaînement de tempêtes, comme rarement vues, est la cause de plusieurs naufrages. Voici en quels termes le journal Le Finistère relate celui du Petit Mousse, bateau de pêche de l’Ile-Tudy : 
▪ « Le 21 février – On peut dire que depuis le 10 février 1900, la tempête a été permanente. Les accalmies ont été courtes dans l’intérieur et sur la côte, le vent ne cesse de souffler avec plus ou moins de violence suivant les heures. Dans la nuit de dimanche à lundi dernier, une nouvelle bourrasque s’est abattue sur Quimper sans occasionner de dégâts nouveaux. Hier, à 3 heures précises, un grain violent, vent, pluie et grêle, survenait brusquement, après quelques heures de soleil. Jamais pareilles perturbations atmosphériques n’ont été constatées. Les marins-pêcheurs ne sortent pas, ou s’ils prennent la mer, ils se tiennent aussi rapprochés des côtes que possible de peur de ne pouvoir fuir à temps les bourrasques qui éclatent tout à coup. La mer est d’ailleurs très dure ».
▪ « Concarneau, le 20 février – Au risque d’être engloutis, quelques audacieux marins n’en ont pas moins tenté des sorties au large. On a trouvé ce matin, dans la baie de La Forêt, le rôle d’équipage du bateau de pêche Petit Mousse, n° 1 735, du port de l’Ile-Tudy, monté par neuf hommes. On craint que ce bateau ne se soit perdu corps et biens, hier dans la matinée, en voulant se réfugier à Concarneau ».
▪ « Le 24 février – Tous les jours la mer rejette à la grève de lugubres épaves, corps humains, ballots de marchandises, débris de mâture ou de bateaux, attestant le nombre et l’importance des sinistres occasionnés par le furieux ouragan du 13 au 14 et par les tempêtes qui ont suivi ».
▪ « L’Ile-Tudy – Le cadavre de Le Gall (Alain-Joseph), âgé de 31 ans, un des matelots du canot de pêche Petit Mousse, n°1 735, du port de l’Ile Tudy, dont nous avions annoncé la disparition, a été trouvé engagé dans un paquet de filets, mardi, vers 1 heure de l’après-midi, sur la grève de Kerlin, en Trégunc, par le brigadier des douanes Le Touze, du poste de Trévignon. Après les formalités d’usage, le corps a été transporté par mer à l’Ile-Tudy, où il a été inhumé. Le Petit Mousse a dû sombrer en baie de Concarneau, dans la nuit du 19 au 20 février. Il est actuellement engagé sur les récifs de la pointe de la Jument. Les avaries à ce canot sont de peu d’importance, ce qui laisse supposer que les hommes auraient été enlevés par une lame sourde. Un béret de marin, un sabot, six écuelles en terre et 46 maquereaux ont été trouvés sur le pont ».
▪ « Après le naufrage du Neptune quelques jours plus tôt, l’émotion est immense dans la région. Le préfet Collignon se déplace à l’Ile-Tudy "visiter les veuves et les orphelins", leur apportant avec des paroles de consolation un premier secours qu’il leur a distribué, en leur donnant l’assurance d’une sympathie qui saura se souvenir. »
Le bureau de bienfaisance de l’Ile-Tudy « a fait distribuer à nos malheureux pêcheurs 160 pains de 5 kilos Cette distribution était nécessaire, car la misère est grande parmi eux. Depuis longtemps on n’avait pas vu un hiver aussi long et une série de tempêtes aussi continue et aussi fertiles en sinistres. Le mauvais temps empêche les pêcheurs de sortir du port et de rien gagner pour leurs besoins et ceux des leurs »
Le maire de la commune, M. Séchez lance un appel à l’aide, via la presse : « Quatorze marins ont trouvé la mort, laissant derrière eux 11 veuves et 25 orphelins. Les secours que l’administration de la marine ne manquera pas de leur accorder ne sauraient empêcher la charité privée de s’exercer. Je viens faire appel, au nom de la malheureuse population que je représente, bien persuadé que le concours de votre publicité sera acquis à cette cause, comme celui de tous les journaux auxquels je m’adresse en même temps qu’à vous ». Deux mois plus tard, l’on retrouve encore de « lugubres cadavres ». Le 12 avril, l’on découvre « au sud de l’île Verte, le cadavre décomposé d’un homme qu’on suppose appartenir à l’équipage du Petit Mousse, naufragé dans la tempête de février dernier ». Le surlendemain c’est, « dans les mêmes parages, la découverte d’un cadavre en décomposition qui paraît provenir aussi du naufrage du Petit Mousse ». Enfin, le 20 avril, c’est devant Le Guilvinec qu’un marin-pêcheur aperçoit un cadavre flottant qui « été reconnu pour être celui du sieur Le Gars, Yves, âgé de 33 ans, marin-pêcheur à l’Ile-Tudy. Cet homme faisait partie de l’équipage du Petit Mousse, qui s’est perdu corps et biens le 19 février dernier. Le Gars était marié et père de trois enfants ».
 
 
Le yacht La Linotte
Le yacht La Linotte BolloréIngénieur civil Eugène Pérignon est un pionnier de la plaisance à vapeur. En 1868, il fait construire La Fauvette, un yacht de 214 tonneaux pour 38, 3 mètres de longueur. En 1888, il fait construire en Angleterre La Linotte, goélette à vapeur de 90 tonneaux, 30 m. de longueur, d’une puissance de 200 chevaux, « type charmant de petit bateau à vapeur rapide, apte à la fois à la navigation de mer et à celle de rivière ». Malgré ses faibles dimensions, La Linotte a de larges emménagements et peut offrir une très noble hospitalité et peut offrir une très noble hospitalité à plusieurs passagers. Sa marche dépasse 12 nœuds, ce qui représente une remarquable « utilisation de la puissance de la machine ». Par la suite Eugène Pérignon fait construire une deuxième Fauvette, avant de décéder à Paris en 1900. C’est sur ce dernier bateau, achetée la même année par sa mère, que Virginie Herriot débuta, comme mousse, une prestigieuse carrière de navigatrice. Quant à La Linotte, c’est en mars 1909 que Gaston Thubé, riche armateur nantais, après avoir fait carrière dans la magistrature, l’achète au Havre, à un dénommé Champrobert. Le yacht rejoint Nantes, son nouveau port d’attache le 10 mars. En mai, Yves Le Gars embarque comme mousse pour participer à la croisière inaugurale de son nouveau propriétaire, un tour de Bretagne. La Linotte est aux Sables-d’Olonne le 9 juillet, au Pouliguen le 12, avant d’arriver finalement à Saint-Malo le 20. Réquisitionnée par la marine nationale à Dieppe le 28 juillet 1916, La Linotte est transformée en patrouilleur auxiliaire. Libérée le 7 février 1919, on la trouve sans doute ensuite comme bateau promenade au Tréport. En souvenir de ce bateau de famille, Marie Amélie Thubé, fille de Gaston Thubé et épouse de l’industriel René Bolloré, donne le nom de Linotte II à une barge hollandaise qu’elle a fait construire, et sur laquelle son fils Gwen-Aël fait ses premières armes de marin, comme mousse. Devenu marin confirmé à son tour, celui-ci achète en 1948 un grand voilier construit lui aussi en Hollande, en 1933, par Camper-Nicholson, sur un plan de l’anglais Halden, et qu’il baptise Linotte III. Ce bateau sera vendu en 1972. Mais le nom de ce charmant petit passereau, quelque peu écervelé à ce qu’il paraît, ne fut pas l’apanage des familles Thubé-Bolloré. Il a donné son nom à bien d’autres bateaux.
 
 
De fameux navigateurs
La famille Thubé s’est particulièrement distinguée dans le monde de la voile. Gaston Thubé fils, beau-frère de René Bolloré, est le premier champion olympique français en voile. Avec ses frères, Jacques et Amédée, il remporte la médaille d’or aux jeux olympiques de Stockholm en 1912, sur le Mac Miche, un 6 mètres JI, devant l’équipage suédois. Il meurt en son château, à Saint-Marc-sur-Mer, en 1974, âgé de 98 ans.
 

Dossier (textes et photos) réalisé par Jean-François Douguet - Keleier 85 - décembre 2014

 


Trésors d'archives > Guerres > Le coup du STO enquete

Coup du STO : le rapport du lendemain par le commissaire Bodiguel

François Ac'h

 

Croquis des lieuxPour les Gabéricois, la date du 14 janvier 1944 est une grande référence historique. C’est ce vendredi soir, en fin d’après-midi, que quatre jeunes d’Ergué-Gabéric, Fanch Balès, Pierre Le Moigne, Jean Le Corre et Hervé Bénéat, participèrent à l’enlèvement, dans les bureaux du Service du travail obligatoire à Quimper, de l’ensemble des dossiers des jeunes Finistériens désignés ou à désigner pour aller travailler en Allemagne. Pendant une bonne partie de la nuit, ils brûlèrent cette masse de papier dans le four de la boulangerie Balès, au Bourg. 
 
Nous reproduisons ici le rapport établi dès le 15 janvier par le Commissaire Bodiguel et le plan des lieux qui l'illustrait.
 
Quimper, le 15 janvier 1944.
 
Le Commissaire de police à Monsieur le Préfet du Finsitère
 
OBJET : Cambriolage du STO, boulevard de Kerguélen à QUIMPER.
 
J'ai l'honneur de vous rendre compte de ce que le 15 janvier 1944 à 9 h 30 j'ai été avisé que le Service Départemental du Commissariat Intermi-nistériel à la Main d'Œuvre, dont les locaux sont situés boulevard de Kerguélen à QUIMPER, avait été cambriolé pendant la nuit précédente et que l'on s'en était aperçu seulement à la prise du travail. Immédiatement je me suis rendu sur les lieux accompagné du Secrétaire LE JACQ et de l'Inspecteur de Sûreté BLEUZEN, de mon service. Avec M. LANTHEAUME Louis, né le 9 avril 1894 à MENGLON (Drôme), Directeur du service, j'ai constaté que dans le bureau A (voir croquis schématique annexé), tous les dossiers contenus dans les casiers muraux avaient disparu. Il s'agit des fiches de recensement des classes 1939 (4e trimestre) 1940-41-42, de la liste des hommes appartenant aux classes 1932 à 1939 (1er, 2e et 3e trimestres) et de la liste des hommes âgés de 18 à 50 ans, documents concernant les 301 communes du département du Finistère.Dans le bureau B les câbles du standard téléphonique et de l'appareil « de table » ont été sectionnés, et des circulaires administratives ainsi que le courrier qui se trouvaient placés sur des tables ont disparu. Dans le bureau directorial C, contigu au précédent, l'installation téléphonique a été rendue inutilisable et environ 500 imprimés de carte de travail ont été dérobés. 
Dans le bureau D, seuls deux timbres en caoutchouc paraissent avoir été emportés. 
 
Les portes d'accès à ces divers bureaux, qui avaient été fermées à clé hier soir à 18 h 35 en présence du Directeur, ne portent aucune trace d'effraction et ce matin, toutes à l'exception de celle du bureau D, étaient encore fermées à clé. Aucune fenêtre n'a été « forcée ». Il semble donc que les cambrioleurs se sont servis de clés. D'ailleurs les serrures de ces portes sont des plus ordinaires, étant donné que les bureaux dont elles commandent l'accès ne sont que les anciennes salles de classe de l'Ecole privée de l'Espérance.
 
Continuant mes investigations, j'ai découvert dans la cour intérieure et près de l'allée de sortie deux documents émanant du STO et perdus vraisemblablement par les cambrioleurs, qui semblent donc avoir emprunté ce chemin. Deux blouses appartenant à des membres du personnel du STO ont été découvertes sur les marches du perron de l'Office du Travail. Elles ont servi, sans doute, à transporter des dossiers.
 
Confirmant cette hypothèse, Melle KERAVEC Marie-Jeanne, 23 ans, demeurant à Tréguennec et GOULARD Yves, 18 ans, demeurant à Lothey, employés à l'Office départemental du travail, dont le local est contigu au bureau D, ont déclaré qu'hier soir vers 18 h 45, ils avaient remarqué trois à quatre hommes, dont l'un vêtu d'un pardessus et portant chacun un sac sur l'épaule, traverser la cour, se dirigeant vers la sortie du boulevard de Kerguélen où stationnait une voiture automobile, conduite intérieure d'un modèle non aérodynamique, donc assez ancien. Ils avaient pensé qu'il s'agissait de marchandises provenant du service allemand. Or ce dernier n'a transporté ou fait transporter dans cette cour que du charbon vers 17 h. D'autre part, contrairement à l'habitude, le portail de l'entrée du boulevard de Kerguélen, qui était fermé par des militaires allemands tous les soirs à 18 h 35, à l'aide d'une chaîne enserrant les montants internes des deux battants, ne l'a été hier soir qu'après 19 h. Ce matin à l'heure de l'ouverture, c'est-à-dire 8 h, cette chaîne était intacte. En outre, les deux autres issues permettant d'accéder à la cour intérieure sont contrôlées effectivement, l'une par les militaires allemands et l'autre par le personnel de l'Ecole de l'Espérance, occupant diverses parties de l'établissement. Aucun individu n'a pénétré ou n'est sorti par ces issues. M. le Chef du service local de la Sûreté allemande et MM. HIMPELEY et SCHMITT-KOPPEN, de la Feldkommandantur, se sont rendus sur les lieux. 
 
M. KERNEIS Louis, né le 15 novembre 1921 à CHATEAULIN, demeurant 17 rue Pen ar Steir à QUIMPER, a été conduit à la Sûreté allemande pour y subir un interrogatoire, vraisemblablement parce qu'il est l'employé qui a fermé les bureaux B et C et qui a reçu des mains de M. HAMON Yves, né le 8 mai 1895 à GOUEZEC, demeurant 9 rue de Locronan à QUIMPER, la clé du bureau A. 
 
Ce cambriolage a été signalé à l'Intendance de police (trois services régionaux) et diffusé à la Cie de gendarmerie du Finstère, à tous les  commissariats du département et à la Sûreté allemande à QUIMPER. L'enquête est effectuée en envisageant notamment une corrélation possible entre ce cambriolage et l'agression à main armée commise le même jour vers 19 h 15, 22 rue de Pont-l'Abbé à QUIMPER.
 
LE COMMISSAIRE DE POLICE,
Gabriel Bodiguel 
 
 
Avis de menaces sur le commissaire Bodiguel ADF200W73 DSC 4660Le rapport des pages précédentes est établi à partir d'une enquête effectuée par le commissaire Bodiguel et l'inspecteur Bleuzen. Gabriel Bodiguel ne manifeste pas de tolérance particulière pour les « terroristes », en particulier les communistes. D’abord instituteur public, il a passé le concours de Commissaire de police et pris son premier poste en 1938 à la tête de la police municipale de Concarneau. Il rejoindra Quimper le 5 août 1941. Il se mettra prudemment en maladie le 21 janvier 1944, après avoir pris connaissance d’une affiche de menaces de mort le concernant, collée rue du Steïr. Elle est rédigée par le 3e détachement des FTPF.
A ses côtés, l’inspecteur de Sûreté René Bleuzen. Né en décembre 1914 à Tourc’h. D’abord gardien de la paix à la police municipale à Brest, il rejoint Quimper en mars 1943. A l’occasion de son passage de la police municipale à la police d’Etat, il est devenu inspecteur, chargé de l’organisation du service (inspecteur de la Sûreté). En septembre 1943, il entre à « Libé-Nord », alors que la chasse aux « réfractaires » au STO bat son plein. Dans les journées de la Libération de Quimper, il se montrera très actif et très efficace. Il est décédé à Bénodet fin mars 2012, à 97 ans.
 
 
 
 
 
Le coup du STO Jean Le Corre Fanch Balès Hervé Bénéat et Pierre Le MoigneLe « coup du STO », vu 70 ans après 
 
Haut fait de la Résistance à Quimper, le « coup du STO » n’est pas à considérer isolé de tout son contexte : il faut le situer dans une succession d’évènements, que nous évoquons ici.
 
Janvier 1943. l’Allemagne réclame de plus en plus de travailleurs français dans ses usines, et Vichy instaure le 16 février un Service de travail obligatoire qui se substitue à des formules comme « la Relève » qui invoquaient le volontariat. Désormais, le Reich, qui retient déjà plus d'un million de prisonniers de guerre français dans ses frontières, réquisitionne aussi la jeunesse de France, comme elle réquisitionnait déjà le beurre, l’avoine, les chevaux, les logements, les voitures… 
 
1er mars 1943. Rapport du Préfet au Feldkommandant : « le recensement des jeunes gens nés en 1920-1921-1922 est en cours et sera terminé le 4 mars. Les désignations s’effectueront d’après le résultat du recensement actuellement en cours ».
 
24 mars 1943. Lettre véhémente du Feldkommandant au préfet : les ouvriers défaillants conduits au camp d’hébergement surveillé, installés à l'hôpital Gourmelen, sont examinés quatre jours consécutifs par quatre médecins français différents, avec des appréciations sensiblement différentes. Décision : désormais les nouveaux arrivants au camp seront examinés par un seul médecin français, et tous les ouvriers estimés inaptes par ce médecin seront conduits le jour même, sous garde de police, en contre-visite par le médecin-chef de la Kommandantur.
 
12 avril 1943. Le Préfet visite le camp de Lanniron qui pourrait servir de « centre d’hébergement surveillé pour les défaillants ». Il précise au Feldkommandant : « pour éviter toute évasion, il y aura lieu de mettre quatre rangées supplémentaires de fils barbelés ». Le centre restera à l'hôpital Gourmelen.
 
10 mai 1943. L’Office départemental du travail est transféré de Brest à Quimper : la Felkommandantur a réquisitionné pour les Services du travail obligatoire le rez-de-chaussée de l’école de l’Espérance, 9 rue du Frout (trois pièces, ainsi que deux pièces à aménager, véranda) (lettre du Felkommandant Braun au préfet, le 3 mai 1943).
 
1er juin 1943. Le Feldkommandant Braun demande au Préfet de procéder également au recensement des jeunes nés au dernier trimestre 1919.
 
Mars à juillet 1943.  C’est la période où l’appareil de réquisition pour le STO bat son plein : convocations en vue du recensement des jeunes gens par commune, remise d’un « certificat de recensement », visites médicales, établissement de listes d’astreints au STO et d’exemptés, établissement d’un certificat de travail individuel (remplaçant le « certificat de recensement ») à présenter avec la carte d’identité pour tout acte administratif, opération postale, retrait de ticket d’alimentation, contrôle de police… Le défaut de carte de travail vaut désignation automatique pour le STO.
 
Les « défaillants » ou « réfractaires » sont très nombreux. Les autorités allemandes et la police française les recherchent, et pour cela répètent des convocations en mairie. Les réfractaires évitent de se présenter. Les tentatives pour les piéger ne manquent pas, par exemple la distribution des titres d’alimentation organisée à leur intention à une date séparée. (A Quimper, le 1er juillet, un seul sur les 80 jeunes qui se présentent a une carte non valable).
 
Le commissaire aux Renseignements généraux Soutif note dans son bulletin hebdomadaire du 20 au 26 juin 1943 : « L’état d’esprit de la population reste toujours très hostile au travail obligatoire et cette hostilité tend à gagner tous les milieux. Des gens qui semblaient ne pas avoir pris parti jusqu’alors à ce sujet ou qui avaient réservé leur opinion annoncent avec une pointe de satisfaction qu’ils ont appris qu’avec la Savoie et quelques départements du Centre, le Finistère est une des régions où le recrutement est le moins satisfaisant » (BHR 1943, n°22). Il compte pour quatre jours (les 19, 22, 23 et 24 juin) et sur l’ensemble du département 1620 convocations, auxquelles n’ont ré-pondu que 25 jeunes.
 
Semaine suivante, 27 juin au 3 juillet, le même Soutif écrit : « L’hostilité de la population à l’égard du STO va croissant. En ville, de petits rassemblements se forment au passage des jeunes gens conduits au centre d’hébergement par les gendarmes, et les gens ne craignent pas de manifester à haute voix leur indignation. Dans les campagnes, un vaste élan de solidarité prend corps de plus en plus pour faire échapper les jeunes gens au départ pour l’Allemagne. Les gendarmes rencontrent de plus en plus de difficultés lors des arrestations des défaillants. Certains d’entre eux prétendent que dans les fermes les paysans ont créé un véritable dispositif de sécurité pour permettre aux jeunes de prendre la fuite à travers champ dès qu’apparaissent les uniformes noirs et bleus. Généralement, c’est un gamin qui, posté à l’entrée du chemin de terre qui conduit à la ferme, donne l’alerte, et lorsque les gendarmes arrivent à la maison, ils la trouvent vide de tous ses occupants, astreints ou non au STO » (BHR – 1943, n°23). Cette semaine, pour 1 145 convocations, il y avait 30 présents. Le nombre de convocations diminue de semaine en semaine : 745, 131, 69 (pour 34, 8 et 0 présents) et descend à 4 (pour aucun présent) dans la dernière semaine de juillet. 
 
Le 31 juillet 1943, le commissaire Soutif constate : « En dépit des efforts multipliés par la Gendarmerie et la police, les arrestations de défaillants et d’insoumis deviennent de moins en moins nombreuses. Après avoir dépassé largement les 200, le nombre d’arrestations est tombé à moins de 100 par semaine ; il était la semaine dernière de 45 et il est cette semaine de 66. Le personnel chargé des recherches constate qu’ils ne trouvent plus que des jeunes gens en règle. L’Autorité allemande s’est émue de cette situation, et un fonctionnaire allemand venu d’Angers a entrepris, dans le département, en liaison avec des représentants de la police française, des sondages qui, selon les premiers renseignements qui me parviennent, ont été fort décevants. A Quimper, ce fonctionnaire, qui désignait lui-même dans la rue les jeunes gens à contrôler, n’a pu enregistrer aucune arrestation, et, comme il se déplaçait en civil, il a pu entendre les réflexions faites par les jeunes gens contrôlés, ce qui ne lui laissera aucune illusion sur la popularité du STO. » (BHR – 1943, n°27). 
 
Pour la semaine du 1er au 7 août, nous lisons encore : « le rythme des convocations se ralentit considérablement, ce qui fait croire à beaucoup que les pouvoirs publics renoncent, dans une certaine mesure, aux "déportations" sous la pression des évènements extérieurs. Toutefois, le rythme des arrestations se maintient à un niveau élevé, puisque cette semaine encore 96 jeunes gens ont été dirigés sur le Centre d’hébergement du département ». (BHR – 1943, n°28)
 
Juillet 1943 encore. Des communiqués de presse rappellent les sanctions prévues par la loi : une amende administrative de 10 000 à 100 000 F, y compris pour les membres de la famille de l’intéressé, qui auraient sciemment hébergé, aidé ou assisté un « réfractaire ».
 
Septembre-novembre 1943. Le recensement des jeunes gens nés en 1923 est lancé en septembre, et les visites médicales auront lieu à Quimper et dans les cantons voisins  du 25 octobre au 10 novembre.
 
Le 15 octobre 1943, à 22 h 40, un soldat allemand logeant dans l’immeuble de l’école de l’Espérance aperçoit les lueurs d’un feu dans les locaux du STO. Il se saisit d’un extincteur et éteint l’incendie. Suivant l’enquête du commissaire Bodiguel, l’origine volontaire est manifeste : bout de mèche d’amadou, odeurs d’essence, fuite précipitée d’un inconnu…
 
Une trentaine de dossiers contenant les recensements des communes ont brûlé dans la salle des convocations, et autant sont partiellement endommagés. Les dégâts sont considérés comme peu importants, et toutes les données détruites seraient récupérables. Tout laisse penser que les auteurs de cet incendie appartiennent à une organisation « terroriste ».
 
