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Souvenirs

 

 

 


 


Trésors d'archives > Personnages > Nathalie Calvez

Nathalie Calvez, archiviste

 

Nathalie Calvez, archiviste a mis en place les archives municipales d’Ergué-Gabéric en juin 2003.

 

Après un DEA d’histoire médiévale, Nathalie Calvez s’est peu à peu orientée vers, et formée pour, le métier d’archiviste communale. A Ploneis, Pluguffan, Henvic, Plouénan, aussi bien qu’à Roscoff, Saint-Jean du Doigt, Plounéour-Menez où elle a déjà effectué des missions, et aujourd’hui à Ergué-Gabéric, plongée dans les liasses et les dossiers, elle s’emploie à « structurer un service d’archives et à fournir un outil performant à usage de l’administration et des chercheurs institutionnels ou non ».

Les archives se définissent comme « l’ensemble des documents quels que soient leur date, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé, dans l’exercice de son activité». « Le maire est responsable au civil et au pénal des archives de sa commune, qu’il doit conserver à la fois pour la gestion des affaires et la justification des droits de la commune mais aussi pour la sauvegarde de la mémoire. A chaque renouvellement de municipalité, le nouveau maire doit procéder au récolement des archives » ; ilest en droit de demander des comptes à son prédécesseur si celui-ci n’a pas rempli ses responsabilités concernant le traitement des archives ; « les frais de conservation des archives constituent une dépense obligatoire à inscrire au budget pour les communes »… 

Les archives, en tant que bien patrimonial, sont imprescriptibles et inaliénables.

Leur classement obéit à une cohérence nationale. Celle-ci se décline par thèmes et différemment, suivant qu’il s’agisse d’archives nationales, départementales ou communales. Les thèmes constituent des séries, identifiées par une lettre et renfermant des sous-séries (elles-mêmes distinguées en faisant précéder la lettre de l’alphabet par un numéro). Néanmoins, il existe des documents propres à chaque commune, et de plus en plus variés en fonction des nouvelles compétences communales, résultant de la décentralisation, de la modernisation, non répertoriées dans les règlements de classement. Ceci contraint l’archiviste à une grande souplesse, une très forte capacité d’analyse prospective et à une formation permanente. Par exemple, les documents concernant tel projet abandonné aujourd’hui ne doivent pas forcément faire l’objet d’une élimination. Il faut savoir mesurer leur intérêt historique.

Les documents sont donc triés selon ces normes, conditionnés (il existe des règles de conditionnement, parfois il faut faire restaurer, désinfecter des documents…), inventoriés, côtés et rangés.

Nathalie Calvez, aux archives municipales, Espace Déguignet d'Ergué-Gabéric

 

On comprend donc que « le travail d’un e-archiviste ne consiste pas à retirer des documents d’un vieux carton pour les remettre dans un carton neuf après avoir à peine secoué la poussière. L’archiviste doit ouvrir chaque liasse, en analyser le contenu afin de déterminer de la nécessité d’en conserver les pièces. Cela signifie pratiquement une étude feuille à feuille. Il faut recouper les documents en fonction de leur service d’émission, tout en conservant un ordre chronologique et en respectant l’unité des dossiers et la cohérence du fonds (…).

L’archiviste doit en outre éliminer les documents désormais inutiles et qu’il est possible, aux termes de la législation en vigueur, de détruire. Bien-sûr, il/elle doit établir la liste descriptive, qu’il/elle peut être amené-e de surcroît à justifier, de ces documents afin de pouvoir remplir ses bordereaux de demande d’élimination ».

« A l’issue de son travail, la municipalité dispose d’un fonds d’archives accessible, optimisé. ». Cependant pour Nathalie, « ce résultat ne peut être atteint sans qu’il y ait rencontre, concertation, écoute des différents services, réponse – autant que faire se peut – à leurs demandes et leurs inquiétudes légitimes. L’Histoire, comme l’Archivistique, sont des sciences humaines, c’est donc cette humanité qui doit être la base de toute réflexion. Sans cette sensibilité humaniste, il n’est aucune pédagogie possible et sans pédagogie auprès des communes, ce travail n’a qu’un effet limité dans le temps et les esprits. Il est possible de considérer alors que cette mission serait un échec. »

Son immersion dans nos archives confirme que les plus vieux documents de la commune sont les registres des baptêmes (1629), des mariages (1640) et des sépultures (1678), bien connus des généalogistes. Viennent ensuite les premiers comptes-rendus de conseils municipaux dont le premier date du 12/06/1800, puis le cadastre (1835). Hormis ces documents, Ergué-Gabéric connaît un trou de mémoire pour un grand nombre d’archives du XIXe s. et du début du XXe s. : procès verbaux d’élections, listes électorales…

Loin de stagner, ces archives sont, en tant que production de la communauté, amenées à s’étendre, se développer, s’augmenter de fonds tant publics que privés, ou de fonds associatifs. Une fois classées, on peut envisager de tirer parti de ces archives et de les mettre en valeur en y puisant les éléments nécessaires à la constitution de dossiers sur tel monument, tel évènement historique ou, ainsi que Nathalie a déjà pu le faire à Quimper, en en retirant la substance nécessaire à une exposition. Le lien avec la mémoire commune devient donc évident : ces archives, bien patrimonial, sontla base des connaissances d’un territoire et de sa communauté, que les témoignages oraux, la collecte de photographies et de films contribueront à rendre sensibles et vivants. Une belle mission pour Arkae....

 

Keleier 31 - novembre 2003

 

 

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Trésors d'archives > Souvenirs > Souvenirs de Jean Bernard, artisan-menuisier

Souvenirs de Jean Bernard, artisan-menuisier

 

L'apprentissage (1920-1935)

« Je suis né le 19 juin 1920 à Quénéac’h Daniel, en Ergué-Gabéric, et j’y ai vécu jusqu’en 1933, année où mes parents sont venus s’installer à Parc-Feunteun. J’ai deux frères.
A cette époque, il n’était pas question de scolarisation dès les deux ans, il fallait aller à pied à l’école. J’ai donc débuté à huit ans à l’école communale du Bourg, que j’ai quittée à quinze ans, le certificat d’études primaires en poche.
Mon père étant menuisier, j’ai démarré tout de suite avec lui mon apprentissage de charron-menuisier, m’initiant ainsi à tout travail du bois intéressant la campagne de cette époque. Je garde encore le souvenir de mes débuts à Kérourvois (près de Kerdévot).
Je me rappelle avoir vu mon père utiliser un tour à perche pour tourner du bois (toupies, petits manches…). J’entends encore ses conseils à mes débuts, et aussi son rire, alors que je n’avais pas parfaitement réalisé un objet. Je le vois aussi c’est sans doute un de mes plus anciens souvenirs- confectionner les fléaux pour le battage.
En 1950, je me marie et m’installe à Garsalec, presque en face de la forge Le Goff. J’y habite toujours. J’ai deux enfants, mais aucun n’a suivi les traces de leur père ni de leur grand-père. Je note cependant leur intérêt pour le travail du bois, et cela me fait plaisir .
 
 

Le bois : une véritable passion depuis 1935

Les premiers temps de mon activité, j’allais travailler à domicile, parfois à plusieurs kilomètres et par des chemins remplis d’eau en hiver, beaucoup de routes n’existant pas encore. Il fallait apporter les outils, tout le matériel, et le premier jour servait souvent au transport.
Chaque matin, j’arrivais avec de nouveaux outils, si bien qu’à la fin du chantier, je pouvais revenir avec près de 50 kg. sur le dos. Un soir, fatigué, j’arrivais près d’une rivière qu’il me fallait franchir sur un tronc d’arbre grossièrement équarri et glissant. J’ai cru que j’allais être bon pour un plongeon… Il y avait, c’est sûr, des jours plus difficiles.
Puis au bout des ans, je n’allais pratiquement plus à domicile, de nouvelles routes s’étant faites et l’automobile apparaissant. J’ai travaillé essentiellement sur la commune d’Ergué-Gabéric et, à l’occasion, un peu sur Elliant.
« Les premières années, je faisais tout ce qui accompagnait le travail et la vie à la campagne : harponnage, sciage, charrettes, barrières, brouettes, manches d’outils, râteaux, paniers, clayettes, ruches… C’était selon les besoins.
Puis la mécanisation s’est installée peu à peu. J’ai continué certaines de ces activités, mais comme je travaillais seul, j’ai du m’adapter et effectuer davantage de menuiserie de maison, des travaux de charpente, de restauration, et même, vers la fin de ma carrière, passer à d’autres travaux que je connaissais aussi : dallages, murs…
Ce détail va peut-être vous paraître incongru aujourd’hui, mais comme beaucoup d’artisans menuisiers de cette époque rurale, j’ai fait des cercueils, essentiellement pour le voisinage, les relations de proximité et de service étant alors bien plus fortes que de nos jours.
 
 

La fabrication d'une roue de charrettes

Le moyeu était soit en if, soit en acacia. Au départ, il était taillé grossièrement à la hache, puis mis dans un tour actionné à la main afin de le façonner. Il y avait 14 trous à percer pour les rayons taillés dans du chêne et de l’acacia, 7 pour chaque bois, et placés alternativement. Dans le milieu du moyeu, il y avait le coussinet en fonte, dans lequel s’emboîte l’essieu, qui n’était mis en place qu’après le ferrage de la roue.
Le moyeu, une fois fini, comportera 4 cercles en fer : les 2 du milieu étaient fixés en premier par le forgeron , puis les 2 autres seulement après le cerclage de la roue. Comme on le voit, les forgerons et les menuisiers exerçaient leur profession de manière complémentaire.
Quand le moyeu était revenu de la forge, et les rayons une fois taillés, il fallait faire bouillir le moyeu afin de pouvoir mettre les rayons en place. Un détail primordial à ne pas négliger : le rayon devait être mis un peu en biais, penché vers l’extérieur, sinon c’était la casse assurée : il ne faut pas oublier que les chemins, à cette époque, étaient souvent remplis d’ornières. Voilà pourquoi le rayon n’était pas posé droit.
Puis, pour poser les rayons, le compas était un outil précieux. C’était ensuite l’assemblage rayons-jante. La jante, en chêne, venait de plateaux coupés à la main. Elle prenait les rayons en sept endroits.
Une fois le tout assemblé, retour à la forge pour poser le cerclage, opération délicate nécessitant au moins trois personnes. Je crois que le cercle était un peu plus étroit que la roue, de 2 à 2 cm.1/2. Ce cercle devait être bien chauffé dans un feu, pour permettre sa dilatation, mais juste comme il le fallait. Sorti du feu avec de grosses pinces, il était posé sur la roue. C’était l’idéal s’il prenait bien sa place tout de suite. Le forgeron pouvait alors lui donner un coup de marteau en face de chaque rayon. Et il était très important de refroidir immédiatement le cercle en fer lorsqu’il était descendu sur la roue, sinon le feu prenait dans le bois. Cela se faisait en l’arrosant de seaux d’eau.
Je me rappelle d’un jour où il y avait 23 cercles à préparer. Pour être resté si longtemps auprès du feu, j’avais tous les poils des mains brûlés et je sentais le poulet rôti.
Pour préparer une paire de roues, il fallait environ une semaine. Le bois devait être bien sec. Il fallait 8 ans de séchage, sachant que le bois perd 1 cm. par an au séchage et qu’il fallait aboutir à une épaisseur de jante de 8 cm. La qualité du travail dépendait de tout cela.
Après avoir parlé longuement de la fabrication de la roue, il me faut, bien entendu, parler aussi des charrettes. En général, elles étaient faites en bois de châtaigner. Dans les fermes(du moins dans les plus conséquentes), il y avait souvent trois sortes de charrettes : la grande, la moyenne et la petite, chacune ayant son emploi.
La grande servait par exemple pour aller chercher du maërl à La Forêt-Fouesnant, le maërl servant d’amendement aux terres. La moyenne était utilisée pour les travaux courants (sortie du fumier…) et la plus petite convenait pour chercher la nourriture pour les animaux (trèfle, choux…). Je rappelle un fait de cette époque : les animaux avaient leur repas du matin avant les personnes, qui partaient à jeun couper et rentrer de quoi les nourrir.
 

Bois d'if mortel

Je pense pouvoir dire que je préférais travailler les bois durs, à savoir le chêne, l’if, le châtaignier, l’acacia...
Un souvenir me revient, concernant l’if : un moyeu en if avait été mis à bouillir dans de l’eau. Une fois cette eau refroidie, on l’avait utilisée pour la nourriture d’un porc. Le pauvre ! il en mourut ! L’if possède certains pouvoirs néfastes.
 
 

Retraite active depuis 1985

En 1985, à l’âge de 65 ans, j’ai pris ma retraite, faisant sans amertume le constat que les grandes entreprises remplaçaient peu à peu le petit artisan, et que divers autres matériaux se substituaient au bois : l’alu, le formica, le P.V.C. Le moment était donc bien venu de cesser mes activités.
Mais ce n’est pas pour autant que ma passion pour le bois m’a quitté. Il n’y a pas eu de jour où je ne fasse quelque bricolage dans mon atelier : jouets en bois, cannes, restauration, paniers…
J’avance vers mes 87 ans. Pour l’été 2007, je souhaite bien retrouver mon arbre, au marché de Kerdévot, soit 72 ans après mes débuts dans ce quartier qui m’a vu naître.
Prenez le temps de visiter le placître nouvellement replanté, et arrêtez-vous lorsque vous apercevrez un petit monsieur assis au fond de sa voiture, entouré de paniers en osier. Ce monsieur, c’est moi ».
 

Les fabrications ou réalisations en bois citées par Jean Bernard

  • Des barrières, faites en bois de châtaignier. Pour une bonne durée, il fallait bien les fixer, et ne pas les malmener. Dans une ferme, où ce n'était pas le cas, je devais en refaire chaque année une douzaine.
  • Des charrettes,
  • Du sciage, avec la scie de long,
  • Du harponnage
  • Des auges à cochons,
  • Des râteaux à foin, en noisetier et les dents en saule,
  • Des manches à outilsen bois de noisetier
  • Des clayettes, en bois de pin ou de sapin, jeme rappelle d’une commande de 300 clayettes pour une ferme où on faisait de la pomme de terre de sélection.
  • Des cannes, en bois de frêne, la poignée étant en If ou en buis,
  • Des barriques à restaurer. Parfois elles pouvaient servir de charnier. Le cerclage en fer ne résistait pas toujours au sel je devais le remplacer par un cerclage fait de bois de châtaignier, un bois de trois ans de pousse,
  • De la menuiserie de maison : des châssis de porte, des portes, des fenêtres, des tables, des chaises, des cloisons, des lits, des escaliers, des échelles, des sommiers,
  • Des meubles de cuisine ...
  • Des hangars,
  • Des paniers en osier. Je pense avoir fait mon premier panier vers mes 16-17 ans, et j'en fais encore !
  • Des ruches en paille (peu, uniquement pour moi-même).
  • Les ruches étaient faites de pailles de seigle cousues de ronces. Les ronces se ramassaient en hiver, après les gelées. Elles étaient coupées le plus loin possible, puis fendues en quatre et grattées pour en enlever le cœur, afin de garantir une bonne conservation.
  • Des ruches à cadres aussi.
 

Attention au bois d'if

Je pense pouvoir dire que je préférais travailler les bois durs, à savoir le chêne, l'if, le châtaignier, l'acacia.....
 
Un souvenir me revient, concernant l’if : un moyeu en if avait été mis à bouillir dans de l'eau. Une fois cette eau refroidie, on l'avait utilisée pour la nourriture d'un porc. Le pauvre ! Il en mourut ! L'if possède certains pouvoirs néfastes.
 
 

Connaissez-vous ces outils ?

Dans son atelier aux odeurs de sciure, au sol jonché de copeaux, devant différents boisen attente de création et d’innombrables outils, riche et chacun une histoire, je remarque une flamme pétiller dans les yeux malicieux du maître, et je m'en entends questionner : «  Et ça, tu connais ? »
Suit une longue liste de noms parmi lesquels beaucoup me sont étrangers,qui vient testermes connaissances. J’échappe à la note éliminatoire en reconnaissant  le marteau,la scie, les ciseaux à bois. A votre tour de tester vos connaissanceen décrivant la fonction des outils suivants :
  • Trusquin
  • Guillaume
  • Doucine
  • Plane
  • Varlope
  • Tarière
  • Bouvet
  • Vilebrequin
Est-ce vraiment si facile ?
 
Témoignage recueilli par Jacqueline Le Bihan - Keleier Arkae n° 50 décembre 2006

 

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Trésors d'archives > Personnage > Jean-Louis Morvan

Jean-Louis Morvan, un prêtre passionné du patrimoine religieux

 

Jean-Louis MorvanJean-Louis Morvan est né en 1920 à Kerbrat en Trégarantec dans le Nord-Finistère. Il a été recteur de la paroisse d'Ergué-Gabéric de 1969 à 1981. Il fut également l'artisan de la restauration de l'orgue de Dallam et du retable de Kerdévot, ce qui lui a valut le titre de Chevalier des Arts et des Lettres. Il vient de décéder, fin août 2006 à Quimper, à l'âge de 86 ans, après avoir été recteur de La Forêt-Fouesnant de 1981 à 1999. Depuis, il était en retraite à Pouldreuzic où il était aussi en charge de la paroisse.

