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Les mines d'antimoine d'Ergué-Gabéric

 
Kerdévot est le site d’une belle et riche chapelle du XVe siècle, lieu paisible de visite, et qui s’anime plus particulièrement le deuxième dimanche de septembre, jour du pardon de Notre Dame.
Ce que l’on sait moins, c’est que Kerdévot fut le site d’une mine d’antimoine, en exploitation au début du XXe siècle de 1913 à 1916, puis de 1924 à 1928.
Dans les années 70-80 des travaux de recherches furent même entrepris sur la commune d’Ergué Gabéric afin d’essayer de faire revivre ce passé minier. Aujourd’hui la mine est abandonnée, et il ne subsiste que l’entrée barricadée, les principales galeries étant remplies d’eau et par endroits effondrées.
 
Situation des travaux mimiers, puits et galeries, à la fermeture de la amine en 1916La Société des Mines de la Lucette commença les travaux de recherches au printemps de 1913, à trois cents mètres au sud-est de la chapelle, sous la direction de son ingénieur, M. Ebrard, assisté de trois contremaîtres ainsi que de quatre mineurs espagnols venus du Genest en Mayenne (siège de la mine d’or et d’Antimoine de la Lucette, ainsi que d’une usine de traitement métallurgique).
Entre 1913 et 1915, 3 puits, 1 kilomètre de galeries et 3 niveaux d’exploitation (à des profondeurs de 25, 38, et 50m) furent établis sur les terres de Niverrot.
Situation dse travaux miniers, puits et galeries, à la fermeture de la mine en 1916.

Une trentaine d’ouvriers au début de l’exploitation, 54 en 1915 (37 ouvriers au fond, 17 de jour) furent engagés dans la région (ce qui ne se fit pas sans causer localement des problèmes, ainsi que le rapporte le compte rendu du conseil municipal d’Ergué Gabéric du 28 mars 1915) :
Le Maire donne ensuite connaissance au Conseil des plaintes qui lui viennent de tous côtés, plaintes émanant de cultivateurs, propriétaires et fermiers de la commune, qui demandent qu'on leur vienne en aide en empêchant s'il est possible les domestiques de ferme et ouvriers agricoles d'abandonner les travaux des champs pour se faire embaucher à la mine d'Antimoine.
Le Conseil Municipal reconnaissant l'exactitude des faits qui lui sont signalés et au vu  de la situation critique que traverse l'agriculture par suite du manque de bras et de la chute de la main-d'œuvre, situation qui ne fera qu'empirer du fait des mobilisations futures,
Considérant que la réouverture de la mine d'Antimoine de Kerdévot aggravera encore d'une façon très regrettable la situation en attirant par des salaires assez élevés tout ce qui reste d'hommes valides dans le pays, émet le vœu suivant :
Que Mr le Préfet du Finistère fasse ce qui est en son pouvoir pour décider les ingénieurs qui dirigent les travaux d'exploitation de cette mine, à ne prendre dans son personnel aucun ouvrier agricole.
( Délibération du conseil municipal d'Ergué-Gabéric, 28 mars 1915).
 
Antimoine à Kerdévot : Mineurs 1915
Groupe de mineurs en 1915.
 
Le minerai était extrait, lavé, trié, mis en sac, puis expédié par train de Quimper à la fonderie du Genest. Durant la période allant de 1913 à 1915 (interrompue par la mobilisation en août 1914, les travaux avaient repris le 1er mars 1915), 2 000 à 2 500 tonnes de minerai, à une teneur moyenne de 35% en stibine, furent extraites. Mais en 1916, la Société de Lucette arrêta l’exploitation et entreprit le démontage des installations.
 
