Kenavo Norbert
 

Norbert Bernard nous a quittés lors du week-end du patrimoine, une coïncidence qui nous a tous frappés, terriblement. Depuis presque dix ans, il était en contact étroit avec Arkae, il était devenu impossible de conjuguer l’histoire d’Ergué sans passer par lui et par sa formidable érudition.

Etudiant en histoire à l’Université de Bretagne Occidentale à Brest, c’est en 1996 que Norbert prend contact avec Arkae. Licence en poche il propose au professeur Jean Kerhervé un mémoire de maîtrise sur les chemins et la structuration de l’espace en Cornouaille du V° siècle au XVII° siècle. Norbert trouve dans les archives d’Arkae, patiemment collectées depuis vingt ans, un premier substrat pour donner corps à son étude. Sa remarquable connaissance des écritures anciennes lui facilitera l’accès aux plus vieux parchemins de l’histoire de notre commune. Bien vite, les seigneurs d’Ergué lui deviennent familiers. Et le voilà dans notre vieux cadastre napoléonien traquant les chemins aujourd’hui disparus : les carront, croas-hent, carpont, dro-hent, hent-car, hent-meur, autant de toponymes qui fleurissent dans le dédale de notre bocage. Norbert présente son mémoire en 1997 et se lance tout de suite dans un autre travail de recherche, un D.E.A. (diplôme d’étude approfondie), première étape vers un doctorat.

Cette fois il prend pour étude la seigneurie des Rives de l’Odet (1425-1575). Ce monumental travail de 320 pages dactylographiées est consacré aux manoirs du canton de Briec et de Rosporden. Il le présente en 1999. Il a amassé alors une somme considérable de connaissances sur les familles nobles de Basse-Cornouaille au Moyen-Age.

Norbert Bernard en compagnie de Linda Asher, la traductrice américaine des Mémoires d'un paysan bas-breton de Jean-Marie DéguignetMais c’est un tout autre travail -son premier travail salarié- qui lui est confié en mars 2000 : le livre de Jean-Marie Déguignet Les Mémoires d’un paysan bas-breton, vient de rentrer dans le cercle restreint des meilleures ventes de librairie en France. L’association Arkae confie à Norbert la valorisation de l’ensemble des écrits de notre compatriote. On ne redira jamais assez l’extraordinaire travail réalisé pendant les cinq années de son contrat d’emploi-jeune au Centre de Recherche et de Documentation Déguignet (13/12/1999-26/12/2005). L’ensemble des écrits de l’enfant de Quélennec est maintenant disponible. Norbert y a ajouté un appareil critique considérable, fruit d’une recherche dans laquelle il excellait. Il a signé aussi une exposition sur Déguignet, et un site Internet, l’un des cinq qu’il faisait vivre.

Car Norbert, hormis son travail de recherche, avait deux passions : l’histoire et l’informatique. Sa générosité est totale, il ne refuse jamais un coup de main à ceux qui sont perdus dans la jungle informatique ou englué dans de vieux grimoires aux graphies incertaines. Il fait vivre bénévolement le site Internet de l’ASPREV, l’association du patrimoine religieux en vie ; il crée un site sur les nobles de Cornouaille, puis un site de généalogie pour présenter son cabinet de recherche nouvellement créé, enfin il collabore à l’encyclopédie en ligne wikipédia.

Au printemps dernier l’aventure Déguignet est terminée, Norbert édite son premier livre Les Voix d’Yves Pennec, récit d’après un procès en sorcellerie contre un habitant d’Ergué. Les projets sont nombreux : guide, conférencier, généalogiste, écrivain, et toujours collaborateur d’Arkae. On lui avait confié un travail de sauvegarde du bulletin paroissial de 1925 à 1939. C’était en mai, et Norbert dut lâcher prise, miné par un mal que les médecins n’arrivaient pas à cerner. La suite, c’est une opération chirurgicale au mois d’août et l’espoir de revenir rapidement à ses passions. Il voulait signer son livre au pardon de Kerdévot, il voulait plus que tout être présent le 18 septembre au café-crèpes de Saint André ou il s’était investi dans le comité de sauvegarde de la chapelle.

Mais Norbert n’était pas là, ce week-end du patrimoine pour lequel il a tant œuvré, il luttait déjà contre les ombres, il est mort dans la nuit.

Norbert s’en est allé avec ses rêves, ses envies de recherches, ses travaux inachevés. C’est une grande perte pour tous ceux qui l’ont connu car ses qualités humaines étaient à l’image de ses qualités professionnelles. Pour l’association, la mémoire de Norbert vivra à jamais : ses travaux sont disponibles dans notre centre de documentation sur l’histoire d’Ergué, ses écrits seront valorisés et tous ceux qui se pencheront sur l’œuvre de Déguignet sauront que le travail d’édition de l’ensemble de son œuvre est signé Norbert Bernard.
Bernez Rouz - Bulletin municipal d'Ergué-Gabéric - décembre 2005.