Au cours des 12 années où il a exercé son ministère à Ergué-Gabéric, il a été à l'origine de nombreuses actions qui ont abouti à la rénovation et à la mise en valeur du patrimoine religieux gabéricois.  Il écrivait beaucoup et, dans un propos développé dans le livre à l'occasion du Ve centenaire de la chapelle de Kerdévot en 1989, il résumait son action dans le titre : un recteur du 20e s face au trésor de sa paroisse ».
Le dossier transmis au Ministre de la Culture en 1980, qui a abouti à sa nomination de Chevalier des Arts et des Lettres en 1983, dresse les principaux chantiers auxquels Jean-louis MORVAN a été associé au cours de ses douze années gabéricoises, avec le Conseil municipal et le Conseil paroissial :

  • La chapelle de Kerdévot réfection de la toiture de la chapelle et de la sacristie :
  • Le retable de la chapelle de Kerdévot : après le vol de statuettes de 1973, le retable a été déposé chez M. HEMERY pour y être restauré. Il y est resté pendant six années et après de nombreuses tergiversations, le monument restauré à retrouvé sa place dans la chapelle. Et Jean-Louis MORVAN, avec Gusti HERVE, a réalisé un magnifique montage audiovisuel avec commentaire sur le retable.
  • La chapelle de Saint-Guénolé que Jean-louis MORVAN appelait «  le véritable petit bijou de campagne ». Elle tombait en ruines et, en 1974, le Conseil municipal avec l'aide des Beaux-Arts et du Conseil Général a décidé sa restauration : réfection de la toiture, lambris refaits et peints, remise en valeur des sablières et peinture, taille d'un autel en pierre...
  • L'église Saint'Guinal du bourg fut l'objet de toutes ses attentions : réfection des peintures du retable du Rosaire, éclairage et mise en valeur de l'intérieur.
  • L'orgue Dallam (datant de 1680),situé dans cette église baroissiale, classé en 1975, se trouvait au fond de celle-ci dans un état délabré. Jean-Louis Morvandécida de tout mettre en oeuvre pour que cet orgue soit rénové et on peut écrire qu'il remua ciel et terre par écrit et par oral pour que cette rénovation soit réalisée pour le tricentenaire de 1980: restauration à l'intégrale de l'instrument musical par M. RENAUD. facteur d'orgues à Nantes, reconstruction de la tribune d'orgue par des artisans locaux peinture du buffet de l'orgue par P. HEMERY du Faouôt. L'inauguration en grandes pompes, couplée à la première journée du patrimoine le 19 octobre 1980, reste encore dans la mémoire de nombreux Gabéricois


Au-delà de ces réalisations sur les monuments, Jean-Louis Morvan s'attachait à faire vivre sa paroisse (chorale, organisation de concerts), animation du patrimoine religieux à travers les offices bien sûr, mais aussi par le renouveau du pardon de Kerdévot. L'échange avec la paroisse allemande de St Martin d'Augsbourg fut aussi un moment fort au niveau culturel.

Jean-Louis Morvan était fier de cette mise en mouvement autour du patrimoine, il a été un ambassadeur d'Ergué-Gabéric au cours de ces douze années avec les montages audio-visuels, les nombreux articles qu'il écrivait, en particulier dans le bulletin municipal, et par les nombreux contacts qu'il établissait pour le rayonnement des monuments religieux.

Pour terminer, on peut reprendre ce que Jean-Louis Morvan écrivait dans la préface du livre du Ve centenaire de Kerdévot en 1989 :  « des multitudes de souvenirs s'entremêlaient dans mon esprit souvenirs de mes 12 ans d'un ministère exaltant où j'étais souvent écartelé entre mes obligations pastorales dans une paroisse en pleine mutation et les richesses historiques et artistiques de la paroisse, toutes rongées par l'usure du temps et des intempéries, à qui il fallait à tout prix redonner vie ».

 

Ces 12 années d'intenses activités pour le patrimoine gabéricois se devaient d'être remémorées pour rendre hommage à Jean-Louis Morvan.

 

Arkae - Bulletin municipal d'Ergué-Gabéric n° 21 - septembre 2006

 

 

Suite...

Afin de compléter au mieux cette présentation de Jean-Louis Morvan, voici les principales dates qui ont marqué sa vie de prêtre :

· 1937 - baccalauréat au lycée St-François de Lesneven.

· 1937 - entrée au séminaire de Quimper

· 1940 - en juin se constitue prisonnier après 11 jours de mobilisation.

· 1945 - en avril libération et retour en Bretagne.

· 1947 - ordination de prêtre par Mgr Fauvel en la cathédrâle de Quimper.

· 1948 - nomination comme vicaire de Landudec

· 1951 - vicaire à Névez

· 1954 - vicaire au Pilier-Rouge à Brest

· 1966 - nomination comme recteur de Melgven

· 1969 - recteur d'Ergué-Gabéric

· 1981 - recteur de la Foret-Fouesnant

· 1999 - retraite active au presbytère de Pouldreuzic

 

Jeune prisonnier de guerre en Allemagne

Au début du conflit de 1940-1945, en France, Jean-Louis qui avait tout juste 20 ans, écrivait son journal sur des feuilles volantes et racontait sa courte mobilisation suivi de son expérience de K.G. (Kriegsgefangener), prisonnier en route vers le pays ennemi.

Là-bas en plein coeur de l'Allemagne, dans son premier camp de prisonnier à Limburg (Stalag XIIA), il les recopia dans un cahier de marque Schola, qu'il compléta les années suivantes de deux autres cahiers identiques. A son retour de captivité, sa soeur Elizabeth les recopia minutieusement sur deux cahiers à spirales.

Plus tard ces cahiers furent remaniés et repris au format A4 agrémentés de photographies prises en Allemagne et à son retour de captivité. Jean Cognard entreprit en 2002 la transcription du texte initial des cahiers à spirale et ce travail est téléchargeable sur le site Arkae.org.

Ce qui frappe le lecteur de ses cahiers, c'est la spontanéité du prisonnier, et la fraîcheur de ses observations. Il dit et écrit tout haut ce qu'il pense. Et de cette spontanéité on devine une grande humanité, un sens de l'amitié et de la fraternité entre les peuples. Il dut travailler dur dans les champs, lui l'intellectuel, et affronter les idées nazies de certains de ses patrons de ferme. Et il souffrit physiquement lorsqu'il dut travailler à l'usine IG Farben-Industrie Ludwigshafen où il devait porter des sacs de soude de 100kg.

Après sa libération et son retour, il y eut des prolongements heureux et positifs à sa période de captivité :

· Alors qu'il baptisait le fils d'un ami à Trier, il fut invité à visiter l'usine de Ludwigshafen par un dirigeant de la société BASF (ex IG Farben). Ce dernier le reçut ensuite à table comme "Ehre Gest" (invité d'honneur) et devant les cadres supérieurs de l'entreprise il relata toute son histoire.

· Son frère Jean-Marie fut prisonnier aussi en Allemagne. Mais contrairement à Jean-Louis il resta dans la même famille à Salgen et il sympathisa avec le fils jeune séminariste allemand du village bavarois. Ce jeune Anton Schaule fit la connaissance de Jean-Louis après-guerre et ils se consacrèrent à la lourde tâche de rapprochement des peuples français et allemands.

· En 1978, Jean-Louis suggéra à Anton de proposer à ses paroissiens de venir à Ergué-Gabéric. Ils hésitèrent car ils craignaient la rancœur de certains français, mais leur accueil fut très émouvant. La messe de réconciliation à la chapelle de Keranna fut poignante également. Et ce fut le début d'échanges entre la paroisse bretonne et celle de St-Martin d'Augsbourg.

 

La dette de la chapelle de Keranna

- La première tâche qui incomba à Jean-Louis à son arrivée à Ergué en 1969 fut purement administrative : la dette de la paroisse suite aux travaux de la chapelle de Keranna s'élevait à 25 millions de centimes. Il fallut beaucoup d'énergie pour obtenir des solutions de financement. En juillet 1970 il écrivait à son évêque : « En me nommant ici, voulait-on placer un prêtre ou un financier ?  Cette année passée, j'ai surtout été financier ; j'ai dû chercher 6 millions, faire appel à la population, organiser une kermesse ... »

- Et dès 1971 il engagea le projet d'une salle paroissiale pour le quartier du Rouillen, ce grâce à un don Le Guay-Lassau. Mais l'évêché, ne voulant pas renouveler l'expérience de Keranna, veillait au grain,  : « Notre préférence va à un équipement pastoral léger, répondant en priorité aux besoins actuels de la catéchèse des enfants et de l'A.C.E. et pouvant cependant servir aux réunions d'adultes. »

- En janvier 1980, dans le compte-rendu de la réunion du conseil paroissial, Jean-Louis put enfin crier victoire : « Pour la première fois depuis 1969, la paroisse n'a plus de dette. Celles de Keranna et de la salle du Rouillen sont règlées, et l'avoir de la paroisse est de 24903 F. »

 

Saccage et restauration du retable de Kerdévot

Entre-temps l'affaire du retable de Kerdévot causa bien des soucis au recteur gabéricois. Le 6 novembre 1973 cet ensemble unique d'origine anversoises et datant du 15e fut l'objet d'un cambriolage par le gang "spécialisé" Wan den Berghe de Bruxelles qui emportèrent six statues et saccagèrent une dizaine d'autres. Trois statues furent retrouvées six mois plus tard, mais les statues du tableau de la nativité sont encore manquantes aujourd'hui.

Suite au saccage, il fallut mettre à l'abri le chef d'oeuvre : d'abord dans le grenier du presbytère, puis dans la sacristie de Kerdévot, en enfin au musée de Quimper. Il fallut aussi répondre aux enquêtes de la police judiciaire et aux responsables des Beaux-Arts car le retable était classé.

En 1975, à force de démarches, le travail de restauration fit confié à Paul Hémery du Faouët qui sut redonner aux statues abîmées leur dorure et leur polychromie originelles. Et en 1979, Jean-Louis et Pierre Faucher, maire, décidèrent le rapatriement du retable à Ergué, car les décisions des instances parisienne tardaient à venir.

Ce jour-là, les services municipaux travaillèrent toute la journée à hisser le retable pesant une tonne et ils n'eurent pas le temps de poser la vitre blindée de protection contre de nouveaux cambrioleurs. Jean-Louis et Gusti Hervé de la commission diocésaine d'art sacré passèrent la nuit dans la chapelle et prirent des centaines de photos.

   

 

L’Orgue de Thomas Dallam en 1980

En 1971 on découvrit que cet orgue historique Dallam datant de 1680 avait été ignoré du classement des monuments historiques lors du dernier passage de la commission. Lorsque ce fut fait il fallut se battre contre les lourdeurs des administrations, valider les devis, obtenir des subventions, lancer les travaux de restauration sous l'égide de Jean Renaud de Nantes.

En 1978 Jean-Louis engagea une campagne auprès des entreprises pour collecter des fonds. Lorsqu'une société n'était pas assez généreuse il ne mâchait pas ses mots :

« Ce matin j'ai reçu une lettre de votre société avec un chèque de 100 francs libellé "pour vos orgues". Je me demande si vous avez compris le sens de ma démarche : versement d'une somme sur le 1/1000 du chiffre d'affaires destiné aux oeuvres, comme vous me l'aviez conseillé, me laissant espérer une somme assez forte en raison de la bonne marche de la société. »

Le coût total de l'opération fut de 294.000 francs. Et le budget, grâce aux dons et aux subventions, fut bouclé pour le grand jour de l'inauguration de l'orgue, le 19 octobre 1980, soit 300 ans après sa construction. Ce jour-là tout le monde ne put pénétrer dans l'église, et les organistes JA et S. Villard et M. Cocheril firent vibrer les coeurs en interprêtant du Couperin, Roberday, Purcell, Attaignant, Ximenez.

 

 

*  *  *

Les contemporains de Jean-Louis ont pu remarquer qu'il avait un "sacré" caractère. Il était capable de s'emporter, et là on remarquait son bégaiement, mais il le regrettait toujours. Il était émotif. A la cérémonie de départ d'Ergué, il ne put prononcer son discours tant il pleurait d'émotion. Et la grande musique était son refuge et son remède pour affronter les difficultés.

 

 

 Keleier Arkae 46 - septembre 2006

 

 

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Trésors d'archives > Patrimoine religieux > Les deux enclos paroissiaux d'Ergué-Gabéric

Les deux enclos paroissiaux d'Ergué-Gabéric

 Par Pierre Faucher

 

Un cimetière entouré de murs, une église aux riches retables, un ossuaire, un calvaire, une "porte triomphale"… : cette puissante originalité basse-bretonne s'appelle, depuis le milieu du XIXème siècle, L'ENCLOS PAROISSIAL, que l'on découvre dans toute sa splendeur à Guimiliau ou à Pleyben par exemple.

Cet ensemble constitue à la fois un espace architectural et un espace sacré.

 

1.    Généralités sur les enclos paroissiaux

Les enclos paroissiaux présentent les éléments suivants autour et dans l'église :

· Le baptistère (fonds baptismaux) installé à l'entrée de l'église, parfois richement décoré.

· L'ossuaire: jusqu'au 18èmesiècle, l'usage était d'inhumer les morts dans l'église. On transférait les ossements dans l'ossuaire lorsque la place manquait dans l'église. Puis le cimetière s'est installé autour de l'église, et enfin à l'écart, au début du 20èmesiècle.

· Les échaliers: les ouvertures de l'enclos sont obstruées par une marche et par une pierre plate dressée sur le chant, empêchant l'entrée du bétail. Ainsi est souligné le passage du profane au sacré.

· Le porche sud : vestibule qui accueille les fidèles entrant dans l'église. Des scènes bibliques, des statues les préparent à la messe.

· Les retables et le vitrail  dans le chœur décorent l'église ; ils rappellent souvent la Passion du Christ.

· Le placître, espace cultuel situé autour de l'église. Il fait souvent office de cimetière du 18èmeau 20èmesiècle.

· Le calvaire, situé près du porche sud, est souvent orné de scènes du Nouveau Testament.

· L'arc de triomphe: cette porte de l'enclos est supportée par des piliers. Les cortèges (baptêmes, mariages, enterrements) passent sous son arcade.

· La sacristie, accolée contre le chœur de l'église

 

Les enclos paroissiaux sont le reflet d'une histoire et d'une culture singulières :

· Prospérité économique des 15ème– 17èmesiècles, en particulier dans les régions toilières  (Locronan, Guimiliau, Saint Thégonnec…) et maritimes.

· Vitalité religieuse stimulée par la Réforme Catholique durant cette période.

· Présence insistante de la mort dans les mentalités.

· Force d'une identité paroissiale, qui s'affiche dans les clochers, les porches, les calvaires.

 

2.      Les deux enclos paroissiaux d'Ergué-Gabéric.

Bien qu'éloignée des régions d'identification des "riches" enclos, la paroisse d'Ergué-Gabéric a construit deux ensembles qui ont des caractéristiques proches de ces enclos.

L'église Saint Guinal, église paroissiale du Bourg, avec :

- Le mur d'enclos, comportant plusieurs échaliers.

- La porte d'entrée de l'enclos (les piliers sont en place face au portail occidental de l'église).

- Le placître, qui fut cimetière jusqu'entre les deux guerres du 20èmesiècle.

- Le porche sud, auquel on accède par un escalier.

- L’ossuaire (17èmesiècle) qui présente 4 baies en plein cintre, séparées de 3 autres identiques par une porte.

- La maîtresse-vitre de la Passion (1516), dans l'église (qui est du début du 16èmesiècle), composée

de 4 baies, s'achève par un tympan dessinant 2 fleurs de lys.

- Le retable du Rosaire est entouré d'un Ecce Homo et de Sainte Apolline.

- Et dans cette église, se trouve un orgue dû à Thomas DALLAM, placé dans un buffet orné

de peintures figurant des anges musiciens (1680), comme dans les églises des enclos paroissiaux illustres de Pleyben et de Guimiliau

 

 

La chapelle Notre-Dame de Kerdévot, qui comporte aussi :

- Un mur d'enclos, avec des échaliers.

- Un placître, clos par les bâtiments de la ferme sur un côté, et qui ne semble pas avoir été un cimetière. Kerdévotn'est pas chapelle de trêve et ne contient pas d'ossuaire.

- La porte d'entrée de l'enclos, face à l'entrée principale (porche occidental) de la chapelle.

- La chapelle gothique du 15èmesiècle, avec sa maîtresse-vitre contenant des fragments de la vie du Christ, avec son retable sorti d'un atelier d'Anvers (scènes de la vie de la Vierge et de Jésus), d'autres retables et statues, et un calvaire intérieur. Elle comporte aussi un porche occidental avec des écus.

- La sacristie, qui offre une couverture en forme de carène.

- Le calvaire extérieur, mutilé à la Révolution, qui comprend trois croix.

 

Ainsi, Ergué-Gabéric se compte parmi les paroisses qui ont construit deux enclos paroissiaux. Cette particularité s'explique :

- Saint Guinal, au Bourg, est l'église paroissiale, avec son ossuaire et puis son cimetière, où l'on célèbre toutes les cérémonies importantes de la vie (baptêmes, mariages, enterrements). Cette église regroupe l'ensemble des caractères d'un enclos paroissial.

- Kerdévot, chapelle dressée en reconnaissance à la Vierge, en particulier pour l'arrêt de la peste venant d'Elliant, n'a pas les fonctions d'église paroissiale. Ainsi, les éléments de l'enclos s'en trouvent limités (pas de cimetière et d'ossuaire, pas de fonds baptismaux).

 

 

Bibliographie :

· les nombreux guides touristiques (Gallimard…)

· Le Répertoire Couffon du diocèse, "Eglises et chapelles" - 1988.

· Deux livres :"Les enclos paroissiaux de Bretagne", de Y. Pelletier. 2005.

et "Les enclos de Dieu" de G. Leclerc, 1996, Edit. Gisserot.

· Enfin, la plaquette "Kerdevot 89", éditée par Arkaé.

 

      Vous pouvez encore consulter au Centre de Documentation Arkaé :

· "Atlas de l'histoire de Bretagne", Skol Vreiz, 2002.