En 1927 la Société des Mines de la Lucette reprit des recherches en contrebas de Niverrot, à la limite du placître de la chapelle dans un périmètre auparavant interdit à la prospection, là où Jean Mahé, agriculteur à Kerdevot, avait en 1914 mis à jour du minerai à seulement 2 mètres en dessous de la surface du sol. Les premiers résultats furent excellents, mais le gîte fut très vite épuisé, et le 1er novembre 1928 les travaux furent définitivement arrêtes. On n’avait extrait que 61 tonnes de minerai à une teneur moyenne de 25% en stibine. La fin de la mine fut ainsi rapportée dans le Kannadig de novembre 1928 :
Le dernier filon est exploité, et toutes les nouvelles fouilles n’ont donné aucun résultat sérieux. C’est donc le départ définitif des mineurs.
La semaine dernière, M. Bideau, le sympathique et distingué ingénieur de la mine, nous a quitté pour la Lucette. Respecté et aimé de ses ouvriers, M. Bideau avait su se créer de nombreuses et profondes amitiés au Grand-Ergué, et son départ sera universellement regretté. Les regrets accompagneront aussi Mme Bideau, si généreuse, si charitable à l’égard de toutes les misères. On se rappellera longtemps sa patience, sa délicatesse envers une pauvre mère qui venait de perdre son unique enfant. Que Dieu leur rende en bénédictions tout le bien qu’ils ont fait parmi nous.
(Kannadig Intron Varia Kerzevot, 1928).
 
Le 15 octobre 1927, le journal Le Finistère signalait quelques difficultés d'exploitation :

Un lock-out* à Kerdévot

Mardi dernier, les quarante ouvriers de la mine d'antimoine de Kerdévot, en Ergué-Gabéric, ont menacés de faire grève si leurs salaires n'étaient pas relevés.
Les mineurs ont demandé 36 francs par jours, au lieu de 22 francs et les manœuvres, 25 francs, au lieu de 18 francs.
Le chef d’exploitation a aussitôt soumis par télégramme ces revendications au directeur de la mine, qui a répondu par la même voie, de suspendre les travaux.
On dit que le travail serait repris dans un mois environ, lorsque l’installation de machines, actuellement en cours, sera complètement terminée.
Le personnel de la mine est fort heureusement composé, en majeure partie, d’ouvriers agricoles et de carriers qui, souhaitons-le pourront trouver du travail dans la région. L’ordre n’a pas été jusqu’ici troublé.

* Fermeture provisoire d’entreprise en situation de grève.

 
Le 30 mai 1936, la Société des Mines de la Lucette renonçait définitivement à son droit exclusif de recherches.
 
De 1971 à 1979, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) reprenait, sur la commune d’Ergué Gabéric et ses environs, un programme d’exploration basé sur des travaux de géochimie, suivi de tranchées et de forages, et localement de travaux miniers.
 
En 1971 et 1972, puis de 1975 à 1977, une prospection géochimique fut réalisée à différentes échelles suivant une bande de 4 * 25 km² comprise entre Elliant à l’est et le Steir à l’ouest. Six secteurs anomaux en Antimoine furent mis en évidence, Kerdévot, Mez en Lez, Kerveady et Menez-Kerveady sur la commune d’Ergué Gabéric, Ty Gardien et Gourleo sur Quimper. Ces secteurs, hormis Kerdévot déjà bien connu, devaient par la suite faire l’objet de travaux complémentaires.
 
Mezanlez - Ergué-Gabéric : le secteur fut reconnu par tranchées et sondages. Plusieurs lentilles minéralisées furent observées en surface, mais disparaissaient rapidement en profondeur. Seules les minéralisations observées au Bois de Kergamen pouvaient présenter quelque intérêt, bien qu’il s’agisse d’une lentille presque totalement érodée.
Kerveady - Ergué-Gabéric : les phases de recherches comportaient des tranchées, des sondages et des travaux miniers par descenderie. En surface la structure est reconnue sur 160m, mais avec une minéralisation très irrégulière. En profondeur (niveau -40m) la structure est également très irrégulière et très faiblement minéralisée. On note sur ce secteur la présence d’or observé dans un sondage.
Menez Kerveady - Ergué-Gabéric : les travaux de tranchées et de sondages ont mis en évidence un faisceau filonien formé de plusieurs branches de faible puissance et à faible teneur en stibine.
Ty Gardien - Quimper : les minéralisations ont été reconnues par tranchées, sondages et travaux miniers. On y a observé localement de fortes teneurs en stibine, mais là aussi discontinues et de faible extension.
Gourleo - Quimper : les travaux par tranchées ont montré une minéralisation sous forme de filons quartzeux de faible puissance et à faible teneur.
 