11 novembre : dans la soirée, des « inconnus » tirent quelques coups de revolver sur le directeur du STO, M. Trarieux.
 
30 décembre 1943, à 21 h 15. « Six individus armés d’un pistolet à chaque main et masqués » font irruption au poste de police. L’effet de surprise est total. Les assaillants se saisissent des registres des cartes d’identité, du fichier s’y rapportant et de quelques armes. Ils quittent les lieux en souhaitant une « bonne année » aux six policiers présents. Le lendemain, l’inspecteur Bleuzen, chef de poste, fait son rapport (in Alain Le Grand, Finistère 39-49, Quimper, éd. Daoulan, 1994),
 
14 janvier 1944, soit 15 jours après. Cette fois, cela se passe immédiatement après la fermeture des bureaux du STO à l’école N.D. de l’Espérance. Les « cambrioleurs » sont au nombre de onze, et le coup de main est rapide… Une première enquête est effectuée le lendemain matin par le Commissaire Bodiguel, assisté de l’Inspecteur de Sûreté Bleuzen. C’est ce rapport qui  est présenté dans ce numéro des Keleier d'Arkae, pages 2 et 3.
 
 
Comment les choses évoluent après le 14 janvier 1944 ?
 
Janvier-février 1944. Il y a très peu de départs vers l’Allemagne. Par contre, les jeunes réquisitionnés sont dirigés vers les chantiers Todt : « environ 6 000 hommes dans les communes voisines de la région côtière du département, pour les employer à des travaux stratégiques manifestement destinés à la mise en état de résistance du territoire au débarquement anglo-américain ». (BHR n°1, 1er janvier 1944). Ces réquisitions se font de plus en plus difficiles : « Ceux qui s’étaient rendus sur les lieux de travail les premiers jours n’y retournent pas. Dernièrement, un chantier qui comptait sur 1500 travailleurs n’en vit se présenter qu’un seul… » (BHR n°4, 22 janvier 1944).
 
Mars-avril 1944. Alors que le recensement de la classe 1944 est en cours, suivi des visites médicales, on voit les Allemands s’intéresser aux ouvriers employés dans les usines de conserves de Douarnenez et d’Audierne. Quelques-uns sont désignés pour l'Allemagne. « Il semble bien que les ouvriers, dans leur ensemble, soient décidés à se soustraire par tous les moyens à cette mesure et à ne quitter la France à aucun prix », note le commissaire Soutif (BHR n°10, 4 mars 1944).
 
On sait que le Reich réclame 300 000 ouvriers français. On sait aussi que « malgré les promesses faites, une grande quantité de jeunes gens  des classes 41, 42, 43 ont été saisis sur les chantiers et dirigés vers l’Allemagne. Afin d’éviter de tomber dans le même piège, le nombre d’ouvriers quittant leurs chantiers s’accroît sans cesse, notamment dans la région de Quimperlé » (BHR n°17, 22 avril).
 
Mai-juin 1944. Et voici la saison des rafles. Des hommes de tout âge et de toutes professions sont acheminés vers le Centre d’hébergement de Quimper. Le 9 mai, 56 sont dirigés vers l’Allemagne, 47 la semaine suivante. « Le 20 mai, dans l’après-midi, à partir de 16 heures, des rafles ont été effectuées à Quimper et Kerfeunteun par les autorités allemandes. Des quartiers ont été cernés et de nombreuses arrestations opérées. Les personnes arrêtées ont été conduites vraisemblablement dans un lieu ignoré où doivent avoir lieu les vérifications de situation ». Citons aussi l’arrestation « pour circulation tardive » à Moncouar en Briec le 18 mai de Louis Cogent, Jean Herry, Jean Tanneau et Fanch André. Ils sont partis pour l’Allemagne le 20 mai.  Dans la dernière semaine de mai, 94 hommes de 18 à 35 ans, de toutes professions, quittent Quimper pour l’Allemagne…
 
 
En conclusion
 
1. La politique allemande en matière de recrutement d’ouvriers français aura beaucoup varié. En janvier 1943, quand Hitler prélève 300 000 ouvriers des usines allemandes pour en faire des soldats sur le front russe, Sauckel, chef de la main d'oeuvre du Reich, doit les remplacer d’abord par un recrutement forcé de 250 000 jeunes Français, puis, dans la même année, par d’autres vagues de « requis ». C’est de cette situation que naît le Service du travail obligatoire. Quand ensuite, en fin 1943-début 1944, c’est à l’Ouest que s’annonce un débarquement anglo-américain et que le Mur de l’Atlantique est à construire, c’est dans la zone côtière qu’il faut faire travailler une main-d’œuvre si possible recrutée sur place. 
 
Aussi en janvier 1944 n’y a-t-il pratiquement plus de nouveaux départs pour l’Allemagne, et cependant le recrutement de la classe 1943 est engagé. Le personnel du STO de Quimper comporte une équipe de jeunes étudiants, anciens copains au lycée de La Tour-d’Auvergne à Quimper. Ils ont bénéficié d’un sursis jusqu’au 1er juillet et ont trouvé à s’embaucher en septembre, ce qui a l’avantage de les exempter personnellement d’un départ pour l’Allemagne. Ils ne sont pas là pour se « planquer ». Ils sont entrés dans la Résistance, dans les organisations « Libération-Nord » ou « l’Armée secrète ». Antoine Le Bris et Louis Kerneis sont au STO pour saboter le travail de ce service, comme Laurent Jacq est au Génie rural et René Fauvel à la préfecture. Ils s’assurent la complicité des médecins qui doivent intervenir dans les visites médicales. Ceux-ci établissent des certificats de maladie à ceux qui sont assujettis. S’ils sont en trop bonne santé, ils sont simplement déclarés « à revoir » ; ceux qui sont employés à l’Organisation Todt s’en sortent avec une déclaration d’aptitude… à rester là où ils sont. Ceux enfin qui sont exemptés parce qu'ils travaillent pour l’agriculture ou dans des entreprises d’intérêt majeur pour les occupants sont tous en bonne santé.
 
Jean Le Bris nous raconte la suite dans un texte rédigé par lui en 2010 : « Vers la fin de l’année 1943, le recensement se termine. La préfecture se désespère des résultats obtenus. Les statistiques sont extraordinairement mauvaises. Le directeur du STO, Lantheaume, est interrogé et reconnaît qu’il ne comprend pas. Il tente de convaincre ses rédacteurs à plus d’efficacité. En fait, plus personne ne comprend plus rien […]. Le nombre de fausses cartes délivrées s’élève à près de 3 000. Les Allemands demandent par la suite d’établir des convocations massives par commune. Pour gagner du temps, les rédacteurs se procurent les noms des décédés, des malades, et les convoquent par priorité. Pour permettre aux maquisards de circuler, des attestations provisoires leur sont délivrées. Le sabotage des dossiers de la classe 1943 est réussi ».
 
Il faut faire disparaître tous les dossiers, car les Allemands ne manqueront pas de s’intéresser aux curieux résultats obtenus. Il est nécessaire maintenant pour les résistants du STO de se protéger. Faire intervenir un commando armé en pleine ouverture des bureaux, comme au poste de police le 30 décembre ? Le quartier grouille d’Allemands. Mettre le feu ? La tentative du 15 octobre avait montré que l’idée d’un incendie détruisant rapidement cette masse de papier était à écarter. Reste la solution d’un enlèvement éclair, à un moment opportun, le vendredi soir, nuit tombée, immédiatement après la fermeture des bureaux. Fanch Balès et son équipe d’Ergué-Gabéric sont tout à fait aptes à intervenir pour faire disparaître la cargaison de dossiers. Laurent Jacq obtient l’accord de « Libération-Nord ». Et le « coup du STO » a fonctionné comme une belle mécanique.
 
2. Il est à remarquer que ce qui s’est passé dans les murs de l’école de l’Espérance le 14 janvier 1944, à 18 h 30, fait suite à plusieurs mois d’un refus nettement exprimé, non seulement par les jeunes gens concernés par l’obligation du travail en Allemagne, mais aussi par toute la population, villes et campagnes réunies. Les divergences d’intérêt entre paysans et citadins n’ont pas tenu devant une solidarité qui a joué à plein. Cela, bien que les jeunes agriculteurs fussent exemptés de la réquisition au STO. 
 
Dès le mois de mai 1943, cette attitude est largement partagée, au moment où le Service du travail obligatoire s’installe à l’école ND de l’Espérance. Le STO n’est pas apprécié et le sera de moins en moins : « On n’entend même pas défendre le STO dans les milieux les plus favorables à la Collaboration » (Rapport du commissaire des RG du 3 juillet 1943). Ce même état d’esprit perdure en fin d’année : l’attaque contre le poste de police de Quimper a « mis la population bourgeoise de la ville dans un visible état d’euphorie » (Rapport des RG du 1er janvier 1944).
 
Ainsi, le « coup du STO », loin d’être une intervention d’isolés, est bien la traduction en acte d’une opposition générale à une déportation des travailleurs français en Allemagne.
 
Plaque à la mémoire des résistants du Coup du STO Collège Brizeux QuimperPour aller plus loin, nous vous conseillons de lire ou relire l'ouvrage de Jean Le Corre, Récit d'un résistant déporté, Ergué-Gabéric, Cahier d'Arkae n°2, 2004. Toujours d'actualité.

Dossier (textes et photos) réalisé par François Ac'h - Keleier 82 - mars 2014

 


Trésors d'archives > Littéraires > Les rimes se ramassent à la pelle !

Les rimes se ramassent à la pelle !

 

Les CM2 de Saint-Joseph célèbrent par la rime les jalons d’histoire et de patrimoine qu’ils ont découverts avec Arkae pendant l’année scolaire 2000-2001. Morceaux choisis, qui enrichiront notre patrimoine littéraire.

 

 

Saint-Guénolé,

 

Tu es une chapelle

Au beau milieu d’un village

Qui a failli être détruite

Pour construire Ker-Anna

Pauvre petite chapelle !

Ton clocher est tombé

Mais une fois restaurée

Tu renais !

 

Florent

 

 

 

La ville au Vert

 

La ville au vert

Avec des buissons verts

Des moineaux

Et son ruisseau

 

De grands sapins verts

Des paysages clairs même en hiver

A côté de Quimper.

 

Solenn

 

La rue des Jardins

 

On voit tout le temps en automne

Quelque chose qui nous étonne

Comme la rue des Jardins

Où poussent quelques pins

Sous un coucher de soleil c’est le jardin des merveilles.

 

Charles

 

 

 

La rosace de Saint-André

 

Toi, rosace pleine de couleurs,

Toi qui apportes le bonheur,

Tu es ronde comme le soleil

Et mystérieuse comme le ciel.

 

Tu as vu passé le temps

Peut-être l’as-tu trouvé lent,

Mais tu es restée belle

Et tu es éternelle.

 

Chloé

 

 

Keleier 13 - octobre 2001

 


Arkae > Trésors d'archives > Politique > Les femmes en politique à Ergué

Les femmes en politique à Ergué-Gabéric

Bernez Rouz
 
Femmes en politique, une affaire bien bretonne
Il est bon de rappeler que le Duché de Bretagne a été gouverné plusieurs fois par des femmes qui, contrairement à ce qui avait lieu dans le Royaume de France, pouvaient accéder au trône. Parmi elles, on peut citer Berthe de Cornouaille (1148-1156), Alix (1203-1221), Anne de Bretagne (1488-1514) et Claude de France (1514-1524). L’histoire de Bretagne a connu également trois duchesses qui ont secondé ou remplacé leurs maris avec brio : Ermengarde d’Anjou, Jeanne de Flandres et Jeanne de Penthièvre. L’exemple venait du haut et il n’est pas étonnant que dans la gestion des paroisses on trouve aussi des femmes. Ainsi à Erquy, en 1516 — on est au temps de la Bretagne indépendante — l’administration est tenue par un "général des parouessiens et des parouessiennes, tant nobles que non nobles…" Pour Ergué, les seuls compte-rendus du "corps politique" que nous possédons datent de la fin du XVIIIe siècle. Aucun nom de femme n'y apparaît. En revanche, les femmes étaient présentes dans les affaires paroissiales, puisqu’elles ont fermement manifesté en 1741-42 contre l’application d’un arrêt du parlement de Bretagne interdisant l’inhumation dans les églises.
 
La Révolution, une occasion manquée
Anne FerronnièreLa France se targue souvent d’être la patrie des droits de l’homme et du citoyen. Mais en ce qui concerne les droits de la femme, le compte n’y est pas. La Révolution a exclu que les femmes puissent avoir le droit de vote le 22 décembre 1789. Pourtant, une fervente révolutionnaire, Olympe de Gouges, publia en 1791 une "Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne". Cet appel fut ignoré et son auteure guillotinée sous la Terreur !
Sous la Troisième République, les mouvements féministes réclamèrent en vain le suffrage pour tous. Plusieurs projets de loi furent votés par l’Assemblée et rejetés par le Sénat qui, majoritairement radical-socialiste, craignait que les femmes soient sous l’inflence de l’Eglise. Le Front populaire nomma trois femmes secrétaires d’Etat, mais les parlementaires refusèrent le droit de vote aux femmes. On le sait peu, mais c’est le gouvernement de Vichy qui nomma les premières femmes conseillères municipales. Les conseillers et le maire étaient nommés par le préfet, dans toutes les villes de plus de 2 000 habitants. La loi prévoyait que siège obligatoirement "une femme qualifiée pour s’occuper des œuvres privées d’assistance et de bienfaisance". Le maire Pierre Tanguy, renouvelé dans ses fonctions, proposa le nom d’Anne Ferronière, femme du directeur de l’usine d’Odet, qui s’occupait alors des œuvres sociales de la papeterie. Elle siégea quatre ans, du 9 avril 1941 au 13 mai 1945. La loi prévoyait aussi que des femmes âgées d’au moins 25 ans puissent être nommées conseillères municipales. Ce ne fut pas le cas à Ergué. Il fallut attendre la Libération pour voir le droit de vote accordé aux Françaises par le Comité français de libération nationale. La décision fut confirmée le 5 octobre 1944 et la mise en pratique commença le 29 avril 1945, pour les premières élections municipales après la guerre.
 
 
Jeanne Lazou1945-1971 : aucune femme n’est élue
En 1945, une seule femme se présente au suffrage des électeurs. Il s’agit de Mme Blanchard, sage-femme à Odet, sur la liste de Pierre Tanguy, le maire sortant de droite. Il affrontait une liste radicale, menée par Jean Le Menn, et une liste communiste (républicaine antifasciste). Au deuxième tour, les deux listes de gauche fusionnèrent et remportèrent les élections. Mme Blanchard, avec 523 voix, faisait le dixième score sur sa liste. Il n’y a donc eu ni ostracisme ni empathie particulière pour une femme qui, par sa profession, agissait dans le domaine social.
En 1947, trois listes étaient encore en présence. Deux femmes figuraient sur la liste communiste : Corentine Espern, papetière de Stang Venn, et Jeanne Lazou, institutrice à Lestonan. Elles ne furent pas élues.
En 1953, trois listes étaient en présence. Le parti communiste présentait deux femmes : Marie-Jeanne Poupon, ménagère au bourg, et Henriette Herry, ménagère à Stang-Venn. Elles ne furent pas élues.
En 1959 et en 1965, aucune femme ne se présenta aux suffrages des électeurs gabéricois.
En 1971, deux candidates se présentent sur la liste de gauche : Paule Le Poupon, mère de famille au Rouillen, et Maryse Le Berre, institutrice à Lestonan. Aucune ne fut élue.
 
 
Le tournant de 1977
Le maire sortant, Jean-Marie Puech (centre-droit), ne présente aucune femme sur sa liste. En revanche, une liste dissidente, menée par deux adjoints, présente quatre candidates : Maryvonne Le Corre, cuisinière au bourg, Annie Flécher, employée de bureau vivant à la Croix-Rouge, Madeleine Lasseau, agricultrice à la Salleverte, Monique Pavec, mère de famille à Lezebel.
Sur la liste d’Union de la gauche, quatre femmes également sont présentes : Marie-Françoise Hémery, assistante sociale à Croas-ar-Gac, Annie Madec, mère de famille à la Croix-Rouge, Jacqueline Le Fur, mère de famille au Rouillen, Betty Rannou, mère de famille à Penn-ar-Garn. Au premier tour au scrutin nominal,  seul Pierre Faucher, tête de liste de gauche, est élu. Au second tour, la liste de gauche est entièrement élue. Quatre femmes rentrent au Conseil municipal, et pour la première fois, l’une d’entre elles devient deuxième adjointe au maire. Il s'agit de Marie-Françoise Hémery. Il est intéressant de noter que les femmes présentes sur la liste font de beaux scores : deux d’entre elles se situent à la 4e et 5e place du scrutin. 
 
Yvette Gogail1983 : les femmes entrent en force
En 1983, c’est une petite révolution lorsque Ergué-Gabéric, commune de plus de 3 500 habitants, inaugure le scrutin de liste qui remplace le scrutin nominal précédent. Les candidates sont nombreuses : la liste de gauche menée par le PS présente sept candidates, dont trois sortantes. L’autre liste de gauche, menée par le PCF, présente huit candidates. La liste de droite, sept candidates. Au second tour, les deux listes de gauche fusionnent, mais cette liste menée par Marcel Huitric est battue par la liste de Jean Le Reste. Sept femmes sont élues, cinq sur la liste de droite et deux sur la liste de gauche. Il s’agit de Christiane Le Guellec, Suzanne Lozac’h, Maryvonne Le Corre, Renée Ernoul, Yvette Gogail (photo ci-contre avec Jean-Hascoët), Jacqueline Le Fur et Marie-Françoise Hémery. En 1989, 17 candidates se présentent sur trois listes différentes. Six d’entre elles sont élues : Jacqueline Le Fur, Marie-Françoise Hémery, Antoinette Le Bihan, Annick Kervran, Maryvonne Blondin et Suzanne Lozac’h. En 1995, 18 candidates sont sur les rangs de deux listes concurrentes. Sept sont élues : Jacqueline Le Fur, Maryvonne Blondin, Annick Tamic, Christiane Jézéquel, Alice Le Bihan, Yvette Gogail et Bernadette Jehan.
 
 
2001 : la parité s’installe
Par une loi promulguée le 6 juin 2000, toutes les communes de plus de 3 500 habitants sont soumises au scrutin de liste paritaire. On trouve donc 14 candidates sur la liste de gauche menée par Jean-Pierre Huitric et 14 candidates sur la liste de droite menée par Jean René Le Nir. Quatorze femmes sont élues. En 2001, Maryvonne Blondin succède à Pierre Faucher au siège de Conseiller général du canton. Elle devient ainsi la première Gabéricoise conseillère générale du Finistère. Elle est réélue en 2007. En 2007, la parité s’affirme encore plus, puisque la loi du 31 janvier impose non seulement la parité au conseil municipal, mais aussi dans l’éxécutif, c’est-à-dire pour les adjoints au maire.  De plus l’alternance homme-femme est de mise dans les listes. Trois listes se présentent, portant à 42 le nombre de femmes qui briguent un mandat de conseillère municipale.En 2008, Maryvonne Blondin est élue sénatrice. Elle devient ainsi la première parlementaire gabéricoise. En 2014, deux listes se présentent aux élections municipales, et pour la première fois, l’une d’entre elles, la liste de la gauche gabéricoise, est menée par une femme, Sylvaine Frenay. Le conseil municipal actuel comprend 14 femmes, dont quatre adjointes au maire. La parité est entrée dans les mœurs, mais il aura fallu du temps.
 
Maryvonne Blondin et Jacqueline Le Fur
Jacqueline Le Fur et Maryvonne Blondin entourant Fañch Mao, doyen de la commune (1995).


Dossier réalisé par Bernez Rouz, Keleier 84, octobre 2014.
Pour aller plus loin : voir Anne Ferronière et Maryvonne Blondin.


Trésors d'archives : Politique sommaire

 

Politique

 

 

 


 


Arkae > Trésors d'archives > Personnages > Anne Ferronière

Anne Ferronière, 1ere conseillère municipale d’Ergué-Gabéric (1941-1945)


signature FerronièreLe 13 décembre 1940, le gouvernement de Vichy promulgue une loi de réorganisation municipale. Si les élections sont maintenues dans les communes de moins de 2 000 habitants, il n’en est pas de même pour les communes plus importantes. Ergué-Gabéric, forte de ses 2 600 habitants, est dans la catégorie des communes de 2 000 à 10 000 habitants. Le maire et le conseil municipal sont nommés par le préfet. 
 
Ainsi, le 29 mars 1941, Pierre Tanguy, agriculteur de Kerellou, maire sortant, est maintenu dans ses fonctions. Il présente au préfet une liste de candidats, double des sièges à pourvoir. Le premier critère est d’avoir 25 ans. Les hommes et les femmes peuvent être nommés. La loi oblige le préfet à nommer un père de famille nombreuse, un représentant des groupements professionnels des travailleurs, une femme qualifiée pour s’occuper des œuvres privées d’assistance et de bienfaisance.
Le 9 avril 1941, le corps municipal est nommé. A Ergué, c’est le service minimum pour les femmes, mais comme le prévoit la loi, Madame Ferronière, née Grignon du Moulin, présidente de l’ « Ouvroir de l’Odet », c’est-à-dire du bureau des œuvres sociales des papeteries Bolloré, est nommée conseillère municipale.
Anne, née le 23 février 1905 à Nantes, épouse le 26 avril 1926 Frédéric Ferronière, né le 2 mars 1902. Le mariage entre deux grandes familles bourgeoises nantaises fait grand bruit à l’époque. Ingénieur chimiste après des études à Strasbourg, Frédéric Ferronière et sa femme s’installent dès leur mariage à Quimper, puis à Ergué. Ils auront deux filles : Anne, née à Quimper en 1927, et Jacqueline, née à Quimper en 1930. Les deux filles se marient à Ergué-Gabéric,  respectivement en  1949 et en 1954.  Frédéric Ferronière devient directeur du site d’Odet après la guerre. Anne Ferronnière participe aux fêtes de la bonne société quimpéroise. La presse relate sa présence en 1939 au gala de la Légion d’honneur, où elle joue une scénette de théâtre avec sa fille aînée. 
Dans les registres des délibérations du corps municipal pendant la guerre, Mme Ferronière apparaît comme très présente. Elle n’est absente que six fois entre avril 1941 et le 15 mars 1945, dernière séance où elle assure le secrétariat. A plusieurs reprises Mme Ferronière sera élue secrétaire de séance. Elle fait partie de la commission du cimetière et, sans surprise, de la commission du bureau de bienfaisance. Le 1er mars 1942, elle représente la municipalité au conseil d’administration de la Caisse des écoles privées mais aussi à la Caisse des écoles publiques. Ces caisses étaient chargées de récompenser les élèves assidus et de secourir les indigents.
Frédéric Ferronière devient directeur de l’usine à son redémarrage en 1945. Le couple et ses deux enfant vivent dans une maison à Stang Venn, en face de la nouvelle usine d’Odet. M. Ferronière reste à la tête de l’usine jusqu’à la fin des années 60. On le retrouve comme visiteur au Scientific Control Laboratories de Liverpool, un laboratoire du British American Tobacco, qui teste les tabacs, mais aussi les papiers à cigarette du monde entier. Il terminera sa carrière au siège du groupe, à Paris, avant de se retirer au Cabellou à Concarneau.
Frédéric Ferronière décède le 13 novembre 1986 à Concarneau où il repose avec sa femme, décédée deux ans après.
 