· "Enclos paroissiaux", Edit. Ouest-France, 1990.

· "La Bretagne des enclos et des calvaires",

de D. Mingant et M. Decéneux, Edit. Ouest-France, 2001.

· Le "Dictionnaire du Patrimoine Breton", Editions Apogée, 2001.

 

 

 

C'est quoi, un placître ?

  Par François Ac'h

 

Vous ne trouverez pas ce mot dans les dictionnaires, ni dans le Larousse, ni dans le Robert. Or, ce mot est d'usage courant en Bretagne. Il y a pratiquement un « placître » dans chaque bourg breton. Alors ?

 

En fait, là où en Bretagne il y a un « placître », en Auvergne il y a un « couderc », en Alsace il  y  a  un « usoir », dans le Berry ou dans le Poitou, il y a un « queyriau »ou « querieux », bien que ces termes ne soient pas tout à fait équivalents.

La réalité concernée, c'est, au Moyen-âge, l'espace communautaire dont dispose une petite agglomération rurale (appelée « bourg » en Bretagne, « village » ailleurs). Les routes se rencontrent dans le bourg et s'élargissent en se rencontrant. Cela donne un espace libre, une sorte de terrain vague qui fait office de grand carrefour ou de plaque tournante, lieu de pacage, lieu où se tiennent les pardons, les marchés, les jeux ou les feux de la Saint Jean… On peut y trouver une fontaine, un puits ou une mare, une chapelle ou une église, peut-être un calvaire.

Ce « placître » ,dans son  sens originel, a un terme correspondant en breton : c'est le « leur »:: place ou « placis » du village/bourg. Le « placître », était plutôt vaste autrefois, pas toujours matérialisé dans ses limites. Il a été peu à peu grignoté par les habitants du bourg qui se sont approprié des parcelles et y ont tracé des clôtures pour leurs jardins, courtils, échoppes.

L'église aussi était construite sur cette place commune. C'est, semble -t-il à partir des années 1630-1640 que les églises se sont entourées d'un espace clos, séparé du reste du bourg par un muret de nature à la fois à interdire l'accès du bétail et à définir une « terre sainte » autour de l'édifice religieux.

C'est cet « enclos »qui recevra plus tard les tombes des défunts, quand l'enterrement dans l'église même sera abandonné. Mais il sera en même temps une sorte de vestibule de l'église, avec un porche d'entrée, un calvaire qui peut servir de chaire à prêcher, qui déroule les scènes de l'histoire sainte…

Ainsi, le mot « placître » aurait évoqué au départ un espace public où trouvait à s'exprimer la vie quotidienne des villageois, et aurait fini par désigner prioritairement l'espace religieux, qui, par son architecture souvent riche et sa fonction particulière, s'est démarqué du reste du bourg et distingué d'un espace profane, tout en y trouvant habituellement une parfaite intégration.

En entendant « placître de Kerdevot », on peut donc aujourd'hui comprendre qu'il s'agit du grand triangle planté de platanes et de chênes, englobant à sa base la chapelle et son enclos (cf. Keleier, n° 33, rapport de "Bretagne Arborescence"). En ce sens, on dit que le marché de Kerdévot « a lieu sur le placître », que la procession « fait le tour du placître »… Et, suivant l'autre sens, plus récent, et plus restreint : le « placître », est devenu strictement l'espace clôturé autour de la chapelle, le domaine des assemblées religieuses, avec l'équipement architectural qui correspond à cette fonction. A noter que le cadastre de 1835 ne fait pas encore apparaître de mur de clôture autour de la chapelle de Kerdevot. Il aurait donc été construit ultérieurement.

 

Bibliographie :

·  Pierre Flatrès, "les placîtres en Bretagne"Geographia polonica. 38. 1978.

·  Jean-François Simon : "Le paysan breton et sa maison. T.2 La Cornouaille". Ed. de l'Estran.

 

 

Keleier Arkae 45 - juillet 2006

 

Trésors d'archives > Souvenirs > J'ai été sonneuse de glas à Kerdévot

« J'ai été sonneuse de glas à Kerdévot »

Par Marie SALAÜN

De ses souvenirs de jeunesse, alors qu'elle habitait tout près de la chapelle, à Menez Kerdevot, Marie a réussi, même si elle se désole de certains oublis ou inexactitudes, à nous transmettre ce témoignage d'une époque où le culte des morts revêtait beaucoup d'importance.

"Quand je devais sonner le glas, il fallait monter sur la tour. Je passais par l'escalier de dehors. Il y avait une rampe d'un côté, mais pas de l'autre. Puis je me hissais, et je sonnais le glas avec les battants. Il y avait deux cloches à Kerdévot.

Je sais qu'il y avait un rythme différent pour annoncer le décès d'un homme, celui d'une femme, celui d'un enfant, mais je ne me rappelle pas trop bien du code, c'est-à-dire du nombre de tintements. J'ai sonné une seule fois pour le décès d'une fillette, heureusement ! Quand j'étais absente, une autre personne le faisait, mais il paraît que ma façon de sonner était reconnaissable.

Le glas était sonné plutôt en fin de journée.

J'avais peur des chauves-souris, mais il fallait y aller quand même.

Il était sonné pour annoncer le décès de quelqu'un du quartier, et aussi parfois pour les voisins proches d'Elliant.

C'est la famille du défunt qui disait où il fallait sonner le glas, et qui payait pour cela. A Ergué-Gabéric, le glas pouvait être sonné au Bourg, à Kerdévot, à Saint-André et à Saint-Guénolé. Le glas était sonné à l'un de ces clochers avant l'enterrement, mais celui-ci se faisait toujours à l'église paroissiale.

Voilà quelques moments de ma vie qui se sont passés auprès de la chapelle de Kerdévot, dans les années 1943 – 1945, et peut-être un peu plus".

 

Témoignage recueilli par Suzanne Lozac'h et Jacqueline Le Bihan.

Le livre "Cloches et carillons de Bretagne", de Gérard Loménec'h, peut documenter davantage ce sujet. Il accrédite parfaitement les souvenirs de Marie Salaün.

 

Keleier 45 - juillet 2006 

 

 
 
 

Trésors d'archives > Quartiers > La ferme de M. Chiquet à Guilly Vian

La ferme de M. Chiquet à Guilly Vian
 
 
 

Guilly Vian dont on trouve la première trace écrite dans un document daté de 1458 se compose de guilly ou kili, bosquet, bocage et de Vian, petit, adjectif ou patronyme. Ainsi le nom du hameau signifie « petit bosquet » ou le « bosquet du dénommé Petit ».

Guilly Vian occupe une partie d’un petit plateau à environ 100m d’altitude, au nord est d’Ergué-Gabéric. Ses limites sont comprises entre la route de Coray, Guilly Vras, Quillihouarn, Kervoreden et Kerouzel. Guilly Vian représente environ 50 hectares. La voie quittant la route de Coray à l’embranchement nommé Croas Hent Guilly et desservant Guilly Vras, Guilly Vian et Quillihouarn s’appelait chemin de Quillihouarn. Ce chemin assurant la liaison entre la route de Coray et l’ancienne route de Carhaix, que l’on rejoignait à 400m derrière Quillihouarn plaçait donc Guilly Vras et Guilly Vian entre deux axes de circulation importants.

 

La ferme de M. Chiquet est celle située sur la gauche, au point où la voie goudronnée redevient chemin et descend dans la vallée, où coule le ruisseau de Guilly.

M. Chiquet est né à Guilly Vian en 1921 et y réside encore actuellement. Il a pu remarquer autour de sa ferme divers éléments en lien avec le passé des lieux. D’après lui, la partie la plus ancienne est l’étable située à l’extrémité ouest de l’exploitation. « C’est un édifice reconstruit (traces de reprises du pignon) avec remploi, en majorité, de pierres plus anciennes. L’appui de fenêtre est partiellement constitué d’une pierre moulurée (ancienne corniche ou corbelet de cheminée ?). L’absence de linteaux en pierre et l’irrégularité de la mise en œuvre plaident également en faveur d’une reconstruction totale, tout comme le bloc monolithe au niveau du soubassement (…), peut-être (…) un bloc extrait à proximité, peut-être un ancien seuil de porte ». A l’intérieur, on observe une niche pratiquée dans le pignon ouest : « vestiges de l’âtre de l’ancienne cheminée ? Il pourrait alors s’agir de niches destinées à abriter des denrées craignant l’humidité (tabac, sel). Il serait donc envisageable de penser que ce bâtiment a pu servir, à un moment donné, de logis ».

 

Presque dans le même alignement, vers l’est, la maison d’habitation se trouve au bord du chemin. En façade l’appareil est plus soigné, plus régulier : les blocs de granit sont équarris, des pierres de taille soulignent toutes les ouvertures. En revanche, on retrouve le moellon dans le mur aveugle (sans fenêtres) à l’arrière de la maison. « Cela correspond aux habitudes de l’époque ». En façade, orientée sud, les ouvertures sont symétriquement distribuées par rapport à l’axe de la porte. L’ouverture de l’étage, surplombant la porte d’entrée, permet d’accéder au grenier de l’extérieur. « Les petites ouvertures latérales servaient à aérer le grenier, l’ouverture centrale d’accès (par échelle) et le pignon découvert (…) indiquent que, comme c’était la règle, la couverture d’origine était en chaume. Ce logis n’est certainement pas antérieur à 1833 ».

L’espace de vie dans la maison s’organisait en deux pièces, « selon la distribution courante de l’époque : salle/chambre séparées par un couloir délimité de cloisons », en bois ici. Un escalier intérieur constituait un second accès pour le grenier. La salle occupe la partie droite. On cuisinait dans la grande cheminée aménagée dans le pignon est. La table prenait place sous la fenêtre la plus proche de la cheminée, perpendiculairement au mur. Le long des parois étaient disposés les lits clos, les armoires. La famille des patrons, la bonne y vivaient. Les murs ont été recouverts d’un enduitblanc, décoré à l’éponge de pois bleus. La pièce de gauche servait de chambre aux patrons. Elle avait aussi sa cheminée. Les enfants en bas âge y dormaient également. Cette pièce a conservé son sol en terre battue. Une rigole est pratiquée dans le sol entre les deux pièces. « A-t-elle servi à canaliser les eaux d’évacuation d’un ancien évier ? Le logis, est caractéristique de l’habitat rural finistérien dans ce secteur. Il s’agit d’un logis en rez-de-chaussée avec combles à surcroît. Le puits qui porte la date de 1831 et le logis semblent être tout à fait contemporains. »

 

Les bêtes logeaient dans l’étable mitoyenne à la maison d’habitation.Les chevaux entraient par la porte de droite, les vaches par celle de gauche. « On retrouve le schéma courant selon lequel l’étable à chevaux jouxte le logis, alors que l’étable à vaches se situe à l’extrémité de l’alignement ». Deux issues donnent sur l’arrière du bâtiment: là sont aménagéesl’aire à battre et une grange faite d’imposants blocs de granit équarri. « A l’origine cette grange était couverte d’un toit en chaume. La porte centrale, pouvant laisser passer une charrette et actuellement surmontée d’un linteau en bois, était probablement, une porte en arc plein cintre en granite. Des exemples semblables sont nombreux en Cornouaille. La mise en œuvre est très soignée et les chaînages d’angle sont en partie composés de gros blocs taillés. Ce bâtiment, peut-être abaissé, date vraisemblablement des années 1830-1840 et est donc contemporain au logis. ».

La ferme possédait son four à pain à l’angle sud-est de la maison neuve, bâtie par les parents de M. Chiquet au début du XXes. M.Chiquet l’a détruit en 1947, lors de la construction de la route.

Aux alentours de sa ferme, il a relevé la présence de plusieurs penty effondrés, les restes d’anciens talus qui lui ont permis de deviner le tracé des anciennes parcelles. M. Chiquet a extrait de nombreuses pierres de ses champs dont il a orné sa cour. Parmi celles-ci se trouve une borne romaine, aujourd’hui placée entre le pignon de son appentis et le bord de la route. Il existait deux carrières de granite autrefois à Guilly Vian, dans la courbe du chemin descendant dans la vallée. De l’une on extrayait la pierre à bâtir, de l’autre de la pierre pour faire des auges, abreuvoirs, pierres à piler l’ajonc…Ces carrières expliquent la qualité de la mise en œuvre des bâtiments.

« Les bâtiments, surtout le logis et la grange, reflètent l’architecture rurale traditionnelle de la Cornouaille dans la première moitié du XIXesiècle. Les étables en alignement ont été rajoutées dans la seconde moitié du XIXesiècle ». Guilly Vian est un des exemples de bâti ancien de qualité qui subsiste encore à Ergué-Gabéric.

 

Keleier Arkae 25 - janvier 2003
 

Trésors d'archives > Quartiers > Histoire du patronage d'Odet

Histoire du patronage d'Odet
 
 
Il y a un peu plus de 70 années, en Août 1931 fut inauguré le Patronage d'ODET.
Située au pied de la cité et des jardins ouvriers de Ker Anna, cette réalisation d'une salle multifonction à dominante sportive, fut voulue par Mr René BOLLORE, pour que la population d'ODET puisse se rencontrer autour de diverses manifestations - pour que les gymnastes des Paotred puissent bénéficier d'une salle confortable et bien équipée pour s'entraîner et mieux préparer leur festival ; jusqu'alors, ils se retrouvaient dans des locaux exigus et mal adaptés à Croas Spern - pour que puissent se dérouler des activités culturelles tel que le théâtre et le cinéma (muet et en noir et blanc à l'époque).
 
 
La photo est prise sur le terrain du patronage de l'Hôtel où s'entrainaient les gymnastes et musiciens de la clique des Paotred Dispount
 
 
De la route menant vers l'usine, on dominait cette longue bâtisse avec ses 3 grandes doubles portes et ses grandes baies vitrées. Au fronton en grandes lettres capitales "PATRONAGE DU SACRE COEUR", puis en-dessous "PAOTRED DISPOUNT" et sur le fronton dominant le tout, une grande statue du Sacré Coeur. 
L'accès se faisait par la salle de gym, avec tous ses agrès : barre fixe, barres parallèles (2 de différentes tailles), anneaux, corde lisse et à noeuds, haltères, etc... Une cloison séparait cette salle de la salle de spectacle où l'on pénétrait comme aujourd'hui par une double porte. De chaque côté de l'allée centrale, des rangées de chaises, strapontins, allant presque jusqu'à l'avant-scène avec son trou du souffleur, une rampe éclairante illuminait le rideau du théâtre représentant le calvaire et la chapelle du parc de Mr BOLLORE. Cette scène de théâtre possédait 2 décors amovibles, l'un représentait l'intérieur d'une maison bourgeoise, l'autre une clairière en pleine forêt. Le tout était surmonté de rampes d'éclairage qui permettaient de modifier ou de moduler cet éclairage sur la scène. Dessous cette scène au sous-sol, de grandes armoires à portes coulissantes permettaient de ranger les instruments de musique : grosse caisse, tambours, clairons et des accessoires de gymnastique et de théâtre. Dans le fond de ce sous-sol, une grande chaudière à charbon permettait le chauffage de la salle. Ce sous-sol servait aussi de vestaire aux footballeurs. A cette époque, le patro avait vraiment un équipement complet.
 
Derrière le patronage, à quelques mètres, un baraquement en bois, ayant servi autrefois de bureaux administratifs pour la mine d'antimoine de Kerdévot. Ce bâtiment avait 2 salles, une de jeu avec son billard, l'autre était une salle de lecture - bibliothèque - où l'on trouvait des magazines comme "L'Illustration". Accolé à ce bâtiment, un petit local où se trouvaient des batteries électrolytiques permettant l'éclairage du patro avant que celui-ci ne fut raccordé au réseau électrique.
 
Ce début des années 30, vit se dérouler une forte activité : kermesses, défilé de chars fleuris, festival, théâtre, cinéma (muet), conférences, etc... Vers 1936, l'arrivée du cinéma parlant amena la construction au pignon du patro, d'une cabine de projection et diverses améliorations acoustiques de la salle. A la fin de cette guerre, le patro servit de salle de stockage de ballots de chiffons en prévision de la reprise de la papeterie d'ODET en 1947.
 
Des activités d'avant cette guerre, il ne resta plus que le football. Les anciens (gymnastes et musiciens) ayant décroché depuis un bon moment. Des activités théâtrales continuèrent encore quelque temps ; le cinéma du week-end perdura jusqu'à l'arrivée de la télévision vers 1970. Dans les années qui suivirent, d'autres constructions accolées au Patro furent entrerpises (vestiares, sanitaires, salle de réunion, etc...).
 
En 1980, une convention fut établie entre BOLLORE et la municipalité qui en devint propriétaire pour en faire une salle des fêtes municipale. Le patronage fut agrandi, modernisé, relooké et l'inauguration de cette nouvelle salle des fêtes municipales fut faite par Mr le Ministre de la Mer, Louis LE PENSEC en 1982, au cours du week-end "Treuz an Erge Vraz".
 
Ouverte aux associations, il s'y déroule aujourd'hui une activité culturelle festive et intense. Comme le souhaitait Mr BOLLORE en 1931, cette salle est devenue un lieu de rencontre pour la population gabéricoise et de celle des environs.
 
 
Jean Gueguen - keleier Arkae 20 - mai 2002
 

Trésors d'archives > Patrimoine rural > Quelques recherches sur Tréodet

Quelques recherches sur Tréodet    

Par M. Henri Chauveur

 

Tréodet se situe à l’ouest d’Ergué-Gabéric. Nous en avions évoqué le toponyme dans notre Keleier n°12. Traditionnellement, ce quartier s’étendait des bords de l’Odet à Kerhamus et de Keranroux (ou Kerrous) au lieu-dit Patra, carrefour au nord du Rouillen où la VC 1 prend la direction du Stangala. C’est à Tréodet, que d’après la légende serait né le saint patron d’Ergué-Gabéric, Saint Guinal.