En conclusion, les travaux réalisés par le BRGM de 1971 à 1979 ont pu définir des minéralisations à Antimoine, mais d’extension limitée et à teneur faible, les gisements non économiques ne permettant pas un renouveau de l’activité minière à Ergué Gabéric.
 
 
Calcination solaire de l'antimoineLa découverte, toute fortuite, des filons d’Antimoine de Kerdevot tient quelque peu du conte populaire. Au printemps de 1911, alors que les hommes de Niverrot faisaient une « grande journée » de défrichage, l’un de se trouva devant un bloc de pierre, qui a priori ne se distinguait en rien des autres, mais qu’il fut incapable de soulever de même qu’aucun de ses compagnons. Il fallut deux hommes pour le porter sur une charrette, dont le chargement fut déversé en bordure de route. Au moment des prestations, corvée d’entretien des chemins, le patron de Niverrot, Jean Louis Huitric, décida de faire un sort à la fameuse pierre. Celle-ci fut brisée en fragments bleuâtres constellés d’éclats métalliques. Un morceau fut envoyé à fin d’examen à l’abbé Favé, aumônier à Quimper, qui constata la présence d’Antimoine. Fernand Kerforne, professeur de géologie à la faculté des Sciences de Rennes, confirma la présence à Kerdevot de blocs de quartz contenant de la stibine et des oxydes d’Antimoine. Par la suite il céda ses droits de découverte à la Société Nouvelle des Mines de la Lucette, qui en 1913 présenta une demande de concession d’une superficie de 120 hectares sur les communes d’Ergué-Gabéric et Elliant. Voila comment une vulgaire pierre, objet de curiosité, conduisit à ouvrir une exploitation minière sur notre commune.
Gravure de Abraham Bosse La calcination Solaire de l'antimoine - copyright © Adam McLean 2003
 

Glossaire :

L’Antimoine est connu depuis le 10e millénaire avant J.C., notamment des Babyloniens. Son nom vient du grec anti mos, pas seul, ayant toujours été trouvé avec d’autres métaux. On note également l’utilisation du mot grec stimmi qui désignait un sulfure d’Antimoine de couleur noire, connu maintenant sous le nom de stibine. Sous l’Antiquité les femmes utilisaient ce minerai comme fard à cils. C’est Pline l’Ancien qui aurait dénommé ce minerai du nom latin de stibium, à l’origine du symbole Sb.
Au Moyen Age, on retrouve le nom latin antimonium, l’Antimoine étant alors bien connu des alchimistes Dans le manuscrit Currus Triumphalis Antimonii, le Prieur Basile Valentin y décrit l’Antimoine vers 1450. La légende, qui reste bien une histoire plus ou moins imaginaire, veut que le moine Basile Valentin utilisa de la poudre de minéraux contenant de l'Antimoine comme purgatif, car c'est un des effets de cet élément lorsqu'il est absorbé. Mais le résultat fut un nombre très élevé de décès dans le monastère, d'où le nom par la suite d' "anti-moine" pour l'élément.
La Société des Mines de la Lucette, crée en 1898, a exploité le gisement d’or et d’Antimoine de la Lucette situé sur la commune du Genest Saint Isle, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Laval en Mayenne. L’activité minière s’y est poursuivie jusqu’en 1934, la production totale étant de 42 000 tonnes d’Antimoine et 8 700 kg d’or. La société a également exploité le gisement de Kerdevot ainsi que d’autres gisements d’Antimoine, en particuliers en Algérie jusqu’en 1960. La Société des Mines de la Lucette détient également la fonderie et l’usine de St Genest, dont l’activité de transformation du minerai d’Antimoine se poursuit encore de nos jours.
Anomal : qui s’écarte de la norme, de la règle générale (en géochimie, zone à teneur plus élevée que l’ensemble de la région)
Gîte : masse minérale comportant un ou des métaux susceptibles d’une exploitation.
Lentille : masse de terrain se terminant de toute part en biseau.
Pendage : angle entre une surface, plan de faille, et un plan horizontal.
Stibine : Sulfure d’Antimoine (Sb2S3), une des formes les plus courantes du minerai d’Antimoine.
 