Voir aussi : Politique > Les femmes en politique à Ergué
 

Dossier réalisé par Bernez Rouz - Keleier 84 - octobre 2014

 

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La saga Bolloré, entre histoire et légende

La saga Bolloré, entre histoire et légende

 

Voici quelques remarques rédigées à la suite de la lecture de la 1ère partie du livre de Jean Bothorel, paru cet été 2007 : Vincent Bolloré, une histoire de famille. Ces 60 premières pages portent sur la période 1822-1981 (soit 160 années) et ont pour sous-titre « Les racines et la dynastie » : elles traitent donc de la période historique qui intéresse Arkae. Une 2e partie prend 110 pages pour couvrir les 25 années de l’histoire du groupe sous la direction de Vincent Bolloré, et une 3e (5 pages) annonce le second centenaire, qui sera fêté dans 15 ans. La première partie, celle dont il est ici question, me semble se situer à mi-chemin entre ce qui se prétend un travail d’histoire et ce qui serait en fait une hagiographie à la façon de Joinville travaillant pour son roi Saint Louis. Je veux dire que ce n’est pas un travail d’histoire tel que nous l’entendons à Arkae.

 

Le piano mécanique

Le travers qui apparaît rapidement, c’est celui d’attribuer nécessairement à la famille Bolloré tout ce qui se faisait à Lestonan, et d’ignorer que la population de Lestonan, ou celle d’Ergué-Gabéric a habituellement su se ménager un certain espace hors de l’emprise Bolloré. Exemple plutôt comique : le bilan de Bolloré II, mort en 1935 (pages 47-48) : « Il avait pris le temps avant de disparaître de bâtir de nouvelles écoles privées, d’aider au lancement d’une deuxième cité ouvrière, Le Champ, qui fut construite à grande vitesse et baptisée la Cité Champignon. Il encouragea la construction d’un patronage, les Paotred Dispount, littéralement « les gars sans peur », qui formèrent une troupe de théâtre et une clique avec ses fifres, clairons et tambours. Enfin un piano mécanique fut installé chez Chan Deo, où les jeunes se réunissaient les dimanches après-midi… » Est-il raisonnable de penser que ce serait Bolloré qui aurait contribué à équiper le café de Chan Deo d’un piano mécanique et ainsi à sponsoriser ce qui était dénoncé par le clergé comme un lieu de perdition et de débauche en plein cœur de Lestonan ?

 

L’école publique

Non seulement les Bolloré auraient financé le piano mécanique, mais ils auraient aussi « créé » l’école qui a été ouverte à Lestonan en 1885. C’est bien une école publique que le Conseil Municipal, à la demande insistante de l’inspecteur d’académie, a décidé en 1882 de construire. Or elle est  présentée par Jean Bothorel, page 32, comme école privée : « adjoint au maire d’Ergué-Gabéric, il (le René Bolloré, qui fut à la tête des Papeteries de 1881 à 1905) ouvrit dans le hameau de Lestonan une école privée pour éviter aux enfants le long trajet jusqu’au bourg ». Cette phrase est directement transcrite (mais l’auteur ne l’indique pas) du discours prononcé à la Fête du Centenaire en 1922 par l’Abbé André-Fouet dans l’éloge qu’il fait de Bolloré I : « il crée l’école de Lestonan pour éviter aux enfants le long trajet jusqu’au bourg ». Où donc Jean Bothorel va chercher que René Bolloré était adjoint au maire ? Jean Mahé avait été élu maire en 1881, avec comme adjoint Hervé Le Roux. A la mort de Jean Mahé en 1882, Hervé Le Roux devient maire, avec René Riou comme adjoint. René Bolloré, pendant ce temps, était l’un des 14 conseillers municipaux. Et pourquoi ajouter qu’il s’agit d’une école privée là où André Fouët indiquait simplement une école, et alors qu’en réalité il s’agissait d’une école publique ?

 

Le rachat du Likès

Un autre épisode longuement raconté par Jean Bothorel, pages 33-34, concerne le Likès à Quimper. L’auteur trouve le moyen de placer dès 1907 « une des premières initiatives » de René Bolloré II, qui venait de prendre la direction des Papeteries en 1905, à 20 ans (à noter que Bothorel préfère dire « à 18 ans » ; or, ce René Bolloré est né le 28 janvier 1885, et son père est mort le 15 février 1905 : le fils venait d’avoir eu 20 ans à la mort du père). Voici le texte de Bothorel. « Le collège Le Likès, célèbre institution de Quimper tenue par la Congrégation des Frères des écoles chrétiennes, tombait sous le coup de la loi anti-congréganiste de juillet 1904. Le 18 mai 1907 se déroula au Palais de Justice de Paris la "vente aux enchères publiques, en un seul lot, d’une grande propriété sise à Quimper (Finistère) rue de Kerfeunteun". Il s’agissait du Likès. La mise à prix était de 60 000 francs, une braderie, puisque la seule chapelle construite huit ans plus tôt avait coûté 15 000 francs. Le jour de la vente, Eugène Bolloré, soutenu par son cousin René Bolloré II, se porta acquéreur. Eugène, grand, de belle allure, la moustache en pointe, était président de l’Amicale des anciens élèves du Likès. Les enchères ne montèrent pas très haut, 63 000 francs. Comme la loi interdisait de réaffecter les locaux à l’enseignement scolaire, Eugène Bolloré trouva un artifice : il loua le Likès à l’évêché de  Quimper qui y installa son Petit séminaire sous le nom de collège Saint-Vincent… ».

Qu’en a-t-il été réellement ? La source (probable) à laquelle Bothorel puise son information (ce serait encore une fois sans le dire) est un ouvrage écrit par le frère Hervé Daniélou en 2001, intitulé Un siècle de vie likésienne (1838-1945). On y fait état (page 51) de la création en 1889 d’une Amicale des anciens élèves, dont le président fut, de 1889 à 1924, M. Eugène Bolloré, mercier au 13 rue de Kéréon à Quimper, et qui était effectivement le cousin de René Bolloré II. Page 56 de ce livre se trouve relatée la vente du Likès : « C’est le 18 mai 1907 que se déroula, devant le Tribunal civil de la Seine, au Palais de Justice de Paris, la "vente aux enchères Publiques, en un seul lot, d’une Grande Propriété, sise à Quimper (Finistère), rue de Kerfeunteun" […]. L’affiche annonçant cette vente publique, comporte […] la mise à prix : 60.000 francs. C’est évidemment une véritable braderie, si on pense que la chapelle seule, terminée huit ans plus tôt, avait coûté 150.000 francs [NB : Bothorel retient un chiffre de 15.000 francs au lieu des 150.000 francs ici indiqués]… Le jour de la vente, parmi les acheteurs éventuels, se présente un homme de haute taille, au regard droit et à la moustache en pointes : il s’agit de M. Eugène Bolloré, président de l’Amicale des anciens élèves, qui, en accord avec les Frères, se porta acquéreur de la propriété mise aux enchères. Celles-ci ne montent pas bien haut et, pour 63.000 francs, Monsieur Bolloré devient propriétaire de l’ensemble des terrains et bâtiments affectés au Likès et au District. On peut évidemment se poser la question de savoir si, en l’occurrence, M. Bolloré utilisa sa fortune personnelle ou si l’argent de l’achat fut avancé par les Frères. Ce qui se passa plus tard, lors de la constitution de la "Société Anonyme Le Likès", qui devint propriétaire légale de l’ensemble de la propriété et des bâtiments, permet de donner la préférence à la seconde hypothèse […]. » Ainsi l’hypothèse plausible, selon la source, est que M. Eugène Bolloré n’aurait été qu’un prête-nom, pour le compte des Frères, et il n’est pas question dans ce récit d’un rôle quelconque en « soutien » de René Bolloré II, le cousin, qui rappelons-le, avait 22 ans à l’époque, et était un ancien élève des Jésuites de Vannes et non du Likès. Pourquoi donc s’obliger à le mêler activement à cette entreprise (« une des premières initiatives de René Bolloré ») et à consacrer une page entière à cette opération financière un peu particulière ? Il y a pire, par exemple ce qui est retenu par le Chanoine René Gougay dans « Le Petit Séminaire Saint-Vincent. Pont-Croix 1822-1973 », édition Association des anciens élèves de l’institution Saint-Vincent, 1986 ; page 79) : « À la Séparation, les Frères de Saint-Jean-Baptiste-de-la-Salle virent leurs écoles fermées et confisquées. Leur établissement du Likès à Quimper fut acheté par M. Bolloré, industriel papetier à Odet en Ergué-Gabéric. L’acquéreur était mandaté par le Comité des anciens élèves dont il était le président. Il le loua à Mgr Dubillard ». Jean Bothorel pouvait donc prendre encore plus de distance avec la réalité historique.

 

Les ouvriers au secours du patron

Enfin, cet épisode, situé sous la direction de René Bolloré I (entre 1881 et 1905). Il est ainsi rapporté par Jean Bothorel (pages 30-31) : « Plus d’une fois, l’entreprise frôle la catastrophe. A tel point qu’en 1897, elle est mise en vente sur l’initiative de certains membres de la famille. Sans doute voulaient-ils se partager l’héritage avant qu’il ne se désagrège… On raconte que les ouvriers et ouvrières se sont alors mobilisés et ont rassemblé toutes leurs économies pour les offrir à leur patron : Monsieur Bolloré, nous vous aimons, nous ne voulons pas d’autre patron que vous. Tenez, prenez notre argent, si vous en avez besoin pour rester propriétaire de l’usine. On ignore s’il en eût besoin. On sait en revanche qu’il réussit à se sortir de cette mauvaise passe… ». Bothorel ne cite aucune source. Il dit : « on raconte que… », comme s’il s’agissait d’un récit largement approprié . Or cet épisode n’est connu qu’à partir de l’évocation qui en a été faite par René Bolloré II dans le discours prononcé par lui à l’occasion des fêtes du centenaire en 1922 : « Mes chers amis, je vous raconterai un fait qui résumera l’intensité de l’affection dont il (son père) était entouré. En connaissez vous de plus touchant ? Le voici tout simplement : Quand il y a 35 ans, l’usine fut mise en vente pour partage de famille, les ouvriers de l’époque rassemblèrent leurs économies et vinrent les offrir à mon père, par l’intermédiaire du vieil Auffret, de ton père, Horellou, en lui disant : Monsieur René, nous vous aimons, nous ne voulons pas d’autre patron que vous, tenez, prenez notre argent si vous en avez besoin pour rester propriétaire de l’usine ». Chacun remarquera d’abord que le discours étant prononcé en 1922 et évoquant des faits vieux de 35 ans ; il faut situer ceux-ci en 1887, et non pas en 1897 comme le fait Bothorel. Effectivement, le Docteur Bolloré était mort en 1881, et ses trois fils se sont engagés dans une direction collégiale de l’entreprise. Au bout de quelques années, les deux plus jeunes ont laissé faire leur aîné (René Bolloré I), et lui ont demandé le partage du bien familial. D’où une situation de crise. C’est alors, à une date inconnue et dans des circonstances qui restent ignorées, qu’une démarche de soutien au chef d’entreprise serait venue du personnel. S’agit-il d’une démarche représentative de tout le personnel ou émanant de quelques individus de ses plus proches collaborateurs ? S’agit-il d’une vague proposition ou y a t’il eu un début de réalisation de collecte ? Nous ne disposons d’aucune autre source que ce discours du Centenaire pour connaître cet épisode. Nous devons nous poser la question du bien-fondé de ce récit présenté dans un contexte de célébration de l’entreprise et de ses héros, dans un élan de convivialité recherchée et de sentimentalité bien apparente. René Bolloré II est-il plus crédible que son ami André-Fouet attribuant ce même jour à René Bolloré I la création de l’école publique ? Un minimum de prudence s’impose à qui prétend faire un travail d’historien.

Bothorel aurait pu dire que, dans la tradition Bolloré, cet épisode est devenu une sorte d’évènement fondateur, sans doute autant construit que réel, et relevant désormais du merveilleux. Il fait partie du légendaire de l’entreprise et peut être resservi quand il y a lieu de mobiliser le personnel autour de la direction. L’histoire à faire, c’est aussi l’histoire de l’utilisation de ce récit : quelque chose s’est passé, mais qui a été valorisé peu ou prou, pour les besoins de l’édification des fidèles, comme dans les légendes locales qui ont fleuri sur fond de religiosité.

A travers ce mode de traitement des sources (que l’on prend soin bien souvent de ne pas citer), apparaît une manière habituelle de forcer l’histoire dans le sens d’une dramatisation : à plusieurs reprises, tout alla mal, mais chaque fois, tout fut sauvé, quasi miraculeusement, grâce à l’énergie et à la clairvoyance du héros éponyme, qui disparaît pour renaître, tel le phénix.  « La manière dont Jean-René Bolloré entre dans l’affaire ressemble étrangement au scénario qui se renouvellera en 1897-1898 avec René Bolloré I, en 1919-1920 avec René Bolloré II, en 1948-1950 avec Michel Bolloré et ses frères, enfin en 1981 avec Vincent Bolloré » (page 25. La même récurrence de rebonds historiques est présentée page 56). Ainsi se résumerait la saga des Bolloré, qui serait une illustration des vertus du « capitalisme familial », libre et efficace (page 191). Une histoire à thèse en quelque sorte.

 

François Ac’h - Keleier Arkae, n° 53 - Décembre 2007

 

Signalons encore des erreurs que nous pouvons considérer comme ordinaires, mais qui témoignent d’un certain parisianisme de la part de l’auteur, pourtant finistérien (né à Plouvien). Petit bêtisier. Jean Bothorel situe la commune de Scaër et le moulin de Cascadec dans les monts d’Arrée, et non dans les montagnes Noires : « il [René Bolloré II] loue en 1893, à quelques encablures d’Odet, sur la commune de Scaër, le moulin de Cascadec. Celui-ci enjambe l’Isole qui coule aux pieds des monts d’Arrée, dans l’un des plus beaux sites du Finistère » (page 30). « …en avril 1917, René Bolloré II achète l’usine de Cascadec, jusque là en location. Il y installe une seconde machine à papier, et creuse dans les monts d’Arrée un canal pour amener l’eau aux turbines… » (page 39). Et pourquoi, quand on veut mettre en scène une « brave » bretonne, faut-il en faire une Bigoudène ? Évoquant (page 192) le mariage récent du fils Bolloré, Bothorel a ce commentaire : « Ah, pour sûr, y avait du beau monde !, aurait dit la bigoudène Marianne Saliou ». Marie-Anne Niger, épouse Saliou, est née à Ti-Ru et habitait Stang-Venn.

 

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Gwenn-Aël Bolloré

Par Pierre Faucher, Bernez Rouz, Gaëlle Martin et Christophe Violette.

 

Témoignage de Pierre Faucher

Pendant une vingtaine d’années, j’ai eu l’occasion de rencontrer assez souvent Gwenn-Aël Bolloré qui se plaisait à résider dans son manoir d’Odet, cadre si luxuriant et tellement fleuri au printemps avec ses rhododendrons. Le musée océanographique complétait harmonieusement le parc longé par l’Odet.

Les visites du comité de jumelage avec la ville de Bude Stratton (Grande-Bretagne), celle du ministre de la Mer (L. Le Pensec) en 1982, les portes ouvertes presque chaque année où il recevait ses nombreux amis, étaient l’occasion d’échanger sur les activités de la papeterie, les occupations multiples de l’hôte, tant dans le domaine littéraire – en particulier avec les salons du livre (maritime à Concarneau, breton à Trévarez) – que dans la recherche océanographique, qu’il se plaisait à expliquer dans son musée.

À plusieurs reprises, je l’ai rencontré pour des discussions précises concernant la commune d’Ergué-Gabéric :
- l’acquisition des propriétés boisées de Kerho (par la commune), de Stang Luzigou (par le Conseil Général),
- l’achat de logements dans la cité de Ker Anna,
- l’aménagement du canal de l’usine, inutilisé depuis la fermeture de la papeterie d’Odet, où des avis divergeaient sur son aménagement. Gwenn-Aël Bolloré souhaitait qu’il devienne une réserve de pêche qui aurait été contrôlée par la Fédération des pêcheurs et ouverte à la carte au public. Le projet est toujours dans l’eau !

Et parfois, les discussions devenaient plus personnelles, avec des souvenirs du béret vert infirmier et son livre racontant le 6 juin 1944 Nous étions 177. Lors d’un passage au Mémorial de Caen, vers 2005, ayant décliné mon identité gabéricoise, des responsables militaires m’ont entretenu de la mémoire de Gwenn-Aël Bolloré et du commando Kieffer, dont il était le dernier survivant.

Les activités littéraires occupaient beaucoup de son temps et il aimait en converser longuement. Un jour, au manoir, je l’ai rencontré en train de vérifier son dernier livre, ce devait être Mémoires parallèles et nous sommes restés un bon moment à échanger sur ses souvenirs.

L’accueil à Odet était toujours chaleureux. Cet homme du XXe siècle que l’on rencontrait à Lestonan, aux offices religieux de l’église Saint-Guinal et à Kerdévot, aimait cultiver ses attaches locales. Et son éclectisme, son humanisme subsistent encore dans les mémoires des gabéricois.

Je suis allé voir l’exposition de la bibliothèque de Gwenn-Aël ce lundi 21 janvier 2002 vers 10 h à la bibliothèque municipale de Quimper. J’y ai rencontré Bernard Poignant, Michèle Coïc, directrice de la bibliothèque, et ai acheté le catalogue de la vente. En sortant, je me suis retrouvé face à Anne Bolloré, la fille de Gwënn. Nous avons échangé quelques mots sur le départ de son père et elle m’a fait part de sa surprise en voyant exposée la bibliothèque personnelle de son père. Les proches connaissaient le manuscrit de Céline, mais personne n’imaginait la richesse de cette bibliothèque personnelle. Il fallait traverser la chambre de son père pour y avoir accès. Un bon aparté.

 

 

Interview par Bernez Rouz et Gaëlle Martin

Arkae > Tresors archives > Personnages > Gwenn-Ael BolloréQuelques mois avant son décès le 12 juillet 2001, Gwenn-Aël Bolloré, ancien vice-président des papeteries Bolloré, écrivain, cinéaste, océanographe, avait accepté de rencontrer trois membres de l’association Arkae, dans son manoir d’Odet : Jean Guéguen, Gaëlle Martin et Bernez Rouz : l’occasion d’évoquer les grands moments de sa vie. En voici, classés par thèmes, les extraits les plus significatifs :

 

Le prénom Gwenn-Aël

En fait je m’appelais Gwinal et puis finalement ça s’est transformé en Gwenaël, et puis moi, j’ai un petit peu celtisé l’orthographe quand j’ai commencé à écrire : Gwenn-Aël, qui veut dire ou ange blanc ou vent blanc, suivant les experts. Je pense que c’était probablement pour honorer Ergué, quoiqu’il y avait la petite chapelle qui est au-dessus, là, qui était Guinal ou Guénolé. Guinal est celui qui a jeté Dahut dans les eaux... enfin il y a un tas de légendes.
Q : Il n’y avait pas de tradition dans votre famille de donner des prénoms bretons ?
Non, absolument pas, je suis le premier. Moi, j’ai un petit-fils qui s’appelle Gwenaël, mais non, il n’y avait pas de prénoms bretons.
Q : C’est une incongruité, à cette époque on ne connaît pas de gens qui s’appellent Gwenaël en fait ?
C’est très rare. Quand j’étais jeune, les gens me regardaient avec des yeux ronds. Maintenant je peux me promener, je ne parle pas de Quimper mais de Paris, où j’entends une mère de famille qui dit à son fils : « Gwenaël, arrête de faire des bêtises etc. ». Au début ça m’interpellait un petit peu puis maintenant je suis habitué.

 

La commune d'Ergué-Gabéric

Je suis né ici, (5 septembre 1925). Je suis né dans ma chambre actuelle. Les bureaux des papeteries étaient à Nantes : ma mère était d’origine nantaise, on a été habiter Nantes. Je suis resté à Nantes jusqu’à la mort de mon père et on venait passer les trois mois d’été en Bretagne, plus les vacances de Pâques. Les vacances de Noël, parfois, on allait aux sports d’hiver. A l’époque, c’était un peu un safari, car on n’allait pas souvent aux sports d’hiver. Oui, j’ai vécu quatre mois par an ici.
Q : Quand on habite Nantes, venir au fin fond de la Bretagne c’était une pénitence ?
Oh non, pas du tout, parce qu’ici on était en vacances, tandis qu’à Nantes on était en classe. En général on venait en voiture, mais c’était une aventure. Il y avait une voiture qui partait de Nantes et en général on coulait une bielle du côté d’Auray ou de Vannes. Et alors le chauffeur de l’usine qui était Louis L’Helgoualc’h, si je me souviens bien du nom, à moins que ce ne soit Gourmelen, venait nous prendre avec la voiture de l’usine. Donc on y mettait la journée. C’était une expédition. J’avais quand même deux frères, une sœur, ma mère, mon père et puis nous avions une vieille institutrice qu’on considérait comme notre tante, qui s'appelait Germaine César, que tous les gens d’Odet ont bien connue. On était au moins à deux voitures.

 

Les jeux d’enfant

Il n’y avait pas de télévision bien sûr. On avait des distractions qui étaient différentes : on allait beaucoup dans la rivière. Maintenant il y a prescription, mais on braconnait un peu : on s’amusait à pêcher les truites à la main ou les anguilles avec une fourchette en soulevant les cailloux. On avait de très bons professeurs. Il y avait deux gardes-chasse fameux, à commencer par Kergoat, puis Sizorn. On s’est bien amusé. Il y avait le Stangala, parce qu’à l'époque on marchait. Ce sont des sentiers avec des cailloux. On allait passer l’après-midi au Stangala. Il y avait la promenade du canal. Il y avait un canal d’amenée d’eau pour les turbines turbo-électriques, qui fait 1,6 km. On allait pique-niquer au bout du canal. On amenait du pain, des confitures et on passait l’après-midi comme ça.

 

La Fête-Dieu

Il y avait la Fête-Dieu qui était une fête extraordinaire : d’abord le clergé était beaucoup plus structuré qu’il n’est maintenant. Il y avait toujours une douzaine de chanoines en grand uniforme. A la Fête-Dieu, tout le monde allait ramasser des fleurs. C’était un petit peu dommage : on cassait des fleurs pour faire des paniers pleins de pétales, des roses... tout ça c’était massacré, et on mettait ça par terre. Il y avait des défilés avec tout le clergé, le haut clergé et des bannières. On trouvait ça formidable, quoi ! A l’époque il y avait la chapelle, une messe tous les matins, deux messes le dimanche ; il y avait le recteur qui habitait l’usine. Il y avait cinq ou six choristes en soutane rouge. Enfin c’était très spectaculaire.

 

Le camélia

Mon arrière-grand-père, chirurgien de la Marine, a été en Chine sur une escadre de bateaux. Ils ont ramassé des graines de camélia et les officiers ont ramené des graines. Ce camélia a été planté à l’époque. C’est sûrement l’un des plus vieux de Bretagne. C’est un des plus vieux de France. J’ai une photo de ce camélia qui a été datée par Kodak et qui a déjà cent ans. Il est presque aussi gros. Le parc a été dessiné par un paysagiste anglais, ça n’a d’ailleurs rien à voir avec les jardins à la française.

 

L’usine

On y allait automatiquement parce que c’était à côté. C’était de belles machines à papier. ça nous paraissait énorme. On connaissait tout le monde. Nos parents ne nous l'interdisaient pas. Il y avait aussi deux ou trois enfants de contremaîtres de l’époque qui étaient là : la famille Garin, la famille Eouzan, la famille Léonus. Non, ça se passait bien. Il n’y avait pas de problème.