La croix de Tréodet ou de Kerrous

Vestige emblématique du quartier, cette croix avait été observée au début du siècle par le chanoine Abgrall (un des auteurs du Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper et de Léon). Il en a réalisé un croquis, conservé à la bibliothèque municipale de Quimper. C'est monsieur René Rioupère qui découvre la croix bien après le chanoine Abgrall, lors de la réfection d'un talus qui limitait sa propriété de celle où se trouve la fontaine. A cet endroit il existait une garenne qui permettait l’accès à la rivière. Il transporte cette croix au presbytère vers 1962, à l’époque du recteur Pennarun.

 

Croix de Kerrouz - Presbytère d’Ergué-Gabéric.

 

La fontaine

Sa présence ou plutôt son absence m'est signalée vers 1971 par unagriculteur de Tréodet. Ce que nous savons : elle se situe dans un champ qui borde l'Odet. Elle est simplement entourée de pierres de taille. Ce champ appartient à une famille habitant Kerfeunteun. L'acte de vente du terrain, établi vers 1971, précise que la fontaine doit être démontée avant occupation par le nouveau propriétaire. Le fils de l'un des propriétaires nous indique que cette clause de l'acte de vente n'a jamais été respectée mais que la fontaine a tout de même été démontée par quelqu'un ! Par qui ? Personne ne lesait.

Une voisine se rappelle qu'il existe une légende attachée à cette fontaine et qui met en scène un évêque. Un ancien cultivateur à Kerrous, pendant 25 ans, indique : la fontaine était munie d'un fronton et d'un entourage de pierres. Elle pourrait s'appeler Saint-Alar (suggéré) ? Un extrait du cadastre, daté de 1870 nous apprend que la parcelle où se trouvait la fontaine s’appelait « Park ar Person » soit «le champ du curé». Ces différents indices (croix, fontaine)soulignent sans doute l’établissement d’une fondation religieuse en cet endroit.

Le document ci-dessous (traduction Norbert Bernard) confirme la position de la fontaine mais aussi l’existence d’une église dans le haut du champ attenant, côté Kerrous :

« Deux prés fauchables appelés "Prat Sant Qénoé" s'entre joignants (…) donnant à l'orient sur le chemin conduisant du village de Tréodet au village de Queranroux, du midy sur les terres dudit Tréodet, d'occident sur la rivière d'Odet et du nort sur les terres de Queranroux, y ayant des maziéres(ruines) et vestiges d'une chapelle en leur cornière d'orient. Lesquels dépendent dudit presbytère au désir d'acte de transaction en daste de l'an 1750 ».

C'est le champ situé à gauche avant l'entrée de la carrière. Il y a encore quelques pierres dans le coin cité et des voisins se rappellent que dans les années 1960-1967 il y avait encore de grosses pierres de tailles, au bord du chemin, avant sa transformation en une large route d'accès au site d'extraction !

Ainsi, le quartier de Tréodet est loin d’avoir livré tous les secrets de son histoire.

 

Keleier 17 - février 2012

 

 

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Trésors d'archives > Patrimoine religieux > Renaissance des Amis de Saint-André

Renaissance des Amis de Saint-André

Ouvrir toutes les chapelles d’Ergué pour l’édition 2000 des Journées du Patrimoine,  tel était le projet d’Arkae. Mais après un tour d’inspection dans les édifices, force fut de constater que l’accès à l’intérieur de la chapelle Saint-André posait des problèmes de sécurité. Cependant, elle ne sera pas évincée de la liste des chapelles proposées au public les 16 et 17 septembre: ces journées sont aussi l’occasion de prendre conscience de l’état de notre patrimoine. Ainsi, Arkae, M. et  Mme Rannou ont organisé une opération de nettoyage des abords de la chapelle afin d’en valoriser le cadre et les éléments extérieurs, telle la fontaine Saint-Jacques. Le samedi 26 Août se sont mobilisés autour de Saint-André des voisins, des bénévoles d’Arkae, la famille Rannou,un cyclorandonneur d’une commune voisine à qui la petite reine avait fait découvrir et apprécier Saint-André. Une quinzaine de personnes, munies de faucilles, de débroussailleuses, ont dégagé un chemin d’accès jusqu’à la fontaine Saint-Jacques qu’ils ont par ailleurs débarrassée d’une végétation envahissante, tandis que s’activaient les balais à l’intérieur de la chapelle.

Le travail accompli, les participants à cette joyeuse mobilisation ne souhaitent évidemment pas en rester là. Aussi, cet après-midi aura eu pour but de redynamiser l’association des Amis de Saint-André et de rassembler les acteurs d’une restauration que tous espèrent voir s’engager prochainement.

 

 

Mystère de la chapelle Saint-André : la fenêtre du mur nord, variante du triskell.

 

keleier Arkae 5 - septembre 2000
 

En hommage à Jean Le Corre

En hommage à Jean Le Corre

 

Jean Le Corre est né le 15 août 1920 à Ergué-Gabéric. Sa famille habite au Bourg, en face de ce qui est alors la mairie et l’École publique des filles (actuel Centre Déguignet) ; le père artisan-maçon et la mère dirigeant un atelier de confection d’habits bretons qui emploie plusieurs couturières. Il est l’aîné d’un frère, Pierre, et d’une sœur, Louise.
 
En 1932, il est élève boursier à l’École primaire supérieure de Concarneau. Jean se fait rapidement connaître sur les terrains de football ; c’est un attaquant particulièrement doué. En 1937, il signe pour la première fois aux « Paotred Dispount » : dans sa saison, il marque 69 buts… et il est happé par le Stade quimpérois ; il y atteindra le plus haut niveau amateur national de l’époque.
 
Il a terminé ses études en 1939 et vient d’avoir 19 ans quand il se fait embaucher, le 20 août 1939, à la Direction des services agricoles, rue de Douarnenez, à Quimper. Soit juste une dizaine de jours avant la déclaration de guerre entre la France et l’Allemagne.
 
Pendant l’Occupation, son administration s’est trouvée réorientée pour satisfaire au ravitaillement des troupes allemandes en organisant les réquisitions exigées. Mais Jean peut circuler dans le département. Sa position le met en état d’observer ce qui se passe.
 
Au Bourg d’Ergué, il retrouve le groupe de copains animé par Fañch Balès, son voisin immédiat, jeune boulanger, qui est en liaison avec la Résistance en la personne de Madame Le Bail, de Plozévet… Ce qui aboutit, le 14 janvier 1944, à la participation de quatre d’entre eux au « Coup du STO » avec une autre équipe de Quimpérois.
 
De là, la prison (quatre mois et demi  à Quimper, deux mois entre Rennes et Compiègne), puis le camp de Neuengamme et ses détachements en « kommandos », enfin celui de Buchenwald. Libération le 11 avril 1945 et arrivée en gare de Quimper le 12 mai suivant.
 
Pierre Tanguy, maire d’Ergué-Gabéric, recrute Jean Le Corre à compter du 1er juin 1945 pour seconder Louis Barré, qui se trouve seul au secrétariat de la mairie après la démission de François Lennon. Jean travaille selon un horaire aménagé ; il n’a que la route à traverser pour regagner son travail. Il y restera pendant quatre ans et demi, jusqu’au 28 février 1950.
 
Entre-temps, il a épousé Georgette le 12 février 1947 ; ils auront trois enfants et habiteront à Quimper. Jean travaille alors comme représentant de commerce pour le bâtiment et l’équipement automobile. Georgette et lui se retireront à Saint-Évarzec en 2012.
 
Jean Le Corre a vécu un retour difficile dans le monde ordinaire : unique déporté de la commune, désemparé parmi les anciens prisonniers de guerre, qui avaient tous de quoi raconter, mais ne comprenaient pas ce que lui leur disait ; soupçonné d’en rajouter par ceux qui s’étonnaient de sa réussite au Stade quimpérois, où il avait retrouvé toute sa place ; poursuivi par l’idée que le groupe avait été trahi, victime d’une dénonciation restée anonyme ; desservi par le fait d’avoir été le premier arrêté après le coup du STO, dès le 17 janvier 1944. 
 
Jean Le Corre apportait le trouble dans ce monde qui ne voulait que savourer une tranquillité retrouvée. C’est l’histoire de beaucoup de déportés qui ont pu rentrer chez eux… « Ce n’est pas vrai, ce que tu racontes ».
 
Jean Le Corre ne s’est jamais pris pour un héros. Selon lui, en 1944-45, les évènements s’enchaînaient. Il les a vécus jour par jour, heure par heure. Chaque jour, trouver de quoi manger, se ménager, durer. Il avait quelques atouts : avoir appris à manier la pelle et la pioche, sans se fatiguer inutilement, comme le lui avait montré son père avec qui il travaillait l’été sur les chantiers. Chaque jour oser, ruser : la vivacité et le sens de la feinte qu’il trouvait sur le terrain de foot, il lui fallait y recourir dans les situations inédites au camp ou en « kommando » ; il lui fallait faire appel à l’instinct de conservation, tel celui du gibier qu’il avait déjà observé à la chasse dans la campagne d’Ergué-Gabéric. D’après lui, c’était aussi simple que ça. Mais cela s’appelle la résistance. Ce fut la sienne de janvier 1944 à avril 1945.
Et il trouvait complètement dérisoire la course aux décorations de certains. Pas de drapeaux autour de son cercueil. Ni même sa Légion d’honneur.
 
 
François Ac'h
 
 
Keleier Arkae n°93 - Mai 2016

Le bourg d'Ergué dans les années 1930

Le bourg d'Ergué dans les années 1930 par Jean Thomas

Jean Thomas est né à Ergué-Gabéric le 17 mai 1929. Ses parents, Jean-Louis Thomas et Catherine Le Grand ont de multiples activités au Bourg : un atelier de menuiserie-ébénisterie, une fonction de fossoyeur, des commerces divers : quincaillerie, épicerie, bistrot, salle de bal, repas de fêtes… un univers où il a grandi et observé. Il devient par la suite instituteur public et enseigne surtout à Carhaix, en tant que professeur de collège. Jean a rédigé entre 1990 et 2000 ses souvenirs correspondant aux dix premières années de sa vie. Voici des extraits de son texte intitulé Gosse de village, où il rend compte de ses observations sur la vie du Bourg d’Ergué-Gabéric dans les années d’avant-guerre.
Jean est décédé en janvier 2010.
 
 
Je n’allais pas encore à l’école, que je trottais librement à travers le Bourg à la découverte de ses secrets et à l’affût de l’évènement, qui était rarissime.
 
 
Les routes autour du Bourg
 
La route de Pont-Banal, qui mène à Lestonan, et la route de Pennarun, qui mène à Quimper, sont les seules routes qui desservent le Bourg, mais elles ne sont qu’empierrées. La route de Kergaradec, qui passe devant l’école des Sœurs, la route de Boden, qui passe devant l’école des garçons, et la route du bas du Bourg ne sont que des voies charretières de desserte des champs, à peine utilisables à cause de leur dénivelé (des « garn »). 
Le route de Kernevez fut faite en 1935, et j’ai souvenir de Yann Keraval et de son fils Louis, avec leur cheval « Pichard » remontant les wagonnets vides, dont le chargement servait à combler la vallée du Douric. J’ai passé des heures à observer leur manège et le travail pénible des piocheurs et des pelleteurs. Cette route libérera une place devant l’école. Après leur journée, les enfants du Bourg allaient s’amuser sur le chantier à rouler les wagonnets sur leurs rails.
La route du Reunic, qui nécessita moins de terrassement, ne fut réalisée qu’en 1937-38. Pour la vallée du Jet, il fallut attendre 1947.
La route de Coray était la seule goudronnée de la commune. Elle fut bitumée en 1935-36 par une équipe de Sarrois, qui furent soupçonnés d’être des éléments de la « 5e colonne » (espionnage allemand). Déjà des bruits de bottes résonnaient Outre-Rhin.
 
 
Eaux de pluie
 
Il n’était  pas question de tout-à-l’égoût ni de trottoirs. Deux fossés longeaient les rues, avec des caniveaux pour les traversées de route. Les jours d’orage ou de fortes pluies étaient une aubaine pour les enfants. Nous jetions des bouchons, des morceaux de bois, des boîtes vides dans les torrents, qui dévalaient les rues. Nous attendions leur sortie des passages souterrains et, invariablement, après la traversée des WC publics, qui existaient déjà à l’emplacement actuel, les torrents nous menaient au Liors Poul Goaec (le verger de Pennarun), où se formait un ruisseau sur lequel nous établissions des barrages avec des mottes de terre et d’herbe, derrière lesquels, avec des goulots de bouteille récupérés dans la décharge [située] derrière les WC, nous établissions des déversoirs qui faisaient tourner des moulins à quatre pâles, que nous fabriquions avec des branches de noisetiers.
[...] Au retour, l’accueil maternel n’était pas triomphal. Immanquablement, une magistrale fessée calmait la colère de Maman, mais immanquablement le fils remettait cela à chaque occasion.
 
 
Les points d’eau
 
La fontaine du bas du Bourg était le seul point d’eau public. Les puits particuliers à margelle étaient nombreux. On puisait l’eau au moyen d’un seau attaché à une chaîne actionnée par une poulie. Le puits de l’École des filles existe encore en l’état. Celui de derrière le restaurant La Capitale servait à toutes les familles de ce secteur. Celui de la cour Troalen est aujourd’hui supprimé, ainsi que ceux de Marik Mahé (anciennement Feunteun), de Per Rouz, de Poupon, de l’école des filles, de l’école des sœurs, de Lennon (anciennement pharmacie), de Thomas (sous le petit immeuble), de Le Moigne, de l’école des garçons avec sa pompe à godets (très moderne pour cette époque), de la venelle de la mairie où, enfants, nous sautions du talus Le Moigne sur la margelle, au risque d’y tomber, au désespoir des voisines qui nous réprimandaient. Je ne sais pas ce qu’il est advenu de celui du presbytère, ni de celui de Marie-Anne Ar C’hroêk dans la « Garn ar groas » qui attirait par son emplacement mystérieux dans l’obscurité, au pied de l’escalier.
Dans le sous-sol de la boulangerie Biannic (plus tard la bibliothèque), le meilleur puits du Bourg, au débit intarissable, déversait son trop plein dans le réseau des eaux pluviales. Existe-t-il encore actuellement ? 
Dans ma jeunesse, je me suis désaltéré à tous ces points d’eau. Quant à la source qui jaillissait dans le vieux chemin, dans la montée de Coat Chapel, c’est à elle qu’on s’approvisionnait pour la fabrication de l’eau bénite, à cause de sa pureté.
 
 
Les animaux domestiques
 
Les chiens divaguaient dans les rues ; ils ne connaissaient ni la laisse ni le chenil : berger, setter, ratier, épagneul ou plus souvent bâtard, connus de tous les habitants ; on les rabrouait, les chassait ou les caressait selon notre humeur. Ils étaient les amis de tous, mais n’avaient qu’un maître. Leurs attroupements  et leurs accolements lors des périodes de rut, dites « missions » n’offusquaient personne. Si le propriétaire voulait préserver la vertu de sa chienne, il l’enfermait. Et pour décourager un prétendant trop assidu, la solution consistait à lui attacher une vieille casserole à la queue : épouvanté, il rejoignait ses pénates et ne se risquait plus dans les parages. […]
Quant aux chats, chaque famille en possédait un pour la chasse aux souris, qui fréquentaient alors les maisons. Mais ce n’est pas du haut des balcons qu’ils lorgnaient leurs partenaires. Ils étaient libres le jour. Et la nuit, on les mettait hors des demeures. Discrètes créatures, elles ne signalaient leur présence que par des miaulements lugubres lors des combats de matous et des accouplements. […]
La présence de nombreux chiens et chats n’importunait personne.
 
 
Les animaux d’élevage
 
Les quatre cultivateurs du Bourg avaient d’autres soucis avec leur bétail et leurs volailles.
Le recteur élevait des poules et des lapins, en plus d’une vache qui pâturait un pré communal au bas du Bourg, appelé « Foënnec ar person », où on accédait facilement du presbytère. La dispersion et le mélange des champs autour du village imposait à chaque éleveur de traverser le Bourg avec son troupeau.Chaque matin, Fañch Lennon, le bistrotier, Per Rouz, de Plas an Intron, Lannig Troalen, le buraliste-fermier, et Pierre Le Grand, remplacé plus tard par Hervé Feunteun, menaient leurs vaches et leurs chevaux aux champs. Marie-Anne Ar C’hroëk ne possédait que des vaches.
Au rythme des bêtes (les chevaux étaient tenus par la bride), chaque troupeau rejoignait sa pâture, qui variait d’un mois à l’autre : au Pont-Banal, au Douric Piriou, à Minez ar Vorch, à Kergaradec, à Carn ar Gosquer, déposant de temps en temps une bouse éclaboussante qui s’étalait en galette sur la route, ou un crottin chaud en pelote. Le même manège recommençait chaque soir pour le retour.
Ces déjections faisaient le bonheur d’Eugène Piriou, l’éboueur du Bourg. Avec un vieux landau transformé en carriole, muni d’une pelle et d’un balai de genêt, il ramassait bouses et crottins. Et mal venu aurait été celui qui lui aurait volé sa place et son butin, qui servait de fumure au petit jardin que son père entretenait devant chez lui, place Fañch Balès. Béret rond vissé sur la tête, veste noire, attitude digne et toujours maugréant, il prenait son rôle au sérieux. [...] Il n’était pas rare de voir une poule gloussante et ses poussins déambuler sur la route. Les porcs s’échappaient parfois de la cour et s’aventuraient dans le Bourg. Et l’on entendait Louise Coïc, Rine Rouz ou Marie Jeanne Feunteun rameuter sa bête égarée…
 
 
 
 
L’automobile
 
Le parc automobile local comptait seulement quatre voitures au Bourg : la 201 Peugeot de l’instituteur Autret, la Citroën Rosalie en forme de bateau bâché, d’Hervé Le Roux, le maraîcher qui livrait chaque jour des légumes frais aux Halles de Quimper, la C4 du boulanger Biannic et la fourgonnette du boulanger Balès. Longtemps, le vieux Lors Rocuet, beau-père de Biannic, assura la livraison du pain et de l’épicerie dans les fermes au moyen d’un char à banc bâché tiré par un cheval blanc. Sa silhouette est restée gravée dans ma mémoire. Jean Balès avait des dépôts à Kerdevot, Saint-André, Drohen et Hostalidi. Déjà la concurrence existait.
 
