Dictionnaire : Berri (Jean)

Berri (Jean) 1921-1944

 
Né le 24 mars 1921 à Quimperlé d'Auguste Berri, dessinateur, et d'Anne Marie Le Jannou, alors sans profession. Son acte de naissance porte la mention "adopté par la Nation", ce qui signifie que son père a été blessé ou gazé pendant la Première Guerre. En 1937, sa mère est embauchée comme institutrice à l'école publique des filles du bourg d’Ergué-Gabéric, où elle habite avec son fils. Se lie avec Jean Le Corre et Fanch Balès, ses voisins résistants. Études de technicien à l’Ecole Bréguet à Paris, qu’il quitte en février 1943 pour entrer clandestinement en Espagne. Interné à Gijon. Rejoint le Portugal mi-juillet, s’embarque pour Casablanca, où il est affecté à une compagnie d’instruction pendant quelques mois (2e DB Leclerc). Rejoint ensuite l’Angleterre. Participe au Débarquement en Normandie. Tué à Ducey le 7 Août 1944, aux commandes d’un char. Mort pour la France (dossier n°500873EC/D). Enterré actuellement au cimetière de Perros-Guirrec aux côtés de son père et de sa mère. Le 11 novembre 1988, Ergué-Gabéric donne son nom à une place du bourg.
 
 
 

Dictionnaire : Huitric (Jean-Pierre)

Ouest-France 15 janvier 2008

Huitric (Jean-Pierre)

 
Huitric (Jean-Pierre), né en 1946, décédé le 14 août 2024. Maire de 2001 à 2008.

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Dictionnaire : Baradozic

Baradozic (Baradozig)

 
Lieu-dit en bordure de la route de Coray.
 
1. Signification
 
Baradozig est le diminutif de Baradoz mot breton désignant le Paradis. Ce nom d’origine récente a été donné à une maison en bordure de la route départementale de Quimper à Coray.
 
 
2. Formes anciennes
 

Baradozic

2002

I.G.N.

Carte

3. Recensement de 1790

Néant


4. Cadastre de 1834

Néant

5. Pré-inventaire de 1972 (© Inventaire du Patrimoine Culturel de Bretagne)

Néant

 
 

Dictionnaire : Balanou

Balanou

 
Lieu-dit, siège d'une exploitation agricole située dans l'ancienne trève de Kerdevot.
 
1. Signification
 
Balanou tire son nom de Banal nom breton désignant le genêt.
Ce nom est devenu par métathèse Balan dans le breton parlé. Il est généralement suivi du suffixe – eg – comme dans Banaleg ce qui signifie genêtaie. Le suffixe – ou – est une des marques du pluriel en breton.
Balanou doit donc se traduire sans ambiguité par « Les Genêts », et doit s’écrire avec un seul L et un seul N.
Les formes anciennes sont : An banazlou (1540), Balanou (1681).
Il semble que ce nom ait supplanté le nom Kerderien qu'on trouve écrit kerderyen en 1540, et en 1681 il est précisé Balanou ou Kerderien.
 
 
2. Formes anciennes
 
An Banazlou   
1540   
Archives Départementales de Loire-Atlantique. Nantes   
B 2011
Balannou
1618
Archives Départementales du Finistère. Quimper
A 85
Balanou
1681
Archives Départementales du Finistère. Quimper
A 87
 
1790
Archives Départementales du Finistère. Quimper
Recensement
Balannou
1834
Archives communales d’Ergué-Gabéric
Ancien cadastre   
 
2006
Service Technique. Ville d’Ergué-Gabéric.
Cadastre
 
2006
Carte Institut Géographique national

3. Recensement de 1790

Mathias Piriou
M
Métayer, actif
40
Marie Jeanne Le Roux
F
Femme
39
François Le Gall
M
Domestique
33
Izabelle Le Berre
F
"mineure"
6

4. Cadastre de 1834

5. Pré-inventaire de 1972 (© Inventaire du Patrimoine Culturel de Bretagne)

Néant

 
 
 

Dictionnaire : Kerdevot (mine d’antimoine de)

Kerdévot (mine d’antimoine de)

 

Site d’une mine d’antimoine, exploitée de 1913 à 1916, puis de 1924 à 1928 par la Société des Mines de la Lucette.
 
Entre 1913 et 1916, trois puits, un kilomètre de galeries et trois niveaux d’exploitation à des profondeurs de 25, 38 et 50 m furent établis.
De 1924 à  1928 des recherches furent entreprises en contrebas de Niverrot, à la limite du placître de la chapelle. Les premiers résultats furent excellents, mais le gîte fut très vite épuisé.
Au total, 2 000 à 2 500 tonnes de minerai, à une teneur moyenne de 35% en stibine, furent extraites de la mine de Kerdévot.
 
CF l'article complet de Jean-René Blaise : Les mines d'antimoine

 

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Dictionnaire : Antimoine

Antimoine

 
L’antimoine, symbole Sb, est un élément peu répandu dans la croûte terrestre, qui est généralement trouvé sous forme d’oxydes ou de sulfures.
A Kerdévot le minerai se présentait sous forme de stibine associée à une gangue quartzeuse.
Les usages de l’antimoine sont multiples : plaques d’accumulateurs plomb-acide, alliages anti-friction, fabrication de semi-conducteurs, pigments de peintures.
Actuellement les principaux producteurs d’antimoine sont la Chine, la Russie et l’Afrique du Sud.
Les mines de Kerdevot ont été exploitées de 
1913 à 1916, puis de 1924 à 1928.
 
Cf Article de Jean René Blaise : Les mines d'antimoine
 
 

Dictionnaire : Rouz (Bernez)

En 2016, président de l'association Arkae d'Ergué-Gabéric et vice-président de Ti ar Vro Kemper. Actuellement en retraite il a été journaliste à Radio France à Quimper (Radio Bretagne Ouest), Rédacteur en chef à Radio France Picardie puis Rédacteur en chef à France 3 Iroise à Brest. De janvier 2008 à Septembre 2014 il a été responsable des émissions en langue bretonne à France 3 Bretagne. Ses activités professionnelles l’amènent à s’intéresser à l’affaire Seznec. Il est le seul journaliste à avoir accédé au dossier judiciaire de l’affaire. Il publie en 2005 : L’affaire Quéméneur-Seznec, enquête sur un mystère, aux éditions Apogée de Rennes, livre qui remet en cause beaucoup d’idées reçues sur l’affaire. Féru d’histoire locale, il préside Kerdévot 89, une association créée pour fêter le cinquième centenaire d'une chapelle de grand renom située sur la commune d'Ergué-Gabéric. Il édite en 1998 Les Mémoires d’un Paysan Bas-Breton de son compatriote gabéricois Jean-Marie Déguignet. La vingtième édition de ce best seller (400 000 exemplaires) a été publiée aux éditions Arkae, en octobre 2008. La deuxième édition américaine est sortie à New-York en 2011.

Publications: 


Dictionnaire : Rouz (Lanig)

Rouz (Lanig) 1919 - 2009

 

Alain le Roux, (Lanig Rouz) né à Drohent en 1919 et décédé en août 2009 a écrit dans les années 70 une série de croquis de la vie quotidienne à Ergué-Gabéric. Fonctionnaire aux impôts, il s’est passionné par l’étude du breton écrit, quand ses deux filles Nicole et Marie Christine ont-elles même décidé d’apprendre à lire et à écrire le breton. Aidé d’un dictionnaire il a envoyé ces textes à ses filles qui poursuivaient leurs études loin de la maison familiale à Ergué-Armel. Les  Konchennoù de Lanig Rouz, pourraient se traduire par historiettes.

Mais derrière le caractère badin et un peu espiègle du texte il y a une vraie rigueur dans la description des scènes de la vie quotidienne dans notre commune dans les années de son enfance, les années trente.

L’intérêt du texte est évident : même si les plus anciens d’entre nous se rappellent bien cette vie ordinaire de notre société rurale, personne ne l’a décrite et c’est tout l’intérêt des konchennou pour la mémoire locale.

L’autre intérêt c’est qu’il a écrit ces histoires en breton du cru. Personne à notre connaissance n’a écrit dans le breton d’Ergué et plus largement dans le breton de Sud Cornouaille. La langue littéraire était traditionnellement la langue des prêtres c'est-à-dire une langue basée sur le dialecte léonard. On a donc là pour la première fois de la prose dialectale de grande qualité.Sur cette langue populaire d’Ergué nous n’avons que quelques citations de Déguignet.

Voici la liste des Konchennou de Lanig Rouz
1.
Hont dan oferenn
En allant à la messe
2.
Da Gemper gant ar c’harr boutin
A Quimper par l’autocar
3.
Konchennou an ostaleri
Les propos de bistrots
4.
Mon chien noir en novembre
5.
Da foar gant ar c’harr skaouet
A la foire en char-à-bancs
6.
An dornadeg
Le battage
7.
Les Rameaux
8.
Le Jeudi saint
9.
Ar Pellgent
L’Avent
10.
An nevez amzer war maezh
Le printemps à la campagne
11.
Le foin
12.
An devezh lazhan a pemorc’h
Le jour où on tue le cochon
13.
Ar gwener – devezh ar galetez
Le vendredi : journée des galettes
 
 
 
 

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Dictionnaire : Favé (Antoine)

Monographie de labbé FavéL'abbé Antoine Favé (1855-1914), qui fut vicaire à Ergué-Gabéric à la fin du XIXe siècle, produit en 1891 la première monographie de la paroisse, sur la période allant de 1678 à 1716. Il s'agit de "notes" (15 pages au total) tentant d'inventorier les registres de baptêmes mariages et sépulture. Elles font suite à une demande de l'évêque de Quimper, souhaitant que les prêtres fixent l'histoire paroissiale de la commune où ils exercent.

Antoine Favé est né à Quimper en 1855, où son père était alors notaire. Il fait sa scolarité dans le Nord-Finistère, puis ses études théologiques au séminaire de Quimper et à Rome, où il est ordonné prêtre par un cardinal. Il est d'abord employé dans une maison d'éducation dans le Nord, puis en Saône-et-Loire. Après un stage chez les Jésuites à Poitiers, il rentre dans son diocèse d'origine, où il devient de le vicaire de Saint-Pabu. Il est ensuite muté à Ergué-Gabéric. C'est là qu'il commence à s'adonner à l'histoire locale, "en feuilletant les vieux cahiers de la Fabrique, en fouillant les papiers de vieilles familles, en compulsant des inventaires anciens et des actes notariés, en s'initiant aux mystères des Archives départemantales" (cf. nécrologie dans La Semaine religieuse de Quimper et de Léon, janvier 1915). Il ensuite nommé à l'aumônerie de l'asile départemental de Saint-Athanase, à Quimper. Il finit sa vie dans la maison de retraite Saint-Joseph, à Saint-Pol de Léon, et décède en 1914 d'une maladie cardiaque.

Au cours de sa vie, l'abbé Favé a produit de nombreuses études et notices pour les bulletins de la Société archéologique (BSAF) et de l'Association bretonne, notamment un travail (en 1893) sur Claude de Marigo, auteur de Buez ar sent (La Vie des saints), au XVIIIe siècle. Antoine Favé était passionné d'histoire ; jeune abbé, il lit déjà beaucoup d'ouvrages dans cette discipline : "[Il] emmagasine heureusement dans son cerveau les sujets très divers de ses copieuses lectures ; de sorte que sa conversation, parfois un peu nébuleuse, était toujours cependant nourrie de faits anecdotiques, d'études de caractères, de jugements assez éclairés sur des époques ou des personnages marquants" (ibidem). Outre la monographie sus-dite, ses articles dans le BSAF sur Ergué-Gabéric concernent : l'origine de l'ancien cantique de Kerdévot (1892), la vie rurale en Cornouaille aux XIXe et XVIIIe siècles (1893), le mobilier et le vêtement aux environs de Quimper au XVIIe siècle (1893), la pierre commémorative de la peste d'Elliant (1893), la condition des prêtres des campagnes dans le Finistère avant 1789 (1894), l'aspect extérieur d'une ferme cornouaillaise avant 1789 (1895).


Dictionnaire : Bolloré (Michel)

Bolloré (Michel) 1922 - 1997

 
Michel Bolloré naît le 17 février 1922 à Nantes et meurt le 2 mai 1997 à Paris. Il fut administrateur, codirecteur, des papeteries Bolloré de 1946 à 1981. Fils de René Bolloré II et de Marie Thubé, il est le frère de René Bolloré III, de Jacqueline Cloteaux, de Gwenn-Aël Bolloré et le père de Vincent Bolloré.
 
 

« Gosse de riche » dans l’entre-deux-guerres

Il fréquente l'Externat des Enfants-Nantais dans les années 1930, avant d'entrer, après la mort de son père, à l'école Gerson, dans le XVIe arrondissement de Paris, puis au lycée Janson-de-Sailly. Il fait ensuite des études de droit et entre à l’École de sciences politiques. Gwenn-Aël suggère dans son autobiographie, écrite en 2000, que son frère réussit sa scolarité[1].
Les premières années de sa vie, Michel habite avec sa famille dans un hôtel particulier de Nantes, puis à Paris. Les allers-retours à Odet, où est implantée l'usine de son père, et à Beg Meil, où se trouve l'une des résidences Bolloré, sont fréquents. Dans Né gosse de riche, Gwenn-Aël Bolloré raconte son enfance et celle de son frère, un plus âgé que lui. Il décrit notamment l'éducation catholique donnée par leur mère : « On nous apprend à faire la charité. Mon frère Michel a "sa pauvre". Elle s'appelle madame Bernard[2]. » D'autres aspects de l'éducation parentale et de la rivalité entre les deux frères transparaissent dans son ouvrage : « Quelquefois, Odette [une fillette amie des deux frères] donne lieu à des marchandages. Michel et moi nous rachetons l'un à l'autre sa présence, et souvent fort cher, plusieurs boîtes de soldats de plomb, par exemple[3]. »
« Aux soirées costumées enfantines organisées par sa mère], mon frère Michel était en Napoléon. Il a longtemps [...] conservé cette tenue[4]»
« Si mon soulier croule sous les jouets, celui de mon frère Michel est vide, ou presque : ne s'y trouve qu'une enveloppe et à l'intérieur de l'enveloppe un billet de cinq cents francs. C'est lui-même qui avait, dans sa lettre au père Noël, demandé de l'argent[5]. »
Cette période est marquée par la mort de René Bolloré II en 1935. Michel a 13 ans. C'est à ce moment que se décide la succession : René III, 24 ans, secondera Gaston Thubé à la direction des papeteries.