 

La vie de château

Il y avait pas mal de réceptions, notamment parce qu’on faisait du papier qu’on exportait pour la plus grande part. On avait énormément de clients anglais, américains, de tous les pays d’ailleurs,  des gens d’Extrême-Orient. Enfin c’était très folklorique. Il est certain que le rapport clientèle était plus intime qu’il n’est maintenant. Maintenant, les clients, on les reçoit dans un hôtel impersonnel à Paris, mais on ne les invite pas chez soi, ou alors il faut que ce soit de vieux clients qui sont devenus des amis. Il y avait tout un réseau chasse, car mon père était un grand chasseur et il adorait cela. C’était une manière de distraire les clients. Il y avait dans la ferme de Moguéric, à côté, une faisanderie, où on élevait des faisans. On devait élever environ trois cents faisans par an. Et alors quand les clients venaient - car il n’y a jamais eu beaucoup de faisans en Bretagne, il n’ont pas de quoi bien se nourrir - il y avait le garde chasse avec un sac et une douzaine de faisans dedans, qui rampait derrière les talus, et puis au moment où le client était en ligne, il jetait un faisan. Alors le client tirait, il tuait le faisan et il était tout content.

 

La guerre

En 39-40, j’étais à Orléans. Mon père était mort cinq ans avant. Ma mère vivait à Paris. Elle avait dit " Paris va être détruit, j’envoie mes enfants à Orléans ". J’ai été en demi-pension dans un collège qui s’appelle Saint-Euverte. Paris n’a pas été touché et Orléans a été réduit en cendres. On est parti devant les Allemands avec quelques jours d’avance et on est arrivé en Bretagne, à Quimper quelques jours avant les Allemands. Je les ai vus devant l’Hôtel de l’Epée : il y avait un side-car allemand où ils étaient trois et ils ont occupé la ville pendant 24 h. Il y avait huit cents hommes de troupe qui n’ont pas bougé et ça, ça m’a choqué. Nous avons été réquisitionnés très officiellement. Tout le gouvernement devait venir à Beg-Meil et on devait faire le " réduit breton ". La maison de mes parents c’était Paul Reynaud qui devait y venir. Mon grand-père avait une petite maison et on s’est replié dans la petite maison d’à-côté et on a fait le lit pour Paul Raynaud. On a mis des fleurs pour Paul Raynaud - c’était le Président du Conseil français - et il y a un général allemand qui a couché dedans à la place de Paul Reynaud ! et ça c’est assez choquant. L’usine a fermé, il n’y avait plus de charbon, il n’y avait plus de commandes, il n’y avait plus de clients. Si, on avait du chiffon, on avait deux cents tonnes de stock de chanvre indien. C’est du cannabis, mais il faut le traiter un peu. A part la matière première, il n’y avait plus de charbon, il n’y avait plus personne. Les ouvriers étaient soit sous les drapeaux, soit en prison et on ne pouvait pas continuer à tourner. A Cascadec, le gouvernement de Pétain nous a obligés à marcher avec une ou deux machines. Nous on tournait pour la Seita, la régie des tabacs.

Pendant la guerre, j’étais à Paris avec ma mère et je suis parti le 6 mars 43 en Angleterre. Avant j’avais essayé de partir mais j’avais quinze ans ou seize ans, avec des culottes de golf comme Tintin et ça ne faisait pas sérieux et alors j’ai été obligé d’attendre d’avoir des pantalons longs. J’ai mis très longtemps à trouver la filière. J’ai été souvent me balader sur la côte et puis je faisais trop jeune. J’ai eu de la chance. ça s’est bien passé lorsqu’on prenait des risques invraisemblables. A cet âge on est inconscient. Quand on signe un engagement à la France Libre, on signe pour la durée de la guerre plus trois mois. Donc pendant le reste de mon engagement, j’ai été à la DGR qui était le service des renseignements généraux. J’étais à Paris, j’avais un beau bureau, je me croyais quelqu’un d’important, ça m’a permis de me remettre un petit peu sur selle.

 

Le retour aux affaires

Et puis après ça je suis revenu ici, j’ai fait un stage à Cascadec, et je suis parti six mois en Amérique dans une usine qu’on avait construite, où j’ai fait un stage pour apprendre le métier de papetier, en Amérique. Là j’ai fait la défection, la machine, les lessiveurs. C’étaient des anciens ingénieurs de Bolloré qui avaient construit l’usine : Patin, Cartel. Donc on était un peu habitué au processus et tout, et quand je suis revenu, ils m’ont embauché. J’ai gardé un très bon souvenir de la papeterie parce que c’est quelque chose de vivant, le papier : ce n’est pas de la mécanique pure : il faut savoir le pourquoi et le comment, il faut sentir la chose ; si on ne sent pas la chose on est un mauvais papetier.

 

Le directeur technique

J’étais directeur technique, et puis j’ai été vice-président. Je m’occupais de toutes les usines du groupe. J’aimais bien ça et je n’ai pas eu de problèmes : les papeteries, techniquement, se sont aussi bien débrouillées que nos concurrents français. J’avais une très bonne équipe avec moi : Garin, Patin, Galès et alors il y avait Martin, et moi ça ne m’a jamais fait peur de prendre comme adjoint un type qui en savait trois fois plus. Martin était un polytechnicien, il fallait faire attention parce qu’il avait quelquefois des idées de polytechnicien. Mais on lui doit beaucoup, il était génial. La dernière chose que j’ai faite avant de prendre ma retraite, c’est la première machine de polypropylène d’Odet, et puis après ça a continué et maintenant ça va bien, j’ai un neveu qui se débrouille très bien. Il y a eu un moment qui a été un petit peu difficile mais qui est maintenant totalement arrangé, parce que j’ai un neveu, Vincent, qui est parfait.

 

L'écrivain

C’est arrivé peu à peu ; quand je suis parti je n’avais pratiquement pas fait d’études : j’avais très peu lu, j’ai fait la guerre dans des conditions où je n'avais pas le temps de me mettre dans un fauteuil pour étudier. Quand je suis revenu, j’ai eu une certaine frustration et alors je me suis mis à lire, je me suis intéressé à l’édition, et puis après ça je me suis occupé d’océanographie. J’avais aucun bagage et puis avec le musée j’ai pris contact avec le British Museum et avec le Musée de Genève qui est très riche et un jour le Professeur De Byiesse qui était directeur des recherches atomiques à Saclay, m’a dit « Bolloré ça va pas, vis à vis des étrangers, vous n’êtes pas docteur, ça fait pas sérieux, il faut que vous passiez votre doctorat. » A l’époque il m’a dit : « c’est une formalité. » Eh bien ce n’est pas une formalité. J’ai boulonné comme un nègre pendant trois ans et j’ai passé mon doctorat, j’avais plus de cinquante ans.

 

Le coelacanthe

C’est le professeur Anthony qui a été pêcher le coelacanthe aux Comores, c’est dans l’océan indien. Je l’intéressais beaucoup, d’abord parce que j’avais des notions d’océanographie et puis j’avais mon permis pour conduire les bateaux. Ca lui économisait de prendre un capitaine au long cours. Là, j’ai passé trois semaines à la pêche au coelacanthe. On a eu de la chance on en a pêché deux. Maintenant on n’a plus le droit de les pêcher, ils sont protégés. J’en ai un au musée.

 

Le Musée océanographique d’Odet

J’ai commencé à faire une collection dans ma maison et à un certain moment il y avait des crabes, des coquillages sur les armoires, sous les lits, et ma famille m’a fait comprendre que je serais bienvenu si je dégageais. Donc j’ai dessiné un petit bâtiment et puis je l’ai agrandi et je suis arrivé au musée actuel où mes collections nageaient les premières années, et qui maintenant est beaucoup trop court comme bâtiment. Je pourrais le doubler. La pièce dont je suis le plus fier c’est un petit crabe affreux que j’ai découvert et qui porte mon nom. Le Dromia bollorei. Il n’a pas un intérêt considérable mais pour moi c’est important.

 

Le cinéma

Arkae > Tresors archives > Personnages > Gwenn-Ael Bolloré - Bernez Rouz - Gaelle Martin

J’aurais pu faire du cinéma. Mais là il faut le faire vraiment, et puis c’est un monde. C’est un monde qui n’est d’ailleurs pas tellement sympathique. J’ai fait sept ou huit films, sur l’Odet, sur la pêche à pied aux Glénan, sur les grands voiliers, sur la transhumance des rennes en Laponie, sur les grottes des Pyrénées, aux Canaries. J’en ai fait un sur la pêche aux requins-pèlerins aux Glénan. Le plus gros que j’ai pêché faisait neuf mètres, il paraît que certains font quinze mètres, c’est la taille d’une baleine pratiquement. J’en ai fait en Floride, c’est des films qui font vingt minutes. Le seul grand film auquel j’ai participé c’était les Naufrageurs. C’est moi qui ai fait le scénario et qui m’occupais des bateaux. Il y avait un bateau qui était naufragé et qui devait se casser sur Saint-Guénolé-Penmarc’h et puis personne ne voulait mettre le bateau sur les cailloux. Alors on s’est retourné vers moi : « C’est toi qui a écrit le scénario, c’est à toi de le faire ! ». On avait reconstitué une petite ville, pas en staff mais en granite autour de Tronoën. Et puis les Beaux-Arts ont voulu qu’on démolisse après. C’était idiot car c’était fait vraiment comme autrefois. Ils auraient pu le garder.

 

Le projet de musée de la papeterie

Moi, je suis tout à fait pour. J’ai même dit que j’étais prêt à collaborer ; je n’ai pas de choses considérables, mais j’ai quand même des documents et tout. Mais vous savez, un musée, c’est pas commode à construire, même si on a des moyens. Le bâtiment des machines 9 et 10 serait formidable pour faire un musée. Moi, si on me le donne, je bourre ça de crabes et de coquillages, ça va pas être long !

 

L'exposition de la bibliothèque de GA Bolloré

Suite à l'exposition de la bibliothèque de Gwenn-Aël Bolloré à Quimper en 2002, Christophe Violette a rédigé pour le journal Ouest-France un article descriptif.

 

Les belles pages de Gwenn-Aël Bolloré

La bibliothèque de Gwenn-Aël Bolloré va être vendue aux enchères par Sotheby’s. Avant cette dispersion, les Quimperois vont avoir la chance lundi prochain d’en admirer une sélection à la bibliothèque municipale. Dont les manuscrits de Céline, Léon Bloy, André Le Breton, Max Jacob, Roger Nimier… Une collection remarquable. C’est sûr, cette vente atteindra des sommets. Les 143 lots sélectionnés ont été estimés à près de 1,6 million d’euros (plus de 10 millions de francs) C’est que, mieux que la bibliothèque d’un très honnête homme, c’est la collection d’un personnage hors du commun qui va être dispersée les 7 et 8 février, à Paris. Décédé l’été dernier dans son manoir de l’Odet, Gwenn-Aël Bolloré a été tour à tour, industriel, grand résistant, écrivain, éditeur et océanographe. A 17 ans tout juste, il rejoint l’Angleterre en mars 1943, avant de revenir libérer Ouistreham, le 6 juin 1944 au sein du bataillon des 177 Français du commando Kieffer.


La Table Ronde

Gwenn-Aël collectionnait les livres avec passion. Dans ses Mémoires parallèles, il raconte ses très nombreuses rencontres avec les grands libraires parisiens. Très actif au sein de l’avant-garde littéraire parisienne, il pousse en avant le grand poète Henri Michaux, coédite en 1953 L’Arrache-Cœur de Boris Vian. C’est un tournant, l’industriel d’Ergué-Gabéric, vice-président des Papeteries de l’Odet, se lance alors dans l’édition : il prend une large participation dans La Table Ronde (ainsi baptisée par Jean Cocteau). Au cours des années 1950, sa culture et son dynamisme parviennent à cristalliser autour de sa maison d’édition le mouvement des Hussards : Roger Nimier deviendra le plus célèbre de ces jeunes écrivains. Au cours des années 1960, Gwenn-Aël tourne une nouvelle page et se lance dans l’océanographie. Toujours aussi passionné, il créé son Musée océanographique de l’Odet, monte des expéditions sur les mers lointaines, découvre des espèces, dont celle d’un crabe inconnu à qui il donne son nom.

 

Le manuscrit de Nord
Un tel personnage, écrivain lui-même, ne pouvait avoir qu’une bibliothèque exceptionnelle. Parmi les pièces majeures de sa collection, qui sera vendue le 7 février, figure le manuscrit autographe de Nord : 1565 pages écrites de la main de Louis-Ferdinand Céline, où, comme Dante décrivait les cercles de son Enfer, le Dr Destouches dépeint l’Allemagne de la débâcle. On trouvera aussi un ensemble de 64 ouvrages d’Henri Michaux, dont quinze pages manuscrites rédigées pendant sa période d’écriture « mescalinienne ». Un carnet de poèmes autographes d’André Breton : celui qui allait devenir le pape du surréalisme n’était alors qu’un jeune poète. Les chants de Maldoror de Lautréamont, illustrés par Salvador Dali. Le manuscrit autographe des Enfants tristes de Roger Nimier. Celui du Mendiant ingrat de Léon Bloy. Ou encore, pour ne citer que ceux-là, parmi tant d’autres, deux carnets de voyage de Max Jacob… Ces deux dernières pièces ne manqueront pas de toucher beaucoup de Quimpérois. La bibliothèque municipale ou le musée des Beaux-Arts, qui détient déjà nombre de documents de Max Jacob, auront-ils les moyens de se porter acquéreurs ?
 
Article de Christophe Violette dans Ouest-France, paru le mardi 15 janvier 2002.

 

 

Bibliographie

 

Romans

Moïra La naufrageuse, édition La Table Ronde, 1958.
Contes-fiction, éd. du Scorpion, 1961.
Le Dîner bleu, édition La Table Ronde, 1979.
Les Amants de l'espace, édition Le Cherche Midi, 1985.
Histoires troubles, éditions Jean Picollec, 1993.

 

Histoire

Nous étions 177, édition France Empire, 1964. (Edition augmentée en 1983 chez le même éditeur sous le titre Commando de la France Libre, Prix Raymond Poincaré, 1983, Prix National de la Résistance 1984 au Cherche Midi, nouvelle édition sous le titre J'ai débarqué le 6 juin 1944, préface à Voyage en Chine, éd. SFHA,Quimper, 1979).

 

Essai

Propos interrompus, Gallimard 1958.

 

Océanographie

Guide du pêcheur à pied et sa cuisine, La Table Ronde, 1960, Gallimard 4e édition, 1986.
Destins tragiques du fond des mers, La Table Ronde, 1963. Collection " L'Ordre du Jour ".
Du mimétisme à l'utilisation de l'outil par les animaux marins, Musée Océanographique de l'Odet, Ergué-Gabéric, 1968.
Évolution et pêche au coelacanthe, édition la Palantine, 1974.
Un musée océanographique à la recherche d'une muséologie, Thèse, La Table Ronde, 1976.
Célébration de la bernique, Gallimard, 1982.
Suivez le Crabe, de l'océan à votre assiette, Gallimard, 1984.
La Saga de l'anguille : vie, pêche, cuisine, Gallimard, 1986.
Les îles suisses du Lac Léman, édition L'âge d'homme, Lausanne, 1997.

 

Poèmes

Anatomie descriptive, Seghers, 1955.
Nerfs à fleur de larmes, édition Saint-Germain-des-Prés, 1982.
L'Oiseau, édition La Groac'h du loc'h, 1994.
Morbide, édition Jean Picollec, 2001.

 

Mémoires

Mémoires parallèles, édition Jean Picollec, 1996.
Né gosse de riche, Ouest-France/Édilarge, 2000.

 

Filmographie

 

Long-métrage

Les Naufrageurs, 1959, 92 min. Tourné en 35 mm en cinémascope dans le Pays Bigouden. Il a été réalisé par Charles Brabant à partir du roman Moïra la Naufrageuse avec Danny Carrel, Charles Vanel, Henri Vidal, Carl Schell et Renée Cosima.

 

Court-métrage

Le Vire-Caillou, 1954, 12 mn ; pêche et vie aquatique durant le jusant.
Requins sur nos plages, 1955, 11 mn ; la pêche au harpon à main des requins-pélerins, le plus grand de tous les poissons dont certains spécimens peuvent atteindre 15 m de long.
La Transhumance des lapons et des rennes. Eleveurs et pêcheurs, c’est la vie des lapons.
Abîme. Une promenade dans les entrailles de la terre.
Derniers voiliers, 1958. La course Brest-Ténérife avec les derniers grands bateaux à voile.
Sur la route de Key West. La pêche au gros au large de la Floride.
La vie d'une rivière : l'Odet, 1955. De la source à la mer, une rivière et ses habitants.
Persistance du rêve, essai d'art abstrait à partir de la mer.

 

Bibliographie réalisée par Pierre Faucher pour le Keleier d'Arkae n°69, en septembre 2011.

 

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Trésors d'archives > Guerres > Les Résistants de Lestonan

Les Résistants de Lestonan

François Ac'h, avec le participation de Valia, fille de Malou Lazou 

 

Arkae > TArchives > Guerres > Resistants Lestonan > Jean, Malou et Jeanne LazouVacances de Noël 1940.

Les locaux de l’école publique de Lestonan sont silencieux. Les trois classes ont fermé.

Jeanne Lazou, la directrice, reçoit sa fille Malou, qui poursuit des études de médecine à Rennes. Elle passe quelques jours chez elle. Ce retour à la maison familiale est marqué par le souvenir du père, Jean Lazou, qui ne sera pas là. Il a été tué le 15 mai précédent sur le front des combats, dans l’Aisne.

Mais Malou est revenue à Lestonan accompagnée d’un étudiant en médecine qui deviendra son mari. C’est René Le Herpeux, qui par ailleurs est, à Rennes, un dirigeant des étudiants communistes, un proche de la direction régionale du Parti.

De gauche à droite : Jean, Malou et Jeanne Lazou

La chasse aux communistes.

Malgré les difficultés de la période, Jeanne Lazou est restée militante au Parti Communiste. A vrai dire, à cette date, le Parti est réduit à peu de chose. Il a été dissous le 26 septembre 1939 par le Gouvernement Daladier, en raison de la signature du Pacte germano-soviétique, et par ailleurs, la plupart des militants hommes ont été mobilisés.
Cependant un PCF clandestin se réorganise pendant le second trimestre de 1940, en bonne partie avec des jeunes et des femmes.
Ces communistes bretons n’ont pas attendu l’invasion de l’URSS par l’Allemagne le 22 juin 1941 pour entrer en résistance : sous la direction d’Auguste Havez, leur responsable régional, ils développent déjà dans leur propagande des positions anti-nazies très nettes.
C’est une période où les militants communistes sont soumis à une surveillance de la police : dès avant l’arrivée au pouvoir de Pétain, les communistes ont été considérés par le personnel politique au pouvoir comme des ennemis de l’intérieur : le PCF interdit, ses militants sont condamnés à la clandestinité.
Le 20 janvier 1940, les députés communistes sont déchus de leurs mandats. Les cinq maires et 60 conseillers municipaux du Finistère membres du Parti sont révoqués. Puis en avril 1940, le décret « Sérol » institue de fait la peine de mort pour les communistes qui poursuivent leurs activités, sous l’accusation de démoralisation de l’armée ou de la nation.
Quand le gouvernement de Vichy s’installe en juillet 1940 avec son programme de « Révolution Nationale » et son esprit de vengeance, il n’a qu’à poursuivre la chasse aux communistes déjà bien engagée.
En août 1940, il institue une police spécialisée : le Service de police anticommuniste (SPAC), qui condamnera à la prison les militants arrêtés pour les livrer ensuite aux forces d’occupation. Ainsi, leur peine terminée, ils seront pour la plupart déportés en Allemagne.

La ronéo dans le grenier de l’école.

Arkae > TArchives > Guerres > Resistants Lestonan > Mathias Le LouëtC’est pendant ces vacances de Noël 1940 que Jeanne Lazou fait se rencontrer René Le Herpeux et Mathias Le Louët. Mathias est un ancien élève de Jean Lazou. Il n’a pas encore atteint ses 20 ans. Il travaille à Quimper, aux Ponts et Chaussées.
Le Herpeux lui propose d’entrer dans un groupe de résistants à constituer.
Mathias écrira plus tard1 que ses « sentiments anti-allemands et anti-pétainistes » lui ont suffi pour agir avec les communistes au sein du Front National2 (il n’adhérera au Parti Communiste qu’une fois la guerre terminée). Ainsi, dès janvier 1941, Mathias commença à déposer ses premiers tracts, la nuit, aux portes des maisons de Lestonan.
Rapidement, l’action militante de Mathias va se porter sur Quimper. Le responsable local qu’il rencontre est André Quiniou, employé de perception : Mathias fera partie d’un « triangle » de militants avec Jean Bernard, employé de bureau à l’Office du blé, et René Tressard, instituteur à Pleuven. Une tâche particulière lui est confiée par André Quiniou : installer une ronéo à l’école de Lestonan, au grenier de Madame Lazou, et tirer en tracts, avec l’aide de celle-ci, des textes tapés à la machine sur stencils par Yves Dérédec, un employé du service de l’enregistrement. Cette propagande est destinée au Sud-Finistère.
Le logement de Jeanne Lazou sert aussi occasionnellement pour l’hébergement de responsables communistes de passage. Ce sont, par exemple des responsables locaux des FTP : « Commandant Pascal », « Capitaine Michel », ou des militants de base. C’est aussi, en septembre 1941, la responsable régionale « Madame Lecrux3 » .

Photo : Mathias Le Louët 1985.

Alertes et coups durs.

Mai 1942. Deux jeunes militants communistes d’Ergué-Armel, Pierre Jolivet et Emile Le Page, tous deux âgés de 19 ans, sont arrêtés pour avoir distribué des tracts appelant à manifester le 1er mai. Ils sont de plus soupçonnés d’avoir participé à des attentats. Ils sont fusillés le 5 juin suivant.

Juillet 1942. Mathias a réussi à livrer à André Quiniou une valise de tracts tirés en prévision du 14 juillet. Le lendemain, Quiniou et Dérédec sont arrêtés par la police de Vichy dans le Morbihan avec une partie des tracts. Quiniou décède à Lorient des suites de coups reçus lors de son interrogatoire, et Dérédec sera déporté dans un camp en Allemagne. Mathias se cache à Trégourez. Il revient à Lestonan quand il estime qu’il n’est pas recherché et il continue à diffuser la presse clandestine.

Octobre 1942. A l’occasion d’un large coup de filet dans les rangs des FTP4 du Sud-Finistère, Jean Bernard5 et René Tressard6 sont arrêtés. Mathias n’est pas inquiété, mais se cache pendant une semaine à Elliant après avoir confié la ronéo à René Guillamet, adjoint technique au Génie Rural et mari d’une des institutrices de Lestonan. Il est désormais coupé de l’organisation. Il lui faudra attendre Noël 1942 pour convenir avec René Le Herpeux des modalités pour rétablir la liaison avec un responsable régional.

Arrestations.

Le 1er mars 1943, Mathias, informé via Jeanne Lazou, a un rendez-vous avec le nouveau contact dans le hall de la gare de Quimper. Il y a des signes de reconnaissance à respecter : « à l’heure dite, j’étais au rendez-vous, la cigarette aux lèvres, le ticket de chemin de fer à la main et lisant la revue. Un gars d‘une trentaine d’années, vêtu d’un blouson et d’un pantalon de golf, coiffé d’un béret et chaussé de gros brodequins s’approcha. Il me demanda du feu et après qu’il eut allumé sa cigarette, me dit : « Je viens de la part de Fernand ». C’était le mot de passe convenu. Nous nous dirigeâmes vers la sortie. Dans la cour de la gare, il me présenta un autre gars correctement vêtu de bleu marine, et me dit que ce serait désormais mon nouveau responsable régional… »7.
Ils rejoignent ensemble le centre-ville et prennent un café Place Toul-al-laër tout en interrogeant Mathias sur la situation locale de l’organisation, les possibilités de la faire redémarrer et de la développer. Arrivés près du Commissariat, soudain les deux hommes se jettent sur Mathias : ce sont des policiers, de la Police Spéciale de Rennes, qui le font enfermer au commissariat. Son interrogatoire va durer deux jours.