 
Foires et marchés à Quimper
 
Le mercredi et le samedi étaient jours de marché et de foire à Quimper. Le car de Jean Marie Tanguy, d’Elliant, assurait le service régulier ces jours-là. Il arrivait par Saint-Joachim (la route du Reunic n’existait pas encore) et klaxonnait dans la pente de Pont-Banal pour signaler son arrivée. Les gamins s’écriaient en breton : « Tangi-Tangoche, lakit ar c’hi ba loch », ce qui se traduit par « Tanguy-Tangoche, mettez le chien dans la niche ».
Rarement, les enfants accompagnaient la maman au marché, sauf pour les achats vestimentaires les concernant. Le car stationnait toujours au Pont Firmin. Le soir, au retour, il rentrait très chargé ; les personnes sortaient d’abord, puis on descendait les colis. Les enfants s’attroupaient autour du car, impatients de découvrir la friandise que la maman ramenait pour sa progéniture. J’étais toujours satisfait de mes gâteaux et de mes bonbons ou du cadeau, mais j’enviais toujours ceux des enfants Heydon, dont la maman était très généreuse. Le car repartait, et à la semaine prochaine !
Beaucoup de paysans ne prenaient pas le car ; ils allaient à la foire en char à banc ou en charrette, suivant la bête qu’ils avaient à vendre. Le beurre baratté le vendredi soir et les œufs étaient placés dans de larges paniers plats en osier ; les têtes des poulets aux pattes liées et des lapins sortaient des sacoches. Le char à banc suffisait pour la patronne et le patron. Pour les porcs et porcelets, on glissait la caisse à claire voie dans la charrette. Si l’on vendait une bête à cornes (vache ou taureau), il fallait être à deux et moucher le taureau. Le premier tirait la bête, le deuxième la piquait par derrière. Il fallait encore régler l’octroi, ce qui prenait du temps. La journée se passait à la foire. Encore fallait-il  ne pas revenir avec la bête invendue.
Et le soir, le défilé des chars à banc et des charrettes reprenait, mais au retour, on s’arrêtait dans les épiceries du Bourg pour faire les provisions alimentaires. Les chars à banc-cabriolets et les tilburys à grandes roues furent assez vite remplacés par des chars à banc à pneus. Un attelage sortait de l’ordinaire par sa vitesse et son élégance : celui de Louis Lézounach, tiré par un pur sang appelé « Chimir ».
 
 
 
Le dimanche
 
Mais le grand jour d’animation du Bourg était le dimanche matin, le jour de la religion, le jour du Seigneur. Chaque paroissien se faisait un devoir, et c’était une obligation vis-à-vis de l’Eglise d’assister à au moins une messe chaque semaine.
Dans les fermes, qui employaient à l’époque beaucoup de personnel, on organisait le service de façon que chacun puisse se rendre à l’office. Les premiers venaient à la première messe et rentraient remplacer les suivants, et ainsi de suite, pour ne pas perturber le travail quotidien.
Trois sonneries de cloches, espacées de 5 en 5 minutes, rappelaient aux ouailles qu’il était temps de rejoindre l’église. Entre chaque messe, le prêtre récitait des services pour le souvenir des défunts, services de huitaine, services anniversaires qui remplissaient la nef.
Les vêpres, qui avaient lieu le dimanche après-midi, n’attiraient la foule qu’aux grandes fêtes religieuses : Pâques, Fête-Dieu, communions… [...]
Ainsi, tous les dimanches, des groupes de fidèles rejoignaient le Bourg, qui à pied, qui en char à banc, qui, plus tard, à bicyclette, lorsque ce moyen de locomotion se vulgarisa, tous endimanchés, en coiffe et chapeau, en tablier et en « chupenn » brodé, chaussés au départ de la ferme en « boutou coat » pour affronter les chemins boueux, « boutou coat » que l’on quittait pour des « boutou ler » à l’approche du Bourg. [...]
Après la messe, on se rendait au cimetière prier sur les tombes des défunts.
Ces rendez-vous du dimanche matin étaient l’occasion, de rencontres, de retrouvailles, de conversations entre amis, parentés ou nouveaux paroissiens dans les commerces du Bourg.
Les jeunes gens et les jeunes filles préparaient les sorties de l’après-midi. Dans les cafés, les tablées se formaient : les femmes prenaient un café en dégustant une pâtisserie (chaussons aux pommes, palmiers, allumettes, madeleines, gaufres, feuilles de laurier, croûtes à thé). Les hommes, au comptoir, devisaient devant un rouge-limonade ou un rouge-vichy. Pâtisseries et boissons n’étaient pas très variées.
Tandis que les femmes faisaient leurs courses dans les épiceries, les hommes profitaient pour faire réparer les vélos. Mon père occupait, avec un ouvrier, toute sa matinée à changer des pneus dans son atelier, réparer des freins, refaire des roues libres ou bricoler.
Après le départ des clients, nous déjeunions vers 13 heures. [...]
 
 
La fête du Bourg
 
Pour animer le petit Bourg et compenser la tristesse du pardon officiel, qui avait lieu le premier dimanche de novembre, les commerçants organisaient sur un dimanche après-midi en juillet-août la « Fête du Bourg » : courses à pied pour jeunes, adultes et vieux, qui se déroulaient alternativement avec départ et arrivée devant les différents cafés, avec, pour récompenses pour les vainqueurs, des paquets de tabac et cigarettes, des mouchoirs, des bouteilles.
 
Quelques compétitions étaient très humoristiques : dans la course à l’œuf, il fallait faire le parcours avec un œuf placé dans une cueillere tenue entre les dents ; la course à la brouette consistait à transporter un partenaire sur un tour de l’ancien cimetière. Dans la course en sac, le concurrent se glissait dans un sac qui entravait ses jambes, provoquant d’innombrables chutes.
 
Mais le clou de la fête était incontestablement la course cycliste, où brillaient les vedettes locales : Jean Philippe, de Stang Venn, connu sur le plan national, Yvon Caradec, de Stang Kerellou, Cosquéric, de Kerdilès, Louis Mahé, de Kerdévot, Jean-Louis Pétillon, de Meil Faou, Kerouédan, de Lestonan.
 
La soirée se terminait par un bal public, salle Balès ou salle Thomas.
 
Une année, pour sceller l’entente du comité des fêtes, une sortie en car emmenait quelques semaines plus tard les commerçants et leurs familles à Saint-Nic, Tal-ar-Groas, Crozon et Morgat. Ce fut mon premier repas au restaurant à Pentrez et le vrai premier bain dont j’ai souvenance. Quelle journée mémorable !
 
 
Keleier Arkae n°93 - Mai 2016

Trésors d'archives > Patrimoine religieux > Quand le vieux cantique de Kerdévot servait à la propagande royaliste

Quand le vieux cantique de Kerdévot servait à la propagande royaliste ! 

 

 

 

 

On ne connaissait le vieux cantique de Kerdévot que par la version éditée par l’abbé Favé dans le Bulletin de la Société archéologique de 1891. Il était déjà cité dans la Bibliographie des traditions et de la littérature populaire de Gaidoz et Sébillot en 1881. Depuis le 5e centenaire de la chapelle de Kerdévot, nous cherchions l’original de ce précieux document. C’est fait ! Grâce à son réseau de relations et d’amitié avec les chercheurs bretons, Arkae a réussi à retrouver l’original du vieux cantique. 

 

 
Mieux : nous avons fait d’une pierre deux coups, puisque nous avons trouvé une version du XIXe siècle du même cantique, rajeuni dans son orthographe et son lexique. L’ancien cantique de 1712 était truffé de mots français, car il était bien vu, à cette époque, de montrer son érudition. Celui du XIXe est plus conforme à la langue classique.
 
Le cantique est suivi d’une exhortation peu banale : l’auteur anonyme développe un vibrant plaidoyer royaliste : « Dre ar werz-mañ e welomp, e oa karet ar Roue gant hon tud kozh hag a bedent evitañ pa oa trubuilhet. Ni Bretoned, o bugale vihan a dlefe ivez karet Henri V ha pediñ ma teuy a-berzh Doue, da zegas d’hor bro, ar Frans, ar peoc’h hag an urzh vat, e-lec’h an dizurzhioù-mañ hon deus da c’houzañv a-berzh ar Republik fallakr. » 
Traduisez : « Par cette complainte, on voit que nos ancêtres aimaient le Roi et le priaient quand il était en mauvaise situation. Nous, Bretons, leurs petits enfants, nous devrions aussi aimer Henri V et prier qu’il vienne au nom de Dieu apporter à notre pays, la France, la paix et l’ordre au lieu des désordres actuels qu’on doit supporter de la part de la République scélérate. »
 
L’auteur fait allusion à la deuxième strophe du vieux cantique de 1712 :
« Biscoas, Christenien, sioas ! n’hor boa brassoc’h ezom
Da supplia hor Salver hac ar Verc’hes e Vam,
Da rei ar c’hraç d’hon Roue da veza victorius
Var e oll ennemiet, adversouryen Jesus. »
On traduira ainsi : 
« Jamais, chrétiens, hélas, nous n’avions eu besoin
De supplier notre Sauveur et la Vierge, sa mère,
De donner la grâce à notre Roi d’être victorieux,
Sur tous ses ennemis, adversaires de Jésus. »
Il s’agit ici de Louis XIV en lutte contre les Pays-Bas protestants.
 
En 1871, le contexte est tout autre. La défaite de Sedan en 1870 marque la fin du Second Empire. Les élections du 28 janvier 1871 donnent une chambre aux deux tiers monarchistes. Mais ceux-ci ne font pas immédiatement appel au Comte de Chambord pour éviter de lui faire endosser la défaite, car les Allemands occupent toujours une partie de la France. Le 8 juin 1871, le prince est autorisé à rentrer en France. Les monarchistes sont divisés en deux camps : les Orléanistes et les Légitimistes. Le Comte de Chambord accepte la fusion des deux camps. Le futur Henri V impose cependant une condition : le retour du drapeau blanc. La négociation n’aboutit pas, le Comte de Chambord renonce au trône et repart en exil.
 
A l’automne 1873, il revient à Versailles, conforté par une commission parlementaire chargée de restaurer la monarchie. Mais Mac-Mahon, chef de l’Etat, refuse toute entrevue et fait voter le septennat. La République s’installe en France.
Le Comte de Chambord meurt en exil en 1883.
 
On peut donc dater la réédition du Kantik Kozh Kerzevot aux années 1871-1873. L’éditeur, le propagandiste Arsène de Kerangal, utilise clairement le cantique comme propagande pour le prétendant au trône. 
 

 

Dossier (textes et photos) réalisé par Bernez Rouz - Keleier 84 - octobre 2014

 

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Trésors d'archives > Guerres > 1945 : Fête de l'armistice à Kerdévot

Le 7-8 mai 1945 L'armistice fété à Kerdévot

 

Nous sommes en 1945, au mois de mai. C'est la semaine de l’Ascension. Depuis le Ve siècle, l’Eglise a établi une procession solennelle de pénitence, les Rogations, pendant les trois jours qui précèdent cette fête.
En réalité, à cette époque de l’année, c’était l’occasion de prier pour l’abondance des récoltes.
Dans les jours qui ont suivi,  Gustave Guéguen, recteur de la paroisse a noté dans son Journal :
 
« 7 mai 1945 : Rogations. Le lundi à Saint-Guénolé. Foule nombreuse grossissant au fur et à mesure que l’on approchait de la chapelle : une bonne douzaine d’hommes.
 
8 mai 1945 à Kerdévot. Fort peu de monde : une demi-douzaine d’hommes, une trentaine de femmes dont trois ont suivi la procession depuis le Bourg. M. le Recteur s’est plaint des déprédations organisées à la chapelle. On enlève cierges, clochettes, chandeliers détériorés, etc.  A l’issue de la messe on a appris que le battant d’une des cloches a été enlevé par la sonnerie brutale de la veille au soir, fausse alerte d’armistice.
 
8 mai 1945 à 15h (au Bourg) l’on a sonné le carillon de la victoire pendant 1 heure. Chanté le "Te Deum" devant les enfants des écoles et une assistance d’adultes restreinte.
Quelques protestations quand on a fait cesser les sonneries. Des enfants se sont amusés durant toute la soirée à tinter les cloches en montant à leur risque et péril sur la tour. Nuit très calme contrairement aux pronostics. »

Voici le calendrier de la semaine qui allait suivre, tel qu’annoncé par les prêtres de la paroisse d’Ergué-Gabéric aux messes du dimanche 6 mai 1945 :
  • Demain lundi 7 mai, Rogations : départ de la procession du Bourg pour Saint-Guénolé à 7h1/2.
  • Mardi 8 mai, départ de la procession pour Kerdévot à la même heure.
  • Mercredi 9 mai, procession autour du Bourg à 7h1/2.
  • Jeudi 10 mai, Jeudi de l’Ascension…

Raymond Lozach se souvient.

Il allait avoir 12 ans en Juin. Ses parents habitaient à cette époque, à Ménez-Kerdévot, au bord de la route, une jolie maison basse en pierres. Quelques mètres plus loin, vivait la famille du bedeau de Kerdévot, Yann Le Moigne .

Hervé Lozach et Marianne, sa femme, travaillaient courageusement leurs trois hectares de terre, élevant deux ou trois vaches et quelques cochons, cultivant des petits pois et des haricots verts dont la famille assurait la cueillette. Ils faisaient des « journées » pour les travaux difficiles, dans les fermes alentour.

La ferme de Mézanlès était exploitée par Joseph Le Roux et Marie, sa femme. Il était le frère de Louis Le Roux, de Lézouanac’h (Chroniques de Guerre 1914-1918). Il était lui aussi très bon cavalier. Il lui est arrivé de faire franchir une barrière à son étalon, oubliant la herse à laquelle celui-ci était attelé !!! Joseph était très bricoleur et très astucieux. Il faisait son électricité à partir du ruisseau dans la prairie. En plus d’avoir de la lumière, cela lui permettait d’avoir un poste de radio, la T.S.F. comme on disait, et d’écouter Radio-Londres : « Radio-Paris ment. Radio-Paris est Allemand »…

  • C’est le 7 mai 1945, à 2h.40 du matin, qu’a été signé à Reims, au Q.G. d’Eisenhower, l’acte de la reddition sans conditions de l’Armée Allemande : la fin des hostilités était fixée au 8 mai, à 23h.01.
  • Staline considérant que la signature du 7 mai ne valait que pour la zone occupée par les anglo-allemands, fit signer à Berlin, le 9 mai, à 0h28, une autre capitulation valant pour la zone soviétique.
  • Mais c’est le 8 mai, à 15 heures, que le Général De Gaulle avait fait à la radio l’annonce de la fin des combats.

Raymond raconte :

C’était le soir du 7 mai, après souper. Mon père suivait avec grand intérêt l’avance des Alliés, sur une carte d’Europe, fixée au mur de la cuisine. Jos ar Maner (Joseph Le Roux, du manoir de Mézanlès) venait régulièrement discuter de ce qu’il avait entendu à la radio et ainsi renseigner la carte.
Ce jour-là, tout excité, il nous a appris la nouvelle tant espérée, que l’Armistice était signé. Il n’était pas seul mais j’ai oublié qui l’accompagnait. Quelqu’un a lancé : « Et si on allait à Kerdévot ! » On était habillé « en tous les jours » (c’est-à-dire en tenue de travail). Ma mère a voulu se changer mais nous sommes partis sans l’attendre.

A Kerdévot, on a sonné les cloches. Du coup, les gens des environs sont arrivés. Ils se sont rassemblés pour consommer au bistrot de Mme Nédélec. Celle-ci a débouché le baril de Cap Corse qu’elle réservait pour la fin de la guerre et le retour de son mari, François, prisonnier des Allemands.

Moi, je faisais la navette entre la chapelle et le bistrot ! Je réclamais des sous à mon père pour acheter une bouteille de limonade. Il ne comprenait pas ce que je voulais, et me tendait son verre à chaque fois… plusieurs fois… J’ai fini par avoir ma limonade mais il était bien minuit !

Comme on n’avait pas de drapeau tricolore à brandir, on a pris dans la chapelle trois bannières (pas les grandes !) pour les accrocher au clocher, face à l’Ouest : deux au niveau de la balustrade et, la troisième, Pierrot Bohars (Pierrot Le Roux) l’a fixée sur la flèche, plus haut que les pinacles. Les cierges éclairaient les coins du balcon. On se relayait pour sonner les cloches, jusque tard dans la nuit, tant et si bien que la poutre qui soutenait la grosse cloche s’est déboîtée du mur. Il a donc fallu arrêter de carillonner !

Vers 1 h ou 2 h du matin, Mme Nédélec a commencé à regarder l’heure et à manifester l’intention de fermer. Chacun est reparti vers sa maison. Les bannières de la balustarde, les cierges et les chandeliers avaient été rentrés dans la chapelle mais pas remis à leur place. Je me rappelle avoir laissé ma bouteille de limonade dans un confessionnal !