 

Intendant des papeteries dans la Seconde Guerre

1947_Remise de médailles_Gaston Thubé, Michel et Gwenn Bolloré au fondPendant la débâcle qui suit l'arrivée des troupes d'Hitler en France, Marie Thubé-Bolloré, la mère de Michel, décide d'éloigner ses enfants de Paris, ville menacée par les bombardements. Elle s'installe chez un proche à Orléans. La famille se replie ensuite sur ses résidences finistériennes, puis revient à Paris fin août 1940. En 1940, René III est fait prisonnier à Angoulême, s’évade et entre dans la Résistance. Gwenn-Aël le rejoint à Londres en 1942. Ensemble, ils s’engagent dans les FFL sous le nom de « Bollinger ».
Resté auprès de sa mère, Michel, en l’absence de ses frères, suit l’activité des papeteries. Faute de charbon, Odet est à l'arrêt, mais Cascadec fonctionne toujours. Les relations d’affaires avec les États-Unis s’interrompent également : or, Bolloré détient là une usine, Ecusta, qu’il a aidé à construire et dont il détient 50 % des parts.
Le 19 février 1943, il se marie[6] avec Monique Follot (1923-2009). Comme autrefois le mariage de René II avec Marie Thubé, cette union permet aux Bolloré d’étendre leur réseau. Monique est en effet la descendante de Félix Follot (1837-1909), fondateur d’une manufacture de papiers peints au xixe siècle. Mais elle est surtout la fille d’une Goldschmidt[7], famille de banquiers qui joua un rôle décisif dans le développement du capitalisme par actions. Nicole von Goldschmidt, la mère de Nicole, résistante dans les services secrets de la FFL, est une amie d’Edmond de Rothschild, futur actionnaire des papeteries Bolloré. Monique elle-même jouera un rôle dans la revente des capitaux Bolloré à Rothschild en 1975.
Pendant l’Occupation, Michel et Monique se font discrets. Ils’installent à Dordives, dans le Loiret, au sud de Paris : « Comme tout un chacun, il convoqué par le STO. Le professeur Alajoinine lui rédige un certificat le déclarant inapte à tout travail. Les autorités allemandes acceptent sans broncher cette attestation. Néanmoins, par précaution, Michel garde à proximité un corset de plâtre pour faire plus vrai en cas de contrôle[8]. » Après la guerre, ils emménagent dans un hôtel particulier, 29, avenue du Maréchal-Manoury à Paris.
En 1946, l’usine d’Odet étant enfin approvisionnée, Michel devient co-directeur, avec René et Gwenn-Aël. Il assumera bientôt le rôle d’administrateur de l’entreprise, tandis que son benjamin occupe la fonction de directeur technique. Quant à René, l’aîné, peu intéressé par la conduite de l’entreprise familiale, il se retirera progressivement au cours des prochaines décennies, laissant ses frères cadets diriger.

 

Grand patron dans les années 1950

Michel Bolloré et Henri Thubé_Revue Réalités, 1949Après la guerre, les frères Bolloré souhaitent diversifier la production et les débouchés. Ils veulent plus mettre leurs œufs dans le seul panier de l'OCB. À la Libération, ils réorganisent donc le matériel, le personnel, les importations et les exportations pour répondre à de nouveaux besoins. Gwenn-Aël met en production plusieurs papiers innovants, dont le papier condensateur, qui occupera plusieurs machines. Parmi autres produits de Bolloré, les sachets à thé et le papier carbone se vendent aussi  bien juqu'au début des années 1960.
En 1949, Michel « coordonne l’activité technique des usines, examine les perspectives commerciales, met au point les programmes de fabrication[9] ». Il décide de renforcer le réseau commercial en reconquérant le marché américain. Pour ce faire, il voyage souvent aux États-Unis. Selon la revue L’Entreprise[10] (1953), il s’y rend chaque année. À cette époque, 70 % du chiffre d’affaires de la société découle des exportations[11], un peu moins qu’avant la guerre (90 %). En 1962, l’entreprise Bolloré remporte un oscar de l’Exportation.
Au début des années 1950, Michel prend aussi des parts dans des industries françaises. À la fin de la guerre, il avait revendu celles de l’usine Ecusta, aux États-Unis, pour racheter la papeterie de Troyes. Devient-il ainsi moins dépendant des États-Unis ? Toujours est-il qu’en 1954, il prend une nouvelle participation dans une papeterie française : Mauduit à Quimperlé (49 % des parts). Enfin, en 1959, il investit dans Braunstein (cigarettes Zig-Zag), une filiale de Job, le rival français de Bolloré. Par ailleurs, si l'on en croit Christine Le Portal, déjà en 1949, 60 % de la production sont exportés vers des pays d'Europe, d'Asie, du Maghreb et d'Afrique (ArMen n°26, avril 1990).
Les affaires semblent florissantes. Encore selon Christine Le Portal, le chiffre d'affaires annuel se monterait à 1300 millions. L’Entreprise, en 1953, nous dit que « [Michel] dirige la plus importante affaire de papiers minces d’Europe[12] ». En 1954, il fait installer le siège social des papeteries sur le boulevard Excelmans, à Paris, ce qui agrandit les bureaux, auparavant sis 30, avenue de Messine.

 

En bascule dans les années 1960 et 70

Michel Bolloré_Harcourt, Paris, ca 1950Dans les années 1960, l’industriel est une figure de la vie mondaine parisienne. Il fréquente l’écrivaine Françoise Sagan et le peintre Bernard Buffet, mais aussi de grandes personnalités du monde politique : Jacques Duhamel[13], Félix Gaillard, Georges Pompidou et François Mitterand. « Politiques, industriels, artistes, tous se pressaient alors dans l’hôtel particulier de la famille, situé près du bois de Boulogne[14] » écrit Cédric Pietralunga, alors qu’il enquête pour Le Monde sur la famille de Vincent Bolloré. « Comme tous les descendants de sa génération, nous dit Jean Bothorel, [Michel Bolloré] aime le luxe, les belles voitures, les beaux bateaux. [Il] aime recevoir, il aime festoyer[15] ». En revanche, on ne le voit pas souvent à Odet. Selon Jean Guéguen, ancien de l'usine, « après les années 1960, avec les grandes heures du papier condensateur, le lien entre les Bolloré et la population d’Odet s’est effiloché. La direction était à Paris et on ne voyait pas souvent les trois frères aux usines[16] ».
Probablement aussi dans les années 1960[17], Michel fait entrer au capital de Bolloré un grand papetier américain, Kimberly-Clark, à hauteur de 40 %. Revers de la médaille : il perd en partie le contrôle de l’entreprise. Un choix risqué (funeste, on le verra) mais peut-être justifié par de premières difficultés. Le papier à cigarette ne se vend plus aussi bien qu’autrefois.
C’est aussi dans cette décennie qu’apparaît le film polypropylène ou « film plastique ». Plus résistant que le papier condensateur et nécessitant moins de main d'œuvre, il va bientôt le supplanter. Or, depuis la fin de la guerre, Bolloré avait beaucoup investi dans le papier condensateur. Neuf à dix machines assuraient sa fabrication en 1963. Et voilà qu'il faut encore se reconvertir. En 1969, les frères Bolloré décident d’expérimenter le film polypropylène à Cascadec. En 1972, ils construisent un nouveau bâtiment pour cette ligne de production. Mais le cap du plastique a été franchi trop tard.

 

Président déchu de 1975 à 1981

La crise de 1969 conduit les papeteries Bolloré, très dépendantes des exportations, et donc du cours du dollar, vers un écueil financier. La devise américaine dévalue rapidement, et la trésorerie de l’entreprise décroît avec lui. Par ailleurs, le marché du film plastique, été abordé trop tardivement, ne pourra pas sauver la mise. Entre 1972 et 1975, les pertes financières s'accumulent. Comment se remettre à flots ? En vendant les parts de la famille ? « Dès lors, les trois frères n’arriveront plus à s’entendre sur les stratégies à mener. Au sein de la famille, les divergences de vues, les frictions s’accentuaient[18]. » Pour ne rien arranger, en 1975, l’actionnaire américain Kimberly-Clarck, craignant de tout perdre, se retire en vendant ses parts au baron Empain, qui tient la société Schneider.
Au cours de l’automne 1975, Michel prend une décision qui fracture la famille : il fait appel à la compagnie Rothschild pour racheter ses parts[19]. En réaction, René et Gwenn-Aël, qui désapprouvent ce choix, vendent leurs parts (6 %) au baron Empain. « Mais pour une heure seulement… Persuadés de traiter avec le patron de Schneider, les oncles ont accepté le deal pour peu qu’on y ajoute une clause : Michel Bolloré, responsable à leurs yeux de la décrépitude du patrimoine familial, doit quitter la direction générale. Se pliant à leurs exigences, ce dernier démissionne de ses fonctions qu’il rétrocède à ses deux fils. Soixante minute plus tard, donc, Empain transmet son paquet d’actions à Michel-Yves et Vincent Bolloré qui apportent, séance tenante, les 68 % (40+22+6) des papeteries désormais en leur possession à un holding dont Rothschild rachète aussitôt la moitié pour 16 millions. Le tour est joué. Formellement, les deux frères ont pris le contrôle, à parité avec Edmond de Rothschild. Papa leur a donné ses parts ; Edmond, bon prince, leur a concédé des actions supplémentaires pour avoir orchestré la manœuvre ; Maman leur a prêté le solde nécessaire pour boucler l’affaire : 1,5 million de francs, c’est le seul prix qu’ils ont vraiment payé[20]. »
Le tour de passe-passe est habile, mais il reste clair pour les administrateurs que Michel Bolloré et ses fils ne doivent pas diriger l’entreprise. Edmond de Rothschild place donc à la tête des papeteries Henri Bernet. En 1975, déclare Vincent Bolloré, « pour la première fois, l’entreprise n’appartenait plus complètement à la famille […] Mon père deviendra président d’honneur[21] ». Autrement dit, Michel est un « homme de paille ». Mais Henri Bernet ne s’en sort pas mieux : le dollar ne se redresse pas, les commandes diminuent, le chômage partiel est instauré, puis viennent les grèves et les licenciements. Les papeteries Bolloré sont dans l’impasse : « Devant Michel Bolloré, Jean Lassal, qui dirigeait alors la production du plastique, résuma la situation d’une phrase : "Bolloré papier est fini et Bolloré plastique ne vous appartient plus"[22]. » Les années 1975 à 1981, les papeteries vont vers la faillite.
Selon Cédric Pietralunga, Michel Bolloré, au bord de la faillite, aurait sombré dans la déprime[23]. Il faut dire qu’avec la vente de la cité ouvrière de Keranna en 1977, puis la cession des écoles Bolloré et du patronage, c’est toute une époque qui disparaît[24]. Licenciements et grèves se multiplient. Malgré les plans sociaux qui réduisent les effectifs de moitié, les papeteries perdent plus d’un million de francs par mois en 1980. En 1981, Michel se retire de des fonctions. En 1983, le site d’Odet ferme.

 

Curieux de tout

Comme ses deux frères, Michel est avide de culture. Monique, son épouse, lectrice pour Gallimard, lui voit « une curiosité insatiable et une culture encyclopédique sur beaucoup de sujets. Mon mari, comme Gwenn, avait une mémoire exceptionnelle. Il récitait des poèmes aussi bien que des passages entiers de romans ou de traités d’économie[25]! » Au même titre que Gwenn-Aël, il aurait été un bibliophile averti. Jean Bothorel, hagiographe de la famille, rapporte une anecdote à ce sujet. Lorsque Céline veut lui vendre le manuscrit de Nord, qui raconte sa fuite en Allemagne après la guerre, Michel en propose un prix si bas que l’auteur, furieux, se retourne vers Gwenn, son frère Cadet, qui lui achète le document.

Michel Bolloré meurt le 2 mai 1997 à Paris. Il est enterré au cimetière de Passy, aux côtés de son épouse, décédée en 2009.

 

Synthèse rédigée par Marilyne Cotten.

 

Notes :

[1] Gwenn-Aël Bolloré, Né gosse de riche, Rennes, éditions Ouest-France, coll. Latitude ouest, 2000, p. 33 : « [Mon institutrice] a eu mon frère quelques années auparavant et dit sentencieusement en parlant de lui : "Il est glorieux, Monsieur Michel !" Elle avait vu juste. »

[2] Ibidem, p. 21.

[3] Ibidem, p. 26.

[4] Ibidem, p. 30.

[5] Ibidem, p. 44.

[6] De ce mariage naîtront cinq enfants : Chantal, Françoise, Michel-Yves, Laurence et Vincent.

[7] Par sa mère, Monique Follot est aussi la descendante d’une célèbre famille juive alsacienne, les Cerf Berr, qui ont été des acteurs majeurs de l’émancipation des Juifs de France. Cerf Berr de Medelsheim (1726-1796) fut syndic de la Nation juive (la Medina) et, son fils, Théodore/Todross Cerf Berr (1765-1836) fut représentant des Juifs d'Alsace aux États généraux en 1789, membre de l'Assemblée des notables et du Grand Sanhédrin. Voir https://www.alsace-histoire.org/netdba/cerf-berr-medelsheim/

[8] Ibidem, p. 114.