Le lendemain matin de son arrestation, il est rejoint au poste de police par Jeanne Lazou et par René Guillamet, également arrêtés. Tous trois sont dirigés dans la soirée vers le Palais de justice, puis conduits à la prison française de Mesgloaguen. Ils y restent pendant un mois puis sont conduits, Jeanne Lazou à la prison de Rennes, et les deux jeunes gens à celle de Vitré.
Ils sont jugés tous trois à Rennes le 15 avril 1943, sous l’inculpation d’avoir « détenu de mauvaise foi des tracts à tendance communiste et du matériel de diffusion tendant à propager les mots d’ordre de la IIIème Internationale ou des organismes qui s’y rattachent ». Jeanne Lazou est condamnée à un an de prison, Mathias à deux ans, et René Guillamet se voit relaxé, Mathias ayant prétendu l’avoir trompé sur le contenu de la caisse contenant la ronéo.

Des prisons françaises au maquis.

Mathias revient pour deux mois encore à la prison de Vitré, puis est dirigé le 17 juin sur celle de Poissy, le 20 septembre sur celle de Melun, enfin le 15 décembre 1943 à la Maison d’Arrêt de Châlon-sur-Marne. Dans toutes ces prisons se trouvent de nombreux communistes. A Châlon, Mathias retrouve Jean Bernard et René Tressard, et plusieurs autres sud-finistériens8.

Fin mars 1944, Mathias est atteint de typhoïde, ce qui lui vaut d’être hospitalisé. C’est à l’hôpital qu’il apprend le Débarquement en Normandie. La nuit précédant son retour en prison, celle du 14 juin, Mathias s’évade par les toits avec deux camarades. Avec l’aide de la population locale, ils regagnent le maquis d’Argonne (un maquis « gaulliste ») où Mathias participe à des actes de sabotage, des parachutages d’armes, et enfin à la libération de Sainte-Menehould le 30 août, avec l’aide des troupes américaines. Fin septembre, il est de retour à Lestonan.

Sauvée in extremis

Jeanne Lazou est restée à Rennes pour effectuer son année de prison « française ». Mais comme l’indique Mathias dans son livre : « il valait mieux être condamné à une peine de prison de cinq années plutôt qu’à une petite peine de un ou deux ans. En effet, dès la peine terminée dans une prison française, on était transféré dans une prison allemande pour être déporté, quelques jours ou quelques semaines plus tard, dans les camps allemands »9. Malou Lazou aussi le savait. Elle était devenue Madame Le Herpeux. Le jeune couple s’était installé à Paris, où l’action clandestine était davantage possible. Mais que faire ?

Elle se rendit de Paris à Rennes. Elle raconte : « un de mes condisciples de l’Ecole de médecine10 était devenu interprète à la Kommandantur. Il est intervenu auprès d’un officier allemand, que je suis allée voir. Celui-ci m’a conseillé d’aller chercher ma mère à la Centrale. Lorsque j’y arrivai, elle n’y était plus (Je l’ai retrouvée chez des amis). Elle était dans la file des femmes partant pour la déportation. On l’a alors mise en dehors (de la file) avec son baluchon. Il avait suffi (heureusement) d’un coup de téléphone de l’officier allemand aux fonctionnaires français (de la prison) pour faire libérer ma mère»11. Jeanne Lazou était libre, le 9 mars 1944. Interdite de séjour dans le Finistère, elle est venue habiter à Paris, chez une de ses sœurs. Elle y restera jusqu’à la Libération de Paris.

Autre arrestation ce même 9 mars.

Et « Fernand » ? Celui dont il était question dans le mot de passe utilisé par Mathias était René Le Herpeux. Pendant les deux jours d’interrogatoires subis par Mathias après son arrestation à Quimper, le commissaire Mitaine s’était montré très intéressé de savoir qui était « Fernand ». Mathias réussit à ne laisser échapper aucun indice. René Le Herpeux put donc poursuivre ses activités de résistant, mais désormais sur Paris où il s’était installé comme médecin praticien dans un quartier ouvrier. Il fut arrêté un an après, pour une autre affaire. C’était le jour même de la libération de Jeanne Lazou.

En rentrant de Rennes à son domicile à Paris, Malou Lazou fut surprise d’y trouver les policiers français qui, deux jours auparavant, venaient d’arrêter son mari René Le Herpeux ainsi qu’une bonne partie du réseau FTP constitué à l’Assistance Publique. Malou était élève d’externat d’un grand pédiatre qui deviendra le fondateur de la néonatologie en France, le Professeur Alexandre Minkowski. René et Malou avaient fait entrer celui-ci dans le groupe. Lui aussi avait été victime de la rafle. A l’occasion d’une brève rencontre qui leur fut autorisée, René put glisser à Malou cette phrase en l’embrassant : « Minko est notre conférencier ». Lors des interrogatoires qu’elle eut à subir, Malou répéta donc ces mots, ce qui valut à Minkowski d’être mis hors de cause et libéré au bout de deux jours.
Malou eut à subir deux mois d’emprisonnement à la Conciergerie avant d’être, elle aussi libérée12.

Déportation et mort de René Le Herpeux13.

René Le Herpeux fit partie d’un convoi de déportés qui quitta la France le 30 juillet 1944 à destination du camp de Neuengamme14. Courant septembre, avec d’autres français il rejoint une usine d’armement à Blumenthal ; en tant que médecin, il est affecté à l’infirmerie du Kommando, ce qui lui permet par sa compétence de sauver de la mort plusieurs de ses compagnons. Fin février et début de mars, il participe à un projet d’évasion collective qui n’a pas abouti. Le 21 avril, à l’approche des alliés, les prisonniers en état de marcher sont jetés sur les routes dans la direction du Nord. René Le Herpeux s’affaire à l’arrière de la colonne, auprès de ceux qui n’en peuvent plus.
Le convoi finit par rejoindre Neuengamme ; le camp est évacué quinze jours plus tard : les survivants sont acheminés par train jusqu’au port de Lübeck, sur la Baltique ; ils sont parqués (à environ 6.000 déportés) sur un cargo, le Cap Arcona. On y trouve une vague infirmerie : c’est là où se tient le « toubib », René Le Herpeux.
Le matin du 3 mai, les alliés sont aux portes de Lübeck ; des avions anglais survolent le port. Ils bombardent les trois bateaux chargés de déportés. Sur le Cap Arcona, seuls 150 à 200 seront sauvés15.
« Je ne reverrai plus jamais mon vieux copain René Le Herpeux. Un survivant du « Cap Arcona » m’apprit qu’il avait été abattu à coups de revolver par un SS alors qu’il distribuait des ceintures de sauvetage à ses malades, sur ce bateau en feu. J’aimais beaucoup René. C’était un homme simple, juste et bon, courageux. Je lui dois la vie car il m’a soigné le mieux qu’il a pu » (André Duroméa p.174).

Photos : Concours agricole années 30.

François Ac'h & Valia, fille de Malou Lazou.

 

  1. Mathias Le Louët Je viens de la part de Fernand. Récit de la Résistance et de prison. 1941-1944. A compte d’auteur. Presses Impressions du Sagittaire. Février  2004).
  2. C’est le mouvement de résistance créé par le PCF à partir de mai 1941.
  3. De son vrai nom Simone Bastien. Ouvrière du textile de Dijon, elle vient de purger 8 mois de prison pour « propagande communiste et tentative de reconstitution de groupement dissous » quand elle arrive en Bretagne ; elle sera de nouveau arrêtée à Rennes pour réorganisation de groupes FTP et déportée à Ravensbrück puis Auschwitz.
  4. FTP(F) ou Francs Tireurs et Partisans français : branche armée du Front National, créée par le PCF en 1942, pour remplacer l’O.S. ou « Organisation Spéciale », groupe armé initialement chargé depuis 1940 de couvrir les distributions de tracts et inscriptions murales.
  5. Pont-l’Abbiste, né en 1923. Fera les prisons françaises puis sera déporté en Allemagne. Il survivra au camp de Buchenwald.
  6. Il va mourir en déportation.
  7. Dans Mathias Le Louët : « Je viens de la part de Fernand… », page 36.
  8. Une soixantaine d’arrestations de membres de l’O.S. ou du Front National ont eu lieu pendant l’été 1942  dans le Sud-Finistère : tous furent condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement ; beaucoup furent ensuite déportés ; certains revinrent ; d’autres non (Voir G.M. Thomas et Alain Le Grand « Le Finistère dans la guerre 1939-1945 », Tome 1 : L’Occupation, page 317 – Editions de la Cité).
  9. Dans Mathias Le Louët : « Je viens de la part de Fernand… », pages 56-57.
  10. De Rennes.
  11. Texte rédigé par Malou Lazou. Collection privée.
  12. Elle a sauvé une deuxième fois A. Minkowski, cette fois de la vengeance des « camarades ». Il raconte dans « Le mandarin aux pieds nus. Entretiens avec Jean Lacouture » (Seuil, 1975, p. 78-79) : « J’étais considéré par eux comme un individu suspect : je m’étais engagé pour la Finlande, j’avais distribué des tracts trotskystes. Je n’étais donc pas parfaitement fiable. Puis quand mes camarades ont été arrêtés et déportés –aucun n’est revenu- et moi libéré, un élément de suspicion, assez naturel après tout, s’est ajouté à mon dossier. J’ai été filé, bien entendu, et sommairement jugé. J’avais été convoqué dans un terrain vague de Rueil. Je suis venu au rendez-vous et je n’ai rencontré personne. Ce rendez-vous était, paraît-il, destiné à mon exécution. Je l’ai su par la suite (…) C’est une amie, ancienne élève d’externat, celle-là même par qui j’avais été introduit dans le réseau qui m’a dit qu’elle était arrivée à temps pour expliquer aux « camarades » que j’étais incapable d’avoir vendu quiconque… ». Malou avait réussi à convaincre les responsables du réseau en expliquant l’alibi utilisé pour couvrir « Minko » selon lequel leurs relations étaient strictement professionnelles.
  13. D’après le récit d’André DUROMEA, futur maire communiste du Havre, qui a suivi avec René Le Herpeux le même parcours de Compiègne à Lübeck (« André Duroméa raconte : La Résistance, la Déportation… Le Havre », p. 117 à 178. Edit. Messidor/Editions Sociales 1987.
  14. C’est également dans ce camp que se trouvaient les résistants quimpérois et gabéricois arrêtés après « le coup du S.T.O. : Jean et Antoine Le Bris, Laurent Jacq, René Fauvel, Loulou Kerneis, Hervé Bénéat et Jean Le Corre.
  15. C’est également sur le Cap Arcona qu’a péri Laurent Jacq, l’instigateur du « coup du S.T.O. » à Quimper.

 

Mathias Le Louët

Né en 1921 au Guélen en Briec dans le penti des ses parents journaliers agricoles, Mathias vint habiter à Lestonan avec la famille quand il a trois ans, son père ayant été embauché comme manœuvre à la Papeterie de l’Odet.
Elève à l’école publique de Lestonan, il fit partie de ces enfants que leurs parents, ouvriers chez Bolloré, durent inscrire à l’école privée à son ouverture en 1929. Ce qui n’empêcha pas que le père de Mathias fut licencié deux ans après, suite à la mise en service de nouvelles machines.
Et Mathias termina sa scolarité à l’école publique dans la classe de Mr Lazou.
A 19 ans, vers Noël 1940, Madame Lazou lui propose d’entrer dans un réseau de résistance du P.C.F. pour une activité de propagande (imprimer, transporter, distribuer des tracts). Cela dure de janvier 1941 jusqu’à juillet 1942, quand des membres de son réseau sont arrêtés. Le 1er mars 1943, il est lui-même piégé par la police anti-communiste, ainsi que Mme Lazou et René Guillamet.
Le 15 avril 1943, il est condamné à Rennes à deux ans de prison. Il est transféré successivement de la prison de Vitré à celles de Poissy, Melun, Châlon-sur-Marne. Il parvient à s’évader de l’hôpital de cette dernière ville le 14 juin 1944 et à rejoindre le maquis FFI de la Forêt d’Argonne où il combat jusqu’au 13 septembre 1944. Fin septembre 1944, il est de retour à Lestonan.
Mathias reprend son travail aux Ponts et Chaussées. Il sera cadre dans des sociétés de distribution d’eau du Sud-Finistère. Son épouse Jacqueline sera comme lui une militante du PCF et de la CGT. Mathias sera connu également comme Président du Conseil des Prud’hommes de Quimper. Il est décédé en 1987, à l’âge de 66 ans.
Mathias a laissé un récit sous le titre « Je viens de la part de Fernand. Récit de la Résistance et de prison. 1941-1944 » publié en 2004 par son épouse.
 

 

Famille Lazou

Arkae > TArchives > Guerres > Resistants Lestonan > Jean et Francine LazouJean François Lazou est né à Plougasnou le 29 juillet 1895. Il vient juste d’avoir 19 ans quand la Première Guerre Mondiale embrase l’Europe : il est appelé sous les drapeaux avec sa classe d’âge à partir de décembre 1914. Il a déjà terminé sa formation d’instituteur et va servir dans cette guerre comme officier.

A la fin de la guerre, Jean Lazou a choisi de rester mobilisé pour aller réintroduire le français dans l’enseignement primaire en Moselle : il opte pour un poste d’instituteur à Grosbliederstroff, où il est rejoint par Francine Combot, son épouse, également institutrice, née à Morlaix le 5 décembre 1895. C’est là que naît leur fille Marie-Louise (Malou) en 1919. De retour dans le Finistère, Jean et Francine Lazou enseignent à Roscoff en 1924. Puis au 1er octobre 1926, ils sont tous deux affectés aux écoles de Lestonan, lui comme instituteur adjoint et elle comme directrice.

Photos : Francine et Jean Lazou.

 

Ils ont, avec les autres instituteurs, à faire face à la création à Lestonan, de deux écoles privées, l’une pour les filles (octobre 1928) et l’autre pour les garçons (octobre 1929). L’effectif de chacune des écoles publiques se trouve ramené de 130 élèves chacune à une trentaine seulement. Jean Lazou devient directeur de l’école publique des garçons à partir du 1er janvier 1931 et les deux écoles publiques sont « géminées » à la rentrée de 1933, ce qui constitue une étape vers la mixité, encore limitée au strict temps de classe.


Arkae > TArchives > Guerres > Resistants Lestonan > Jean Lazou avec ses pigeonsJean Lazou se révèle par ailleurs animateur dynamique de la vie locale : il est connu pour être un actif organisateur de la « Fête de Lestonan » et de son concours agricole. Il assure des cours post-scolaires bien fréquentés et il tient un élevage important de pigeons voyageurs. Ce sont surtout ses qualités de maître d’école qui ont nourri l’excellent souvenir qu’ont gardé de lui ses anciens élèves.

Il est mobilisé pour participer à la seconde Guerre mondiale, au 337ème Régiment d’Infanterie, un régiment de réservistes. Il combat sous le grade de capitaine. Sa citation à l’ordre de la Division est ainsi rédigée : « Officier de haute valeur morale, donnant l’exemple de la discipline. Très à la hauteur de sa tâche et inspirant confiance à ses hommes en les entraînant au devoir. A trouvé une mort glorieuse le 15 mai 1940 à Montcornet (Aisne) lors d’une violente attaque ennemie ». Cette citation comporte l’attribution de la Croix de guerre avec étoile d’argent. La Légion d’Honneur lui sera attribuée en 1950 (J.O. du 3.1.1950).

 

Arkae > TArchives > Guerres > Resistants Lestonan > Francine LazouDe son côté, Francine Lazou est engagée (sous le prénom de Jeanne, qui restera son prénom usuel) dans un réseau de résistance créé par le Parti Communiste. Elle est arrêtée en mars 1943, condamnée à un an de prison par la justice de Pétain, et échappe à la déportation grâce à la démarche de sa fille Malou, qui  milite également à l’Assistance Publique de Paris. Jeanne Lazou retrouve sa classe le 9 octobre 1944. Elle restera enseigner à Lestonan jusqu’à son départ en retraite au tournant des années 50. Elle est décédée le 25 octobre 1983.

Alors que Malou Lazou est retenue pendant deux mois en prison française, son mari, René Le Herpeux, médecin comme elle, est déporté au camp de Neuengamme le 31 juillet 1944. Il sera abattu au pistolet le 3 mai 1945 par un gardien SS lors de l’attaque des Alliés sur Lübeck.

Malou Lazou obtiendra son doctorat en médecine en juin 1946. Elle y ajoutera des  qualifications en médecine du travail et en gynécologie. Elle a exercé en Eure-et-Loire, puis a été Médecin-conseil auprès de la C.P.A.M. de Digne.  Elle est décédée en 1995.

Malou Lazou et Marie Goyat

François Ac'h.

 

Dossier réalisé par François Ac'h - Keleier 71 - janvier 2012

 

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Inondations de 2001

Inondations de 2001

 
La vague d’inondations qu’a connue le Sud-Finistère n’est certes pas une première dans l’histoire des hivers bas-bretons. Même si pour celles qui nous ont touchés à répétition, la mémoire cherche encore des comparaisons.

On peut en citer de mémorables en 1865 dues à un vent violent, combiné comme les précipitations de décembre dernier, à des marées de grande amplitude.
Quimper s’était alors retrouvée sous 1,60 m d’eau (quartier de Locmaria et rue de Pont L’Abbé).
Ergué-Gabéric fut aussi affectée par cette tempête survenue dans la nuit du 3 au 4 décembre et le Conseil municipal votait  le 26 du mois courant une somme de 100 fr pour venir en aide aux victimes des inondations.

Kerdévot eut sans doute à souffrir des effets des bourrasques de l’hiver 1865-66 car en février 1866, le Conseil municipal envisage des dépenses pour « des réparations importantes à la chapelle de Kerdévot », réparations dont la nature n’est pas précisée. Ergué-Gabéric n’était pas nécessairement menacée lorsque l’eau débordait à Quimper car alors l’Odet  possédait des zones naturelles de rétention d’eau qui pouvaient canaliser un trop plein.

Pont de RubuenL'histoire du pont de Rubuen
Les nombreux dégâts causés à Ergué-Gabéric, nous ont amenés à nous intéresser au pont de Rubuen qui s’est récemment effondré. Ce n’est pas l’édifice en lui-même qui a attiré notre attention : la Cellule départementale des Ouvrages d’Art ne signale rien de particulier sur ce simple édifice fait « d’une dalle de béton sur piédroits en maçonnerie », pas même de datation.
Nous avons cherché à remonter l’histoire de ce pont en raison de sa position stratégique entre Ergué et Elliant :  il permet au chemin vicinal n°9 d’enjamber en direction d’Elliant un cours d’eau qui marque sur une partie de son cours la limite entre les deux communes et se trouve sur un itinéraire tout indiqué entre le bourg d’Elliant et la chapelle de Kerdévot.
Cet article sera l’occasion pour nous de revenir sur  deux anciens itinéraires du pardon de Kerdévot et d’expliquer l’origine de la confusion qui se fait parfois entre Pont Rubuen et Pont Roudoubloud (de roudou : gué et bloud, mou, boueux).

Le ruisseau que surplombait Pont Rubuen se nomme à cet endroit Steir Venn et … un peu plus bas Roudoubloud ! Il est en effet typique de la part des cours d’eau de changer de nom en fonction du nom des fermes ou lieux-dits qu’ils traversent. Image de l’instabilité de leurs ondes ! Ceci explique la confusion avec le gué à la sinistre réputation, célèbre pour avoir été le théâtre de l’affrontement entre la Vierge et la Peste d’Elliant. L’itinéraire Bourg d’Elliant-Quistinigou-Pont Roudoubloud - Kerdévot semble le plus anciennement pratiqué. Dans ses « billets » sur le passé d’Elliant, Yann Daoudal mentionne un autre cheminement passant par Beg Avel - Cosquer Ven - Quénéhaye - Meil Quénéhaye - Kerdévot.
A Meil Quénéhaye, on empruntait un « ponceau étroit fait avec de longues pierres plates » que « les attelages devaient traverser à gué ». Vraisemblablement ce second itinéraire était arpenté par les pèlerins à pieds tandis que le premier servait déjà au temps où l’évoque Yann Daoudal aux chars à bancs, vélos et voitures.

L’actuelle route sur laquelle se trouvait Pont Rubuen présente donc un léger infléchissement vers le nord du parcours traditionnel entre Elliant et Ergué en passant par Kerdévot. Mais on peut comprendre ainsi que la fréquentation du pardon par un grand nombre d’Elliantais a contribué à modeler le réseau des voies de communication entre nos deux communes.

Gaëlle Martin - Keleier Arkae n° 9 février - 2001
 

Trésors d'archives > Quartiers > L'école publique de Lestonan 1967-1975

L'école publique de Lestonan de 1967 à 1975

 

Ces pages font suite, d’une certaine manière, au travail de recherche effectué par François Ac’h et Roger Rault sur la période 1880-1930 concernant les écoles publiques de Lestonan.
Nous nous intéresserons ici à la période s’étendant de 1967 à 1975. Notre témoignage se limitera à un récit parfois anecdotique décrivant l’état matériel et administratif de l’Ecole et restituant les divers aspects des conditions de notre fonction d’instituteurs- directeurs d’écoles primaires’’ durant ces années.

Survol préalable des années 1932 à 1967

En 1932, après les créations en 1928 et 29 des "Ecoles de la Papeterie", comme les désigne lui-même M. René Bolloré, écoles privées "gratuites et obligatoires" au confort exceptionnel (électricité et chauffage central), les Ecoles Publiques de Lestonan sont au bord de la disparition avec chacune une classe (44 élèves pour l’école des garçons et 35 pour celle des filles contre un effectif total évalué entre 200 et 250 élèves pour 6 enseignants quelques années auparavant).
En 1932, les deux écoles publiques sont dirigées par M. et Mme Lazou qui ont profondément marqué la vie du quartier.
La création de ces deux écoles privées met fin aux tergiversations, aux promesses non tenues, aux nombreux revirements, aux coups bas des diverses municipalités, de la famille Bolloré, de l’Inspection Académique qui n’ont jamais pu se mettre d’accord sur le développement de l’Ecole de Lestonan. Toujours est-il qu’avec 3 locaux pour deux classes, 3 logements, un terrain acquis en 1926, l’espace est alors plus que suffisant. Les classes seront géminées en 1933. L’Ecole dite de garçons et l’Ecole dite de filles subsistent administrativement de façon distincte,mais chacune des classes accueille garçons et filles à partir de cette date.
En 1967, quand nous arrivons à Lestonan, la situation administrative est toujours la même, mais avec une école de garçons à deux classes et une école de filles à deux classes. De 1932 à 1967 très peu d’évolution en ce qui concerne la disposition des locaux (voir les 2 plans) et les effectifs (108 élèves au total, c’est à dire une augmentation d’à peine 30 élèves pour ces 35 dernières années).