Références :


La mine d’Antimoine de Kerdevot, en Ergué Gabéric. A. Le Grand, (1968) Quimper Corentin en Cornouaille. pp 167-170
Le district antimonifère de Quimper-Kerdévot (Finistère, France). J. Guigues et M. Kerjean, (1982) Chronique de la Recherche Minière. pp 5-41
Etude du district antimonifère de Quimper. J.R. Blaise (1974) Rapport ENSG Nancy.
Pierre-Christian Guiollard, La mine d’or et d’Antimoine de La Lucette (Mayenne), 1996.

 
Jean-René Blaise - mars2007
 

Trésors d'archives > Géographie > Ergué sur la carte de Cassini

Ergué sur la carte de Cassini

 
Sur la carte de Cassini, de la fin du XVIIIe siècle, apparaît le nom « Ergué-Guberie ou le Grand Terrier ».
Que peut signifier ce grand terrier ?
 
Le sens le plus probable doit se rapprocher de celui du livre terrier.
Sous l’Ancien Régime un livre terrier ou un livre rentier est un peu l’ancêtre de notre cadastre, il décrit l’ensemble des biens d’une seigneurie. Pour qu’une paroisse vienne à être nommée le grand terrier, cela laisse supposer qu’il y ait eu une seigneurie avec un nombre conséquent de biens. À Ergué-Gabéric, à cette époque, les principaux seigneurs propriétaires sont le roi, l’évêque de Cornouailles et de nombreux nobles, les premiers étant les De La Marche.
 
Les terres du domaine royal sont cependant moins nombreuses à Ergué-Gabéric qu’à Elliant. L’évêque de Cornouaille pour sa part est propriétaire de la quasi-totalité des paroisses de Kerfeunteun – et Cuzon – et Lanniron, ainsi que de Coray. Les biens de ces deux seigneuries ne se distinguaient donc pas par leur importance sur la paroisse d’Ergué-Gabéric.

Les autres terres étaient partagées entre une dizaine de manoirs et seuls se détachaient les biens des De La Marche, seigneurs de Lezergué, Kerfors et autres lieux. Cependant leurs biens restaient malgré tout dans la moyenne pour une famille noble de cette envergure.
 
Et les moines rouges? Certaines interprétations qui nous sont parvenues rapportent que ce nom de grand terrier conserverait la trace de biens des moines rouges, c’est-à-dire des Templiers. Malheureusement il n’y a jamais eux d’établissement templier à Ergué-Gabéric. Tout au plus peut-on mentionner leur établissement à Notre-Dame du Guélen en Ergué-Armel.
Mais dans ce cas c’est Ergué-Armel qui aurait dû recevoir le nom de Grand Terrier. En outre l’ordre du Temple disparut en 1314, et le terme Grand Terrier n’apparaît jamais dans les actes officiels avant Cassini. Il serait surprenant que après plus de 450 ans de silence l’idée d’un établissement templier aie pu refaire surface. Le seul établissement monacal propriétaire dans la paroisse est l’abbaye de Landévennec, au Guélennec, cependant ses biens gabéricois relevaient de la seigneurie de Guelevain et des Salles en Landrévarzec. Et le Guélennec à lui seul ne permet pas de qualifier la paroisse de Grand Terrier.

L’explication la plus plausible de ce nom reste une erreur de transcription.
La carte de Cassini, il faudrait dire les cartes, fut réalisée sur plusieurs années et CASSINI ne travailla pas seul mais dirigea une équipe (arpenteurs, enquêteurs, graveurs, etc.). La graphie du nom même d’Ergué-Gabéric, orthographié Ergué-Guberie nous incite à être prudent.
Autres erreurs plus significatives : Logueltas et Kerveil y sont appelés respectivement Loqueste et Le Mooul (!).
On y trouve aussi deux lieux-dit appelés Tréolan, preuve que cette carte a été réalisée en plusieurs étapes – dans d’autres communes cela se voit souvent par des corrections dans le tracé des chemins.
 
Depuis le XVIe siècle les documents réalisés couvrant un vaste territoire n’ont cessé de comporter des erreurs.
En 1553, Charles Estienne, imprimeur lyonnais, publie La Guide des Chemins de France, et sauf erreur il n’est jamais venu en Bretagne car entre Vannes et Quimper il place : Ancray (comprendre Auray, erreur de lecture ?), Hennebont, Pontſecort (Pontscorf), Quimpelay (coquille) et Rosseperdan (transcription phonétique ?).
Dans les années 1950, l’administration française fait réaliser par l’INSEE un index des noms des lieux, hameaux et écarts afin d’avoir une écriture normalisée de ces différents noms. Gongallic y est devenu Congalic, Le Cluyou, Cluyon, Mesanles, Mez-en-Lez et une erreur d’écriture de Parc Loch Guen donne Pallach-Guen en plus de Parc-Lochguen plus correctement orthographié.
 