Le mardi 8 mai, au matin, après l’office, Gustave, contrarié par le désordre mis dans la chapelle, a grondé Mme Nédélec. Elle n’aurait pas dû donner les clefs ! Il a exigé qu’elle décroche la bannière du clocher ! Elle est donc venue me voir, et moi, je suis allé chercher Pierrot. Il ne se sentait plus aussi à l’aise pour grimper si haut. Alors nous avons pris un café pour nous ravigoter !

Puis nous sommes montés jusqu’aux cloches. Pierrot a dû escalader la flèche et nous avons récupéré la dernière bannière.  

Si on reprend le journal du Recteur, il parle de « fausse alerte d’armistice ». Mais la capitulation de l’Armée Allemande avait été signée le 7 mai 1945 à 2 h 40 du matin à Reims. Les journalistes s’en étaient fait l’écho, propageant la nouvelle sur les ondes. C’est ainsi que l’Armistice de 1945 fut fêté bruyamment et joyeusement arrosé à Kerdévot, le lundi 7 mai 1945 ! A 15 h, le 8 mai 1945, le Général de Gaulle annonçait officiellement la fin des combats. Les cloches sonnaient à l’église du Bourg. Celles de Kerdévot avaient déjà fêté l’évènement et … n’en pouvaient plus !

Raymond et Suzanne Lozach

Epilogue

Il peut paraître quelque peu osé de mettre ainsi en parallèle deux évènements qui ont bien eu lieu à Kerdévot, à moins de trois ans près, mais suivant une signification différente.
Et pourtant, c’est ce même retournement de situation qui eut lieu dans toute la France. Le 26 avril 1944, Pétain était encore acclamé à Paris, où les bombardements alliés venaient de faire plus de 3000 victimes en 15 jours, et 4 mois après, le 26 août, c’est le Général De Gaulle qui y recevait le triomphe du libérateur. Pétain déclanchait encore la liesse de la foule à Lyon le 5 juin et à Saint-Etienne le 6 juin 1944. Ces deux villes fêteront sans retenue leur libération le 4 septembre et le 25 août suivants.
Versatilité des Français ? Non assurément. La population s’est trouvée livrée à des attitudes ambivalentes, enfermée dans l’attentisme, coincée entre la peur et l’espoir, d’où des comportements qui peuvent paraître contradictoires, y compris chez les mêmes individus. Il faut admettre la complexité des situations. Mais en même temps il faut reconnaître que certains Français ont été plus lucides, plus courageux que d’autres.

F.A.

 


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Fric-frac à Kerdévot en 1773

Jean-François Douguet

 

Bernez Rouz : Le vol de 1773 à Kerdévot était connu des Gabéricois et nous l'avions signalé dans le Livre d’Or du cinquième centenaire. Mais il n’avait jamais été étudié.

Jean-François Douguet a dépouillé le dossier judiciaire de cette affaire qui met en cause un jeune homme de Coat Piriou. Cette étude est un travail considérable de précision et de rigueur historique. La synthèse que Jean-François nous donne de près de huit cents pages de procédure est un modèle du genre. Il fait vivre le petit peuple des campagnes - nos ancêtres - à travers les témoignages que contient le dossier des archives départementales. On voit ainsi apparaître les Mahé de Kerdévot, les Kernevez de Kerveilh, les Le Berre de Trolan, les Le Bihan de Kerampeillet, les Caugant de l'auberge de Ty-Nevez et bien sûr le recteur Clet Delécluse.

Notre Gabéricois, Guenel Le Pape, est venu publier ses bans de mariage. Sa fiancée dira qu'il aurait mieux fait de venir seul et non avec des petits voyous de Brest. On les retrouve à faire les cents coups aux Carmes à Pont l'abbé, chez les Kermorial à Plonéour-Lanvern, au château et Keroual près de Brest, tout ceci entrecoupé de libations dans les auberges de Quimper, de Brest et d'Ergué. Bref des voleurs peu discrets.

Note : nous vous signalons que malgré la difficulté de la lecture, la graphie d'origine a été conservée.

 

Le vendredi 22 octobre 1773 au matin, la petite Marie Jeanne, 4 ans, se présente devant son père, sur le placître de la chapelle de Kerdévot, une barre de fer à la main. Et quand, intrigué, il lui demande d’où elle tient cet objet, elle le mène au pied de la sacristie. C’est ainsi que Joseph Mahé découvre une fenêtre fracturée.

Des traces de pas…

Dossier des vold de Kerdevot Sans plus attendre, il part au bourg, alerter le curé, Clet Delécluse. Celui-ci arrive dans l’après-midi, et constate les dégâts : les trois armoires situées dans la sacristie ont été fracturées, et tout l’argent de la fabrique qu’elles contenaient a été volé. Le recteur fait alors sonner le tocsin pour alerter le voisinage, et commence son enquête. Il remarque des traces de pas, de trois personnes différentes : « un portant un soulier garnis de huit clous a du cassé l’un des tallons, l’autre sans clou, le troisième enfin ayant un gros soulier dans le gouts d’un porte chaise ». Il entreprend de suivre ces traces, qui le mènent jusqu’à la chapelle Saint-Jean, puis jusqu’à un cabaret, à Ty Néves, sur la route de Coray... Mais là s’arrêtent les traces... et l’enquête du recteur.

Elle est reprise par Michel Bobet, sieur de Lanhuron, conseiller du Roy et son lieutenant civil et criminel au siège de Quimper, qui arrive sur les lieux de l’effraction deux jours plus tard, le 24 octobre, en compagnie de Jacques Boucher et Jean-Marie Cozan, « serrurier et ménuizier », afin d’expertise. Il rencontre tout d’abord Mathias Kneves, de Kraveil, « marguilier actuel de la chapelle », qui le conduit sur les lieux de l’effraction : « ...ayant entrés dans la ditte eglise, et après y avoir adoré le tres saint sacrement, il nous a fait passer dans la sacristie située au midy de plain pied. Il nous a fait voir trois armoires pratiquées sous une crédance sous les deux fenetres de la ditte sacristie, ouvertes ; lesquels trois armoires, il nous dit avoir été trouvées ouverte. Il nous a pareillement fait voir qu’on avoit forcé dans le grillage d’une des fenetres une des barres de fer passant du haut au bas a travers des barres de traverses et qu’on présumoit que s’étoit par la que les malfaiteurs auroit entrés, un carrau manquant au vitrages du chassis... »

Dossier des vols de Kerdévot, du châetau de Koual, du manoir de Kneisan et chez les Carmes à Pont-l'abbé. Archives départementales cote B805.

Plus de quatre cents livres de dérobées

Après quoi Mathias Kneves estime le montant du vol : « ...dans la première armoire … on peut avoir emporté dans un petit plat 24 écus de trois, et de six deniers, que d’un pot… on a  emporté aux environ de vingt un deniers en pieces de douze et vingt quatre sols, et que deux autres pots etoient aussy aux environs de vingt une livres en liard, que tout a été emporté, à l’exception de quatre pieces de douze sols et d’environ douze sols en deniers restés dans la ditte armoire … que dans la seconde [armoire] du milieu, dans un plat, onze écus de six livres, dans un grand pot, vingt quatre livres en liard, et dans un autre pot … autre somme de vingt sept livres en liard, lesquelles sommes ont toutes été emportées, à l’exception d’un denier qui a resté dans le plat… Dans la troisième étoit aussy dans un plat … aux environ de trente à quarante écus en pieces de six livres, trois livres, vingt quatre sols, douze sols, et pieces de six liards, que dans un pot il y avoit encore autant quil le peut croire aux environ de pareille somme en liard…»1. Finalement le préjudice sera évalué à quatre cent trente huit livres2.
Comme seuls indices les malfaiteurs ont laissé après eux « un mauvais morceau de bois denviron neuf pouces et demies de long, deux mauvais morceaux de fer, un bout de chandelle de suif, quelques allumettes, et un bouton gris en étoffe…». Enfin Jeanne Le Calvez et Barbe Le Poupon apportent «un morceau de bois vers de chaine, long de huit pieds et demy, lequel a été trouvé près de la fontaine de Saint Jean proche de la chapelle, laquelle piece a été portée à la ditte chapelle comme soubçonnée d’avoir servis a l’effondrement [des carreaux, et des barres de fer]… »

Deux inconnus avaient demandé les clefs…

Le sieur Bobet interroge ensuite, sur place, les premiers témoins. Le premier d’entre eux, Joseph Corentin Mahé, se remémore que «le vendredy quinze du présent sur les neuf heures du matin, vinrent chez luy qui demeure sur le placître de la dite chapelle deux hommes à luy inconnu, dont un vêtu d’un habit bleuf l’autre d’un habit brun; le premier haut de taille portant un chapeau retroussé, le second petit avec un petit chapeau, que le plus grand luy demande les clef de cette chapelle qu’il a chez luy comme plus proche voisin et luy donnoit comme à tous ceux que la dévotion y conduit et ainsy que d’usage : que causant avec ces deux particuliers le premier luy dit encore qu’il étoit venu dans le quartier avec le nommé le pape, fils d’autre le pape du moulin de coat piriou de cette paroisse..., qu’il etoit actuellement à Brest jardinier de profession et ce pour prendre des bancs3 du dit le pape... ces particuliers tels qu’ils peuvent être demeurèrent à la chapelle environ deux heures du moins qu’ils ne remirent les clefs qu’après ce tems et qu’ils vinrent les portés chez luy déposant qui étoit sorty pour son ouvrage ; mais que sa femme nommée louise Seznec luy a dit que ces deux particuliers en luy remettant les clefs luy avoit dit qu’ils étaient quatre de compagnie et le dit le pape en estoit, que luy déposant n’a pas de connaissance particulière que ce le pape et ses compagnons aient commis les méfaits de ce jour ; mais que la précaution qu’il a pris de se cacher dans son pays meme le tems que les autres se disant ses compagnons passèrent à léglise luy fait soupçonner qu’ils en étudièrent les forces et les endroit...»

« Voyant ce bruit … se pouvoit etre le bondieu… »

Clet Delécluse, le recteur, ne connaît pas le montant exact du vol car « c’est l’affaire particulieres des fabriques », puis il relate son début d’enquête. Mathias Kneves tente à nouveau d’évaluer le montant du préjudice. Yves Le Calloch, de Krempeliet bras, accouru au son du tocsin, précise que « mercredy matin estant de son village pour aller battre chez un de ses voisins il apercut des traces de gens chaussés de souliers marquant leur route vers Kdevot et en revenant… ». Jean Le Berre, de Trolan, alerté lui aussi par le tocsin, estime que dans la deuxième armoire, dont il avait la charge «il devait y avoir onze écus de six livres, dans un pot vingt quatre livres en liard, et dans un autre vingt livres… ». Anne Le Guyader, femme de Guillaume Le Bihan, de Kempeliet, quant à elle, déclare que « vendredy dernier, sestant levée pour donner à boire à son mary qui est incommodé et ayant ensuite sorty de sa demeure qui n’est séparé de la chapelle de Kdévot que de deux champs, elle entendit trois heures sonner à l’horloge de la ditte chapelle, qu’elle entendit aussy vers cet endroit du bruit mais quelle ne distingua rien et quelle crut que se pouvoit etre le bondieu sortant pour quelques malades4, que voyant ce bruit s’approcher elle attendit et que deux ou trois hommes passant dans le chemin proche sa demeure, quil faisoit si noir quelle ne put scavoir positivement sils estoient deux ou trois ny mesme reconnoitre leurs véttements ; que ces particuliers ne disoit mots en passant près chez elle et qu’elle ne croit pas non plus quils en ayt etée apercûe quils faisoient route vers le grand chemin de Coray... »

De libations, en promesses d’épousailles

Quelques jours plus tard, le 30 octobre, d’autres témoins sont auditionnés : Jérôme Kgourlay, de Kdévot, Barbe Le Poupon et Jeanne Le Calves n’apportent pas de précision particulière. Mais Louise Seznec, femme de Joseph Corentin Mahé, est plus éloquente. Comme son mari, elle raconte à nouveau que deux inconnus se sont présentés quelques jours plus tôt et ont demandé les clefs de la chapelle. Ils lui ont dit qu’ils venaient de Brest, accompagnant Guénel Le Pape, lequel «estoit venu au pays dans l’intention de mettre ses bans». Elle vit le dénommé Le Pape «et un autre», décrivant assez précisément les vêtements de ces quatre individus. Et quelques jours plus tard, elle découvrit sur le placître de la chapelle une paire de sabots que personne ne réclama. Elle soupçonne donc «ces quatre particuliers comme auteurs du meffait … sans que cependant elle puisse les leur attribuer. Mais que n’ayant point vu d’autre etrangers, et ayant ete longtems a la ditte chapelle, en tout cas en possession des clefs, elle les soubçonne aussy d’en avoir fait une inspection préméditée… »
Anne Iuel, et son mari Alain Cogant, aubergistes à Ty Nevez, sur la route de Quimper à Coray, déclarent que guenel le pape, accompagnés de deux, ou trois, inconnus, sont venus plusieurs fois dans leur établissement, restant parfois plusieurs heures à consommer fortes boissons : «le jeudy ou vendredy, ils burent pour vingt cinq sols d’eaudevie, le dimanche… ils burent pour neuf francs de vin…le lundy dix-huit, les trois premiers vinrent encore à l’auberge sur les onze heures du matin, qu’ils en repartirent sur une heure de l’après midy après avoir bu sept bouteilles de vin pour lesquels ils donnerent un écu de six livres … Ils dirent qu’ils estoient au pays pour attendre les bannyes de guénel le pape…»
D’autres témoignages, notamment des aubergistes de la région, permettent de suivre trois individus, parfois quatre, qui ne passent pas inaperçus, oubliant parfois de régler des additions, comme chez Guillaume Flouttier, à l’auberge Aux bons enfants, rue des Reguaires à Quimper. Dans cette dernière auberge, la patronne, Marie Anne Conan, les a vus en compagnie de deux filles. L’une d’elle, Marie-Françoise Le Feuvre, fille de cuisine chez madame Kermorial, à Quimper, reconnut les frères Carof, Jean et Joseph-Marie, ce dernier ayant aussi travaillé chez madame Kermorial. Elle révèle même que Jean « luy demanda si elle vouloit luy donner parolle de l’épouser, ce a quoy elle consentit, et qu’à cette ocasion le dit Jean se rendit avec elle chez un orfèvre en cette ville ou ils achepterent une bague d’or du prix de quatorze livres, dont douze furent payés par le dit Jean en deux écus de six livres, et n’ayant pas de monoyes, elle le surplus de sa poche… ». S’en suivit un repas avec les futures belle-mère et belle-sœur…
Quant à Guenel Le Pape, il croit se souvenir que dans cette auberge « estant soul on refusa de leur donner du vin et qu’ayant fait du bruit à cette occasion la garde de nuit les prit et les retint au cor de garde jusques au lundy matin d’où ils sortirent pour aller chez le nommé pennec dans la rue du chapeau rouge ou ils burent jusque au soir [et] vinrent danser sur le champs de bataille »5.

Première page du dossier de confrontation de Guenel Le Pape avec 46 témoins. Archives départementales cote B910.

Les enfants recevroient l’infamie avec le jour

Les soupçons sont dès lors suffisants pour que, le 6 novembre, Augustin Le Goazre, sieur de Kervélégan, avocat du Roy au siège de Quimper, lance, un mandat d’arrêt pour que « les nommés jean et joseph caroff et guenel le pape jardiniers soyent pris et appréhendés au corps et constitués prisonniers…pour etre ouis et interrogés sur les faits résultants des charges et informations…»
Aussitôt Michel Bobet demande l’interdiction du mariage de Guenel Le Pape, car « il lui semble du ordre, du bonheur de la société et de l’intérêt que la justice doit prendre à l’état des hommes d’arrêter, ou du moins de suspendre pareil engagement, car si dans la suite les dits décrétés se trouvent être convaincus, les enfants qui naissoient d’un pareil mariage recevroient l’infamie avec le jour ».Dès lors l’enquête se poursuit à Brest, où le sieur Bobet s’installe à l’auberge du Grand Monarque. Il y reçoit Marie-Françoise Quiniou, femme Cozien, la future belle-mère, qui lui déclare qu’elle n’a rien «apperçu que d’honnettes et de l’exacte probité » chez Guenel Le Pape. Quant à Marie-Renée Cozien, la promise, elle déclare qu’elle a connu Guenel Le Pape au château de Keroual, en Guilers, où il était jardinier, et elle servante, et qu’elle « eut aimé mieux qu’il alla seul que de s’associer à gens qu’il ne connaissoit point ». Ce à quoi il répondit « que ces gens ne buvoient plus ».