Notre arrivée à Lestonan

En 1967, après 6 années passées à Edern dans l’école du hameau retiré de Gulvain, école classée déshéritée par l’Education Nationale, nous souhaitons nous rapprocher de la ville. A l’école de Lestonan, M. et Mme Imprez désirant se fixer à Quimper portent leurs deux postes susceptibles d’être vacants. Nous les sollicitons et les obtenons pour la rentrée de septembre.
Dans le petit monde de l’Education, Lestonan est peu connu, mais pour moi (Maryse), c’est un lieu familier. Il faut rappeler que mes racines sont gabéricoises depuis des générations et qu’en 1967 mes grands-parents paternels (Marie-Anne et Louis Barré de Penn ar Garn) ainsi que la majorité de ma famille y vivent encore.
En juin de cette année-là, quand nous recevons notre nomination officielle, nous prenons contact avec nos prédécesseurs afin de visiter les lieux et de prendre tous les renseignements utiles. L’accueil est très cordial mais peu encourageant : toutes les difficultés nous sont exposées et, en particulier, le surcroît de travail occasionné par la gestion de la cantine. Qu’importe! Nous avons obtenu ce que nous avions demandé, et la cantine, nous nous en occupions aussi à Gulvain!
Début septembre, nous déménageons. Les services d’un déménageur professionnel ne s’imposent pas. Le camion de François Le Berre (Fanch a Bar) fait l’affaire. L’installation du chauffage central est en cours. Les ouvriers de Roger Coathalem s’activent. Ouf ! Il n’y aura pas à allumer les poêles chaque matin dans les classes. Cette rentrée se présente bien.

Etat des lieux en 1967

Les locaux. Entre 1930 et la période qui nous intéresse, peu de choses ont changé (voir plans). Le corps des bâtiments comprend :
en façade nord, deux logements donnant sur la rue.
Celui qui s’ouvre sur la cour des filles est occupé par la famille Le Lec jusqu’en 1970 puis par la famille Corlosquet pendant de nombreuses années. Ce logement, froid et humide, se compose de 2 pièces au rez-de-chaussée et 2 pièces à l’étage. Absence de sanitaires.
Celui qui s’ouvre sur la cour des garçons est inoccupé. Après avoir abrité un réfectoire très exigu, il sert de réserve pour la cantine.

Les classes, au nombre de 3. L’une donne sur la cour Ouest, les deux autres sur la cour Est. Elles sont grandes et claires, mais relativement humides. Elles ont besoin d’un entretien sérieux. Les murs sont défraîchis et les planchers en mauvais état.
Au fond de la cour des garçons, le logement du directeur. Au rez-de-chaussée, 2 pièces ; à l’étage 2 chambres et un petit réduit doté d’un lavabo et d’une douche qui n’a jamais fonctionné, faute d’alimentation en eau chaude. Pas de WC dans le logement.

Les cours. Le portail de l’école jouxte le commerce Bouedec et donne sur la cour des garçons où se trouvent un garage, des cabinets « à la turque », des urinoirs, un préau (disons plutôt un abri d’à peine 20 m2) avec accès au jardin.
La cour des filles a la même configuration. Dans le préau une porte donne accès à la cantine.
Les cabinets des deux cours (qu’on ne peut qualifier de sanitaires) sont d’origine et datent donc de la fin du 19e siècle. Leur remplacement par des sanitaires décents fait l’objet d’échanges mémorables avec Tinig Signour lors d’une visite de la commission des écoles. Tinig les trouve encore fort convenables et ne juge pas nécessaire d’en construire d’autres.

La cantine. Dans les années 1950, la municipalité a fait construire un bâtiment à usage de cantine : une entrée avec lavabos, un réfectoire, une cuisine.
L’équipement de la cuisine est des plus sommaires : des placards, une table, un évier, et, pour la cuisson, deux trépieds alimentés au gaz (trépieds à lessiveuse).
Le réfectoire est meublé de quelques tables recouvertes de lino, de bancs et d’une longue table sur tréteaux (dont on reparle plus bas).

Le jardin. Dans le prolongement de la cantine, un "préfabriqué", a été installé à la rentrée 1966 pour abriter une classe enfantine qui est la deuxième classe de l’école des filles.
En 1967, il reste donc environ la moitié du jardin d’origine, un bel espace tout de même.
Au pignon du logement du directeur, exposée au sud, une petite parcelle permet d’obtenir quelques légumes et des pommes de terre (vers le 1er mai ?). Une glycine assez envahissante grimpe sur ce mur. Un muret de pierres sèches recouvert de vigne vierge subsiste près de la cantine et délimite la cour des petits.
Le reste du jardin donne sur le quartier du Champ et on y trouve des pommiers, un prunier, des groseilliers, des lilas et un majestueux camélia qui fut planté par M. Lazou dans les années 30.

Le fonctionnement de l’école

Les classes, leurs effectifs. Comme déjà dit, à notre arrivée en 1967 l’école comprend 4 classes pour 108 élèves (effectif au 10 décembre 1967).
La classe enfantine ( Marie-France Le Beul) : une trentaine d’élèves.
Le CP ( Hélène Le Lec).
Le CE1- CE2 (Maryse Le Berre).
Le CM1-CM2 - Fin d’études (Jean Le Berre).
Les 2 écoles sont géminées et les classes sont mixtes ; la classe enfantine et le CE1-CE2 forment l’école de filles (école B) ; le CP et le CM1-CM2-FE forment l’école de garçons (école A). Aux yeux de tous, il y a « l’Ecole Publique de Lestonan » car les subtilités de l’Administration ne sont pas connues.
A cette date encore beaucoup d’enfants d’ouvriers papetiers fréquentent les écoles privées. Quelques-uns cependant viennent à l’école publique, ainsi que des enfants de commerçants et d’artisans de Lestonan, d’agriculteurs et de familles habitant la zone rurale Est de la commune. De plus en plus de familles travaillant à Quimper dans différents services administratifs ou de santé s’installent dans le quartier, et le nombre d’élèves croît régulièrement (voir graphique).


L’urbanisation du Rouillen amène une forte hausse des effectifs dans les années 70-75, ce qui nous vaut des ouvertures de classes dans l’urgence, avec des structures légères vite montées :
En 1970 : ouverture d’une classe primaire à l’école de garçons (arrivée d’Andrée Canévet).
En 1970 également : ouverture d’une classe enfantine à l’école des filles (arrivée de Mme Faruel, remplacée par Marie Louise Léon en 1971).
En 1973 : ouverture d’une classe primaire à l’école de garçons (arrivée de Mme Morel).
En 1973 il y a donc 7 classes pour 173 élèves. Et l’on reparle (comme dans les années 20) de la nécessité de restructurer l’ensemble du groupe scolaire. De nombreuses questions se posent alors : Faut- il une école maternelle autonome ? et où la construire ? Quant à l’école primaire, faut-il tout reconstruire ou rénover sérieusement la partie ancienne et rajouter des classes en ‘’dur’’?
Et la cantine, n’est- il pas temps de la moderniser et de reconsidérer son fonctionnement ? (voir plus bas, chapitre cantine).
A cette date, le jardin a pratiquement disparu ; les 3 classes implantées en 4 ans ont remplacé les fruitiers, les massifs de fleurs, le muret et ces baraques ne sont qu’un pis-aller. Un certain hiver, pendant les vacances de Noël, l’eau gèle dans les canalisations de chauffage central de la classe enfantine : les radiateurs éclatent, répandant une eau noire sur le parquet. Il faut éponger! Une autre année la grosse chaleur rend suffocante l’atmosphère dans les classes préfabriquées ; on arrose les toitures pour essayer de les refroidir.
Des questions primordiales se posent donc dès cette époque mais les solutions ne seront pas immédiates car au Bourg, des besoins se font également sentir et le quartier du Rouillen est en pleine expansion.
De nombreux équipements scolaires et sportifs sont partout nécessaires. A Lestonan, l’Ecole Publique, pratiquement enclavée, ne peut s’étendre que sur des terrains dont le propriétaire ne veut absolument pas se séparer. Commencent alors de laborieuses négociations entre Pierre Quéré d’une part, Jean-Marie Puech, le Maire, et son adjoint Alain Le Bihan d’autre part.
Les discussions souvent au bord de la rupture se termineront favorablement, non sans mal.
Le terrain étant acquis ou en voie de l’être, reste à décider ce qu’on y construira ; une bonne quinzaine d’années sera encore nécessaire pour que l’Ecole Publique trouve sa physionomie actuelle. En 1986, avec ses 10 classes (maternelles et élémentaires totalisant 254 élèves) les effectifs se stabilisent peu ou prou.

Les services municipaux. Une seule personne, Marie-José Pennarun (Le Moigne) est employée communale depuis 1959 et affectée à diverses tâches.
Elle aide l’institutrice de la classe enfantine (le rôle actuel des ATSEM) ; elle accueille le matin les élèves qui arrivent par le car de ramassage scolaire et les reconduit à 16 h 30 ; elle balaie et nettoie les classes le soir.
Elle assume également la corvée d’avant la rentrée : le nettoyage en profondeur des classes. Seule au début, elle est secondée au fil des ans par Jacqueline Le Clech, Henriette Francès, et Anna Cloarec.
Avant la rentrée de septembre chaque classe est nettoyée du sol au plafond ; les tables et les chaises sont lavées et cirées. Pas de consigne particulière de sécurité pour le nettoyage des hautes fenêtres. Les sols sont lavés et enduits d’huile anti-poussière qu’il faut commander et aller chercher à la Droguerie Nationale près de la gare de Quimper.

Les services techniques tels que nous les connaissons aujourd’hui n’existent pas encore. Seuls les cantonniers interviennent avant la rentrée pour le balayage des cours.
Les travaux d’entretien (essentiellement les peintures des classes) sont confiés aux artisans de la commune. A la dernière minute, on voit arriver les peintres Kernaléguen-Le Corre (bons chanteurs ! très décontractés) et plus tard, Marcel Barré. La chaudière qui alimente toute l'école est révisée par l’entreprise Coathalem mais c’est le directeur qui l’allume et règle la température selon la météo. Quand nous manquons de mobilier, notamment pour la cantine, Jean- Louis Thomas ou Yves Nicot livrent des tables et des bancs de fabrication robuste.
L’équipe municipale de Jean-Marie Puech accorde les crédits nécessaires à l’achat des fournitures scolaires et aux équipements des classes dont les effectifs sont en augmentation continue. Alain Le Bihan et Jean Hascoet, eux-mêmes parents d’élèves, sont nos interlocuteurs.

La cantine. Comme dans la plupart des communes, la gestion de la cantine est laissée aux directeurs d’école. Nous avons en charge l’emploi d’une cantinière et toute l’organisation depuis les commandes des denrées, l’élaboration des menus jusqu’à la comptabilité (collecte des prix des repas, salaire de la cantinière, déclaration URSSAF, etc.).
Madame Guillou (Marjannig Ar Bras ) est en place depuis plusieurs années. Nous lui demandons continuer d’occuper ce poste. Elle a des habitudes et tient à conserver des menus qui se répètent d’une semaine à l’autre, une nourriture simple et saine : de la soupe tous les jours, un plat, et pour terminer, des tartines de confiture que les enfants trouvent sur la grande table à tréteaux qui trône au milieu du réfectoire.
Ce qui nous surprend le plus, c’est que la vaisselle est fournie par les familles. Chaque élève retrouve chaque jour à la place qui lui est dévolue son assiette et son verre que la cantinière reconnaît. Nous remédions dès la rentrée à cet usage datant d’un autre temps en achetant un lot de vaisselle. D’ailleurs, les rationnaires augmentant, cette façon de faire aurait pris trop de temps.
Le prix du repas est de 1 F. La commune verse une subvention qui permet de régler quelques factures d’épicerie.
Le budget est serré. Les familles fournissent avec plaisir les légumes pour la soupe. En alternant chaque mois, nous achetons chez les commerçants de Lestonan l’épicerie (Chez Bouédec et Le Ster), la viande (chez Lauden et Henry), le pain (chez Le Ster, Guéguen, puis Dervoet). Un cahier fait la navette pour les factures en fin de mois. Pour des conditionnements plus adaptés il faut recourir à des fournisseurs spécialisés dans l’approvisionnement des collectivités.
A midi, chaque enfant retrouve sa place. Il y a seulement environ 45 inscrits à cette première rentrée. Les "grands" sont investis du titre de "chefs de table" pour aider les petits et prennent ce rôle très au sérieux. Après un temps d’observation, nous apportons quelques améliorations en variant les menus et en proposant de vrais desserts.
Une anecdote : Mai 1968. C’est la grève générale. Les 4 enseignants sont grévistes. A Quimper un collectif distribue des denrées alimentaires. Nous décidons de nous y approvisionner afin de faire fonctionner un service de cantine gratuite pour les enfants de grévistes.
Nous voyons arriver des élèves de l’école privée voisine dont les parents sont employés à l’usine Bolloré... Ceci n’a duré que quelques jours , mais a marqué les esprits.

En 1970, Madame Guillou, déjà malade sans doute, cesse son activité. Henriette Francès accepte de la remplacer avec un statut pourtant peu alléchant : elle sera payée à l’heure, cinq jours par semaine. Henriette aime cuisiner ; elle est toujours partante pour varier les menus, pour innover. A l’heure de midi, la cantine est une véritable ruche. Chaque adulte prend part au service car le nombre de rationnaires ne cesse d’augmenter (jusqu’à 150). Herveline Le Roux, nommée à Lestonan en 1970, apporte également son aide. Le nombre croissant d’enfants et une légère augmentation du prix du repas permettent d’équilibrer un budget encore serré et aussi de moderniser l’équipement de la cuisine en achetant un frigo, une gazinière, une plonge et une friteuse, matériels "pro" fabriqués par les établissements Capic et pour lesquels la Mairie octroie des crédits couvrant 50% du prix (seulement pour les deux derniers achats). Le tout est complété par un hachoir professionnel et une éplucheuse de pommes de terre achetée d’occasion à un collège du Nord-Finistère.
Une société de surgelés nous prête un congélateur, merveille qui contient des desserts dont des glaces en petits pots... les instants de silence pendant la dégustation sont impressionnants.
Il est évident que la gestion de cette "entreprise" devient de plus en plus contraignante et des contacts s’engagent avec la municipalité pour que celle-ci prenne en charge les emplois de la cantinière et de son aide, Anna Cloarec, recrutée depuis peu. Démarche commune avec l’école du Bourg qui se trouve dans le même cas. Le Maire n’est pas opposé à une aide supplémentaire mais est assez réticent à la demande de municipalisation des employées.

En 1974-75, la construction des Ecoles du Rouillen se termine. Cet ensemble est doté d’une cuisine centrale qui distribuera les repas dans les écoles et fonctionnera avec du personnel municipal. Les écoles du Bourg et de Lestonan sont alignées sur celles du Rouilllen . Le travail des cantinières sera différent car la préparation ne se fera plus sur place. Mais à qui confier ce nouvel outil : gestion purement municipale ou recours à une de ces sociétés privées qui commencent à s’implanter un peu partout ?
Autre anecdote : Afin de faire un choix dans la production des repas de la future cuisine centrale, la municipalité contacte la société Sodexho qui répond par une invitation à Bordeaux. La délégation gabéricoise comprend le Maire, des élus, le secrétaire de mairie et un représentant de chaque école. Pendant deux jours, nous visitons des cantines, des restaurants d’entreprises et, bien sûr, une cave du Bordelais… Malgré un accord pratiquement conclu , le marché sera confié non pas à Sodexho, mais à un de ses collaborateurs qui monte sa propre société (Restaurel). Bravo M. Tartu ! Rassurons-nous, la gestion de tout cela deviendra rapidement municipale.
D’une cuisine familiale on passe en 1975 à une cuisine de collectivité. Fin d’une époque. Pour les directeurs d’école, c’est un fardeau en moins d’autant plus qu’il ne faut pas perdre de vue que leur fonction première est d’enseigner, de s’occuper en classe des élèves dont ils ont la charge. Ils continueront à assurer la surveillance du réfectoire et après des années de bénévolat, ils seront indemnisés pour ce travail qu’ils partageront avec les adjoints volontaires.

 

Conclusion.

Le récit de cette petite tranche de vie va peut-être susciter l’étonnement des plus jeunes.
En parlant de l’école publique de Lestonan, nous relatons des situations ordinaires, vécues également par nos homologues exerçant dans la plupart des communes rurales à cette même époque.
La fonction des directeurs d’école a beaucoup évolué au cours des dernières décennies, les libérant de nombreuses charges matérielles mais leur imposant sans doute d’autres contraintes.

Gwechall e oa !

 Maryse et Jean Le Berre

 

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Odet Bolloré

 
De René Guillaume Bolloré, qui posa avec Nicolas Le Marié la première pierre de la « manufacture de papier à cylindre » à Odet en Ergué-Gabéric, au docteur Jean-René Bolloré qui fit réaliser les premiers essais de production de papier mince, parachevés par son successeur René Bolloré, chaque génération de cette famille d’industriels, qui a mis au point le célèbre papier à cigarettes OCB, a apporté sa contribution à la recherche des procédés de fabrication performants et de débouchés.

L’entreprise sera reprise en 1981 par Vincent Bolloré. Ergué-Gabéric est devenu le siège social du groupe Bolloré et les récentes usines installées au centre de la commune (film plastique, batteries au lithium) symbolisent l’attachement du groupe industrel à ses racines.

On trouvera dans ce présent dossier les pages de l'histoire qui ont fait les débuts de l'aventure Bolloré tout au long du 19e et du 20e siècle.
 
  • La création. L'aventure des Bolloré qui ont créé à Odet une manufacture de papier à cylindres.
  • La Fabrication du papier. Les secrets de fabrication du papier à cigarettes OCB à partir de chiffons
  • Enquête sur le canal. Les travaux du petit et grand canal de l'usine Odet, ses écluses, ponts et moulins
  • Réjouissances et fêtes. La fête du centenaire des papeteries de Cascadec et d'Odet en 1922 au travers de 55 cartes postales Villard.
 
 
 
 
 

Trésors d'archives > Patrimoine religieux > Ar Groaz Verr

Ar Groaz Verr

En remontant la rue de Kerdevot, collée à une des maisons qui entre dans le périmètre de la rénovation du bourg, une petite croix discrète, haute de 1,13 m mérite toute notre attention. Ar groaz verr (La croix courte) est sans doute le plus ancien témoin visible de l’implantation du culte chrétien dans la paroisse d’Ergué.
 
 
Les chrétiens ont choisi la croix comme symbole dès le IVe siècle. Simple ornement, elle était utilisée pour marquer la direction de l’orient, c’est-à-dire Jérusalem. Ce sont les moines irlandais qui ont construit les premières croix monumentales à partir du VIIe siècle. Mais il faut attendre le XIIe siècle pour que le Christ soit représenté en croix.
 
Ar Groaz verr peut donc être datée du haut moyen-âge ; mais se trouve-t-elle à son emplacement primitif ? Cette croix se trouve actuellement rue de Kerdevot. En 1834 le cadastre nous indique effectivement une parcelle appelée Liorz ar groaz (le courtil de la Croix) qui jouxte une maison appartenant à Alain Kernevez. Une autre parcelle (N°296), environ 200 mètres plus haut dans la direction de Kerdevot, porte le nom Parc ar groas ver ; celle-ci donnait sur l’ancien chemin appelé Karront ar Groaz verr. L’emplacement de la croix n’est pas indiqué sur le cadastre, alors que la croix de Kergaradec est bien inscrite sur le plan.
 

Déplacement de la croix ?

On peut donc considérer que l’emplacement est ancien. Mais lors de la construction des maisons actuelles le long de la rue de Kerdevot, ne l’a-t-on pas déplacée pour faciliter le chantier ?
Une tradition orale relate qu’une institutrice de l’école publique située en face de la Croix aurait voulu la rendre plus discrète en la déplaçant de la façade au pignon de la maison, près de l’ancien puits.  Mais dès lors, « la croix ne remplit plus sa mission de protection envers la maison. C'est ainsi que des revenants venaient troubler la quiétude des habitants de la maison : la croix fut donc rapidement remise à sa place devant l'entrée de la maison.»1
Les croix servent souvent à indiquer les croisements de chemins, ou encore les limites de propriétés. Selon Joëlle Le Saux2, la croix pourrait être associée à un oratoire beaucoup plus ancien que l’église actuelle du XVIe siècle. 
Ergué n’est pas la seule commune à posséder une kroaz verr : Châteauneuf-du-Faou, Ploumiliau, Plufur et Ploubezre en possèdent une, tout comme Briec. Celle-ci possède une particularité : elle a été appelée Croix-verte parce que vert en Breton se dit Gwer et donc Croix Verte s’écrirait Kroaz wer, prononcé Kroaz Ver localement. Kroaz verr est traduit par Croix Courte dans plusieurs noms de lieux du Morbihan (Brec’h, Pluvigner) et à Bannalec. On trouve à Meniac-sous-Bécherel, dans l’ancien évêché de Saint-Malo, dans un secteur anciennement bretonnisé, un « manoir de la Croix Courte ».
 
A noter que dans le domaine des anciennes Flandres, on rencontre par deux fois des noms de lieux Courte croix, qui correspond au flamand kort kruisje et à l’anglais short cross.
Kroaz Verr s’oppose en toponymie à Kroaz Hir (croix longue) qu’on trouve à Saint-Thois, Plougar, Plouguin ou encore Plouguerneau. En numismatique du moyen âge, où la croix était souvent représentée sur les pièces de monnaie, on oppose également les monnaies à croix courte et les monnaies à croix longue.
 
Bernez Rouz
 
1 Jean Cognard et Jean Gueguen, Bulletin municipal d'Ergué-Gabéric n°8, p.12, sept. 1981
2 Joëlle Le Saux : "Rapport sur les croix et calvaires à Ergué-Gabéric", p.15, Archives Arkae, 3e trimestre 1993.
 

Keleier 104 - Avril 2019

 

 

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Trésors d'archives > Pat. religieux > La petite vierge de Kroaz ar Gac

La petite vierge de Kroaz ar Gac

1. Description

Le mardi 22 août le Père Castel s’est de nouveau rendu à l’invitation d’Arkae dans le quartier de Saint-Guénolé.
 
Une visite dont le but était de parachever celle du mois de juin à la chapelle de Saint-Guénolé et qui a été consacrée cette fois à l’observation de la petite vierge dite de Croas Ar Gac.

Celle-ci se trouve à Lestonan, en haut de la rue de Croas ar Gac. Les gens de Quellennec avaient l’habitude de se signer en passant devant, sur le chemin de l’usine ou lorsqu’ils allaient faire leurs courses à Lestonan. Aujourd’hui comme hier, elle reçoit l’attention de riverains sous forme de bouquets de fleurs.

Abritée dans une niche de pierre de tailles, munie de barreaux de fer « de quatre centimètres de côté » (dans Né gosse de riche, Gwenn-Aël Bolloré, Ed. Ouest-France) surmontée d’une croix, on reconnaît, malgré l’érosion du granit, une pieta d’environ 1 m de haut, soutenant le corps du Christ. Sa tête a été sommairement fixée par un appareil de maçonnerie. On relève un contraste entre la position frontale, si ce n’est un léger  mouvement de tête vers la gauche, et équilibrée de la mère et la cambrure du Christ aux proportions plus grêles comme pour  accentuer la fragilité du corps du défunt recueilli par sa mère. Elle daterait du XVIe siècle. 

Le mot « croas » fait sans doute référence au calvaire primitif dont elle ne serait qu’un vestige. En effet, on décèle les restes d’un pilier dans le dos de la statue et à sa base. Un calvaire existait bien au point de croisement des chemins ruraux venant du Vruguic et de Stang Odet.
« Ar Gac » ou Le Gac, désigne soit le commanditaire du calvaire soit le propriétaire du champ le plus proche. L’article suivant  explique ce qui a valu à cette petite vierge, voyageuse malgré elle, de se retrouver derrière les barreaux.
 