[9] Réalités, Paris, Société d’études et de publications économiques, Noël 1949, p. 100-106.

[10] « Michel Bolloré », L’Entreprise, n° 3, 1er mai 1953, p. 30.

[11] Chiffres donnés en 1949 par la revue Réalités, op. cit.

[12] L’Entreprise, id.

[13] Jean Bothorel, op. cit., p. 61 : « Jacques Duhamel […] était un véritable sésame dans les milieux du pouvoir ». Dans leur ouvrage, Nathalie Raulin et Renaud Lecadre insistent sur le rôle du réseau de relations dans la reconquête des capitaux par Vincent Bolloré.

[14] Cédric Pietralunga, « Vincent Bolloré, l’opportuniste », in M, le magazine du Monde, supplément n°21384, Paris, Société éditrice du Monde, 19 octobre 2013, p. 67-72.

[15] Jean Bothorel, op. cit., p. 60.

[16] Cité par Christine Le Portal, "Bolloré, des papeteries à la haute technologie", ArMen, n°26, avril 1990, p. 12.

[17] Nous n’avons pas trouvé la date de cet événement-clé, mentionné toutefois avant 1975. Dans les années 1960, Michel Bolloré aurait aussi exercé des fonctions de conseil auprès de la présidence de Spie Batignolles (liée au baron Empain). En outre, il aurait été l’un des administrateurs de Schneider, de Jeumont-Industrie, de Jeumont-Schneider, de Paribas, de Job et de Société de banque et de participation. Ces informations fournies par Wikipédia ne sont néanmoins pas sourcées.

[18] Jean Bothorel, op. cit., p. 69. Le récit de la crise de 1975 par Jean Bothorel est lacunaire.

[19] Selon Jean Bothorel, il aurait fait appel, dans un premier temps, au baron Empain.

[20] Nathalie Raulin et Renaud Lecadre, Vincent Bolloré, Enquête sur un capitaliste au-dessus de tout soupçon, Paris, Denoël, coll. Impacts, 2000, p. 35.

[21] Id.

[22] Jean Bothorel, op. cit., p. 70.

[23] Son fils, Vincent, réfute dans le livre de Jean Bothorel.

[24] Cédric Pietralunga, op. cit. : « Le patriarche dut vendre une partie de l’empire pour subsister, même les maisons de Bretagne construites […] pour loger les ouvriers. »

[25] Propos rapportés par Jean Bothorel, op. cit., p. 55. Entretien mené le 13 avril 2007.


Dictionnaire : Feunteun (Michel)

Feunteun (Michel)

 
Feunteun (Michel), cultivateur à Gongallic, maire d'Ergué-Gabéric de 1855 à 1862. Né le 30 avril 1818 de Michel Feunteun et de Marie-Jeanne Le Gars, il épouse Anne Kergourlay en 1836, puis Marguerite Le Roux en 1839. J.M. Déguignet le décrit comme "un vieux paysan qui se faisait passer pour très savant, aussi plein de fierté et de vanité que d'ignorance".
 

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Dictionnaire : « Le Champ »

« Le Champ »

 

C’est le nom d’un quartier de Lestonan. Cette autre « cité ouvrière » a été construite pour faire face aux besoins en logements des ouvriers : René Bolloré acheta un champ (« ar park ») situé derrière les cafés Donnard et Molis. Le terrain fut vendu en lots à seize familles, chacune se chargeant des travaux de construction. Les premières maisons furent habitées à partir de 1923. Même si le tracé des rues et l’implantation des maisons n’a pas changé, ces dernières ont bénéficié depuis de nombreux agrandissements et aménagements.
 
Quartier Le Champ Cadastre 2017
 

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Dictionnaire : Rue Ar Ster

Rue Ar Ster

 
C’est en fait, à l’origine, en 1928-1929, un lotissement : dans un champ situé à droite de la route venant du Bourg, à l’entrée de Lestonan, six ouvriers de chez Bolloré ont construit leurs six maisons de part et d’autre d’une route d’accès qui partait face au Café Joncourt. D’abord appelée « Rue des Lavoirs », elle est baptisée « Rue Ar Ster » en 1983.
 
Rue Ar Ster Cadastre
 

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Dictionnaire : Blue Car

Blue Car

 
Prototype de voiture électrique mise au point à Ergué-Gabéric par Batscap, filiale à 95 % du groupe Bolloré. Le prototype a roulé pour la première fois en public de Stang-wenn à Penn-Carn Lestonan en novembre 2007. Bolloré a conclu un accord avec le constructeur italien Pininfarina pour la construction d'un modèle grand public commercialisé en 2010. Les batteries au lithium-métal-polymère construites à Ergué-Gabéric assurent au véhicule une autonomie annoncée de 250 km pour une vitesse maximale de 130 km/h.
 
Blue Car 2
 
 

Dictionnaire : Batscap

Batscap

 
Le groupe Bolloré a inauguré jeudi 24 septembre 2013 une nouvelle usine de Pen-Carn. On y fabrique les batteries au lithium métal polymère (LMP) qui équipent la Blue Car, une voiture électrique construite en Italie par Pininfarina. L'usine de Pen-Carn marque un tournant dans la longue histoire de la papeterie d'Odet, construite en 1822. Dans les années 1970, elle s'est tournée vers la production de films extrudés extra-mince. L'usine de Pen-Carn, sous le nom de la filiale Batscap, est le quatrième site industriel du groupe Bolloré sur Ergué-Gabéric. Elle emploie 150 ingénieurs techniciens et chercheurs.
 
Usine de Pencarn
 
 

Dictionnaire : OCB

Le papier à cigarette OCB a été créé en 1918 et cédé par le groupe Bolloré en 2000 au groupe Republic Tobacco, de Chicago. OCB est formé de trois initiales. O comme Odet, lieu dit en Ergué-Gabéric, où se trouve le siège social de Bolloré ; C, comme Cascadec, lieu-dit en Scaër, où se trouvait une usine du groupe, qui appartient aujourd'hui au groupe Glatfelter ; B, comme Bolloré, fabricant de papier à Ergué-Gabéric depuis 1822. Pour plus d'informations sur la marque et ses différentes gammes à travers l'histoire, consultez la page Wikipédia consacrée à OCB.
 
Fabrication de l'OCB par Man Kerouedan_1
 
Fabrication OCB Mann Kerouedan 2
 
Deux schémas de Mann Kerouedan, ancien conducteur de machine,
détaillant les
techniques de fabrication de l'OCB dans les usines Bolloré.

 

Henri Le Gars raconte l'OCB

De garçon de course à chef de service, Henri Le Gars a passé sa carrière à l'usine d'Odet. En août 2017, il a livré à Isabelle Rahavi un témoignage sur la fabrique de papier. L'usine OCB constituait, jusqu'en 1973, le centre névralgique de la vie à Odet. Henri a intégré le service des expéditions du papier à cigarettes un peu avant la Seconde Guerre mondiale : « Ce qui est drôle c'est que le tabac était rationné mais les gens fumaient quand même. On n'a jamais vendu autant de papier à cigarette. Ils faisaient pousser une belle saloperie dans leurs champs, qu'ils ne savaient pas faire sécher, et ça les empoisonnait plutôt qu'autre chose » Il est resté à Cascadec jusqu'à la Libération. Un an après son retour du service militaire, en 1947, l'usine Odet redémarre, retrouvant le charbon nécessaire à la turbine à vapeur. Henri Le Gars prend alors une place de comptable. Retrouvez le reportage entier sur le site d'Ouest-France ici.

 

L'OCB dans les années 1930

En 1991, dans le numéro 30 de la revue Armen, Christine Le Portal a consacré une partie de son reportage sur les papeterie Bolloré à la fabrication du papier OCB. Nous vous en livrons ici l'extrait.


Dictionnaire : Le Marié (Nicolas)

Le Marié (Nicolas) 1798 - 1870

Le Marié (Nicolas) fils de François Le Marié (1754-1825), et de Perrine Gosselin (?-1802), né à Quimper, fonde la papeterie d'Odet en février 1822.
 
 

Nicolas Le Marié détouré médaille 1922Le fils de marchand

Son père, François, né en 1754 dans l'Orne, fils de marchand, appartient à la bourgeoisie normande. François se marie en 1784 à Malestroit avec Perrine Gosselin, qui est originaire de cette même commune. On le retrouve ensuite en 1796 à Quimper, où il commerce dans la faïence, place Maubert. Selon un discours de l'abbé Faouët, il aurait également dirigé une manufacture de tabac à Morlaix. En 1801, François achète une maison à Kerbernès, en Plomelin. Perrine y décédera un an plus tard. Nicolas, son fils, n'a alors que 4 ans. Par la suite, le jeune homme est formé par les prêtres du collège de Saint-Pol-de-Léon. Ci contre : portrait de Nicolas Le Marié par PV Dautel sur une médaille réalisée pour le centenaire de la papeterie en 1922.
 
 

La fondation de la papeterie

Après sa formation, Nicolas ne peut pas prendre la relève de son père à la manufacture : par la loi de 1816 sur le monopole définitif de l'État, il est forcé de diriger ailleurs ses activités. À 24 ans, il choisit donc le site d'Odet, encore inhabité, pour créer une papeterie qui fonctionnera à la houille blanche, ce qui est relativement inhabituel à cette époque. De 1822 jusqu'à 1862, il dirige et développe considérablement la papeterie : de 31 ouvriers en 1828, il en emploie 110 en 1860. La production de papier et les salaires augmentent aussi.
 
 

Vie politique

 Nommé par le préfet maire de la commune d'Ergué-Gabéric le 19 février 1832, il démisionne rapidement, en octobre suivant, estimant n'avoir pas la disponibilité nécessaire pour remplir cette fonction. Néanmoins, il reste conseiller municipal plus de dix ans. Il est donc loin d'être absent de la vie politique locale. En 1840, il exerce son influence pour un transfert du bourg vers Pen-Carn Lestonan, à proximité de la papeterie. Le projet est abandonné en 1842, l'équipe d'Hervé Lozac'h s'y opposant.
 
 

Vie familiale

Nicolas Le Marié a épousé Marie Le Pontois. Il aura avec elle trois enfants : un aîné et une cadette qui décèdent jeunes, une benjamine qui devient religieuse. La famille habite à Odet, avec un cousin et des domestiques. Une trentaine de papetiers sont installés comme eux près du moulin d'Odet.
 
 

La succession à Odet

Nicolas Le Marié n'a pas d'héritier direct. Mais sa sœur, Marie-Perrine Le Marié, a épousé en secondes noces Jean-Guillaume-Claude Bolloré (1819). Ce dernier dirige une fabrique de chapeaux à Locmaria (25 ouvriers). Jean-Guillaume, qui signe "Bolloré aîné" (par rapport à ses frères), participe dès les années 1850 aux affaires de Nicolas Le Marié, son beau-frère. Après une chute accidentelle qui l'a fortement diminué, Nicolas Le Marié laisse la direction des papeteries à son neveu Jean-René, le gendre de Jean-Guillaume Bolloré, en 1862.
 
 
Nicolas Le Marié décède le 24 mars 1870, à l'âge de 72 ans.
 
 
Source : d'après Pierre Faucher, La papeterie d'Odet, 2018, classeur disponible au local de l'association Arkae.

Dictionnaire : Keranna (Cité ouvrière de)

Cité ouvrière de Keranna

 

Entre 1917 et 1919, pour répondre aux besoins en logement de son personnel, René Bolloré fait construire la première cité ouvrière du Finistère, composée de 18 habitations en bande. Installées en forme de U autour d’une cour plantée de tilleuls, les maisons disposent de deux jardins chacune et d’un puits commun. René Ménard, architecte nantais, a dessiné ce lotissement et en a dirigé la réalisation. Ainsi s’est constituée, à 250 mètres du centre de Lestonan, une communauté d’une centaine d’habitants organisée autour de la papeterie, du patronage, des jardins ouvriers, des écoles, puis de la chapelle de Keranna. À partir de 1977, les difficultés de trésorerie de la papeterie conduisent à la vente des ailes nord et sud à des particuliers (souvent résidents). Plus tard, l’office HLM de Landerneau devient propriétaire des logements de l’aile est. 

 

Description détaillée

 

Dessin aile sud et nord cité de Keranna DRAC 2013

Dessin aile est cité de Keranna DRAC 2013

Schéma des ailes sud et nord (haut) et de l'aile est (bas) par les STAP (rapport de la DRAC, 2013).

 

La cité est située en rebord de plateau, juste au-dessus de la vallée de l’Odet. La surface totale du terrain est de 11 500 m2. Cet ensemble de logements, trois corps de six habitations mitoyennes, est ordonné autour d’une cour intérieure (33 x 65 m) plantée de deux allées de tilleuls (2 x 2 rangs). Le tout forme un fer à cheval s’ouvrant vers la vallée et conduisant à la papeterie. Chaque logis possède un jardinet côté cour, un potager côté rue, ainsi qu’une dépendance/un appentis privatif à l’extérieur du U. Au centre du placître se trouve un puits, à l’ouest un escalier de pierre descend vers la route et le jardin collectif. Les habitations de l’aile est diffèrent un peu de celles des deux autres ailes. Les « maisons est » disposent de deux niveaux ; les « maisons nord » et « sud » d’un rez-de-chaussée avec combles. Au début du XXe siècle, selon les habitations, les sols étaient cimentés ou non. Quant à l’aspect extérieur des logements, il est inspiré de l’architecture bretonne, comme le suggèrent l’encadrement des entrées, avec arc en plein cintre, et les lucarnes. Influencé par le « style pittoresque » du début du siècle, l’architecte a conçu les murs en pierres naturelles apparentes. Ajoutons que de 1919 à 1939, les portes et fenêtres ont été peintes dans des couleurs différentes. Dans son aménagement, la cité est probablement inspirée des « town countries » ou cités-jardins théorisées par Ebenezer Howard en 1898 et popularisées en France par Georges Benoît-Lévy en 1904. Keranna fait ainsi la part belle aux espaces verts publics et privés, qui s’intègrent harmonieusement dans le lotissement.