Pour en revenir au Grand Terrier, il y a plusieurs hypothèses possibles : phonétique la prononciation de Grand Ergué est proche de celle de Grand Terrier, la liaison entre le d final et le E initial se prononçant comme un t [granterge]– Gran Tergué. La graphie étant « corrigée » a posteriori pour le d de Grand.
La transformation de son [g] – gu – en son [i] peut tenir à plusieurs hypothèses. La première pourrait être que l’une des personnes travaillant sur la carte aie mal compris le nom – prononcé trop vite, mal articulé, etc. Une autre hypothèse est plutôt graphique, le g d’Ergué peut ressembler, écrit manuellement à un y, donc Ergué – en breton Erge – devenu Eryué ou Eryie – si la modification du t à déjà eu lieu : Teryué ou Teryié. Et cette dernière forme teryé a pu être « corrigée » en terrier lors d’une relecture.
 
Vous avez dit Cassini ?
C'est à l'initiative de Louis XV, impressionné par le travail cartographique réalisé en Flandre, qu'est levée la première carte géométrique du Royaume de France.
César François Cassini de Thury (1714-1784) dit Cassini III, fils de Jacques, est chargé de réaliser ce travail à l'échelle "d'une ligne pour cent toises", soit 1/86400e.
La carte s'appuie sur le réseau géodésique que viennent d'établir (de 1683 à 1744) Jean-Dominique Cassini et son fils Jacques (père de Cassini De Thury).

Les levées commenceront en 1760 avec César François Cassini De Thury et se termineront en 1789 avec son fils, Jacques Dominique Cassini. La publication sera retardée par les événements de la Révolution pour n'être achevée qu'en 1815.
La carte de Cassini servira de référence aux cartographies des principales nations européennes pendant la première moitié du XIXe siècle.
 
 

La maladie des pommes de terre

La maladie des pommes de terre (1845-1850)

 

Dans ses Mémoires, Jean-Marie Déguignet prend prétexte de la maladie des pommes de terres en 1845-1850 pour raconter des légendes, notamment la légende du chat noir (Histoire de ma vie, éd. An Here, 2001, p. 72 à 76). 

Mais les archives, elles, nous en donnent un aperçu plus terre à terre, plus concret. Plusieurs épidémies de mildiou se succèdent entre 1845 et 1849. Leurs conséquences économiques et sociales se font vivement ressentir à Ergué-Gabéric. Le nombre de mendiants et d'indigents s’accroît de 29, en 1836, soit 1,43% de la population de la commune, à 198, en 1846, soit 6,08 % des Gabéricois ! Le nombre de décès qui, dans les années 1840-1845, varie entre 45 et 50 décès par an grimpe à 107 décès en 1849.

Au milieu du XIXe siècle, au pays de Quimper, la consommation de pommes de terre se répartit comme suit : 4/8e pour les hommes, 3/8e pour les les porcs, 1/8e pour les chevaux et bovins. Déguignet précise dans Histoire de ma vie que les « pommes de terre rouges, grosses et très productives, étaient alors la principale nourriture des pauvres et des pourceaux ». Plus loin, au Huelgoat, on précise qu'elles sont consommées par les indigents et quelques journaliers. On notera que les mendiants et indigents gabéricois appartiennent essentiellement à des familles de journaliers. En effet, parmi les chefs de famille dont les professions sont connues, on a : en 1846, 18 journaliers sur 21 chez les indigents (soit 85,71 %) et 9 sur 11 chez les mendiants (soit 81,82 %) .