Les vols se multiplient

Selon leur témoignage, ces trois individus retournèrent à Brest le 26 octobre, et y restèrent jusqu’au 3 novembre.
Lors de leur retour vers la Cornouaille, les frères Carof, étant restés du côté de Plougastel-Daoulas, Guénel Le Pape se retrouve seul à Pont-l’Abbé le vendredi cinq novembre où « il passa par-dessus le mur près de la greuve sur laquelle donne les jardins des carmes dans lequelle il avoit l’intention de sy promener…». Il ne fit pas que se promener, semble-t-il, puisque le lendemain on découvre que la chambre d’un religieux, le père Benin, a été dévalisée de tous ses vêtements.
Mais la nuit précédente un autre vol de vêtements est aussi commis au manoir de Kneisan, en Ploneour-Lanvern, chez monsieur de Kmorial, là même où Joseph Marie Carof travailla autrefois.
Les trois comparses se retrouvent à Plogastel-Saint-Germain, où les frères Carof, sont venus « chercher condition » auprès du sieur Lariviere6, au château du Hilguy. Ne le trouvant pas, ils vont au manoir de Saint-Alouarn, à Guengat. Là le sieur Lariviere leur déclare ne point avoir d’emploi pour eux en ce moment. Dès lors nos trois compagnons continuent d’errer, à Plonéis, puis à Locronan, où ils sont arrêtés par hasard à l’auberge de  La Croix blanche, le 8 novembre, vers onze heures du soir par quatre cavaliers de la maréchaussée qui recherchent des déserteurs.
C’est alors qu’arrive sur le bureau du sieur Bobet le procès-verbal d’un vol de vingt-six chemises, commis chez le sieur Chemit, receveur du château de Keroual, en Guilers, et dernier employeur de Guenel Le Pape, dans la nuit du 28 au 29 octobre, époque où nos trois lascars étaient à Brest…

Le recteur admoneste des témoins de « venir à révélation », sous peine d’encourir la censure…

Arkae > Archives > Patrimoine religieux > Fric-frac à Kerdévot > Conclusion du procureur du Roi

Au cours de son second interrogatoire, Guenel Le Pape reconnaît avoir commis, seul, le vol chez les carmes à Pont-l’Abbé. Quant aux frères Carof, qui n’avoueront rien, ils seront assez facilement confondus par les propriétaires et différents experts (tisserands, lingères, marchands de draps) sur les vêtements et tissus qu’ils détiennent, et bien qu’ils affirment que les vingt-six chemises volées à Kroual leur appartiennent !
Les suspects ont aussi des témoignages contradictoires sur leur emploi du temps, sur la propriété des vêtements qu’ils portent, parfois sur l’origine de l’argent qu’ils ont dépensé7.
Mais ce qui contrarie l’enquêteur, c’est l’absence d’aveux, et de preuve irréfutable, sur le vol de Kerdevot.
C’est ainsi que le 22 février 1774, le sieur Bobet reconnaît « que le but de la justice ne se trouve point remply, parce qu’il est encore certains faits essentiels sur lesquels on n’a pü acquérir tous les éclaircissements necessaires, qu’à la verité il reste quelques témoins à entendre ».
Aussi demande-t-il au recteur de la paroisse d’Ergué-Gabéric, de « lire et publier au prosne des grandes messes paroissiales, par trois dimanches consécutifs », un monitoire en neuf points sur les faits s’étant déroulés à Ergué-Gabéric et environ. De plus, il enjoint le dit recteur «d’admonester tous ceux et celles qui auroient connaissance des faits, soit pour avoir vû, entendu, oui dire ou autrement, de venir à révélation six jours après la publication du present a peine d’encourir la peine de la censure de l’eglise à nous réservée. »
Devant de telles menaces divines, le recteur répond, le 17 mars suivant que « se sont présentés françois hascouet de pleiben, actuellement en briec au village du leure pres Koberant, jean lozach menager de quillihouarn, louis jourdren du meme lieu, barbe le poupon de kdevot, jean le louet de trolan ». S’ils ont ainsi soulagé leur conscience, ces témoins n’apportent cependant aucun élément nouveau.

Conclusion du Procureur du Roi, Le Dall de Kéréon, sur la sentence des condamnés.

« Vehementement suspect »

Finalement, après plusieurs mois d’enquête, le témoignage de soixante-douze personnes, représentant huit cent trente-six pages d’écriture, et un dossier de dix centimètres d’épaisseur, le procureur du roi, Le Dall de Keréon prononce le jugement : « Le siège apres avoir ouy et interrogé sur la sellete en la chambre du Conseil guenel le pape joseph marie carof jean carof accusé les a declare tous trois deuments atteint et convaincu davoir dans la nuit du vingt huit au vingt neuf octobre mil sept cent soixante treize vollé au château de Kroual demeure du sieur chemit vingt six chemises, pareillement atteint et convaiqu davoir dans la nuit du quatre au cinq novembre dite année volé dune armoire estant dans une gallerie au manoir de Kaneizan ou estoient les hardes du jardinier seavoir une veste et culotte bleuf autre veste et culotte mordorée un mouchoir de soie, une veste de basin blanc une paire de bas de laine bleuatre autre de fil avec un grand couteau de jardenier encore atteint et convaincu davoir dans la nuit du cinq au six meme mois vollé de la chambre du pere benin religieux carme au pont labbé les draps de dessus son lit une toille dorillier ses chemises ses mouchoirs ses bas tant en laine cotton que file une culotte de peau une veste de toille grise un morceau de molleton blanc fauce manche peloton de fil en outre cents cinquante livre en ecu pieces de vingt quatre et douze sols contenu en deux bources dont une en duve rouge et blanche lautre en velours cramoisis comme aussy vingt une livre en rollets de dix sols en liards enfin les dits carof et le pape vehementement suspect davoir dans la nuit du vingt un au vingt deux octobre mil sept cent soixante treize vollé avec effraction exterieur et interieur de la sacristie de la chapelle de kdevot aux environ dune somme de quatre cent trente huit livres de differents vases et pots trouves dans les armoires y estants pour reparation».

Les galères à perpétuité

A la suite de ce jugement, tombe la sentence : « …condamne les dits jean, joseph-marie carof et guenel le pape a servir en quallite de forçat sur les galleres de sa majesté, et ce a perpetuite tous trois prealablement fletris sur lepaulle dextre des trois lettres G.A.L.8 A declaré touts et chacuns leurs biens meubles acquis et confisque au profit de qui il appartiendra, et si confiscation na lieu au profit de sa majeste, les a condamné chacun en cinquante livres damendes. Faite et arreté en la chambre du conseil du dit juge ce jour quatorze may mil sept cents soixante quatorze au rapport du lieutenant particulier civil et criminel ».

 

Un arrêt du Parlement de Bretagne

L’extrême sévérité de la sanction doit sans doute s’expliquer par la recrudescence des vols dans les édifices religieux à cette époque. Le Parlement de Bretagne va s’en émouvoir et édicter deux arrêts, le 13 décembre 1775 et le 12 novembre 1776, pour tenter d’y mettre fin :
«Le Procureur-Général du Roi, entré à la Cour, a remontré que les vols des Eglises, Sacristies et Coffres forts des Paroisses, deviennent de jour en jour plus fréquens; qu’il en reçoit très souvent des plaintes; qu’il se fait à ce sujet un nombre infini de procédures criminelles dans les différentes Juridictions Royales, ce qui occasionne des pertes très considérables  aux Généraux des Paroisses, tant par l’enlèvement de ce qu’il ont de plus précieux, que par les effractions considérables qui donnent lieu à des réparations forts coûteuses, à des défenses des Juges, rapports d’experts, et que ces vols se commettent ordinairement dans la saison où les nuits sont plus longues…

En conséquence la Cour ordonne «au Général de chaque Paroisse … de nommer, pour coucher dans la Sacristie, soit le Sacristain, ou tel autre qu’il jugera convenable, lequel sera tenu d’avertir les Paroissiens par le son des cloches, des tentatives qui pourroient être faites pour s’introduire dans l’Eglise, Sacristie et Chambre des Délibérations, et ce depuis le premier Novembre jusqu’au 30 Avril de chaque année… »

Un gardien et un coffre-fort

C’est ainsi que dès le mois de décembre 1775 le corps politique de la paroisse d’Ergué-Gabéric engage Hervé Le Tytur9 comme gardien de la chapelle de Kerdevot. Il est confirmé dans cet emploi le 12 novembre suivant. En 1779 il est remplacé par Jacques Le Calloc’h10.

Et l’on peut voir aujourd’hui encore, au premier étage de la sacristie de la chapelle de Kerdevot, la cheminée où l’infortuné gardien11 pouvait se chauffer durant les longues et froides nuits d’hiver…

Parallèlement le général de la paroisse semble s’être équipé d’un coffre-fort, comme le confirme une annotation du 28 juillet 1776 concernant le paiement au peintre Antoine Baldini d’une somme « retirée du coffre-fort de la chapelle Nostre-Damme de Kerdévot ». Dès lors le trésor de Kerdevot est en sécurité…

 

Les frères Carof

Joseph-Marie Carof naît au manoir de Kouannec, en Plougourvest, le 2 mai 1745, de Guillaume et Jeanne Le Balc’h. Il est l’aîné d’une fratrie de quatre enfants. Jean, le troisième, naît aussi à Kouannec, le 24 juillet 1747.
Jardiniers tous les deux, ils accompagnent Guenel Le Pape, dans l’espoir de trouver du travail dans les environs de Quimper, où Joseph-Marie a déjà travaillé, au manoir de Kneisan, chez monsieur de Kermorial. Lors de leur séjour à Coat Piriou, une quinzaine de jours, il déclara qu’ils « s’occuperent à aider au délogement du dit le pape [père] qui passoit lors du dit moulin a une ferme du meme nom »1.
Quant à Jean, il fut employé chez un commandant de la Marine à Brest, et résidait chez sa sœur, dans cette même ville. Il profite de sa venue à Quimper pour demander en mariage Marie Françoise Lefeuvre, servante chez madame de Kermorial. Même s’il avait probablement connue la jeune fille lors de visites faites à son frère, qui avait le même employeur, la mère de la fiancée trouvait « qu’elle estoit peut etre allée bien vitte en cette affaire parce que les choses pouvoient n’etre pas sure ».
Quant à son passage à Kerdévot, il expliqua qu’il n’était allé à la chapelle « que par pure complaisance pour le dit Le Goff qui avoit promis de la visiter »2.
Le sieur Bobet de Lanhuron soupçonnait très fortement que le bouton trouvé dans la sacristie de la chapelle lui appartenait, ce que confirma d’ailleurs un expert marchand de drap, mais Jean Carof expliqua « qu’il en perd souvent par l’habitude qu’il a d’avoir les mains dans les poches » …
Jean Carof est le seul des inculpés à savoir signer.
 
Signatures de quelques uns des protagonistes du dossier :
Bobet de Lanhuron, Le Livec, avoué, Le Dall de Kéréon, procureur du roi, Delécluse, conseiller du siège, Audouyn Keriner, conseiller du siège, J.-B. Demizit et Férec, avocats.
En bas du prononcé de la sentence aux accusés, la signature de Jean Carof, le seul des condamnés à savoir signer.
 
1. On peut s’interroger sur ce déménagement, car les parents de Guenel Le Pape décédèrent tous deux quelques années plus tard au moulin de Coat Piriou : François, le père, le 24 novembre 1782, âgé de 61 ans, et Françoise Le Jeune, la mère, le 19 juin 1784, âgée de 57 ans.
2. Jean Le Goff, originaire de Briec, était marin à Lorient. Il connaissait Guenel Le Pape. Son frère, tailleur à Briec, confirme qu’il faisait effectivement à chacun de ses retours une visite à Notre-Dame de Kerdévot.

 

Guenel Le Pape, le fils du meunier de Coat Piriou

Né le 6 juin 1750 à Coat Piriou, Guenel Le Pape est le deuxième des sept enfants de François Le Pape, meunier, et Françoise Le Jeune. Jardinier, il semble qu’il arrive à Brest au début de 1773. Il est temporairement hébergé par Jacques Ropars, qui lui trouve un emploi chez les capucins, à Brest, avant qu’il ne trouve à s’employer, du 10 août au 5 octobre, chez le sieur Chemit, receveur du château de Keroual, en Guilers, évêché de Léon. Il se fait embaucher sous le prénom de François « parce que ayant voulu apprendre a signer son nom, [le secrétaire du sieur Chemit] luy en avoit donné des modelles au titre de françois le pape, lequel dit lors que son nom commençoit par un G, quil sapelloit Guenel, nom qu’il n’avoit pas voulu conserver parce que l’on se moquoit de luy ».
Devant le juge se présente «un homme de moyenne stature1, cheveux brun long et un peu creppu, sourcis de meme couleur, visage long, ayant une cicatrice à la joue droite, un soin2 au proche et en dessous, autre au menton du cotte goche et quelques autres sur la joue du meme cotté, yeux bleuf, né court, petite bouche ». Lors de son premier interrogatoire, le 13 novembre 1773, il est « vettu d’un habit et veste brune, culotte bleuf, le tout detoffe, jambe nue, chossé de souliers, fer au pied, chapeau à la main ».
Durant son séjour à Keroual, il fait la connaissance de Marie-Renée Cozien, originaire de la paroisse de Saint-Sauveur à Brest, qui y est servante. Ils projettent de se marier, et les bans sont publiés à Ergué-Gabéric les 17, 24 et 30 novembre 1773. C’est pour recueillir ces bans que Guenel Le Pape s’en est revenu au pays...

1. Une autre description donne sa taille exacte : 5 pieds, 1 pouce et demi, soit environ 1,57 mètre.
2. Peut-être un pansement, ou de petites plaies ?

 

Keroual, propice aux échanges britto-anglais

Après avoir travaillé chez les capucins à Brest, Guenel Le Pape est embauché comme jardinier au château de Kroual, en Guilers, près de Brest.
Au XVIIe siècle Keroual appartient à la famille de Penancoët. Née en 1649, Louise de Kerouazle de Penancoët, est remarquée par le duc de Beaufort, qui la fait engager à la cour de Versailles, comme demoiselle d’honneur de Madame, c’est-à-dire la duchesse d’Orléans, belle-sœur, cousine et ancienne maîtresse de Louis XIV, mais aussi sœur du roi d’Angleterre, Charles II. Elle accompagne la duchesse à la cour de Londres en 1670, et devient bientôt la favorite du roi, qui la fait nommer dame du palais de la reine, duchesse de Petersfield et de Porsmouth en 1672. Quant à Louis XIV il en fait une duchesse d’Aubigny en 1684.
Après la mort du roi, en 1685, la duchesse de Porsmouth s’en revient en Bretagne où elle acquiert de nouvelles terres, ainsi qu’en Ile-de-France. Mais les moyens par lesquels elle a acquis sa fortune (Saint-Simon la considérait comme une aventurière) ne sont pas approuvés par son père qui, malgré une lettre de Louis XIV en sa faveur, reste inflexible jusqu’à sa mort, en 1690, fidèle à la devise de ses ancêtres: A bep lealdet (loyauté partout). La duchesse d’Aubigny s’éteint en son hôtel parisien, rue des Saints-Pères, le 14 novembre 1734. Par le fils qu’elle eut du roi anglais, Charles de Lenox, duc de Richmond, elle est l’ancêtre d’une autre célèbre princesse, du XXe siècle, lady Diana.
Des revers de fortune l’obligent cependant à vendre Keroual en 1715 au financier auvergnat Crozat, marquis du Châtel. En 1773 c’est le petit-fils de ce dernier, le duc de Lauzun, qui est propriétaire de Keroual.
Il combattra lors de la guerre d’indépendance américaine en 1778. Elu député aux Etats généraux de 1789, il se rallie à la Révolution, dans le parti du duc d’Orléans. Il se fait dès lors appeler général Biron, combat dans les armées du Rhin, puis du Nord avant de prendre le commandement de l’armée d’Italie au début de 1793 puis, à partir de mai, l’armée de l’Ouest. Il prend Saumur puis bat les Vendéens à Parthenay. En dépit de ses états de service, il est arrêté pour trahison et guillotiné le 31 décembre 1793. Ce brillant militaire étant peu présent dans ses terres bretonnes, c’est Gabriel Joseph Benjamin Smith, avocat à la cour, procureur fiscal de la baronnie du Châtel, et résidant à Keroual, qui administre ses biens. Né en la paroisse Saint-Michel, de Quimperlé, en 1734, celui-ci épouse à Guilers, en 1760, Marie-Josèphe Lunven de Kerbiquet, fille d’un ancien capitaine à la Compagnie des Indes, à Lorient. On ne sait comment ce gentilhomme d’origine anglaise arrive en Bretagne. En tout cas les scribes locaux auront tôt fait de bretonniser son patronyme en Chemit.

 

1.  1 liard = 3 deniers – 1 sol = 12 deniers, ou 3 liards – 1 livre = 20 sols, ou 240 deniers – 1 écu = 3 livres, ou 60 sols. La monnaie était encore plus complexe, puisqu’il existait, outre des liards et deniers, des pièces de 3 livres, d’autres de six livres… Quant à la livre, c’était uniquement une unité de compte.
 
2. Il est difficile de comparer ces sommes à la monnaie actuelle. Selon les sources, on peut estimer qu’une livre de 1787 équivaut à 20 euros d’aujourd’hui, ce qui permet d’évaluer le préjudice du vol de Kerdevot à environ 8760 euros. Autre comparaison, Guenel Le Pape est engagé chez le sieur Chemit, en août 1773 aux gages annuels de 28 écus, soit 84 livres. La somme dérobée à Kerdévot représentait donc plus de cinq ans de salaire d’un jardinier. En fait, il ne reçut que 8 livres et demi de gages, pour son travail du 10 août au 5 octobre, soit 47 jours.
 
3.  Il s’agit de la publication des bans du futur mariage de Guénel Le Pape avec Marie-Renée Cozien, de la paroisse Saint-Sauveur, de Brest, publiés à Ergué-Gabéric les 17, 24 et 30 novembre 1773.
 
4. Il ne faut pas voir dans cette drôle d’expression une imagination mystique, alimentée par les korrigans, ou autres lutin noz, mais plutôt le résultat d’une alchimie syntactique entre ce que dit Anne Le Guyader, ce que traduit l’interprète, et ce que transcrit un scribe ayant beaucoup de difficultés avec la langue française... Il faut donc comprendre que Anne Le Guyader croyait que ce pouvait être le prêtre qui allait porter un sacrement à quelque malade.
 