 

Plan cadastral Cité de Keranna 2017

D'après © Cadastre.gouv (2017). La cité de Keranna est signalée par un encadrement rouge.

 

Le maître d’œuvre, René Ménard

Charles René Ménard est né 1876 à Nantes et mort en 1958 dans la même ville. Il est le fils de René Michel Ménard (1843-1895), un architecte important de la région nantaise, et le petit-fils de Louis Charles René Ménard, sculpteur. En 1894, il entre à l’École des Beaux-Arts de Paris, fait ses études à l’atelier Pascal et sort diplômé en 1901 (DPLG). Dès l’obtention de son diplôme, il reprend le cabinet de son père et récupère une clientèle essentiellement privée. À la suite de son père, il fera trois voyages de formation en Italie, puis en Belgique et en Hollande, d’où il rapportera un intérêt durable pour l’architecture de brique. Sa première réalisation, le dispensaire antituberculeux Jean-V à Nantes, est marquée par l’influence italienne et par un goût du néo-classique hérité de son père. Dans un discours de René Bouwens de Boijen à la Société centrale des architectes, Charles-René est d’ailleurs présenté comme un « digne continuateur des anciennes traditions[1] ».
Dans leur cabinet nantais, les Ménard reçoivent une clientèle religieuse, aristocratique et bourgeoise. C’est dans ce réseau que René Ménard rencontre René Bolloré, un ami personnel de sa famille. Rappelons que la famille Bolloré était originaire de Nantes et que « René II » était marié à Marie Thubé, fille d’un grand armateur nantais. Dans les années 1910-1920, René Ménard reçoit de l’industriel plusieurs commandes : la conception d’une nouvelle usine, l’extension du manoir familial (1910), l’élévation de la chapelle d’Odet (1921), la réalisation d’un monument aux morts (1923), la construction de l’école Saint-Joseph-Sainte-Marie et d’une cité ouvrière, Keranna. Les plans des bâtiments et un extrait de sa correspondance avec René Bolloré ont été publiés sur le site Historial du Grand terrier[2].
Par ailleurs, les travaux de René Ménard montrent une prédilection, non pour l’architecture industrielle, mais pour la conception de bâtiments religieux. L’architecte nantais consacra en effet quinze années à la construction du Mémorial de la Grande Guerre de Sainte-Anne-d'Auray (1922-1937). Pour ce projet, il travailla notamment avec Xavier de Langlais, artiste lié aux Seiz Breur, et Jules-Charles Le Bozec. L’église Sainte-Thérèse de Nantes, conçue en briques et en béton, fut aussi l’un des grands chantiers de Ménard. À Odet, il reconstruit en 1921-1922 la chapelle Saint-René à partir d’un bâtiment existant.
Keranna n’est pas tout à fait un objet ordinaire dans la production de René Ménard. L’architecte nantais n’est pas vraiment un habitué des constructions ouvrières. On l’a vu, il incline davantage vers la brique que vers la pierre naturelle, vers le religieux que vers l’industriel. En revanche, la cité est le fruit d’une longue collaboration avec son maître d’ouvrage, René Bolloré. 

 

Panorama Cité de Keranna 2013 DRAC

 À gauche, panorama de la cité de Keranna à partir de l'escalier en pierres (rapport DRAC, 2013).
À droite, la perspective de l'allée des tilleuls menant vers la papeterie.

 Vue satellite de la cité de Keranna

Vue satellite de la cité de Keranna.
Source : https://www.commune-mairie.fr/photo-satellite/ergue-gaberic-29051/

 

Le maître d’ouvrage, René Bolloré

Dans les années qui précèdent la construction de Keranna, René Bolloré (1886-1935) développe fortement les activités de l’usine. Il construit des bureaux à Odet et y aménage un laboratoire. À la veille de la Grande Guerre, les papeteries comptent déjà 200 employés. À ce stade de développement, il faut maintenir une partie des effectifs sur place, en particulier les ingénieurs et les ouvriers qualifiés, qui viennent parfois de loin et assurent l'encadrement de la main d’œuvre locale[3].
De 1914 à 1917, René Bolloré est mobilisé, mais cela ne freine pas pour autant ses projets. Pendant la guerre, il fait remplacer de vieux bâtiments de la papeterie par des constructions plus fonctionnelles. En 1917, René Bolloré est réformé ; il revient à Odet et les choses s’accélèrent : il achète l’usine de Cascadec, installe deux nouvelles machines et entame la construction de la cité de Keranna. Selon Louis Mahé[4], c’est l’entreprise Thomas qui se charge du chantier, qui durera un à deux ans. Les maisons seront occupées dès 1919.
De manière générale, René Bolloré montre un intérêt fort pour la belle pierre et le patrimoine, ce que l’on constate, d’une certaine manière, à Keranna. Ainsi, dès 1911, année de son mariage, il fait appel à René Ménard pour l’extension de son manoir. S’en suit une collaboration longue, puisque l’architecte honorera ses commandes pendant une quinzaine d’années. Leur correspondance[5] montre que René Bolloré investissait beaucoup de son image dans ces constructions : « ne rien négliger pour avoir un résultat parfait […] à l'abri de toute critique impartiale, et digne en tous points de son fondateur ».

 

Un projet de catholicisme social

Avec cette cité ouvrière, René Bolloré concrétise dans la pierre ses convictions catholiques et sociales. Sur le catholicisme social du directeur des papeteries, nous renverrons simplement à l’article qui lui est consacré sur notre site. En outre, l’article Wikipedia sur les cités ouvrières nous renseigne sur les idées qui ont pu inspirer le maître d’ouvrage : « Ces patrons sont durablement marqués par les théories de Saint-Simon (1760-1825), qui préconisent une attitude éclairée des nouvelles élites capitalistes. L’idée de Saint-Simon est d’instituer un nouveau christianisme dont les fondements seraient la science et l’industrie, et l’objectif la plus grande production possible[6]. »
L'une des figures emblématiques du catholicisme social est Léon Harmel (1829-1915), patron d'une filature de laine, le Val des Bois à Warmeriville près de Reims, et créateur d'une sorte « catéchisme social ». Dès 1840, il construit des logements ouvriers, avec jardins, buanderies et pompe à eau commune. Autour de l'usine, l'industriel met en place divers équipements sociaux et religieux : chapelle, « maison syndicale », « maison de famille », école, théâtre... Tout cela forme, ensemble, la cité industrielle chrétienne, la fabrique-béguinage à laquelle Léon Harmel aspirait (voir Association pour le patrimoine industriel de Champagne-Ardennes, http://www.patrimoineindustriel-apic.com/bibliotheque/atlas/Atlas8.pdf, archive consultée en 2020). Dans cette cité, l'autonomie des ouvriers aurait tenu une place relativement importante : « Léon Harmel entreprend de faire de son usine une sorte de communauté chrétienne où les ouvriers dirigent eux-mêmes un ensemble d'œuvres sociales : mutuelle scolaire, enseignement ménager, cité ouvrière... Il institue, en 1883, la participation des travailleurs à la direction et au maintien de la discipline dans l'entreprise. De plus une caisse de famille, gérée par une commission ouvrière, est chargée d'attribuer des subventions en argent ou en nature. » (Paul Claudel, « Léon Harmel », Encyclopaedia Universalis, consulté le 16 octobre 2020).
On sait que, dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe, des visiteurs venaient puiser l'inspiration au Val des Bois. Il est donc fort probable qu'en 1919 René Bolloré ait été influencé par cette réalisation. René Bolloré est par ailleurs lié au père jésuite de La Chevasnerie (1889-1968), issu de la noblesse du pays nantais. René-Marie de La Chevasnerie a lui-même fondé en 1949, à Brest, une congrégation de Servantes de l'Agneau de Dieu, qui accueille des religieuses handicapées, dans un bâtiment qui a certaines similitudes avec Keranna.

 Keranna

Keranna dans les années 1920.

 Warmeriville cité

Logements ouvriers du Val des Bois (Warmeriville). Ici, une vue des cités Jeanne-d'Arc, composées de
12 maisons individuelles et réalisées en 1897. Elles remplacent d'anciennes habitations collectives
construites en 1845, où logeaient jusque-là les ouvriers. Source : Daniel Tant, "Warmeriville en cartes postales",
 
http://dtant.free.fr/133.pdf, consulté en 2020.

 

Maison de retraite Ty Yann Congrégation Père de la Chevasnerie carte postale

Carte postale : bâtiments de la congrégation des Servantes de l'Agneau de Dieu,
actuelle maison Ty Yann à Brest.

 

La vie en vase clos

Paradoxalement, cet habitat « collectif » de Keranna est séparé des autres maisons de Lestonan. Bordée au nord par des bois, encerclée par les appentis et les routes, la cité est « exclue de la trame parcellaire environnante ». L’Union départementale de l’architecture et du patrimoine parle même à son sujet d’« enclave ». Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la cité était, en outre, entourée de talus, barrières et portails. L’accès n’est pas simple : pour entrer dans la cour et approcher du puits, le passant doit monter un escalier ; la cité étant séparée de la route par un dénivelé. « [Keranna] ne s’ouvre, finalement, que vers l’usine et le domaine du manoir Bolloré[7] . »
La séparation est géographique et sociale : la cité de Keranna se distingue à la fois de Lestonan, où logent les autres ouvriers, et de la campagne d’Ergué-Gabéric, où les fermes sont dispersées en très petits hameaux. Et de fait, les logements ont été construits pour accueillir les employés, les ingénieurs et les ouvriers les mieux placés dans la hiérarchie de l’usine. Laors Huitric, ancien habitant de Lestonan, en témoigne dans le cahier n°7 d’Arkae : « J'ai vu construire Keranna. C'était fermé tout autour par des portails : pour entrer, il y avait juste une petite barrière. C'étaient tous des "caïds" qui habitaient là : ceux des bureaux, des conducteurs de machines, etc. Les gosses des autres quartiers n'avaient pas le droit d'y aller. Au début, on y a planté des arbres et mis de la pelouse, qu'on coupait à la faucille. J'ai été plusieurs fois la couper. Au milieu, on avait fait un jeu de boules, mais personne n'allait jouer, car cela faisait trop de bruit et empêchait les gens qui travaillaient de faction de dormir[8]. »
On l’aura compris, Keranna n’était pas tant une cité « ouvrière » qu’un village réservé aux cadres et « agents de maîtrise » de la papeterie. Ces habitations, louées à un prix modique[9], servaient à garder des employés précieux par leur fonction ou leur savoir-faire. Ainsi les maisons se transmettent parfois d’une génération à l’autre.
Néanmoins, tout comme les chapelles d’Odet, le patronage et les écoles, les logements ouvriers font partie d’un ensemble qui appartient entièrement à l’employeur. C’est ainsi que ce dernier modèle les rapports entre employés et les maintient dans une certaine structure. Cette situation peut expliquer le faible développement des syndicats ouvriers à Odet jusqu’aux années 1930. Bernard Ganne relève une situation tout à fait similaire à Annonay, ville des papetiers Montgolfier en Ardèche : « Le secteur du papier fonctionnait un peu à la manière d'une aristocratie industrielle […] puisque ayant transposé là tout ce qui caractérisait l'ancienne noblesse terrienne : ici transmission héréditaire des privilèges et des domaines, là du savoir technique et des usines (n'était-on pas déjà ingénieur de père en fils depuis Pierre de Montgolfier ?). Même attitude patrimoniale vis-à-vis des classes assurant la production, entretenues non seulement économiquement (avec garantie plus ou moins tacite de l'emploi : plus tard pendant la guerre, on gardera les ouvriers alors même que manque le travail : n'a-t-on pas des obligations vis-à-vis des gens de sa maison ?) mais encore idéologiquement (participation au prestige de tel domaine ou « maison », à la production de tel article « noble »... ) dans tout un contexte social doté de structures urbaines spécifiques (le château, le domaine-usine, les villages, avec leurs écoles, leurs commerces, leur église, leurs fêtes, etc.), dépassant de beaucoup le paternalisme individuel ou occasionnel qui sera le fait d'un patronat plus bourgeois : même s'ils ont ensemble quelques points communs, les villages papetiers ne sont pas les cités ouvrières[10]. »
Pour fonctionner en vase clos, de manière autarcique, une cité a besoin de commerçants qui l’approvisionnent. Henri Le Gars, qui a vécu à Keranna, évoque les commerces et les marchands ambulants qui « livraient à domicile » : poissonniers, triporteurs, vendeurs de tissu et chiffonniers se déplacent, avec une cargaison souvent lourde, jusqu’à la cité. Ces personnages font eux aussi partie du paysage, de l’écosystème, de la papeterie. Cependant, pour pénétrer dans la cité, ils doivent montrer patte blanche : « La cité de Keranna était entourée de talus, avons-nous dit. Pour y pénétrer, il y avait d'abord les escaliers donnant sur la route menant aux papeteries, et que seuls pouvaient emprunter les piétons. Une barrière cadenassée, avec un portillon pour les piétons, se trouvait à l'entrée actuelle, près de Pen-ar-Garn. Une seconde barrière identique était située à l'autre bout de la rue actuelle de Pen-ar-Garn […] Les clés des cadenas de ces barrières se trouvaient chez le vieux garde-chasse Léonus, résidant dans la dernière maison de l'aile nord. Les différents livreurs qui se présentaient – à l'époque avec leur voiture à cheval : charbonniers, paysans ou autres – devaient donc retirer les clés pour pouvoir entrer. En ce temps-là, tout était étroitement surveillé par le père Hascoët, contremaître[11]. » Même la taille des tilleuls, ajoute-t-il, est contrôlée ! 