Dans un premier temps, les habitants les plus aisés d’Ergué-Gabéric trouvent à fournir des moyens de subsistance à leurs concitoyens. Dans le compte-rendu du conseil municipal d'EG du 27 mai 1846, on compte sur la bienveillance des nobles et sur les chefs d’exploitation pour employer ceux-ci. La papeterie d’Odet, de son côté, emploie ainsi 20 personnes par jour (mais s'agit-ils de 20 mêmes journaliers réembauchés chaque jour ?). Des emplois qui participent sans doute à leur tour à la création d'autres emplois : On se souviendra que, vers 1842-1843, le père de Jean-Marie travaillait déjà pour les employés de la papeterie.
 
Le 10 janvier 1847, la municipalité décide de participer à l'effort général à hauteur de 90 francs. Mais la situation se prolonge. Suivant les directives administratives de la préfecture, la municipalité parvient tant bien que mal à employer des indigents aux travaux de voirie. Nicolas Le Marié, propriétaire de la papeterie, apporte aussi une aide financière pour des travaux sur la route entre Ergué-Gabéric et Briec.
 
D’aucuns accueilleront des enfants de l’hospice et profiteront d'aides conséquentes. On recense ainsi 16 enfants d’hospice dans la commune en 1851, puis 77 en 1856. En 1847, une mendiante est hospitalisée au frais de la commune d’Ergué-Gabéric, mais il n'est pas certain qu'elle ait été malade de la consommation de pommes de terres avariées.

En 1901, une nouvelle épidémie se déclare. À ce sujet, on peut se demander s’il y a un rapport chronologique avec la rédaction du chapitre sur la maladie des pommes de terres dans Histoire de ma vie.
 

Norbert Bernard - Keleier n°3, juin 2000, complété par des recherches inédites


Trésors d'archives > Géographie > Les chauves-souris de Kerdévot

Les chauves-souris de Kerdévot

 
Quelques articles et reportages, associés à la mise en place de la journée nationale de la chauve-souris (fin août), commencent à faire accepter le petit chiroptère (du grec kheir, chiro : main et ptère : aile) dans nos villes et nos campagnes.

Ceci est la résultante d’un travail mené en amont par différents acteurs de la protection de la faune et de l’environnement : Groupe mammalogique breton (GMB), SEPNB Bretagne Vivante.
Professionnels et bénévoles se répartissent les missions d’étude des colonies repérées sur place et participent à un protocole de suivi du Muséum d’histoire naturelle. Ce protocole a déjà permis de mieux connaître le comportement des chauves-souris et d’agir ainsi au mieux pour leur protection.
En effet, bien que leur mauvaise image nuise encore à leur considération, elles représentent des animaux fort utiles dans l’écosystème : croqueuses d’insectes nocturnes, elles évitent la trop grande prolifération de ceux-ci.

Le grand rhinolophe

Corps : 7 cm

Envergure : 35 à 40 cm

Poids : 20 à 30 g.

Longévité : 30 ans.

C’est au cours d’une mission de comptage que nous avons pu nous joindre le lundi 05 février à Martine Rospars du GMB et à Pascal Bernard de la SEPNB et rendre ainsi visite à ces drôles de souris, pénétrer dans leurs hivernages elliantais et gabéricois, puisque deux colonies voisinent, l’une dans les combles de l’église Saint-Gilles et l’autre dans la mine d’Antimoine de Kerdévot. Elles trouvent dans ces deux sites de bonnes conditions de séjour hivernal : une température stable et douce si possible (entre 10 et 12°) et un grand calme.

Dans les combles de Saint-Gilles, 177 individus ont été dénombrés, à Kerdévot 35.
Dans l’un et l’autre site, une seule espèce a été repérée : le grand rhinolophe.
Or le grand rhinolophe se réfugie en principe en colonie dans les milieux souterrains l’hiver : l’hygrométrie ambiante permet notamment à la membrane des ailes de conserver sa souplesse pendant la durée de l’hibernation ;  et semble affectionner combles et greniers plutôt au moment de donner naissance à son unique rejeton de l’année (mise bas entre mi-juin et mi-juillet). Il  peut donc paraître étonnant de recenser en cette saison davantage d’individus dans les combles de Saint-Gilles que dans la mine de Kerdévot. Mais à ce stade des connaissances sur le comportement des chauves-souris, il est difficile d’avancer une explication.
Aussi Martine Rospars effectue un relevé précis de différents paramètres à considérer et à confronter les uns aux autres pour comprendre les mouvements de population: température, hygrométrie, niveau de l’eau dans les galeries (dû à l’infiltration des eaux de pluie, il y atteignait largement le genou), changements survenus dans le milieu…

Mais qu’en est-il des autres espèces qui d’après les observations de Martine ROPSARS fréquentent habituellement la mine désaffectée de Kerdévot : le murin de Daubenton, le murin à moustaches, le murin de Beschtein ? Ces espèces sont moins grégaires que la précédente. Anfractuosités dans les arbres, les vieux bâtiments leur procurent alors un abri suffisant pour hibernation en solitaire .

