Gustave Guéguen : le recteur, son jardinier et les deux visiteurs

L’abbé Gustave Guéguen, qui fut recteur d’Ergué-Gabéric de 1941 à 1956, et que tout le monde désignait par son prénom « Gustave », était à la fois un homme populaire, et quelqu’un de très cultivé. Il avait de nombreuses relations, dont par exemple celle de Monsieur André François-Poncet. Celui-ci avait promis à « Gustave » de venir le saluer dans son presbytère breton dès qu’il en aurait le loisir. Tout intellectuel qu’il était, « Gustave » aimait beaucoup jardiner, et pour se mettre plus à l’aise dans ses travaux de jardinage, il portait un pantalon de marin, de couleur brique, ce qui fit que certains l’appelaient « person bragou ru » (le recteur au pantalon rouge). C’était peu après la guerre, en période de vacances. Le temps était beau, un temps à jardiner. Le soleil tapait dur. Coiffé d’un chapeau de paille, notre « Gustave » s’accorda une pause et s’assit sur un banc de pierre, qui se trouvait près du portail d’entrée et servait autrefois aux prêtres pour les aider à enfourcher leur cheval quand ils allaient rendre visite à leurs ouailles. Gustave était donc là, sur ce banc de pierre quand on frappa au portail. Et il se trouva face à deux messieurs, élégants et bien mis, qui se présentèrent comme étant deux neveux d’André François-Poncet venant saluer de sa part Monsieur le Recteur. André François-Poncet a été ambassadeur de France en Allemagne de 1931 à 1938, arrêté par la Gestapo, prisonnier en Allemagne pendant 3 ans, puis à nouveau ambassadeur à Bonn jusqu’en 1955, nommé membre de l’Académie française en 1952 (au fauteuil de Philippe Pétain), président de la Croix-Rouge française, puis de la Croix-Rouge internationale, etc. « Gustave », surpris, appela la « carabassen » pour les faire entrer au salon, et d’éclipsa rapidement. Très vite, il se changea, fit un brin de toilette et enfila sa soutane. Puis, rentrant dans le salon, il leur demanda le but de leur visite. Les deux neveux, surpris à leur tour, se regardèrent, et l’un d’eux se risqua : « Mais n’est-ce pas vous qui nous avez accueillis au portail tout à l’heure ? ». Et « Gustave » de répondre : « Non, non… c’est mon frère jumeau, que j’héberge, et qui entretient le presbytère ». « Gustave » était tout confus et vexé de s’être ainsi présenté en jardinier devant… les ambassadeurs de l’ambassadeur.

Texte eecueilli dans les années 1960 par Jean Guéguen auprès de l’Abbé Pennarun, qui succéda à « Gustave » comme recteur.