 

Années 1930-1940 : Keranna évolue

Si la cité reste relativement enclavée dans les années 1920, à partir des années 1930 elle commence à profiter des possibilités offertes par les véhicules motorisés. Dans cette décennie, les médecins viennent en automobile ou à moto de Quimper ou Briec ; et dès 1939, Mme Blanchard, la sage-femme dispose d’une automobile pour ses soins à domicile. Même si les moyens de locomotion restent assez rares jusqu’au milieu du siècle, la cité compte dès 1936 quatre voitures, pour lesquelles on construira des garages.
Le confort moderne arrive aussi dans les habitations. Selon Henri Le Gars, l’électricité est disponible à Keranna dès 1933, quand le bourg l'attendra jusqu’en 1950. Pour l’eau courante, Keranna devra patienter jusqu’à 1964.
Dans les années 1930, une société de loisirs se fait jour. La cité de Keranna en bénéficiera peut-être plus tôt que les autres villages de la commune. René Bolloré fera construire un ensemble d’installations à cet effet. Avec l’inauguration du patronage en 1931, les habitants de la cité disposent en effet à Lestonan d’un terrain de football, d’une salle de gymnastique, de séances de cinéma régulières, d’une troupe de théâtre et, notamment, d’un car conduit par le transporteur des usines Bolloré. Signalons qu’en 1936, les congés payés permettent aux salariés de s’affranchir pour quelques jours de leur travail, et parfois, de la cité. En dehors d’évènements comme les kermesses, Henri Le Gars mentionne un temps fort qui réunit une fois par an les habitants de Keranna : la Saint-Jean, d’abord fêtée à l’extérieur de la cité, puis à l’intérieur : « Tous les ans, au mois de juin, le 24 (à la Saint-Jean) et le 29 (à la Saints-Pierre-et-Paul), sur la route non encore goudronnée et en l'absence de toute circulation, on allumait un grand feu face aux escaliers d'accès à la cité. Les artificiers en herbe pouvaient se procurer des pétards chez Vonne Coustans, ainsi que "crapauds", "soleils", etc. pour quelques sous. Une fois le feu presque éteint, les cendres étaient mises en vente au plus offrant. Le goudronnage de la route en 1937 ou 1938 mit dans l'obligation de déplacer la place du feu à l'intérieur de la cité, vers l'entrée côté Penn-ar-garn. »
Peu avant la Seconde Guerre mondiale, une ligne de cars s'ouvre. Comme le signe d’une nouvelle ouverture, les sapins qui bordaient les ailes nord et sud sont abattus pendant l’Occupation. Devenus très grands, ils faisaient de l’ombre aux habitations.

 Cité Keranna années 53 54

La cité de Keranna vers 1953-1954.

 1ère voiture à Lestonan 1934

La première voiture à Lestonan, en 1935.

 

1977 : la cité ouvrière est vendue aux particuliers

Dans les années 1970, la papeterie traverse une crise. En 1977, le groupe Rothschild, qui a racheté l’entreprise, décide de vendre les habitations des ailes nord et sud de la cité. Ces dernières sont acquises par les résidents ou par d’autres personnes. Les propriétaires peuvent alors aménager à leur gré les maisons. Quant à l’aile est, elle est vendue à la municipalité, qui la cède ensuite à l'office HLM. L’office opère alors des travaux d’aménagement. À cette même période, certaines « installations Bolloré », tels que le patronage et les écoles, sont cédées à la municipalité. L’allée de tilleuls reste la propriété de la Ville d’Ergué-Gabéric.
Au début des années 1980, le garage et les transports Bourbigot passent de la rue du Bigoudic à l'impasse de Keranna. Cette décennie est celle de Bolloré-Technologie, qui draine les employés quimpérois vers le quartier de Lestonan, lequel monte alors à 1450 habitants. Elle voit aussi apparaître, à quelques kilomètres, l'échangeur de la voie express, au Rouillen, qui renforce la liaison avec les autres agglomérations bretonnes.

 

Vue en drone Keranna TBO 2020

Vue de Keranna en drone, 2020. © Tébéo, Frédéric Lorenzon.

 

XXIe siècle : un modèle à conserver et à suivre

Au tournant du siècle, la cité de Keranna attire l’attention des organismes chargés de la conservation du patrimoine. Avec la cité du gaz à Quimper (Pers et Ferlié, 1929), elle-même inspirée de la cité de Bolloré, Keranna est en effet l’une des rares cités ouvrières du Finistère. La qualité de cet ensemble architectural provient, selon le Service territorial de l’architecture et du patrimoine, de « l’échelle du bâti, des détails architecturaux, comme le traitement des angles, mais également des matériaux de construction, en pierre naturelle ». Or, regrettent-ils, les « aménagements apportés [à partir de 1977], sans doute pour des raisons d’hygiène et de confort, ne respectent pas forcément la qualité constructive d’origine ». Sont pointés les coffrets et vérandas ajoutés aux habitations, dont le détail n’était pas intégré au projet de départ, et qui altèrent l’homogénéité de l’ensemble.
Grâce à ses nombreuses parcelles de jardins, elle retient aussi l’intérêt des contemporains désormais soucieux de vivre plus près de de la nature. C’est notamment le grand jardin commun qui est remarqué par les STAP[12] : « L’échelle des arbres s’harmonise avec la hauteur du bâti. Leur présence et leur rythme donnent de l’ampleur et de la majesté à cette grande pelouse ornée d’un puits. […] Ce vaste espace semi-public est le lieu le plus précieux de Keranna. »
En octobre-novembre 2020, une exposition du CAUE de Concarneau, « La leçon des villes [13] », met en lumière la cité de Keranna aux côtés d'autres formes d'occupation de l'espace dans le Finistère. À cette occasion, Frédéric Lorenzon réalise pour la station RBO un reportage sur Keranna avec Floriane Magadoux, architecte du Conseil d’AUE du Finistère, et Olivier Hérault, paysagiste. Il y adjoint un entretien précieux avec Henri Le Gars[14]. Cet intérêt renouvelé des architectes pour la cité de René Ménard tient notamment au dialogue qu’il a réussi à construire entre convivialité, grâce à l’espace commun du placître, et intimité, grâce aux jardinets attenant aux maisons. Côté bâti, les architectes relèvent aussi un équilibre idéal entre densité d’habitat et préservation de la vie privée.

Maquette cité de Keranna CAUE La leçon des villes 2020

Maquette de la cité de Keranna réalisée par Floriane Magadoux, Olivier Hérault
et les Maquettes Bertho pour une exposition du CAUE du Finistère,
"La leçon des villes", à Concarneau fin 2020.

 

Maison avec jardinet mignon Cité de Keranna Photo DRAC 2013

Maison de la cité de Keranna, avec jardinet côté cour. © DRAC, 2013.

 

Synthèse effectuée par Marilyne Cotten

 

Notes :

[1] Cité par Gilles Bienvenu & Jacqueline Robin-Aufret, dans Architectes et urbanistes à Nantes, Nantes, éd. CERMA, 1981, p. 16.

[2] http://grandterrier.net/wiki/index.php?title=1910-1928_-_Les_plans_gab%C3%A9ricois_de_l%27architecte_Ren%C3%A9_M%C3%A9nard_pour_l%27industriel_Ren%C3%A9_Bollor%C3%A9

[3] Voir l’article « Cité ouvrière » de Wikipedia : « Créer une cité ouvrière à proximité de son usine n’est pas simplement une œuvre philanthropique. C’est avant tout un calcul de rentabilité du travail. Elle permet en effet de garder à proximité du lieu de production une population réputée très mobile et ainsi de conserver le plus longtemps possible les bénéfices d’une main-d’œuvre généralement très qualifiée. » https://fr.wikipedia.org/wiki/Cit%C3%A9_ouvri%C3%A8re

[4] Voir Mémoires de Lestonan, op. cit., p. 42.

[5] Conservée aux Archives départementales de Loire-Atlantique et en partie publiée par le site Grand terrier.

[6] Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cit%C3%A9_ouvri%C3%A8re

[7] UDAP 29, « Opération cité Ker Anna », Étude sur les lotissements pavillonnaires en Bretagne (1945 à 2011), Rapport des Services départementaux du ministère chargé de la conservation et de la protection du patrimoine historique à la Direction régionale des affaires culturelles de Bretagne, Rennes, février 2013, p. 22-23. Rapport consultable en ligne, sur le site du ministère de la Culture. Dans un article d'Ouest-France, "Lestonan tranquille, la fin d'un jeu de mots" (1987), Laurent Quévilly confirme cette "vie quasi-autarcique organisée autour d'équipements propres".

[8] Collectif, Mémoires de Lestonan, op. cit., p. 42.

[9] Selon Henri Le Gars, les loyers étaient différents selon la profession : pour un conducteur de machine, il était entièrement pris en charge par l’usine, pour des employés mieux pourvus, il était modique, équivalent de 120 euros à l’année. D’après un témoignage recueilli par Frédéric Lorenzon dans un reportage pour Tébéo, émission « Archi à l’ouest », diffusé le 24 septembre 2020.

[10] Bernard Ganne, « Gens du cuir, gens du papier. Systèmes industriels et systèmes sociaux locaux. Le cas d'Annonay entre les deux guerres », Terrain, Paris, Mission du patrimoine ethnologique, n°2, mars 1984, p. 5-17.

[11] Collectif, Mémoires de Lestonan, Ergué-Gabéric, 1910-1950, éd. Arkae, cahier n°7, 2007, p. 50.

[12] Services départementaux du ministère chargé de la conservation et de la protection du patrimoine historique. Rapport cité en note 5.

[13] Exposition itinérante « La Leçon des villes », octobre-novembre 2020, Écopôle de Concarneau Cornouaille agglomération. 

[14] Frédéric Lorenzon, « Archi à l’ouest », émission du 24 septembre 2020 à partir de 7:50 mn : https://www.tebeo.bzh/replay/176-archi-a-louest. A ce sujet, voir aussi l'article de Benoît Bondet dans Le télégramme : https://www.letelegramme.fr/finistere/ergue-gaberic/la-cite-de-keranna-a-ergue-gaberic-passe-a-la-tele-ce-jeudi-23-09-2020-12623771.php

 

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Dictionnaire : Thubé (Gaston)

Thubé (Gaston)

Gaston Thubé fut le codirecteur de la papeterie d'Odet de 1935 à 1945 avec René Bolloré III. Né le 16 octobre 1876 à Châteaubriant et mort le 22 juin 1974 à Paris, il est le frère de Marie Thubé, épouse de René Bolloré II, dont le père (également prénommé Gaston) était un grand armateur nantais. En 1912, il obtient avec ses deux frères une médaille d'or de voile aux JO de Stockholm. 

En 1935, il remplace René II, qui vient de décéder, et dirige les Papeteries Bolloré depuis Paris, déléguant son pouvoir à un homme qui a consacré toute sa vie aux papeteries : Louis Garin. Dans les années 1935-1945, ce dernier dirige l'usine d'une main ferme. Au moment de la Seconde Guerre, Louis Garin frôle les 70 ans. Pierre Faucher note dans son étude de la papeterie (2018, archive Arkae) que Louis Garin "ne se laisse jamais intimider par les Allemands".

 Gaston Thubé en 1912
Gaston Thubé en 1912, dans La Vie au grand air, 7 décembre 1912, p. 933-952.

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Dictionnaire : Bolloré (René II)

Bolloré (René) (II) 1885-1935

 

Liens familiaux

René II naît à Odet le 28 janvier 1885. Son nom complet est : René Joseph Marie Émile Robert. Il épouse en 1911 Marie Thubé, fille d'un armateur nantais. Ce mariage lui ouvre les portes de négociants anglo-saxons. Avec Marie Thubé, il aura quatre enfants : René, né en 1912, Jacqueline, née en 1914, Michel, né en 1922, et Gwenn-Aël, né en 1925.

 

Débuts

Il fait ses études au collège Saint-François-Xavier de Vannes. À 19 ans, il hérite de la papeterie d'Odet, entreprise alors en excellente santé, qui emploie une centaine de personnes bien formées et dispose d'un matériel moderne. René s'appuiera sur son beau-frère, Yves Charruel du Guerrand, pour s'initier au métier.

 

Apports industriels

Avec l'aide d'Yves Charruel, il va construire des bureaux à Odet, aménager un laboratoire, perfectionner le défilage et le raffinage de la pâte à papier. À la veille de la Grande Guerre, ses papeteries, réparties sur les deux sites d'Odet et Cascadec, comptent 200 employés. Son mariage avec la fille d'un important industriel nantais lui permet de tisser des relations avec des négociants anglais et américains. Grâce au réseau de son beau-père, il peut établir une croissance fondée sur l'exportation et créer des relations privilégiées avec des partenaires étrangers.

 

Développement pendant la Grande Guerre

Après avoir effectué son service militaire en 1907-1908, au 65e RI de Nantes, puis au 118e RI de Quimper, à l'issue duquel il est promu caporal, René II est mobilisé dès le 4 août 1914 au 11e escadron du train des équipages à Nantes. Le 14 septembre, il passe au 9e escadron, à Châteauroux ; puis souffrant d'une gastrite chronique, il est affecté au service auxiliaire le 14 août 1915. Le 2 novembre 1916, il est définitivement réformé suite à un ulcère à l'estomac. [Source : Jean-François Douguet, Ergué-Gabéric dans la Grande Guerre, Éditions Arkae, cahier n°18, 2014]. Pendant la guerre 14-18, l'usine d'Odet va continuer à se développer : une deuxième machine à papier y est installée, le matériel est presque totalement renouvelé, les vieux bâtiments sont rasés et remplacés par des constructions fonctionnelles. Enfin, une centrale électrique marchant au charbon est inaugurée. Éloignée du front, Odet n'est pas perturbée dans son fonctionnement. En 1917, l'usine de Casacadec, en location depuis 1893, est achetée. Deux machines à papier y sont installées et un canal de 500 mètres pour amener l'eau aux turbines d'une centrale hydro-électrique est creusé.