L’important déficit de population relevé chez les chauves-souris sur l’ensemble du secteur Ergué-Gabéric-Elliant durant cet hiver par Martine Rospars signifie peut-être que les chauves-souris ont découvert un nouveau gîte pour s’abriter à la morte saison. Encore une mission pour les bénévoles qui devront le découvrir!
 
Gaëlle Martin - Keleier Arkae n°10 février- 2001

 


Trésors d'archives > Géographie > Description d'Ergué-Gabéric en 1780 et 1843

Description d'Ergué-Gabéric en 1780 et 1843

 

Dictionnaire d'Ogée (1780)

Ergué-Gaberie [Ergué- Gaberic] ; à 1 lieue 1/5 à l'E. de Quimper, son évêché, sa subdélégation et son ressort, et à 37 lieues de Rennes. On y compte 1800 communiants : La cure est à l'alternative. Son territoire est fertile en grains, et plein de vallons  où sont de très belles prairies ; mais on y voit beaucoup de landes et terres incultes.
Vers l'an 1640, Gui Autret , seigneur de Missirien , fit bâtir, près l'avenue de son château d'Ergué, une chapelle dédiée à saint Joachim, dans laquelle il fonda quatre messes par semaine Toute la paroisse relève du roi, à l'exception des trois villages de Kermorvan , de kernechiron et Kerougan, qui se trouvent sous le fief de l'évêque de Quimper. La maison noble de Kerfort appartenait, en 1420, à Anceau de la Marche.
 

Réédition de 1843 par A. Marteville et P. Varin

Ergué-Gabéric (sous l'invocation de saint Guenaél, abbé de Landevennec), commune formée par l’ancienne paroisse de ce nom, aujourd'hui succursale. 

Limite : Nord rivière d'Odet ; E. Elliant; S. Ergué-Armel. Saint Evarzec, Saint-Yvi, rivière le Ged ; O. Kerfeunteun, rivière d'Odet.
Principaux villages : Quélennec, Squividan, Kerourvois, Salverte, Quilinec , Lostarguiret, Kerellou, Kerdilès, Kerguen , Kerfor, Kerlarion.
Objets remarquables : manoirs de Lezergue , de Cleuyou; château de Kerjenny. Superficie 3988 hect. 72 a., dont les principales div. sont : terres labourables , prés et pat. 365 ; bois 179 ; vergers etjardins 39 ; landes et incultes 1324. Superficie des proprieties bâties 28 ; cont. non imposable. Const. dliv. 424 ; moulins, du Ged, Penarrux, Cleuyou, Coutilli, Poul, Faou, Pont-ar-Marhat.
Outre l’église, il y a les chapelles Saint-Guinolé , Notre-Dame-de Quelen( en ruines ) et Kerdevot. 
Il y a en Ergué-Gaberic un moulin à papier et une tuilerie. 
La route royale n° 165 dite de Nantes à Audierne, traverse cette commune du sud-est au nord-ouest. 
Géologie : constitution granitique ; micaschiste au nord du bourg.
On parle le breton.

Dans cette commune, sur le bord de la route de Vannes à Quimper et à 5 kilomètres de cette derniere ville on voit les ruines de bâtiments et d'une chapelle y attenant, connue dans le pays sous le nom de Sainte-Anne du Guélen. En comparant le style de ces ruines à celui de certaines autres bien reconnues pour être celles d'édifices. ayant appartenu aux Templiers, on est conduit à penser-que Sainte-Anne-du-Guélen dépendait autrefois de cet ordre célèbre.
Aymar De Blois
Note : Aymar De Blois place par erreur Kerlaeron et Sainte Anne du Guélen en Ergué-Gabéric au lieu d'Ergué-Armel.