 
Les tribulations de la Vierge de Croas ar Gac
 
Archives Arkae > Patrimoine religieux > vierge de Coas ar GacAvant que ne se mette à circuler la  rumeur comme quoi la petite vierge de Croas ar Gac se retrouve enfermée parce qu’elle a perdu sa tête, interrogeons ce que la mémoire a conservé de ses aventures. Jean Guéguen a recueilli pour nous dans les années 80, le témoignage de René Beulz (père) de Pennaneac’h. Et le livre de Gwenn-Aël Bolloré récemment paru aux éditions Ouest-France  consacre lui aussi un passage à l’enlèvement de la petite vierge.

Un jour donc, le beau-frère de René Bolloré, troisième du nom, vient trouver le père de M. René Beulz et lui demande de transporter la statue chez lui. M. Beulz, d’abord réticent, finit par accepter, pensant que le commanditaire a l’aval de M. Bolloré. 
Peu de temps après, survint une période de fort mauvais temps : tempêtes, violentes pluies, orages. Ceux qui avaient alors l’habitude de faire leurs dévotions en passant devant la pieta, s’inquiètent et se demandent si tout cela n’est pas signe du mécontentement de la vierge, fâchée d’avoir été enlevée.
L’affaire parvient jusqu’à René Bolloré. Les signes de sa colère ne se font pas attendre. Il veut connaître le coupable. Il ne tarde pas à le tenir et à exiger qu’il remît le pieux vestige en place au plus tôt. Le ravisseur tout penaud revient vers M. Beulz et lui confie le soin de ramener la statue. Celui-ci s’exécute avec une joie non dissimulée.
M. Bolloré envoya  alors un de ses maçons, Jean-Marie Quéré afin d’édifier une niche protectrice pour la vierge. De solides barreaux devaient même empêcher qu’une semblable mésaventure ne se reproduise.

Les tribulations de la Vierge de Croas ar Gac n’en restèrent cependant pas là. Sous les tirs de jeunes gens en goguette, sa tête roula au sol, mais grâce aux barreaux demeura dans la niche. Elle fut scellée au début des années 60 par des maçons à l’œuvre dans le quartier.
 
Photo : Vierge de Croas ar Gac dans sa niche de pierres de taille.
 

2. Toponymie

Dans ses souvenirs d’enfance, Gwenn-Aël Bolloré situe la petite Vierge de Croas ar Gac au sommet d’une colline. Elle se situe en effet au lieu- dit Beg ar Menez, le sommet du mont (voir keleier n°3 sur les sommets d’Ergué).

Un nom de lieu intéressant dans les environs car il se compose sur un nom de famille Bigoudic : nom récent.
Il faut le rapprocher de Stang ar Bigodou, et de Pont ar Bigodou en 1541. Il s'agit probablement du nom de famille Le Bigot.
La prononciation bretonne d'Ergué explique que O devienne Ou. De même que ar Mor (la mer) est prononcé ar Mour. Bigoudic signifie donc le petit bigot.
Keleier arkae n° 5  - septembre 2000

3. Pré-inventaire de 1972 (© Inventaire du Patrimoine Culturel de Bretagne)

Niche à statue à 3,5 km au nord du bourg, au croisement du chemin vicinal n°11 et du chemin vers Stank-Odet

Localisation : Cadastre : 1962 – Section : B1 – Parcelle : 207

Observations éventuelles de l’enquêteur : médiocre état de conservation 

Description :

  • - Niche orientée vers l’est, de 1,30 m de large et 2,40 m de haut
  • - Demi-cercle de pierre à la pointe d’un talus avec en façade une niche où se trouve la statue, et surmonté d’une croix
  • - Grille devant la statue représentant une piéta en granit. Il manque la tête du Christ
  • - La tête de la Vierge a été cassée récemment après avoir été cimentée une première fois

 

Matériaux :

Moyen appareil de granit pour la niche

 

Résumé historique

On raconte que ce monument a été déplacé : il a été installé au carrefour par un certain M. LE GAC, ancien propriétaire d’une ferme dans la région qui a fait cette statue afin de laisser au moins une trace de son passage, car il n’avait pas d’enfants.

 
 
 

Trésors d'archives > Littéraires > Guillaume Kergourlay, ses mémoires présentés

Guillaume Kergourlay : un Elliantais et ses mémoires présentés à Ergué-Gabéric

Guillaume Kergourlay naît en 1926 à la ferme de Kernéel, où il goûte avec curiosité, au gré de la fréquentation des anciens et autres personnages étonnants de son cher Bro-Eliant, toute la richesse de la civilisation rurale et de sa culture orale.

Contrôleur de pommes de terre pendant la guerre, il milite à la Jeunesse Agricole Catholique dès 1945 et en devient même président départemental au retour du régiment. « Ce mouvement utilise beaucoup le théâtre pour brocarder les traditions sclérosantes et mettre en valeur les ferments de progrès ». (B. Rouz, Préface).Il forge sa plume dans ce théâtre de patronage. Il est bientôt tiraillé entre sa passion pour la terre, pour ceux qu’il a toujours connus et aimés et sa passion pour les planches. Il mettra quatre ans avant de se décider et de devenir « saltimbanque », autre manière d’être curieux, d’aimer les hommes, de remuer un terreau fait cette fois de choses humaines.

On retrouvera alors son nom au fronton des théâtres et des festivals : Céret, Grenoble, Beaune, Rennes. On le joue en français ou en breton au festival de Cornouaille à Quimper, à Brest, Callac, Trégunc… Son théâtre où se trouve magnifiée la société de ses racines, sans jamais sombrer dans une « mélénitude » cloisonnante, rejoint des thèmes universels : Moi Superman, 1968, dénonce la dictature des colonels grecs, La chasse présidentielle, 1974 ( censuré par Raymond Marcellin, Ministre de l’Intérieur de l’époque), s’en prend aux turpitudes de la vie politique française… 

Aujourd’hui, Guillaume Kergourlaypublie ses mémoires parce qu’il a conscience que ayant partagé jusqu’à ses vingt cinq ans l’univers des paysans de Bro-Eliant, étant écrivain, resté fidèle à une terre qu’il a apparemment quittée, il est un des seuls capables de leur rendre un vibrant hommage.

Ces Mémoires retracent la première période de sa vie, avant le départ à Paris pour se consacrer au théâtre. Elles font revivre au fil des pages les clans familiaux, les récits qu’on lui a transmis, l’opposition entre rouges et blancs, les chevaux, fierté d’Elliant, les guerres, la JAC, la destruction des talus et autres bouleversements et visages de ce monde rural et traditionnel…

Parmi les personnages qui ont marqué sa mémoire, nous croisons même p. 253 Gustave Guéguen, recteur d’Ergué-Gabéric terminant ainsi un sermon au pardon de Kerdévot en pleine deuxième guerre mondiale : « Surtout n’hésitez pas à donner, la Vierge vous en saura gré. Si quelqu’un parmi vous, par exemple ne veut pas que son voisin sache qu’il donne un billet de cent francs, qu’il le plie discrètement dedans un billet de cinq francs et personne n’en saura rien. » Guillaume Kergourlay ajoute « Je ne trouve pas que Gustave Guéguenexagère, je trouve qu’il a de l’humour ». Des mémoires écrites avec tellement de bonheur que la prose de l’auteur le chante parfois, sans s’en apercevoir, en alexandrins...

 

Keleier Arkae n°14, novembre 2001

 


Trésors d'archives > Dossiers > Pages littéraires sur Ergué-Gabéric

Sommaire
 

1. Le Stangala

- 1884 : Le Stangala d'Adolphe Paban

- 1880 : Les roses de Neaera d'Adolphe Paban

- 1868 : Au Stangala ( Anonyme), in L'éclaireur du Finistère du 16 décembre 1868)

2. Kerdevot
3. Poèmes de Gabéricois

- Poèmes des CM2 de l'école St Joseph de Lestonan (2001)

4. Proses de Gabéricois
5. E brezhoneg
 
 

Au Stangala (Poème de 1868)

Au Stangala

Poème anonyme publié dans l'Éclaireur du Finistère du 16 décembre 1868

 

Montagnes que j’aimais, colline regrettée
Où le chevreuil bondit à travers la rosée,
Ne vous reverrai-je donc plus?
Je suis bien loin de vous, mais dans un rêve encore
J'ai cru
plus d'une fois voir se lever l'aurore
Sur les grands rochers aux flancs nus.

Au fond, dans le ravin, lavant son lit de pierre,
L'Odet au flot grondant, à la course fière.
Vient baigner les pieds des coteaux,
Tandis que sur ses bords de riants pâturages
Offrent aux yeux ravis leurs beautés moins sauvages
Et leur verdure et leurs troupeaux ;

Que de fois, descendant les pentes escarpées,
Je glissais à travers les fougères fanées,
Et, quand un de mes compagnons
Trébuchant lourdement tombait sur les bruyères,
Notre rire ébranlant les échos solitaires
Courait à travers les vallons.

 
 
     


Dictionnaire : Stangala


Les soeurs de Neaera (Adolphe Paban)

Les Roses de Kerné

Recueil de poèmes d'Adolphe Paban, rédacteur en chef du Finistère (1872-1882).
Ergué-Gabéric a su inspirer au promeneur plusieurs poèmes d'une verve pastorale :

 

LES SOEURS DE NEAERA

C'était au Stang-Ala, tout brodé de fougères,
Où l'eau panni les rocs se glisse alertement,
Un champ d'avoine blonde au bord d'un bois dormant,
Et, dans ce champ doré, trois filles, trois bergères.


Elles fauchaient, riant aux brises passagères ;
Leurs seins s'arrondissaient à chaque mouvement,
Et leur faucille allait, en un bruissement
Amoncelant le grain et les pailles légères.


Au profond de ce val, sous le ciel bleu d'été,
J'avais surpris l'Eglogue et l'antique Beauté,
Les soeurs de Neaera qu'un regard effarouche.


Tout un monde enchanté venait de se rouvrir ...
C'est pourquoi j'ai tenté de cueillir sur leur bouche
Les vers virgiliens que j'y voyais fleurir.

 

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Le stangala (Adolphe Paban)

Adolphe Paban : Le Stangala

Le site du Stangala a souvent été remarqué par les écrivains et les poètes.

Jean-François Douguet, dans le cahier d’Arkae n°1 où il fait découvrir le Stangala sous toutes ses facettes, a consacré un chapitre à cet attrait1.
Le poème le plus connu est celui d’Adolphe Paban2, écrit en 1894.
 
 
Paysage frais et charmant
Les chemins creux, les bois et la lande bretonne,
Et les grands silences d'Automne
Qui vous parlent si doucement !

Là-bas, sous des lueurs moins proches,
Au pied d'un pan abrupt, d'herbe et d'ajoncs couvert,
Comme l'eau coule d'un beau vert
Frétillante, à travers les roches !

Avec son feuillage mourant,
L'arbre évoque le deuil du fond de la pensée ;
Descendons la pente boisée
Jusqu'à la rive du courant.
  Du moulin que la menthe embaume
J'entends le tic-tac sourd, à côté du vieux pont,
Un frêle oiseau qui lui répond
S'est posé sur le toit de chaume

Ah ! qu'il fait bon vivre là
Quelque intime roman que seul le rêve étoile,
Un dernier amour qui se voile
Dans les gorges du Stang-Ala.
Arkae > Dictionnaire > Le Stangala > Poeme Adolphe Paban
 
1. Le Stangala de Jean-François Douguet – Cahier d’Arkae n°1.
2. Adolphe Paban, né en 1839, fut rédacteur en chef du journal Le Finistère à partir de 1882. Il écrivit plusieurs recueils de poèmes, et celui sur le Stang-Ala parut dans Au
bord de la mer bretonne : alouettes et goélands - Rennes, H. Caillère - 1894.
 

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Dictionnaire : Stangala


Dictionnaire > Stangala : poème Adolphe Paban

Adolphe Paban : Le Stangala

Le site du Stangala a souvent été remarqué par les écrivains et les poètes.

Jean-François Douguet, dans le cahier d’Arkae n°1 où il fait découvrir le Stangala sous toutes ses facettes, a consacré un chapitre à cet attrait1.
Le poème le plus connu est celui d’Adolphe Paban2, écrit en 1894.
 
 
Paysage frais et charmant
Les chemins creux, les bois et la lande bretonne,
Et les grands silences d'Automne
Qui vous parlent si doucement !

Là-bas, sous des lueurs moins proches,
Au pied d'un pan abrupt, d'herbe et d'ajoncs couvert,
Comme l'eau coule d'un beau vert
Frétillante, à travers les roches !

Avec son feuillage mourant,
L'arbre évoque le deuil du fond de la pensée ;
Descendons la pente boisée
Jusqu'à la rive du courant.
  Du moulin que la menthe embaume
J'entends le tic-tac sourd, à côté du vieux pont,
Un frêle oiseau qui lui répond
S'est posé sur le toit de chaume

Ah ! qu'il fait bon vivre là
Quelque intime roman que seul le rêve étoile,
Un dernier amour qui se voile
Dans les gorges du Stang-Ala.
Arkae > Dictionnaire > Le Stangala > Poeme Adolphe Paban
 
1. Le Stangala de Jean-François Douguet – Cahier d’Arkae n°1.
2. Adolphe Paban, né en 1839, fut rédacteur en chef du journal Le Finistère à partir de 1882. Il écrivit plusieurs recueils de poèmes, et celui sur le Stang-Ala parut dans Au
bord de la mer bretonne : alouettes et goélands - Rennes, H. Caillère - 1894.
 

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Dictionnaire : Stangala


Trésors d'archives : Dossier sommaire

 

Les dossiers

 


 


INDEX DU LIVRE KERDEVOT, CATHEDRALE DE CAMPAGNE

INDEX DES NOMS PROPRES

(en construction)

Sont exclus : Kerdevot, Ergué-Gabéric, Arkae.

Les communes hors du Finistère sont indiquées par leur

numéro de département)

Abgrall (Jean-Marie) 15            
Alexandre (Père) 10,21,22,            
Anges (N.-D. des) Landéda 18            
Anne de Bretagne 27            
Arbois de Jubainville (Henri de) 25            
Arkae (association) 9,10,            
Association Kerdevot 89  9            
Audren de Kerdrel (Vincent) 23            
Bannalec 18            
Baudour (Jan) 22            
Binet (Raphaël) 10            
Blois 24            
Bois (Chapelle des) (25) 20            
Bon Port (N.-D. du) (Brest) 18            
Bon Voyage (N.-D. de) (Ouessant) 18            
Bon-secours (N.-D. de) (Concarneau) 18            
Bonne-nouvelle (N.-D. de) (Locronan) 18            
Bossuzic (Ergué-Gabéric) 20            
Boudin (Eugène) 10            
Bourg d'Ergué-Gabéric 22            
Bourgogne 20            
Bouzec (Mona) 28,28n,            
Bras (Per) 28            
Brest 14            
Brest 23            
Breton (Jules) 19            
Bruxelles 29            
Carbont (Ergué-Gabéric) 20            
Carmes (N.-D. des) (Pont-l'Abbé 14,18,            
Châteauneuf du Faou 31            
Châteauneuf-du-Faou 18            
Clarté (N.-D. de la) (Combrit) 18            
Cleuziou 29            
Coadou (Dominique) 29            
Comité d'animation du quartier de Kerdevot) 10            
Concarneau 20            
Coray 26,28,31,            
Cornouaille - Bro Gerne 17            
Courcy (Alfred de) 23            
Croix (Alain) 28,28n,31,            
Croix (N.-D. des) (Loctudy) 18            
Croix-Kerfors (Elliant) 28            
Crozon 20            
Daoudal (Yann) 28n,            
Daoulas 13,14            
Déguignet (Jean-Marie) 9            
Déguignet (Jean-Marie) 29            
Délivrance (N.D de) (Plomeur) 18            
Dévot Christ (Chapelle du) Perpignan (66) 20            
Discalceat (Jean) 29,32,            
Douarnenez 26n            
Duguay-Trouin 10            
Dumus (Julie-Charlotte-Fortunée) 23            
Durand (Ghildas) 10            
Duveau (Louis) 24,30,            
Elliant 23,24,25,26,27,28,29,30,31,        
Ergué-Armel 29            
Favé (Antoine) 11            
Favé (Antoine) 22            
Favé (Antoine) 27            
Feydeau de Vaugien (Ursule) 23            
Floc'h (Michel) 23n,            
Flots (N.-D. des) (Treffiagat) 18            
Fouesnant 31            
Goarem Kerluden (Elliant) 28            
Gorreker (Elliant) 28            
Gourin 27            
Gourmelen Etienne 32            
Gourvil (Francis) 26,27,            
Grâces (N.-D. des) (Pluguffan) 18            
Gradlon 26            
Guénolé (Saint) 25,26,            
Guillou (Jean) 16            
Jardin des Oliviers (Elliant) 31            
Jet 9            
Jet (rivière) 27,28,            
Joie (N.-D. de la) (Penmarc'h) 18            
Jolu (Jérome) 30            
Justinien 23            
Kerbiquet (Elliant) 30            
Kerbonne (Brest) 14            
Kerdevot (Lanriec) 20            
Kerdilles (Ergué-Gabéric) 22            
Kerdohal (Ergué-Gabéric) 20            
Kerfors (Charles) 20            
Kergoat (N.D. de)( Quemeneven) 19            
Kerguéhennec (56) 12            
Kerinec (N.D. de) (Poullan-sur-mer) 13            
Kerinou (Brest) 14            
Kermoal (Elliant) 31            
Kernitron (Lanmeur) 13,18,            
Kreisker (N.-D. du) ( Saint-Pol-de-Léon) 14            
La Sallette 18            
La Villemarqué (Victor Hersart de) 23,25,26,27,30,          
Landéda 18            
Landevennec 18,21,            
Landevennec 25            
Langolen 23,24            
Langonnet 25,27,            
Languivoa (Plonéour-Lanvern) 14            
Lanmeur 13            
Lanriec (Concarneau) 20            
Larrajen - Lan Ratian (Coray) 26            
Laurent (Donatien) 26n,27,27n,30n,          
Le Bihan (Alexandre) 25            
Le Bouguen (Brest) 14            
Le Bris (Charles) 15            
Le Corre Louis (Crondal-Gourin) 27            
Le Faouet-Ar Faouet 23,24,27,            
Le Floc'h (Jean-Louis) 10,13,            
Le Folgoët 13,14,18,            
Le Grand (Albert) 15            
Le Grand (Albert) 30            
Le Grouanec (Plouguerneau) 14            
Le Men 30,32,            
Le Moine (Jean) 11,20,            
Le Naour (Alain) 28,31,            
Le Pennec (Cyrille) 15            
Le Relecq (Plouneour-Menez) 13,14,            
Le Signor (Anne) 23n,            
Lechiagat 14            
Lesconil (Plobannalec) 14            
Lilia (Plouguerneau) 14            
Lobineau (Dom) 25,26,30,            
Locmaria (Quimper) 13,14,            
Lorette (N.-D. de) (Plogonnec) 18            
Louis XIV 10            
Lourdes 16,18            
Luzel (François) 32            
Maunoir (Julien) 15            
Melgven 26            
Mellac 23n,            
Mer (N.-D. de la) (Bénodet) 18            
Millais (John Everet) 31            
Miorcec de Kerdanet (Daniel) 15            
Miorcec de Kerdanet (Daniel) 25            
Morbihan 12            
Morlaix 14            
Moros (Lanriec-Concarneau) 20            
Morvan ( Jean-Louis) 12            
Moulin au Duc (Elliant) 27,28,            
Moulin de Treanna (Elliant) 27            
Munuguic (Ergué-Gabéric) 20            
Mur (N.-D. du) Morlaix 14            
Naufragés (N.D. des) (Plogoff) 18            
Odet 9            
Paré (Ambroise) 32            
Paris 23            
Penguern (Jean-Marie de) 30            
Penmarc'h 16            
Penn-ar-Menez (Ergué-Gabéric) 22            
Penvern (Elliant) 26            
Penzé(Taulé) 14            
Perpétuel-secours (N.-D. du) (GrandChamps 56) 18            
Perpignan (65) 20            
Peyron (Paul) 13,14,            
Pitié (N.-D. de) (Tréguennec) 18            
Plobannalec 14            
Plomeur 14            
Plonéour-Lanvern 14            
Plouarzel 14            
Ploudalmezeau 14            
Plouguerneau 14            
Plouneour-Menez 13,14,            
Pont Roudoubloud 28            
Pont-Croix 13            
Pont-L'Abbé 14,18,            
Portes (N.-D. des) (Châteauneuf-du-Faou) 18            
Portsall (Ploudalmezeau) 14            
Postic (Fañch) 23            
Poulgurun (Elliant) 28            
Poullan-sur-Mer 13            
Provost Ge 11            
Quillihuec (Ergué-Gabéric) 20            
Quimper 13,14,16,19,21,          
Quimper 23,24,28,31            
Quimper et Léon  (Diocèse) 13,17,            
Rannou (Hūng) 10            
Rasian (Tad) 23,24,25,26,            
Ratien (Saint) cf Rasian 25            
Récollets (Landéda) 18            
Roch (Saint) 32            
Roscoff 9            
Roscudon (N.-D. de) (Pont-Croix) 13            
Rosporden 31            
Rouz (Bernez) 9,20,32n,            
Rumengol (N.-D de) 18            
Saint Apoline(Ergué-Gabéric) 16            
Saint Guénolé (Ergué-Gabéric) 16            
Saint-André (Ergué-Gabéric) 16            
Saint-Gildas(Ergué-Gabéric) 16            
Saint-Jean-Trolimon 14            
Saint-Joachim(Ergué-Gabéric) 16            
Saint-Pol-de-Léon 14            
Salaun (Jean) 21,22            
Salle-Verte (La) Ergué-Gabéric 20            
Sand (George) 23            
Sanson (Corentin) 17            
Sauvé (Léopold-François) 32            
Sébastien (Saint) 27,32,            
Sergent (René-Nicolas) 16            
Stang Kerho (Elliant) 28            
Tanguy (Bernard) 27n,            
Taulé 14            
Taylor (Tom) 31            
Tourc'h 25,26,            
Treanna (Elliant) 27            
Tréanna (Yvon de) 20            
Treminou (Plomeur) 14            
Trezien (Plouarzel) 14            
Tronoën (Saint-Jean-Trolimon) 14            
Ty-Mamm-Doue (Kerfeunteun-Quimper) 18            
Vassalo (Marthe) 23n,            
Victoires (N.-D. des) (Saint Cast-le-Guildo 22) 18            
Vrai-secours (N.-D. du) (Gouesnac'h) 18            

 


BIBLIOGRAPHIE générale sur Kerdevot

Bibliographie générale sur KERDEVOT

Cette bibliographie cite les ouvrages qui apportent des éléments nouveaux à notre connaissance de Kerdevot. Elle est en construction permanente.

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Arkae > Trésors d'archives > Personnages > Marcel Flochlay

Marcel Flochlay de GarsalecMarcel Floc'hlay de Garsalec

Un champion cycliste des années 1960
Georges Cadiou retrace sa carrière dans son livre Les Grands cyclistes bretons
Editions Alan Sutton, 2005, p. 92
 
 
 

Marcel Flochlay

Né le 14 janvier 1934 à Laz (29)*.
Décédé le 30 décembre 1998 à Quimper.
 
V.S. Quimpérois. V.S. Scaër.
 
Il fut deux fois champion de Bretagne sur route des Indépendants : en 1961 à Néant-sur-Yvel, et, en 1965, chez lui à Ergué-Gabéric. En 1965, il fut aussi champion de Bretagne des Sociétés, avec le V.S. Scaërois.
 
Mais sa plus belle victoire fut sans doute le Tour du Morbihan, qu’il remporta en 1961
 
Il fut aussi deux fois vainqueur du Triomphe Breton (en 1963 et en 1965), et de la Ronde Finistérienne (en 1965 et 1966).
 