 

Prospérité dans l'entre-deux-guerres

Vers 1920, près de 700 ouvriers et ouvrières travaillent aux usines d'Odet et de Cascadec ; ils seront plus de 1000 en 1930-31 (cf. Livre d'or des papeteries). Des bureaux sont ouverts à Paris et des contacts internationaux sont négociés. L'entreprise fait affaire avec l'Europe, la Russie, la Chine et les États-Unis. Une participation dans les papeteries de Troyes, très modernisées, est prise dès 1920.
C'est une période de prospérité pour Odet. L'entreprise accompagne de nombreuses réalisations :
- la cité ouvrière de Keranna est construite en 1917-1919. Plus tard, les maisons des "Champs" seront bâties sur un terrain acheté par René II vers 1923-25.
- les écoles privées de garçons et de filles seront inaugurées en 1928-29.
- les activités sportives et les loisirs sont encouragés, avec la création de l'équipe de football des Paotred Dispount. Un terrain de sport et une salle de patronage s'ouvrent en 1930 et 1931.
- le centenaire de la papeterie est célébré avec faste en 1922 et de nombreuses fêtes se déroulent pour les anniversaires (25 ans d'entreprise de René Bolloré, Nouvel An, Fête-Dieu...).

 

Fièvre d'acquisitions immobilières et foncières

René II BolloréLa famille Bolloré vit à Nantes, à Odet et dans de nombreuses résidences secondaires, en particulier à Beg Meil, en Fouesnant, où elle dispose de trois villas. Elle peut également profiter d'un yacht de 32 mètres (le Dahut II). Dans Né gosse de riche, Gwenn-Aël Bolloré, fils de René II, énumère les différentes résidences de son père page 186 : "Comme certains collectionnaient les timbres, les étiquettes de boîte de camembert [ou de bouteille d'eau de table, comme Vincent], mon père collectionnait les résidences secondaires." René II acquiert par exemple le quart de l'île d'Houat (soit 60 hectares) "pour faire plaisir au recteur qui craignait l'installation d'un grand casino". À Merdrignac, en Brocéliande, il possède un terrain avec étang, où selon Gwenn-Aël, "pullulent les brochets, que mon père dispute à la marquise de Crussol". Vers 1910, il va créer un vaste parc à Odet, qui viendra en prolongement des bureaux de l'usine. Il y construira un élégant manoir, à la manière de Viollet-le-Duc, abrité de rideaux d'arbres et entouré de massifs de rhodendrons. Une chapelle (Saint-René !) y sera également bâtie, remplacée en 1922 par une construction gothique. Mais à une période où il achète de multiples propriétés autour de la papeterie d'Odet (Kerho, Quillihouarn...), René II rencontre des résistances. Ainsi, Louis Marie Barré, de Pen ar Garn, s'oppose à l'acquisition des terrains de Pen ar Garn, situés près de Keranna. De son côté, Jean-Louis Le Ster, du Cresquer, en Briec, s'oppose, malgré les indemnités qui lui sont accordées, au relèvement de sa prise d'eau qui provoque des inondations et submersions dans ses prairies. Une enquête publique a lieu en 1923 : très suivie, elle comporte 89 pièces administratives et aboutira à la construction de l'écluse d'Odet, qui a fonctionné jusqu'à la fermeture de l'usine en 1983. En 1929, c'est René Bolloré, cette fois, qui s'oppose à la construction d'un barrage dans le Stangala (dossier à consulter dans les archives d'Arkae) sur la rivière Odet pour la production d'électricité : "mes décantoirs et les terrains d'épandage seraient submergés d'un bout à l'autre de l'année".

 

Paternalisme teinté de religion

À l'instar des patrons du XIXe et du début du XXe siècle, René II Bolloré s'inscrit dans une tradition de paternalisme industriel, mélangé de religion. La volonté d'assurer au mieux la vie sociale des ouvriers est contrebalancée par un certain autoritarisme dans le cadre du travail en usine. La politique salariale de Bolloré elle-même est placée sous le signe du catholicisme social (caisse de retraite, égalité salariale hommes-femmes...). Par ailleurs, aucun document ne l'atteste, mais on peut imaginer que ce cadre moral ait pesé sur les employés et ouvriers, notamment en ce qui concerne la pratique religieuse et le placement des enfants dans les écoles.

 

Activisme religieux

Dans la période d'opulence que connaît la papeterie, René II interviendra fortement dans ce qui touche au domaine religieux. Son engagement pour l'enseignement catholique est conséquent après la séparation de l'Église et de l'État en 1905. En 1907, il achète le Likès (lycée de Quimper), tenu par les frères des Écoles chrétiennes, et loue à l'évêché pour l'installation du petit séminaire. Il construit des écoles chrétiennes à Lestonan en 1928-29. En 1922, il fait reconstruire la chapelle Saint-René à Odet ; en 1925, il fait construire celle de Cascadec, à Scaër. Des messes y sont dites régulièrement pour l'usine. Un prêtre résidera à Odet dans "la maison du curé" de 1929 à 1968. Quatre prêtres ont été nommés par l'évêque "vicaires à Odet" de 1929 à 1968 : Auguste Hanras, Yves Le Goff, Jean Corre et Jean-Marie Breton. L'abbé Louis Le Gall, vicaire de 1913 à 1927, qui résidait au presbytère du bourg d'Ergué-Gabéric, jette les bases des Paotred Dispount et des activités autour du patronage de Keranna. Dans les années 1960, sous une autre direction, une page importante sera tournée à Odet : la population ouvrière demandera que la pratique religieuse soit dissociée du lieu de travail et réalisée en dehors du périmètre de la papeterie. C'est ainsi que sera construite la chapelle de Keranna (Sainte-Anne), sur un terrain donné par la famille Bolloré à la paroisse d'Ergué-Gabéric. Elle ouvrira en 1968.

 

Décès et succession

René II décède le 16 janvier 1935 à 49 ans. Il fut convenu qu'aucun des fils Bolloré n'était en mesure d'assurer seul la direction des usines. René Bolloré, alors âgé de 24 ans, sera aux commandes, mais en second. C'est son oncle, Gaston Thubé, qui va vraiment tenir la barre.

 

Source : d'après Pierre Faucher, La papeterie d'Odet, 2018, classeur disponible au local de l'association Arkae.


Dictionnaire : Bolloré (René III)

Bolloré (René) (III) 1911-1999

 

René-Guillaume Bolloré, dit René III, est né à Ergué-Gabéric le 31 décembre 1911 et décédé le 27 décembre 1999. Ses frères et sœur sont Michel, Jacqueline et Gwenn-Aël. Il a dirigé l'entreprise Bolloré de 1935 à 1974, d'abord avec Gaston Thubé, puis, après la guerre, avec ses deux frères, en tant que PDG. Il s'est marié en septembre 1932 avec Denise Rivière, puis en 1938 avec Céline Khalaviska, et après guerre avec Geneviève Delcuze. En 1932, la bénédiction nuptiale eut lieu à la chapelle d'Odet et plus de 400 ouvriers des papeteries furent invités à un banquet au patronage de Keranna.

 

Jeunesse

Il est le fils aîné des frères Bolloré. Quand René II décède en 1935, René III est le successeur attendu de l'entreprise Bolloré. Néanmoins, il convient avec ses frères que Gaston Thubé, son oncle, dirigera avec lui l'usine pendant les premiers temps. Ce dernier sera actif de 1935 à 1947, période à laquelle les trois frères prennent le relais.

 

Résistance

En 1939, René III, qui a effectué son service dans les Poudres, est rappelé sous les drapeaux. En 1940, il est fait prisonnier à Angoulême, d’où il parvient à s’évader. Il regagne alors la Bretagne. En tant que directeur de l'usine de papier à cigarettes, ses fonctions l’appellent fréquemment à Paris, où il prend contact avec le réseau Alliance. Ses amitiés avec Marie-Madeleine Fourcade et le colonel Rémy datent de cette époque. Il sera lié à eux tout au long de sa vie. En 1942, il organise une évacuation par mer de résistants « grillés ». Il prend contact avec Ernest Sibiril, propriétaire d’un chantier naval à Carantec, et ensemble ils prennent la mer en 1943. À Londres, il apprend que son jeune frère Gwenn-Aël, âgé de 17 ans, a lui aussi trouvé un bateau, chez le même Sibiril, et vient d’arriver dans la capitale britannique. Les deux frères s'engagent dans les FFL, sous le nom de Bollinger. Gwenn-Aël fera partie, avec leur cousin Marc Thubé, du commando Kieffer ; René, lui, est sollicité par le BCRA, où il est admis avec le grade de sous-lieutenant, affecté à l'administration et aux services de renseignements. À la fin de la guerre, René Bollore sera démobilisé avec le grade de capitaine.

 

Direction des usines Bolloré

René III Bolloré Réalités 1949René III fut président directeur général de la papeterie de 1946 à septembre 1974. Comme il n'a pas une passion dévorante pour les activités d'industriel, ses deux jeunes frères seront donc les vértiables patrons de l'entreprise. Ceux-ci se répartiront les tâches en fonction de leurs compétences : à Michel la gestion administrative, commerciale et financière ; à Gwenn-Aël la direction technique. Pendant cette période, les trois frères prennent deux initiatives qui engagent un tournant dans l'histoire de l'entreprise : la fabrication de papier condensateur à Casacadec et la création d'un usine aux États-Unis. D'une extrême finesse, le papier condensateur agit sur l'intensité et la tension du courant électrique. Il devient l'un des éléments fondamentaux des postes à transistor, des ordinateurs et de tout le matériel des télécommunications. Quant à la nouvelle usine aux USA, elle est créée à la demande de clients américains en Caroline du Nord. Bolloré y détient 50 % des actions. Cette usine, "Ecusta", est achevée en mai 1939. Mais les relations d'affaires entre la France et les États-Unis vont s'interrompre. Les Américains décident d'agrandir Ecusta pour couvrir leurs besoins. Les papeteries Bolloré perdent donc l'un de leurs plus gros clients. À la fin de la guerre, les Bolloré vendent leurs parts dans Ecusta et, avec l'argent reçu, rachètent la totalité de l'usine de Troyes.

 

Décorations

René Bolloré a été fait chevalier de la Légion d’honneur et est titulaire de la médaille de la Résistance.

 

Source : d'après Pierre Faucher, La papeterie d'Odet, 2018, classeur disponible au local de l'association Arkae.

 

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Dictionnaire : Bolloré (Jean-Guillaume)

Bolloré (Jean-Guillaume) 1788 -

 
 
Fils de René Bolloré, marin (1760-1826) qui, par ses conseils, aurait contribué à la création du moulin à papier d'Odet, Jean-Guillaume Bolloré se marie en secondes noces avec Marie-Perrine Le Marié (1790-?) en juillet 1819, il devient ainsi le beau-frère de Nicolas Le Marié, fondateur du moulin à papier d'Odet. Directeur d'une fabrique de chapeaux à Locmaria, il ne s'intéresse qu'assez tard aux activités papetières, puisqu'on ne trouve son nom seulement qu'en 1859 à côté de celui de son beau-frère pour la construction d'un pont sur l'Odet. Sur cette demande, il signe "Bolloré aîné", ce qui permet de l'identifier par rapport à ses frères. Il n'a pas d'"héritiers mâles". C'est donc son neveu, Jean-René, fils de René-Corentin Bolloré et gendre de René-Guillaume Bolloré, qui prend la tête de l'activité papetière à la mort du fondateur en 1861.
 
 

Dictionnaire : Bolloré (René-Guillaume)

Bolloré (René-Guillaume) 1760 - 1826

 

Bolloré (René-Guillaume) : selon une plaque commémorative de 1930, il serait le cofondateur de la papeterie d'Odet avec Le Marié. René-Guillaume est le fils de René Bolloré (1760-1826), marin. Il est le le frère cadet de Jean Guillaume Claude Bolloré, fabricant de chapeaux à Locamaria, impliqué dans le développement de la papeterie dans les années 1850. Ce frère épousera en 1819 la sœur de Nicolas Le Marié, Marie-Perrine. Il est aussi le père d'Elisa Bolloré, qui se mariera avec Jean-René Bolloré, son cousin, chirurgien dans la Marine. C'est ce dernier reprendra la direction de la papeterie en 1861.

Source : d'après Pierre Faucher, La papeterie d'Odet, 2018, classeur disponible au local de l'association Arkae.

 

Plaque commémorative papeterie

Transcription d'une plaque commémorative, page 17 du Dicours des fêtes du centenaire des papeteries d'Odet, prononcé par l'abbé André-Fouët en 1922 et imprimé sur les presses de Chaix (Paris) la même année.

 

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Dictionnaire : Bolloré (Vincent)

Bolloré (Vincent) 1952 -

 

Vincent Bolloré est le cinquième fils de Michel Bolloré, qui dirigea l'entreprise familiale de 1946 à 1981. Il est né le 1er avril 1952. Après des études supérieures (DESS de droit des affaires), il se marie en 1977 à Sophie Fossorier, fille du directeur général de la SCAC, la Société commerciale d'affrètements et de combustibles. Avec elle, il aura quatre enfants, qui prennent part, eux aussi, à l'activité du groupe Bolloré. Il divorce en 2004, puis vit avec Anaïs Janneret. Il réside à la villa Montmorency dans le 16e arrondissement de Paris.
 
