Les lessiveuses d'autrefois

Avant nos machines à laver le linge modernes, avant toute mécanisation du lavage, il y avait un matériel particulier, correspondant à l’opération du lessivage, qui semble avoir longtemps servi, et dont il subsiste à Ergué-Gabéric quelques reliques souvent ignorées. Beaucoup d’entre nous connaissent la « lessiveuse », qui est un récipient en métal, de forme tronconique, avec un double-fond d’où monte à la verticale un tube. Cette cheminée centrale se termine par un champignon qui fait office d’arrosoir. La « lessiveuse » chargée de linge était installée au-dessus d’un foyer, posée sur un trépied. La vapeur obtenue par chauffage de l’eau au fond de la lessiveuse montait par la cheminée intérieure et diffusait la solution alcaline du produit justement appelé « lessive ». L’eau bouillante, eau de lessive, redescendait en traversant le linge et retombait au fond pour remonter à nouveau.

 

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↑ Trois modèles de socle en pierre (Dr Keravec).

 

Mais avant la « lessiveuse », qu’est-ce qu’il y avait ? Il y avait « ar bailh », du probable nom en breton d’une « lessiveuse » primitive, où l’arrosage du linge se faisait non pas automatiquement, par le mouvement ascensionnel et canalisé de la vapeur d’eau, mais manuellement. De ces installations primitives, il nous reste des vestiges, en particulier les quelques exemplaires de socle en pierre conservés ici ou là. En voici une description par le Dr Keravec, dans la revue Le Lien du Centre de généalogie du Finistère, année 1955 : « II s'agit d'une pierre en forme de disque de plus d'un mètre de diamètre, et épaisse de 20 à 30 centimètres. A une dizaine de centimètres de son bord externe court une cannelure ou rigole assez profonde ; d'autres rigoles peuvent rayonner, divisant la dalle en quatre secteurs ou plus. Tout ce réseau se termine par un bec d'évacuation plus ou moins travaillé. Parfois, toute la partie interne à la cannelure circulaire est légèrement creusée Cette dalle n'est en fait que la partie massive et non périssable de la "machine". Elle constitue le fond pour la récupération des eaux de lessivage. [...] Dans la gorge circulaire venait s'adapter une "baille à buée", tirée d'une barrique défoncée, dont seules subsistaient les douves et les cercles. Sur la dalle, la baille était bien en place. Dans le foyer voisin brûlait un bon feu, sur lequel on faisait chauffer de l'eau. Un "drap à lessiver" garnissait entièrement le baillot dans lequel on disposait en couches successives les différents éléments à laver. Après une première couche de linges, draps, chemises, etc. on saupoudrait de "ludu tan" (cendres de bois gorgée de potasse), que l'on arrosait d'eau chaude. Puis on disposait une autre couche de linges. Et ainsi de suite jusqu'à la limite permise par la baille. II restait à rabattre sur le tout les bords du "drap à lessiver", et à tasser au moyen d'une lourde pierre. [...] L'eau chaude versée sur le dessus était récupérée par le bec verseur de la dalle dans une auge ou un récipient, elle faisait plusieurs passages successifs dans le baillot. Peu à peu, l'eau et la cendre faisaient leur travail. L'eau sale était conservée : riche en potasse, elle constituait un engrais appelé "ar cloag", recherché des maraîchers. Après rinçage, on procédait au blanchiment des linges et draps, bien étalés au soleil sur l'herbe du placître ».

A Ergué-Gabéric, nous connaissons plusieurs socles de ce type d’installation pour lessives à la cendre. Ainsi, à Squividan, à Bohars, à Kergoant, on trouve ces dalles, mises au rebut, en dehors de la maison. Le vestige le plus significatif est sans doute celui de Pennarun : encore située dans une arrière-cuisine, près d’un foyer, la dalle est comme encastrée dans le mur, sous une fenêtre. Mais, curieusement, le bec de récupération des eaux verse à l’extérieur de la maison.

 

Socle de la baille à lessiver de Squividan

↑ Socle de la « baille à lessiver » de Squividan

Ar bailh lessiveuse de Bohars

↑ « Ar bailh » de Bohars. Pierre creusée qui supportait le fût. On distingue bien la cannelure où s’encastrait le fût, ainsi que le bec d’ évacuation.

Pierre à laver du manoir de Pennarun

↑ Pierre à laver de Pennarun, dessinée par Jean Istin en 2008

Henri CHAUVEUR et François AC’H