En 1960, il avait réussi un exploit peu commun lors du week-end de la Pentecôte : remporter trois courses en trois jours ! Il gagna en effet coup sur coup le Circuit du Kernic le samedi à Plounevez-Lochrist, le Prix de Caudan le dimanche, et celui de Plonevez-du-Faou le lundi.
 
En 1959, il avait remporté l’étape Le Huelgoat – Douarnenez de l’Essor Breton (4ème au classement général), et en 1961, l’étape de Bourbonne-les-Bains dans la Route de France (3èmeau classement général final de l’épreuve, gagnée par Jean Jourdren).
A son palmarès, il faut encore noter le Circuit de l’Arrée, à Commana à quatre reprises, en 1959, 1962, 1966 et 1968, le Prix de Plounevez-Lochrist en 1959 et 1966, le Prix de Ploemeur en 1959 et en 1967, le Prix de Moëlan-sur-Mer en 1960 et en 1966, le Prix d’Auray en 1960 et 1964, le Prix de Saint-Thois en 1964 et 1966, des victoires à Pont-Croix en 1957, à Lesconil en 1958, à Châteuneuf-du-Faou et à Lanester en 1960, à Loqueffret en 1961, à Concarneau et à Guiscriff en 1962, dans le Circuit de l’Aven à Rosporden en 1963, le Circuit du Kreisker à Saint-Pol-de-Léon et le Circuitdu Poher en 1964, le Grand Prix de Plogastel-Saint-Germain en 1964, et le Grand Prix des Montagnes Noires à Leuhan en 1968.
 
En 1969, pour sa dernière saison, il offre à ses supporters un superbe Circuit de l’Aulne à Châteaulin, se classant quatrième, derrière trois Belges : Eddy Merckx, Eric de Vlaeminck et Jan Stevens !
 
 
Georges Cadiou.
 
 
 
 
 
Extrait de l’article de Pierre Gassot dans Ouest-France du 27 juin 1965
 

Ce fameux circuit de la vallée blanche de 1965

Marcel Flochlay - circuit de la vallée blanche 1965

C’est dans une ambiance indescriptible créée par des centaines de ses supporters que Marcel Floclay a endossé hier, à Lestonan, son second maillot de champion de Bretagne des Indépendants.
A Néant-sur-Yvel, en 1961, le Scaërois avait remporté un championnat que la canicule avait transformé en une véritable hécatombe. Rien de pareil cette fois à Ergué-Gabéric où, comme il fallait s’y attendre, c’est un circuit extrêmement tourmenté qui a provoqué, par ses seules difficultés, l’élimination des concurrents qui s’alignèrent en condition trop précaire.
Mais pour tous ceux qui, il y a huit jours, furent les témoins, tant à Brest et Melgven qu’à Plumélec, de la baisse de forme qui contraignit même par deux fois Marcel Flochlay à l’abandon, le revoir ainsi transformé en si peu de temps fut évidemment une surprise.
Et pourtant, Flochlay ne fut nullement servi par des circonstances exceptionnelles. Prudent durant la toute première moitié de la course, il évita de s’embarquer dans une mauvaise aventure. Marcel Flochlay attendit la première occasion favorable : dans la côte de Pont-Banl, au 125èmekm, lorsque Bonnet, Leignel et Adelisse se dégagèrent du peloton : à Lestonan, Flochlay n’avait plus que 200 mètres de retard sur eux, puis il réduisit son écart dans la longue descente vers Squividant, pour rejoindre enfin le groupe de tête au 135èmekm. L’avance était portée à 1 minute au 155èmekm.
 
(…)
 
Dans le raidillon menant à l’arrivée, Bonnet parut un moment mieux placé, mais Flochlay le déborda irrésistiblement à 50 mètres de la ligne.
Pour lui, ce maillot blanc frappé d’hermine effaçait du même coup tous les malheurs de la semaine passée.
 
(…)
 
Sa victoire ne doit rien au hasard ni à la négligence des autres.
 Déjà à Plouvorn, le jeudi précédant, (…)  le sommeil qui le fuyait depuis quelque temps était brusquement revenu.
Son optimisme et son sens inné de la course firent le reste. « J’ai tout d’abord hésité sur la décision à prendre, mais quand Bonnet, Adelisse et Leignel eurent pris 30 secondes d’avance, je compris que cela pouvait être très dangereux ».
Tout ne fut pourtant pas si facile dans cette poursuite de dix kilomètres, et même après la jonction : « J’ai bien eu du mal à suivre le train pendant quelque temps. Dans les deux côtes d’Ergué-Gabéric, j’étais même régulièrement « décollé », mais je revenais ensuite sur le plat ».
Son sprint victorieux, Marcel Flochlay l’explique de la façon la plus simple qui soit : « Je ne voulais pas aborder la côte de l’arrivée en troisième position… Il suffit que celui qui vous précède fasse un écart, et il devient impossible de revenir sur le coureur de tête… Bonnet a paru un moment mieux placé que moi, mais je pense avoir gagné assez nettement ». Sans aucun doute, mais derrière les écarts s’étaient considérablement amenuisés.
 

 


Trésors d'archives > Guerres > Pélerinage des Quimpérois à Kerdévot

Pélerinage des Quimpérois à Kerdévot (1870)

 

Ce texte est la traduction d’un article intitulé « Kemperiz e Kerzevot » et publié par le journal Feiz ha Breiz en 1870 (numéro 296, daté du 1er octobre, pages 277-278). Il relate le pèlerinage effectué par des Quimpérois à Kerdevot le 20 septembre 1870, alors que les évènements se précipitaient autour de Paris assiégée par les Prussiens. L’article est signé « Ur c’hrouadur da Intron Varia Kerzevot » (un enfant de Notre-Dame de Kerdevot), et le post-scriptum est de la main de Goulven Morvan, le prêtre nommé par l’évêché pour lancer et gérer ce journal.

 

« La France est sauvée ! ». Voilà les paroles d’une mère chrétienne à ses enfants quand elle s’en revint de Kerdevot, le 20 de ce mois. « La France est sauvée ! » quand enfin nous sommes venus faire appel à Notre-Dame.

Que s’est il donc passé de nouveau à Kerdevot, le 20 de ce mois ? Quoi ? Quelque chose qui est susceptible de donner de la confiance à ceux qui l’avaient presque perdue. Voici un petit mot sur cette belle journée.

Des Quimpérois, épouvantés par les pertes successives de nos soldats, affligés au fond de leur cœur de la défaite de leurs enfants, de leurs compatriotes, se sont massés au pied des autels, ont rempli tous les soirs l’église de Saint Corentin. Plus nombreux que jamais, ils se sont agenouillés pour recevoir la communion ; ils ont cherché partout la bénédiction du ciel, et le ciel semblait toujours rester sourd à leurs prières.

Alors, quelques dames bien connues pour leur haut rang ont pensé que Kerdevot était la chapelle où la Vierge est le plus aimée en ce pays. Il leur est venu à l’esprit que Notre Dame de Kerdevot avait fait cesser la peste dans le pays d’Elliant et ses alentours il y a plusieurs siècles. Il leur est revenu qu’on trouve encore des gens qui ont été guéris par miracle dans cette chapelle sainte : une fille d’Edern, muette depuis huit ans, a retrouvé la parole le jour du grand pardon devant des milliers de personnes, c’était en 1849. Un autre, infirme depuis longtemps, a retrouvé la marche. Et beaucoup d’autres n’ont reçu plein de grâces rien qu’en mettant leur confiance en la Vierge. Que font donc les grandes dames de Quimper ? Elles firent le voeu d’aller en pèlerinage à Kerdevot et d’y faire dire une messe pour tous les soldats de France.

Dans l’heure, tout Quimper apprend le vœu avec le plus grand enthousiasme. Sans tarder, avec l’argent de la messe, c’est plus de 80 francs qui sont collectés pour la chapelle. Le Curé de Saint Corentin, qui dans toutes ses missions n’a jamais oublié de prêcher à ses frères l’amour qu’ils doivent porter à la Vierge, annonça, lors du prône de la grand’ messe, le vœu qu’avaient fait ses paroissiens d’aller faire pardon à Kerdevot le 20 Septembre.

Le mardi à cinq heures du matin, les Quimpérois sont sur pied. Depuis la Croix de l’Hôpital, le lieu du rendez-vous, ils s’avancent, chacun dans son groupe, vers le Grand Ergué, le chapelet en mains.

Je ne vous parle pas de l’air vif du matin, des trois lieues qu’il y avait à parcourir avant d’arriver à Kerdevot, du silence général, du grand âge de beaucoup de dames qui avaient quitté leur maison à jeun. La hâte qu’elles avaient toutes de voir Kerdevot leur faisait oublier leurs peines.

Vers sept heures et demi, beaucoup de pèlerins arrivent pour suivre la première messe et l’église, qui peut contenir jusqu’à 900 personnes, est déjà trop petite. Chacun, le chapelet à la main, plusieurs, un cierge dans l’autre, tous agenouillés à même la pierre, tous ont les yeux fixés sur l’image de la Vierge Marie ou sur son autel, qui n’a pas d’égal dans l’évêché de Quimper. Plus de cent personnes communient à cette messe, et à peine est-elle terminée qu’ils entonnent aux quatre coins de la chapelle, une salutation à la Vierge Marie dans le plus beau des chants. Oui, à vrai dire, ce chant était un triomphe et, pour la première fois dans ma vie, j’ai été porté à croire qu’il était possible de chanter en ce pays aussi bien que dans d’autres, connus pour leurs chœurs. Tous donnaient l’impression d’être déjà vainqueurs de nos ennemis ; ils donnaient l’impression de tenir dans leurs mains la vie du dernier Prussien.

A neuf heures et demie, quand commence la seconde messe, celle pour les soldats, plus personne ne peut s’agenouiller dans la chapelle, et les deux cent personnes qui s’approchèrent pour communier, ne purent s’approcher qu’avec beaucoup de difficulté. A la fin de cette messe, comme s’ils avaient déjà obtenu satisfaction à toutes leurs demandes, ils chantèrent de tout leur cœur le Magnificat, ce merveilleux cantique laissé entre nos mains par notre mère elle-même et dès lors, on n’entendit plus que des chants dans la chapelle toute la journée.

Les treize cents ou quatorze cents personnes venues à Kerdevot se retirèrent petit à petit. Leur cœur réjoui, avec l’espoir, comme le disait une des dames de Quimper, d’entendre le jour même une bonne nouvelle.

Celle-ci est venue sans tarder, le corps d’armée du général Fritz a été battu par notre général Vinoy, le jour même du pèlerinage des Quimpérois à Kerdévot.

La Vierge Marie écouta ce jour-là ses enfants, elle ne cessera plus de les écouter jusqu’à ce que ce cri d’une mère de famille ne devienne réalité : « La France est sauvée ! »

Un enfant de N.D. de Kerdévot

Le 27 du mois il y a eu à Kerdevot un pèlerinage encore plus beau que celui du 20. Le mardi 20 septembre, il n’y avait à Kerdevot que des Quimpérois, le mardi 27 il y avait en plus les gens du Grand Ergué et des paroisses alentours. Il y avait ce jour-là entre trois et quatre mille pèlerins et il y a eu entre cinq et six cents communiants.

 

Goulven Morvan
 
 
 

Arkae > Trésors d'archives > Les quartiers : sommaire

 

Quartiers

 


Trésors d'archives : Patrimoine rural sommaire

 

Patrimoine rural

 

 

 


 


Trésors d'archives > Littéraires > Poème de Bernard Le Bihan

Poème de Bernard Le Bihan

Bernard Le Bihan, membre d’Arkae, s’est déjà illustré dans les lignes du Keleier avec un récit intitulé La boîte en Fer blanc et le portrait du cantonnier du bourg. Il nous propose aujourd’hui de reprendre le chemin des écoliers avec ces quelques vers. Malgré les langueurs perceptibles de l’automne, semble monter de la nature comme un discret appel à l’école buissonnière...

 

Automne

 

L’aube s’est levée dans des écharpes de brume

Annonçant un jour sale par ses nuages gris

Et l’on entend le cri d’un rapace nocturne

Qui, la chasse terminée, regagne son abri.

 

Tenant d’une main un cartable trop lourd

Qui lui bat le mollet, qui s’accroche en chemin

A travers landiers, champs et labours

Le petit homme se hâte vers le village voisin.

 

Sur un tapis de mousse et de bruyère mêlées

Deux pigeons se régalent de glands

Aux pieds d’un grand chêne aux longs bras décharnés

Dont le tronc noueux a défié bien des ans.

 

Sous la caresse du vent le peuplier gémit

La feuille se détache et tombe lentement

Dans le ruisseau grossi par les dernières pluies.

Le roseau, penché, hoche la tête tristement.

 

C’est l’automne.

 

Bernard Le Bihan, 1964

 

 

Keleier 21 - septembre 2002

 


Trésors d'archives > Littéraires > Le rayonnement de notre patrimoine dans de récentes publications

 

Acquisitions : le rayonnement de notre patrimoine dans de récentes publications.

Le patrimoine d’Ergué se retrouve en bonne place dans deux livres qui viennent de paraître :

Dans le Dictionnaire du Patrimoine Breton, (éd. Apogée), monumental ouvrage de 1100 pages, une notice est consacrée à Kerdévot. Fait nouveau, Erwan Le Bris du Rest, signale les vitraux contemporains de Hung Rannou : « Tradition, histoire et création se rejoignent à Kerdévot ». Une photo du retable illustre l’article.

Par neuf fois Ergué-Gabéric est cité : La peste d’Elliant p. 353 ; Flandres p. 404 ; Glazig p. 438 ; Kerdévot p. 534. Il faut noter, page 643, une superbe photo d’un mendiant à l’entrée de la chapelle de Kerdévot ; c’est un document des années 20. Quelqu’un reconnaîtrait-il ce personnage ? Evocation de l’activité papetière à Odet p.702 ; l’Orgue p. 707 ; les vitraux de Saint-Guinal p. 773 à l’article Plogonnec ; et enfin notre Saint Thélo de Kerdévot  illustre le chapitre sur les saints.

A noter un curieux oubli, notre Jean-Marie Déguignet, n’est cité nulle part. Notre paysan de neuvième classe n’a pas encore conquis droit de cité dans le dictionnaire, il est peut être encore trop vivant dans les esprits.

Dans Le Dragon en Bretagne, (éd. Keltia Graphic) Claire Arlauxnous dévoile tous les secrets de ces animaux fantastiques que l’on retrouve fréquemment dans nos édifices religieux.

L’intérêt des sablières de Saint-Guénolé n’a pas échappé à l’écrivaine, qui illustre son chapître médiéval par une reproduction de la chasse fantastique, l’un des thèmes que l’artiste anonyme du XVIIème siècle a reproduit. Très curieusement les sablières de Saint Guénolé, restaurées dans les années 70, n’ont pas de caractère religieux : c’est un bestiaire fantastique.

Claire Arlauxconsacre trois pages aux dragons du Stangala. Revenant sur l’étymologie de Griffonez, la griffonne ailée, elle évoque la légende du dragon qui terrorisait les populations alentours et que défia un jeune noble : Mahonec. A Kermahonnec dans l’ancienne paroisse de Cuzon, on peut voir encore une statue de dragon ailé (griffon) tenant dans sa gueule la tête d’un pêcheur représenté avec un filet rempli d’anguilles.

Claire Arlauxévoque aussi la variante gabéricoise de cette légende : à Ergué, c’est le Sieur Caznevet de Kerfors, qui terrassa le dragon du Stangala, qu’il fit figurer sur un rampant de la chapelle Saint-Guénolé.

 

Cliché illustrant l'ouvrage de Claire ARLAUX, cathédrale de Tréguier, stalles des ecclésiastiques.

Le dragon : protéiforme, il effraie ou se décline en motifs étonnament ornementaux.

 

Keleier 7 - novembre 2000

 


Trésors d'archives : Personnages sommaire

 

Personnages

 

  1. Hommage à Norbert Bernard : Historien, spécialiste de Jean-Marie Déguignet. (1975-2005) par Bernez Rouz, Bulletin municipal d'Ergué-Gabéric, Décembre 2005.
  2. Jean-Louis Morvan : Recteur d'Ergué-Gabéric de 1969 à 1981, (1920-2006)
  3. Alain Conan, le cantonnier du bourg, par Bernard Le Bihan, Keleier Arkae n°18, mars 2002
  4. Barz Kerdévot (extrait de poème-2001)
  5. Marjan Mao : chanteuse traditionnelle
  6. Frédéric Le Guyader
  7. Jean-René Even, de Kerfeunteun,   souvenir d'un mineur de la mine d'antimoine de Kerdévot. Evid ar Brezhoneg, 1975.
  8. Marcel Flochlay  : un champion cycliste des années 60, par Georges Cadiou, extrait de "Les grands cyclistes bretons", ed. Alan Sutton, 2005, P.92.
  9. Jean Bernard : portrait d'un artisan menuisier par Jacqueline Le Bihan (Keleier Arkae N°50, 2006)
  10. Alain Dumoulin : Recteur d'Ergué-Gabéric de 1788 à 1804, exilé à Prague, écrivain, membre de l'académie celtique.
  11. Gustave Guéguen. 1941, l'arrivée du nouveau recteur
  12. Gwenn-Aël Bolloré : Industriel, éditeur, écrivain, scientifique, Ancien des Forces Françaises libres (1925-2001)
  13. Pierre Nédélec, guérisseur de la rage
  14. Anne Ferronnière, première conseillère municipale d'Ergué-Gabéric (1941-1945), par Bernez Rouz, Keleier N°84, octobre 2014.
  15. Nathalie Calvez, créatrice des archives municipales nous présente son métier, Keleier n°31, novembre 2003
  16. Hervé Riou, sonneur mort en 1728, par Henri Chauveur, Keleier Arkae n°23, Novembre 2002


 


Trésors d'archives > Patrimoine religieux > Croix de Kergaradec

La croix de Kergaradec

Elle se trouve actuellement au carrefour sur la route de Kerdévot à la sortie du Bourg. Elle a été déplacée en 1981 car elle gênait la circulation, ainsi l'inhumation (2) ne se fit pas dans une fosse à cet endroit mais en face de la ferme de Kergaradec où se trouvait la croix à cette époque. Ne pas confondre Kernaon et Kernaou (3) où, en 1679, il y avait aussi un manoir et un moulin.

 

Notes complémentaires :

1 - Le fût cylindrique de ce monument est orné d’un saint personnage au livre en bas-relief (saint Guénolé?) et surplombé d’une croix d’un seul bloc, plus récente. Les restes d’une pièta et d’une Flagellation retrouvés au pied de la croix lors de son déplacement, laissent deviner que l’édifice primitif devait  comporter au moins un croisillon où prenaient place ces vestiges.

2 - les suicidés ne sont pas toujours enterrés sous des croix de chemin en dehors de l’espace sacré du cimetière. Parfois ils reposent au cimetière paroissial, dans une tombe située au nord de l’église, avec celles des enfants morts sans baptême.

3 - Kernaon : anciennement Kernaom, 1682 et Kernaoff, 1684. L’écriture de Kernaou n’a pas varié depuis son apparition dans les textes (1541).

Ergué-Gabéric / Croix de Kergaradec XVIe siècle

 

Keleier 24 - Décembre 2002

 

 

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Trésors d'archives > Personnages > Hervé Riou

Hervé Riou

Par Monsieur Henri Chauveur

 

Qui est Hervé Riou ?

Hervé Riou est né environ en 1668. Il est veuf en première noce de Marie Monfort. Le mariage date du 26/01/1705 à Ergué-Gabéric. Marie est décédée le 06/01/1721 à Quillyhuec où elle habitait. Huit enfants sont nés dont Hervé, témoin à l’enterrement de son père. Hervé Riou épouse en seconde noce Josèphe Jourdren le 28/01/1723 à Ergué-Gabéric. Un enfant est né de ce mariage. Josèphe était veuve de Hervé le Breton.

Plusieurs mariages - trois - ont eu lieu à cette époque, mais la présence de Maurice le Barz comme témoin lors de l’inhumation permet de penser que les faits se sont déroulés durant les réjouissances de son mariage avec Françoise le Meur, le 26/01/1728 à Ergué-Gabéric. Il est le fils de Mathieu le Barz et de Marie Lozeach. Mathieu est qualifié de « Messire » lors des naissances de certains de ces 12 enfants à Kernaon. Maurice est né le 22/03/1699.

 

C’est en consultant les registres paroissiaux d’Ergué-Gabéric que M. Henri Chauveur, membre d’Arkae, et généalogiste aguerri a relevé ce récit d’une mort peu catholique aux yeux du recteur Jean Edy qui signe au bas de l’acte. M. Chauveur a complété sa trouvaille par des données à l’intention d’autres généalogistes d’Arkae qui auront peut-être des éléments à apporter sur les personnages ou les événements évoqués.

Le chemin de l'enfer ou le suicide du sonneur

Relevé sur le registre des BMS de 1682 à 1729 : Commune d’ERGUE-GABERIC

Ce jour, 29 janvier 1728. En vertu de la permission de monsieur le juge criminel, le procureur du Roy du présidial de Quimper dudit jour 29 janvier 1728 a été inhumé par moy soussignant, hors des lieux saints dans une fosse faite exprès et bénite conformément au rituel, vis à vis près de la croix de Kergaradec, le corps de Hervé Riouâgé d’environ 60 ans, mort au village de Kernaon, où ayant été appelé pour sonner a une noce, plusieurs des conviés qui nous ont dit que y avoit bu avec beaucoup d'excès. Il déboucha le four du village qui avoit été chauffé le jour précédent, le dit jour, le même [Hervé Riou] pour s’y mettre, d’où il fut extrait par plusieurs des conviés qui nous ont dit affirmé en présence desquels il expira peu de temps après, sans pouvoir parler ni avoir aucune connaissance. Le présent cadavre, nous avons jugé a-propos d’inhumation dans la fosse, attendu son genre de mort extraordinaire, l’abus et le mépris qu’il a fait pendant les dernières années de sa vie des principaux devoirs de la religion, quoiqu’il luy été fait dans différents temps plusieurs remontrances salutaires de la part de l’abbé de Lahaye titulaire de cette paroisse, comme le dit sieur abbé nous l’a affirmé.

Le dit enterrement en présence d’Hervé Riou fils du défunct, de Laurent le Corre, de Pierre Claude, de Maurice le Barz et autres.

signé :

Edy : Recteur d’Ergué-Gabéric

 

Keleier 23 - novembre 2002
 
 
 
 

Suite à sa découverte dans les manuscrits, du récit de la mort suspecte d’Hervé Riouau village de Kernaon, M. Chauveura poursuivi son enquête et il nous emmène dans ce numéro sur les lieux du drame.

Le lieu du drame

C'est une ferme à l'allure de manoir. Elle est dotée d'une très belle porte récupérée sur une église disparue, selon madame Cornic, la propriétaire actuelle. Elle est très délabrée et attend un amateur de vieilles pierres pour la rénover ! Elle possède à l'intérieur de beaux éléments en pierre de taille en particulier une table de pierre, à l'aspect d'un autel de chapelle, soutenue par des corbeaux de pierre et placée dans un appentis.

La maison est située sur un chemin que l'on prend à droite en allant vers Coray entre Saint-André et la route de Kerveguen. Quand on fait face au bâtiment, on remarque sur sa droite un très vieux cellier qui possède à son extrémité nord un four à pain en partie écroulé et dont l'accès se trouve à l'intérieur : est-ce le lieu du drame car un petit doute subsiste, madame Cornic nous indiquant que dans le jardin au sud de l'habitation il y avait autrefois un autre four ?

Four où le sonneur Hervé Riou se serait suicidé

 

 

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