Il travaille d'abord dans de grands groupes financiers : à la banque de l'Union européenne industrielle et financière, et à la Compagnie financière Edmond de Rothschild. En 1981, l'entreprise familiale est aux abois. On lui confie alors la direction des Papeteries Bolloré. Pour éviter le dépôt de bilan, il décide de racheter, avec son frère Michel-Yves, les parts familiales de Shell dans Odet-Troyes-Cascadec et réoriente l'activité de l'usine vers la fabrication de sachets à thé, de papiers ultrafins et de films plastiques utilisés dans l'industrie des condensateurs. Le personnel d'Odet est en partie muté à Cascadec (Scaër). Vincent Bolloré négocie aussi un gel des salaires avec les syndicats et, fort d'une remontée spectaculaire du dollar dans les années 1980, il remet l'entreprise à flot dès 1983. Il l'introduit en bourse en 1985 sous le nom "Bolloré Technologies". Il cherchera, dès lors, à réduire les risques en diversifiant les secteurs d'activité et en privilégiant les niches technologiques trop petites pour les grands groupes et trop techniques pour les PME.
 
Dans les décennies suivantes, Vincent Bolloré poursuit une politique active d'acquisitions : transport, médias, industrie de l'électrique... Dans les années 2010, il inaugure une usine de batterie au lithium à Pencarn, en Ergué-Gabéric. En 2020, le groupe Bolloré compte 81 000 salariés et pèse 5,7 milliards d'euros. Vincent Bolloré figure à ce moment au 20e rang des fortunes françaises.
 
 
Usine de Pencarn

 

 

 

 

 

 

L'usine Bolloré au moment de sa construction à Pencarn, en Ergué-Gabéric.

 

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Dictionnaire : Né gosse de riche

Né gosse de riche, de Gwenn-Aël Bolloré

 

Né gosse de riche_couverture
 Titre d'un ouvrage autobiographique de Gwenn-Aël Bolloré, où il raconte son enfance au manoir familial d'Odet. Le livre a été édité à Rennes en 2000 par Édilarge (groupe Ouest-France) dans la collection Latitude ouest, dirigée par Hervé Jaouen.
 
Extrait de la 4e de couverture
Héritier des "rois du papier à cigarette", Gwenn-Aël Bolloré ouvre ici le coffre-fort de sa mémoire. À l'intérieur, un album de famille et  des richesses qui ne sont pas seulement matérielles. Ses croquis évoquent délicieusement les vignettes d'antan, dessinées à la plume et rehaussées au crayon de couleur. Ironique et tendre, drôle et grave quand il le faut, il ne se contente pas de jouer les "pim-pam-poum" aux dépens de ses précepteurs, mais dit aussi, avec lucidité et en toute simplicité, le privilège de n'avoir manqué de rien, privilège que le jeune garçon a accepté (quel enfant l'aurait refusé ?), mais dont l'adulte n'a jamais abusé.
Gwenn-Aël Bolloré aurait pu rester les deux pieds dans le même sabot doré. Ce n'est pas son genre. En fréquentant les humbles comme les puissants, il est devenu ce qu'il était en naissant à Ergué-Gabéric en 1925 : un honnête homme, combattant de la France libre à 17 ans, industriel (vice-président des Papeteries Bolloré), éditeur (pendant quatre décennies président de La Table ronde), navigateur, océanographe, écrivain et poète, auteur d'une vingtaine d'ouvrages en grande partie inspirés par le monde maritime.
 
Extrait du livre 
"Une autre année, j'avais oublié à Paris mon chien en peluche, Médor. Comme j'avais du chagrin, mes parents ont envoyé la femme de chambre le chercher. Un aller-retour Montreux-Paris-Montreux ! C'étaient de très bons parents, mais j'ai été vraiment très mal élevé."
"Odet, à la fois mon cœur et mes viscères, occupe une place immense dans ma vie [...] Odet, c'est longtemps après l'enfance que j'ai appris à l'aimer."

 

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Dictionnaire : Bolloré (Gwenn-Aël)

Bolloré (Gwenn-Aël) 1925 - 2001

Gwenn-Aël est le plus jeune des quatre enfants de René Bolloré II. Il fut très présent à Odet et y décéda.

 

Jeunesse

Ses jeunes années se déroulent à Odet, mais également à Nantes, dans sa famille maternelle. Après le décès de son père, en 1935, la famille se replie à Paris, puis revient, pendant la Seconde Guerre mondiale, à Odet.

 

Pendant la Seconde Guerre mondiale

À 17 ans, en mars 1943, Gwenn-Aël Bolloré embarque avec neuf compagnons pour rejoindre les Forces françaises libres pour la Grande-Bretagne. Il entre dans les commandos de marine, seule unité qui accepte des hommes de moins de 18 ans. Il débarque à Ouistreham, en Normandie, le 6 juin 1944, avec le célèbre commando Kieffer et les « bérets verts ». Il racontera plus tard son aventure de marin-infirmier dans le livre Nous étions 177. Il recevra également la Croix de guerre et la médaille de la Résistance pour son engagement militaire. 

 

Producteur, éditeur et écrivain

Après la guerre, il fréquente les milieux artistiques parisiens, côtoie Boris Vian, Jean Cocteau, Roger Nimier et les caves de Saint-Germain-des-Prés. Cinéaste, il produit des courts-métrages et un long : Les naufrageurs, dont il signe le scénario. Ce film est tourné par Charles Brabant en 1959 en pays bigouden avec les acteurs Henri Vidal (Yann Le Cœur) et René Cosima (Moïra la Sorcière). Gwenn-Aël Bolloré reste également proche des milieux littéraires. Il dirige ainsi la maison d'édition La Table ronde à Paris, de 1953 à 1988. Écrivain, il signe une bonne vingtaine d'ouvrages, tantôt scientifiques, tantôt romanesques, tantôt biographiques, comme Né gosse de riche, qui retrace sa jeunesse. Il accueillera souvent des écrivains à Odet et présidera des salons littéraires, tels que celui du livre maritime à Concarneau.

 

Océanographe

Gwenn-Aël Bolloré est un passionné de mer et de sciences. Parallèlement à ses activités professionnelles et artistiques, il parcourt les océans à la découverte de poissons que l’on croyait disparus. Ainsi du cœlacanthe et de crabes jusqu’alors inconnus. Après la guerre, il reprendra des études scientifiques et obtiendra un doctorat à 50 ans. Il construira aussi un musée océanographique à Odet, réunissant des collections de minéraux, de poissons et crustacés. L’entrée de cette étonnante bâtisse fut longtemps bordée d’os de baleine et surmontée d’une dent de narval.

 

Codirigeant des papeteries

Avec ses deux frères, René III et Michel, Gwenn-Aël a codirigé les papeteries Bolloré, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’en 1981. Les premières années, il est formé par les papetiers de l’usine de Cascadec, puis par les ingénieurs de l’usine Ecusta, aux États-Unis. À son retour d’Amérique, il est nommé directeur technique des papeteries, puis, en 1952, vice-président du groupe. Il dirige l’usine aux côtés d’une équipe d’ingénieurs et voyage souvent pour étudier l’évolution de la fabrication du papier à cigarettes : « c’est quelque chose de vivant, le papier, ce n’est pas de la mécanique pure : il faut savoir le pourquoi et le comment, il faut sentir la chose ; si on ne sent pas la chose on est un mauvais papetier » (source : voir le lien en bas de page). Avant son départ en retraite, il fait entrer aux papeteries une première machine de papier polypropylène.

 

Ce qu’il laisse

Gwenn-Aël Bolloré a vécu pleinement son siècle. Il a laissé trace de son passage à Odet à travers des livres et des passions maritimes. Après son décès, en 2002, sa fabuleuse bibliothèque fut vendue aux enchères après avoir été exposée à la bibliothèque de Quimper. On se rappelle en particulier du manuscrit de « Nord », le célèbre livre de Céline. De manière plus générale, Gwenn-Aël Bolloré a laissé le souvenir d’un homme chaleureux et accueillant.

 

Pour aller plus loin

Voir l'interview réalisée par Bernez Rouz et Gaëlle Martin en 2000 : http://www.arkae.fr/index.php/component/content/article/23-tresors-darchives-fr/403-arkae-g-tresors-darchives-g-personnages-g-gwenn-ael-bollore

D'après une synthèse de Pierre Faucher.

 

Dictionnaire : Blanchard (Marie-Véronique)

Blanchard (Marie-Véronique) 1896 - 1976

 

Née Marie-Véronique Berthomé en 1896, en Belgique d’un père originaire des Deux-Sèvres, elle fit la connaissance de son futur mari, Yves-Marie Blanchard, un Quimpérois, alors que celui-ci, blessé à la guerre de 1914-1918, était soigné à l’hôpital de Charleroi où elle était infirmière. Monsieur Blanchard travaillant à l’usine Bolloré à Odet, Monsieur René Bolloré proposa à Madame Blanchard de s’installer comme sage-femme au service des ouvrières de l’usine et plus largement des femmes d’Ergué. Le couple et ses trois enfants ont habité la cité de Ker-Anna. Elle est ainsi connue comme celle qui a assisté à la naissance de plusieurs générations de Gabéricois, jusque 1956. Elle est décédée vers l’âge de 80 ans à Saint-Brieuc, où elle s’était retirée. En 2007, dans Mémoires de Lestonan, Marie-Annick Lemoine a recomposé sa vie et son parcours professionnel à partir de témoignages.

 

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Dictionnaire : Bolloré (Jean-René)

Bolloré (Jean-René) 1818 - 1881

Le docteur Jean-René Bolloré est né le 31 mai 1818 à Douarnenez et mort le 5 août 1881.
 

L'origine des Bolloré

Docteur Jean René 150 pxLe nom, Bolloré, est selon Gwen-Aël Bolloré, "assurément breton". Il s'agirait d'une contraction des mots celtiques "bod" et "loré", qui signifient ensemble "buisson de laurier". On retrouve ce nom dans le Vannetais et partout en Cornouaille (Quimper, Concarneau, Douarnenez). Encore selon Gwen-Aël Bolloré, qui a reconstitué l'arbre généalogique de la famille jusqu'en 1478, les Bolloré sont de grands voyageurs et de grands marins, allant de port en port, mourant souvent loin de leur clocher, lorsqu'ils ne périssent pas en mer, à une époque où les états-civils sont souvent défectueux, voire fantaisistes, quelquefois inexistants. Dans les Archives départementales du Finistère antérieures à 1790, on trouve trace de 32 Bolloré, plus ou moins parents.

 

Les liens familiaux

À la mort de ses parents, décédés à 15 jours d'intervalle en 1838, Jean-René Bolloré se trouve, à 20 ans, en charge de ses trois jeunes sœurs. Un an plus tard, en 1839, il est engagé dans la Marine nationale et part sur les mers. En 1847, il se marie à Elisa Bolloré (1824-1904), sa cousine. Elisa est la fille de son oncle, Guillaume, et de Marie Perrine Le Marié, la sœur de Nicolas Le Marié. Après son mariage, il devient le gendre de René-Guillaume Bolloré, fabricant de chapeaux à Quimper.

 

Une vie de marin

Voyages en Chine 72 pxSon diplome de chirugien de troisième classe en poche, Jean-René Bolloré embarque à 20 ans sur un frégate de 52 anons, l'Amazone. Commence alors une vie de bourlingue, qui le conduit de Brest en Chine, en passant par la Méditerranée et le Brésil. La vie en mer de Jean-René est connue grâce au journal de bord qu'il a écrit : "Voyage en Chine et autres lieux". Ce texte a été publié par la Société finistérienne d'histoire et d'archéologie en 1979 et préfacé par Gwen-Aël Bolloré, son descendant. Dans ce récit de voyage, on le voit protestant contre l'état sanitaire du bateau ou s'affrontant au commandant qui refuse la rapatriement d'un matelot dysentérique. Il y dit aussi l'ampleur de son travail : en 1843, il dénombre 256 interventions, tous cas confondus. Les maladies vénériennes, apportées de Chine, occupent une grande partie de son temps.

 

La direction de la papeterie

Avant les années 1850, la famille Bolloré ne semble guère avoir suivi l'implantation et le développement de la papeterie d'odet. Mais en 1859, René-Guillaume Bolloré, l'oncle d'Elisa (épouse de Jean-René), est présent par sa signature sur une demande de construction de pont sur l'Odet. À la barre de l'entreprise à partir de 1861, Jean-René Bolloré se serait montré prudent à ses débuts et conscient des limites son savoir en matière de gestion industrielle. Cela ne l'a pas empêché d'agrandir l'usine et d'investir dans du nouveau matériel pour s'adapter aux exigences du marché. Du papier fabriqué à partir de chiffons (dont le coût s'accroît en raison de sa raréfactrion), il passe au papier fin. Ainsi les débouchés s'élargissent considérablement. Dans les années 1860, l'arrivée du chemin de fer à Quimper ne procure pas à l'entreprise les avantages escomptés. Si elle ouvre la voie vers les principaux centres de consommation, elle augmente aussi les coûts de production, car il faut transporter jusqu'à la gare les marchandises. Les sources d'énergie poseront aussi problème. Avec l'installation de machines mordernes plus performantes, la prise d'eau aménagée sur la rivière ne suffit plus à l'alimentation de l'usine. Il faut alors recourir à de nouvelles forces motrices, en investissant. Ce que fera Jean-René Bolloré.

 

Échecs en politique

Jean-René s'intéresse à la politique. Élu conseiller général en 1873, il présente sa candidature dans la 2e circonscription de Quimper aux élections législatives de 1876. Mais face au député sortant Georges Arnoult, il essuie un revers cuisant dès le premier tour de scrutin. La Chambre ayant été dissoute, il retente sa chance l'année suivante, avec, cette fois, l'avocat Louis Hémon. Sans plus de succès.

 

Décès

Miné par la maladie, Jean-René Bolloré décède en 1881, laissant sa femme, Elisa, avec cinq enfants. Au moment où il meurt, la papeterie est florisssante, employant plus de 80 salariés et atteignant le stade industriel.

 

Elisa prend en main l'administration

La veuve de Jean-René, Elisabeth Bolloré gèrera pendant une dizaine d'années, entre 1881 et 1891, la partie administrative de la papeterie d'Odet. Ce fait est relaté dans une lettre adressée à l'évêque en 1891.

 

Source : d'après Pierre Faucher, La papeterie d'Odet, 2018, classeur disponible au local de l'association Arkae.

 
 

Dictionnaire : Bolloré (René I)

Bolloré (René I) 1847-1905

 

René Guillaume Marie Bolloré, dit "René I", est né le 27 juillet 1847 à Indret, près de Nantes, et mort le 10 juillet 1904. Il a dirigé la papeterie d'Odet de 1881 à 1905.
 

Liens familiaux

Il est l'aîné des trois fils du docteur Jean-René Bolloré et d'Elisa Bolloré. Il épouse en 1872 Eugénie Lallour, dont il a deux filles et qui décède en 1875. En secondes noces, il se marie à Marie Blanche Léonie Surrault, dont il a quatre filles et un garçon, René Joseph Marie, dit René II. Marie Blanche décède en 1948 à l'âge de 101 ans. Elle sera très présente dans les festivités organisées par son fils René II pour le centenaire de la papeterie d'Odet.


Direction de la papeterie

René Bolloré IUn discours de l'abbé Fouët pour le centenaire de la papeterie le présente comme un industriel avisé : "René a grandi dans l'usine ; si son éducation technique n'est pas très développée, il a, à un degré éminent, le tempérament d'un industriel et d'un homme d'affaires. S'il n'a pas la tête bien pleine, il a la tête bien faite, aurait dit Montaigne. S'il sait agir, il sait aussi consulter ; s'il sait parler, il sait se taire ; comme chef, le voilà à l'œuvre". Rappelons ici qu'il s'agit d'un discours de commande célébrant l'épopée Bolloré.

Dans le livre d'or de la papeterie, imprimé en 1930, René I est désigné comme "second fondateur d'Odet". 

De 1881 à 1905, René I Bolloré décide de concentrer l'essentiel de ses efforts sur un seul papier, le papier à cigarettes ordinaire, extra-fin ou filigrané. Cette spécialisation l'oblige à changer les procédés de fabrication et à acquérir une nouvelle machine. À la force motrice produite par deux turbines hydrauliques, il ajoute deux turbines à vapeur. La production passe alors 18 tonnes de papier par mois à 30 tonnes. Cependant, le financement de ces nouvelles machines s'avère délicat. À tel point qu'en 1897, l'entreprise aurait été mise en vente à l'initiative de certains membres de la famille.

En 1893, René I loue à quelques encablures d'Odet le moulin de Cascadec, à Scaër. Ce moulin enjmabe l'Isole, qui coule au pied des Monts d'Arrée. René I y développe une usine à papier, qui fabriquera d'abord du papier à lettres, puis du papier à cigarettes.

 

Carrière politique

D'après les registres municipaux d'Ergué-Gabéric, René I fut conseiller municipal de 1881 à 1904. Il ne fut pas adjoint au maire, bien que candidat en 1888. Il intervient souvent auprès de la préfecture de Quimper pour améliorer les routes de la commune. Il les utilisait en effet pour l'approvisionnement de son usine et le transport de marchandises vers la gare ferroviaire de Quimper.

 

Source : d'après Pierre Faucher, La papeterie d'Odet, 2018, classeur disponible au local de l'association Arkae.

 

Dictionnaire : Lazou (Jean)

Lazou (Jean) 1895 - 1940

 

Né le 29 juillet 1895 à Plougasnou. Instituteur, affecté à l’école des garçons de Lestonan à partir du 1er octobre 1926, en même temps que son épouse. Il est nommé directeur de la même école à compter du 1er janvier 1931. Il a laissé le souvenir d’un instituteur très engagé dans la formation des élèves et la défense de l’école laïque à un moment où, à la création des écoles privées, celle de Lestonan a failli disparaître. Militant actif du Parti Communiste Français. Il est mobilisé en 1939 en tant que Capitaine au 337e Régiment d’Infanterie. Décédé le 15 mai 1940 à Moncornet, dans l’Aisne, à 32 km au N.O. de Laon. Il aurait été tué en tentant de ramener dans les lignes françaises un soldat blessé. Il allait avoir 45 ans.
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Francine et Jean Lazou à Congalic

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Dictionnaire : Kergourlay (Guillaume)

Kergourlay (Guillaume)

 

Guillaume KergourlayEcrivain, comédien  et auteur dramatique elliantais né en 1926 décédé en 2014.
 
Guillaume Kergourlay est né à Kernéel en Elliant le 23 décembre 1926. Il demeure jusqu'en 1950 dans la ferme familiale. Militant à la Jeunesse Agricole Catholique (J.A.C.), il devient président départemental du mouvement à la fin des années 40. Il fait alors connaissance avec le théâtre amateur, et il se passionne pour le métier des planches : il décide d'en faire son métier. Il rejoint Paris en 1950. Pour assurer sa formation il exercera divers métiers dans l'industrie chimique ou automobile, il sera bibliothécaire, décorateur, étalagiste tout en participant à l'aventure de plusieurs troupes de Théâtre à Paris et dans le Limousin.
En 1958 il rejoint Jacques Fornier à Beaune pour fonder le théâtre de Bourgogne qui deviendra ensuite Centre dramatique national à Dijon. On y créera sa première pièce : "Les deux ogres ou le coup de soleil".
Parallèlement à son métier de comédien et d'écrivain il dirige plusieurs centres dramatiques et plusieurs théâtres nationaux : Maison de la culture de Grenoble, de Rennes et de Saint-Quentin-en-Yvelines.
Auteur d'une douzaine de pièces, (certaines ont été adaptées en breton par le théâtre Penn-ar-Bed de Brest), il a vécu de 1994 à 2014 à Bessy-sur-Cure en Bourgogne avec sa femme, le peintre Nina Vidrovitch. C'est là qu'il écrit ses mémoires publiées en 2001 sous le titre " Le pays des vivants et des morts" aux éditions An Here.
Guillaume Kergourlay s'est éteint le 8 novembre 2014
 
 
Il a publié ses mémoires Le Pays des Vivants et des Morts qui relate la vie à la campagne à Elliant avec de nombreuses références à Ergué-Gabéric.
Il a publié une Rhapsodie Macabre qui a été mise en musique par Michel Boédec et créée à Kerdévot lors des festivités du cinquième centenaire.

Guillaume Kergourlay > Le pays des vivants et des morts

 

 

 

 

 

 

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Dictionnaire : Coat chapel

Coat chapel (Koad Chapel)

 
Lieu dit à proximité de l'ancienne ferme de Saint-Joachim.
Koad Chapel signifie le bois de la chapelle. Il s'agit de la Chapelle de Saint-Joachim construite par Guy Autret à proximité de son château de Lezergué vers 1640.
 
 
 

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Dictionnaire : Stangala

Stangala

 

Stangala désigne la vallée de l'Odet de la pointe de Griffonès à Treodet. En amont la vallée s'appelle Stang Odet.
 
Stang Alar désigne la vallée de Saint Eloi, en breton Saint Alor, troisième évêque de Cornouaille et saint patron de la paroisse d'Ergué-Armel.
 
Stangala est mentionné pour la première fois en 1894 par le poète Adolphe Paban.
Jean-Marie Déguignet en parle également mais préfère employer Stang Odet.
" Le lieu très encaissé avec de nombreuses roches en saillie est le terrain de plusieurs légendes ", relatées par Jean-François Douguet dans son ouvrage Le Stangala.

Cahier d'Arkae n°1 Le Stangala - Jean-François Douguet

 

Stangala dans la littérature

Paban (Adolphe), Le Stangala, in  Au bord de la mer bretonne : alouettes et goélands - Rennes, H. Caillère - 1894.

Paban (Adolphe) Les seurs de Neaera, in

Picquenard (C.A.), La gorge du Stangala, in Almanak de l'Union Régionaliste bretonne, 1904, P.51

La gorge du Stangala

Ici tout est géant ; ici tout est immense :
Á cent mètres en l’air s’élançant des rochers
Au pied desquels mugit la sauvage cadence
Que rythme nuit et jour l’Ode aux flots légers.

Le vent dans les grands pins chante aussi sa romance
Qui meurt en longs appels tristes, désespérés ;
Sous l’effort du Zéphyr chaque chêne balance
Son feuillage où l’automne a mis des tons dorés.

Et le torrent poursuit sa course séculaire
Et dans les pâles nuits la lune qui l’éclaire
Jette comme un regain de tristesse en ce lieu ;

Comme on se sent petit dans cette solitude
Mais qu’on admire aussi, rempli de gratitude,
L’imposante grandeur des ouvrages de Dieu !



 

Guilcher (André), Le Stangala dans la revue Arvor 1942

 

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Dictionnaire : Dumoulin (Alain)

Dumoulin (Alain) 1748-1811

 

Né à Lanvéoc le 26 janvier 1748 dans la paroisse de Crozon, Alain Dumoulin est nommé professeur au grand séminaire de Plounevezel avant d'être nommé recteur d'Ergué-Gabéric en 1788.
Quand éclate la Révolution, il refuse de prêter serment à la constitution. Il émigre à Liège puis à Prague ou il devient précepteur de la grande duchesse de Bohême. Il obtient plusieurs prix littéraires pour des écrits en latin.
En 1800 il publie à Prague une grammaire du breton écrite en latin. Après le concordat Alain Dumoulin revient à Ergué-Gabéric, puis il est nommé recteur de Crozon, curé de la cathédrale de Quimper  et enfin vicaire général.
Il meurt en 1811 après avoir publié Hent ar barados (le Chemin du paradis)en 1805.
 
 
 

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Dictionnaire : Ac'h (François)

Ac'h (François)

François Ac'h, membre du bureau d'Arkae, est un des principaux contributeurs au "Keleier" de l'association. Président de l'association Arkae de 2005 à 2009, il a publié en 2010 un ouvrage sur l'histoire de l'école publique de Lestonan en collaboration avec Roger Rault : "Les écoles publiques de Lestonan (1880-1930)".

 

Dictionnaire : Ac'h (François)


Dictionnaire : Hascoet (Jean)

Hascoet (Jean) 1850 - 1908

 

Né le 26 juin 1850 au Juch, ordonné prêtre en 1874, vicaire à Rosporden, Ergué-Armel, Bénodet, il fut nommé recteur à Ergué-Gabéric en 1897 : il fit de nombreux embellissements à la chapelle de Notre- Dame de Kerdévot et surtout il dota la paroisse d’une école chrétienne de filles dont il était justement fier et qui persista malgré le renvoi des Filles du Saint Esprit à qui il avait confié la direction.
Malade depuis de longs mois, il mourut à Ergué-Gabéric le 15 janvier 1908 dans sa 58e année.

 

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Dictionnaire : Gars-haleg

Gars-haleg (Garzh-haleg)

Lieu-dit à proximité de a route de Coray près de Lestonan. Garzh désigne en breton une haie. Haleg est le nom du saule. Halegenn au singulatif et Haleg au pluriel. Garzh-haleg se traduit donc par la haie aux saules.

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Dictionnaire : Kerampeillet

Kerampeillet  (Ker'Peliet)

Kerampeillet lieu-dit en Ker qui désigne un village, sur la route de Kerdales non loin de Kerdevot. Ker est suivi généralement d'un nom de famille : Ar Peliet,

qu'on retrouve francisé dans les registres paroissiaux de différentes manières :

Le Peliet (Quimper , 1645), Le Pelliet (Ergué-Armel 1644), Le Pelyet (Plomodiern 1669), Peillet (Pouldergat 1670).

Ce nom de famille semble avoir son épicentre en pays Glazik.

La forme gabéricoise se rencontre pour la première fois dans l'ancien cadastre de 1835. Ker -Ar-Peilhet, est écrit kerampeillet. La forme écrite du moyen breton keranpelyet a subi l'influence du français littéraire au XIXème siècle : le an devient am par application de la régle orthographique française du /M/ devant le /P/.

Ce nom prononcé /Kerpeliet/, a été transformé au 20ème siècle dans les nomenclatures officielles : Kerampillet (INSEE 1946, et IGN 2002) adopté par la carte Michelin. Le cadastre remis à jour inscrit le lieu-dit sous l'orthographe de 1835 /kerampeillet/.

Le Peilhet vient du verbe peliat, peler, écorché. Il est donc proche du nom Déguignet dans sa signification.

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dictionnaire : Vruguic

Ce nom de lieu est formé à partir de brug nom breton de la bruyère. Ar Vrugeg c'est un endroit ou croit la bruyère. Ce nom récent est indiqué pour la première fois par l'Insee en 1946.

 
 
 

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Dictionnaire : Jet (le)

Jet (le) (Ar Jed)

 
Affluent de L'odet. Le Jet prend sa source à Coray au lieu-dit Kerjet.
Il traverse Elliant avant de rejoindre l'Odet près du manoir du Cleuyou.
Le Jet sert de limite sud à la commune.
Plusieurs noms de lieux font référence au Jet :
Beg-Jet, Meilh Jet, Stang-Jet (Elliant)
Stang-Jet (St Yvi)
Meilh Jet, Stang Jet (Ergué-Gabéric)
 
La plus ancienne mention de cette rivière se trouve dans le cartulaire des églises de Quimper en 1302. Jet
Dans un poème de 1554 du Quimpérois François Moeam :
"Dedans mes Bretes campaignes
Cét et Odét ses compaignes" cf BSAF 1980 P.323.
1636 : Zet ou Zé (Itinéraire de Bretagne de Dubuisson-D'Aubenay).
1794 : Get (Archives du manoir du Cleuyou)
 

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