5. D’après un témoin, c’est rue Obscure (actuelle rue Elie Fréron)  que le «dimanche 24 octobre sur les onze heures, le fils le pape et un autre petit maigre [Jean Carof] avoient quelques altercations avec le fils d’un cloutier de cette ville, que le sergent de garde... ayant vu que le dit le pape et son camarade estoient yvre il les fit mettre au corps de garde, que guenel s’y endormit ainsy que lautre ».
 
6. Jacques Nador, dit la Rivière, était jardinier au château du Hilguy.
 
7. Ainsi Bobet de Lanhuron réussit à confondre Jean Carof, qui prétendait que son argent venait de ses gages de jardinier chez un commandant de navire, en consultant les services de la Marine.
 
8. Sous l’Ancien régime les condamnés étaient marqués au fer rouge des lettres V pour les voleurs, TP pour ceux condamnés aux travaux forcés à vie, T pour les condamnés à une peine temporaire, F pour les faussaires, et GAL pour ceux condamnés aux galères. Aboli en 1791, ce type de peine fut rétabli sous l’Empire, en 1806 (le châtiment était alors public), avant d’être définitivement supprimé en 1832.
 
9. Né à Elliant le 15 février 1743, Hervé Le Titur décède à Kerdevot le 11 août 1822. En 1790 il est journalier au Petit Kerampelliet.
 
10. Il s’agit sans doute de Jacques Le Calloc’h, né à Ergué-Gabéric le 25 juillet 1737, décédé à Kergaradec le 26 mars 1782, époux de Gilette Quéméré. Dans les délibérations de la fabrique son prénom est écrit sous la forme hébraïque de Jacob. Le 21 août 1779 on trouve également  le décès d’un Guenec, contraction de Guézennec, Le Calloc’h, transcrit en Winoc !
 
11. L’arrêt prévoyait une rétribution de 3 livres par mois, à prélever sur le compte de fabrique.

 

Dossier (textes et photos) réalisé par Jean-François Douguet - Keleier 73 - avril 2012

 

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Trésors d'archives > Patrimoine rural > Les laitiers d'Ergué-Gabéric

Les laitiers d'Ergué-Gabéric, fournisseur de lait à Quimper

René Danion 

 

François Ac'h : Cet article de René Danion nous présente un métier disparu, qu’il appelle « laitier de proximité ».

Il désigne par là les agriculteurs d’Ergué-Gabéric qui vendaient directement leur production de lait à Quimper, la livrant eux-mêmes surtout dans les épiceries, accessoirement dans les crêperies et pâtisseries. Il a lui-même pratiqué ce métier. Il n’ignore pas que dans la même période il y avait aussi des « laitiers » proches du Bourg ou de Lestonan qui vendaient directement de la ferme à leurs clients et voisins.

Arkae > Archives > Patrimoine rural> Laitiers d'Ergué-Gabéric > Carte

Localisation

Géographiquement, les « laitiers » qui vendaient directement leur production à Quimper avaient, du moins avant la guerre,  leur ferme au plus près de la ville, c’est-à-dire au confluent de l’Odet et du Jet, ce qui diminuait le temps de trajet pour la livraison. La proximité de ces deux rivières faisait qu’ils disposaient de prairies naturelles très prisées à cette époque.
Généralement, les autres agriculteurs de la commune qui n’étaient pas « laitiers » étaient « beurriers » : la production laitière servait chez ceux-ci à la fabrication du beurre, qu’ils livraient à Quimper une ou deux fois par semaine.     
Etre ou ne pas être « laitier » relevait souvent d’une tradition familiale : on naissait « laitier » ;  c’était une vocation. Mme Le Menn, de Stang Quéau, m’a confirmé qu’à son mariage en 1945, elle avait refusé de continuer à « faire du lait » comme ses beaux-parents. Elle venait de Kerdudal, où on « faisait du beurre ».

 

Transport

Les « laitiers » étaient tenus d’effectuer une livraison quotidienne, le plus tôt possible le matin. Ils avaient à transporter en ville de 30 à 120 litres de lait, suivant l’importance de leur clientèle. Les deux fermes les plus proches de Quimper, Le Cleuyou et Kerampensal, ont toujours livré en charrette à bras, mais elles n’allaient que jusqu’à chez Zita (Poupon), à l’Eau Blanche. Les deux livreurs les plus éloignés, Lezouanac’h et Kerdilès, n’ont toujours livré (ils n’ont livré qu’après guerre) qu’en voiture l’un, et qu’en tricycle à moteur l’autre. Madame Lozachmeur, dite « Malouch Kerrous » a toujours été fidèle à son char à bancs, et « Bichette » sa jument demi-sang était bien connue à l’Eau Blanche.
La plupart des livreurs ont eu une automobile un peu avant la guerre, mais durant les 5 ans du conflit, ils ont dû revenir au char à bancs classique.

Le char à bancs avait un avantage sur la charrette : sa légèreté et la flexibilité de ses brancards permettaient le trot et donc de gagner du temps. Le cheval était souvent un demi-sang, qui se devait d’être très docile, obéissant et patient lors des arrêts prolongés. La marche sur les pavés provoquait l’usure rapide des ferrures ; les fers auraient pu tenir un mois, mais on préférait les remplacer toutes les 3 à 4 semaines, car la perte d’un fer durant la livraison pouvait abîmer la sole du sabot. Ce cheval ne participait pas aux autres travaux de l’exploitation et était pansé tous les jours.

Avant guerre puis dans l’immédiat après-guerre, ce fut de plus en plus la voiture familiale qui fit la livraison. Les pots étaient disposés dans une caisse aménagée. Ces voitures avaient une odeur particulière, car il pouvait y avoir du lait de renversé. L’auto, comme le char à bancs, ne devait pas être sale, car le client jugeait de la propreté du lait suivant celle du véhicule et aussi suivant celle de la personne qui livrait.

Avantages

Les exploitations vouées à la production et à la livraison du lait en ville y trouvaient des avantages : livrer du lait en vrac et en bidon payait beaucoup mieux que de « faire du beurre ». Et le lait était payé toutes les semaines, ce qui permettait d’anticiper sur les dépenses à venir. L’aisance financière que procurait la vente directe du lait a permis aux « laitiers » d’assurer avant les autres des investissements lourds pour l’époque : faucheuse, lieuse, batteuse…

De plus, cette situation permettait la commercialisation en parallèle de produits annexes : fruits, légumes, pommes de terre, balle d’avoine pour les berceaux. Elle donnait l’occasion de prendre des commandes de bois, de cidre : la plupart des laitiers se trouvaient sur un terroir favorable à la production cidricole, et entre eux régnait une saine émulation pour la qualité de leur production.

Par ailleurs, dans les épiceries, crêperies et pâtisseries dont nous étions les fournisseurs, nous étions aussi des clients obligés. Ce qui faisait qu’on achetait un peu de superflu, qui améliorait l’ordinaire.

Arkae > Archives > Patrimoine rural> Laitiers d'Ergué-Gabéric > Comice agricole à Ergué-Gabéric - 1953Contraintes

Ces avantages avaient leur contrepartie : disposer d’une main-d’œuvre relativement importante, qui était soumise à des horaires de travail contraignants, à une sorte d’esclavage (volontaire) : il fallait commencer sa journée à 6 heures, pour pouvoir livrer le plus tôt possible le lait du matin, dit « lait chaud ».
Cette traite, il fallait la faire tous les jours, matin et soir, même si on était légèrement malade, et cela 365 jours par an, sans un seul jour de repos, toujours suivant les mêmes horaires. Le personnel était libéré à tour de rôle le dimanche après-midi.

Comice agricole à Ergué-Gabéric vers 1953. Jean Le Menn, maire,  tient la vache.

Dans le Sud-Finistère en général, et à Ergué-Gabéric en particulier, les hommes, à quelques exceptions près, ne trayaient pas les vaches avant l’arrivée des trayeuses mécaniques. Mais c’étaient les hommes qui attelaient le cheval et chargeaient le lait dans le char à bancs.

Chez tous les laitiers, il y avait une jeune fille de la maison, ou une ou deux bonnes, à qui revenait d’effectuer la traite rapidement. Et comme dans la majorité des cas c’était une femme qui assurait aussi la livraison, elle devait d’abord faire la traite pendant une bonne heure, prendre son  petit déjeuner à la hâte et faire sa toilette avant de partir, vers 7 h 30. La livraison s’effectuait par exemple de 8 h 30 à 10 h 30, ce qui permettait d’être de retour à la ferme autour de midi après avoir fait quelques courses en ville. Si la patronne se réservait la livraison, il fallait qu’une femme reste à la maison pour s’occuper des enfants et préparer le repas de midi.

La livraison devait se faire quel que soit le temps, quels que soient les évènements de la vie : mariage, deuil à la ferme… Par gros gel et verglas, lorsque le cheval risquait la chute, mon père prenait la charrette à bras d’une voisine, mettait de vieilles chaussettes sur ses chaussures et accompagnait ma mère jusqu’au passage à niveau de l’Eau Blanche. Sébastien Coïc et Youenn Quilliec procédaient de même.

Il y avait une obligation de fournir du lait en qualité et en quantité égales toute l’année. Pour cela, il fallait essayer de bien répartir les vêlages. A défaut, on pouvait acheter une vache qui venait de vêler, en état de produire dès son arrivée. Ce marché existait au foirail du samedi à Quimper.

Il n’y avait pas trop de problèmes de qualité du lait : la plupart des laitiers avaient des vaches bretonnes Pie-Noir, au lait très riche en matières grasses, qualité recherchée à l’époque. Mais il y avait une exigence de propreté : le lait était déversé dans une passoire à trois filtres métalliques ; entre les deux derniers était disposé une rondelle ouatée. Dans toutes les fermes, après usage, cette rondelle était jetée au chat, toujours fidèle à ce rendez-vous. Inutile de dire qu’après un transit intestinal, l’expulsion pouvait en être laborieuse…
En été, et surtout les jours orageux, il fallait refroidir le lait du soir pour qu’il ne « tourne » pas. Chacun avait sa méthode : on le mettait à passer la nuit dans une fontaine, un lavoir, une rivière, mais gare aux pluies subites en cas d’orage. Il revenait souvent aux femmes d’effectuer ces déplacements du lait vers des bas-fonds à l’accès difficile, quand, en plein été, les hommes étaient encore aux champs. Mais le matin, c’étaient les hommes qui le ramenaient. Ces mesures de rafraîchissement étaient indispensables, car le client en ville n’avait pas de réfrigérateur.

La guerre

Beaucoup de choses ont changé pendant la guerre.
La première conséquence fut le retour au char à bancs pour tous, car il n’y avait plus d’essence pour circuler.
La deuxième fut qu’on avait obligation de continuer à livrer à un prix fixé à un niveau très bas. A vrai dire, à cette époque il eût été beaucoup plus intéressant de « faire du beurre » : le prix de vente du beurre par le producteur avait grimpé, et il pouvait servir de monnaie d’échange pour obtenir de la quincaillerie, pneus de vélo, ficelle pour lieuses, etc. De plus, le « beurrier » disposait du lait écrémé et pouvait donc élever des porcs. Ce qui était juteux.
Mais les « laitiers » d’Ergué-Gabéric ont tous été solidaires avec leur clientèle, qui manquait de tout. Je me rappelle avoir vu les clients avec leurs tickets, mais c’était l’épicière qui faisait la loi : un quart de litre pour un couple seul, et après, c’était selon le nombre d’enfants.

Déclin

Arkae > Archives > Patrimoine rural > Laitiers Ergue Gaberic - Coucours agricole 1930Vers 1960 la réglementation sanitaire s’est mise en place. Il fallait des bacs réfrigérés et on demandait de mettre le lait en sachets plastiques, ce qui était un travail supplémentaire à une époque où la main-d’œuvre se raréfiait.

Les petites épiceries fermaient, remplacées par des supérettes qui se faisaient livrer par des laiteries auparavant inexistantes. De plus, le stationnement devenait un problème. Il n’y eut plus que Jean Le Roux à continuer, mais il ne livrait plus que les crêperies et l’hôpital Gourmelen. Parvenu à la retraite, il aidait son fils Jean à la ferme de Lezouanac’h pour les livraisons de lait. Il est décédé à 85 ans, après avoir livré le lait le jour même de sa mort, le 1er juin 2008.

Je suis le dernier survivant de cette corporation. Beaucoup de bons souvenirs font que je ne regrette pas d’y avoir consacré une douzaine d’années. Mais les difficultés allant crescendo font que je ne regrette pas d’y avoir renoncé.

Photos : Concours agricole années 30.

René Danion.

La salle de traite ambulante de Kerhamus

Cette salle de traite mobile était en service à Kerhamus, installée pendant 5 mois de l’année dans la stabulation, et les 7 autres mois dans les pâtures. Elle comportait 4 stalles. On peut remarquer la propreté des vaches, importante pour la propreté du lait.
Les vaches venaient d’elles-mêmes se faire traire, car à l’intérieur elles trouvaient un aliment à base de mélasse très appétant (et bon marché).
Cette installation avait l’avantage de ne pas faire emprunter la route par le troupeau et ainsi de ne pas gêner la circulation.
La salle de traite de Kerhamus a fini sa carrière au Centre de formation des vachers à Saint-Ségal.
 
 
René Danion.

 

Le lait entier pendant la guerre : un produit rationné et taxé

Arkae > Trésors d'archives > Patrimoine rural > Le lait entier pendant la guerre : un produit rationné et taxéDès l’automne 1940, il a fallu faire face en France à une forte pénurie de matières grasses, conséquence de l’état de guerre (cheptel réduit, usines dévastées, blocus anglais interdisant l’importation d’oléagineux des colonies…).

C’est surtout le beurre qui fait défaut : il faut donc un contrôle strict des quantités de beurre produites, et une organisation unique de son ramassage et de sa mise en vente.
Il y aura beaucoup de problèmes dans le Finistère pour faire entrer toute la production de beurre dans le circuit unique de commercialisation créé sous l’égide du Groupement Interprofessionnel Laitier.
Ce G.I.L. doit organiser la répartition entre la population finistérienne, mais doit aussi fournir aux troupes d’occupation les quantités exigées, et trouver quelques excédents à destiner aux autres départements français sous-producteurs.

La tension sera moindre en ce qui concerne le lait entier (non écrémé), qui est rationné et taxé comme le beurre.
Le lait écrémé, lui, restera en vente libre, à condition qu’il ait été écrémé à la machine et non à la cuiller. Ainsi les consommateurs qui n’ont pas droit au lait entier peuvent cependant être servis en lait écrémé, qui est taxé mais ne fait pas l’objet de rationnement.

Le rationnement du lait entier est imposé dans le pays par décret du 17 septembre 1940, applicable à partir du 1er novembre suivant. Cela veut dire que chaque consommateur n’a droit qu’à une quantité limitée, et  que seuls les consommateurs munis de cartes spéciales peuvent être servis en lait entier jusqu’à concurrence de la quantité spécifiée sur les cartes. De leur côté, les producteurs de lait fournissant des villes agglomérées de plus de 2000 habitants doivent demander une carte professionnelle qui leur est délivrée par le G.I.L., dont le siège est à l’office central de Landerneau ; cette carte les autorise à vendre le lait entier dans le cadre du rationnement. Le 10 de chaque mois suivant chaque trimestre, ils adressent au G.I.L. les fiches et talons des cartes de lait du trimestre précédent
De leur côté, les commerçants détaillants aussi ont à présenter une carte professionnelle « Catégorie F1 » et à assurer les mêmes déclarations trimestrielles.

La taxation du lait entier a pour objet de fixer une fourchette de prix pour la vente (un prix minimum et un prix maximum) du producteur au détaillant, comme du détaillant au consommateur, et donc de déterminer la marge autorisée. Ces prix sont fixés par un Comité local interprofessionnel (ainsi, en novembre 1940, le producteur vend le litre de lait écrémé 1,10 francs et le litre de lait entier 2 francs).

Cette réglementation concernant le lait entier ne fut que faiblement respectée. A preuve cette lettre du 30 juin 1943 relative au « Ravitaillement en lait de la population civile » adressée par le Feldkommandant Dr. Vischer au Préfet du Finistère (ADF 200W20) :

« Conformément aux règlements, le lait entier ne doit être délivré qu’à certains groupes de consommateurs contre remise de tickets. Or il est constaté que notamment dans les petites localités, la distribution du lait s’effectue sans contrôle et surtout soit que les Maires ne délivrent pas de cartes de lait, ou qu’ils ne se conforment pas aux prescriptions du règlement n°4. En conséquence, je vous demande :

  • de faire vérifier dans toutes les communes si les règlements relatifs à la délivrance des cartes de lait sont respectés.
  • de prendre les mesures nécessaires pour que les propriétaires de vaches laitières, autorisés à vendre du lait entier, ne délivrent du lait entier que contre remise de la carte de lait et qu’ils rendent compte mensuellement au Groupement Laitier en lui faisant parvenir les cartes reçues. La négligence apportée dans le Département du Finistère à l’observation de ces prescriptions ne saurait être tolérée plus longtemps.

Il serait d’ailleurs souhaitable que l’Administration française sauvegarde son crédit sans l’intervention des Forces d’Occupation et qu’elle fasse elle-même respecter les lois françaises ».

Ouest-Eclair a fait état de nombreuses condamnations pour non respect de la réglementation :
« Une ménagère de Quimper est poursuivie pour avoir acheté du lait sans remettre de tickets, et une commerçante pour lui avoir livré ce lait. Toutes deux ont été condamnées à 16 francs d’amende avec sursis. »
« Trois cultivateurs de Ploaré et Kerlaz sont prévenus d’avoir livré du lait entier à leurs clients sans leur demander les tickets correspondant à la quantité de lait livré. Leur avocat, Maître Le Coz fait remarquer qu’il ne s’agit pas de vente de lait sans tickets, mais uniquement de transport sans tickets. En effet, le supplément de lait pour lequel ils n’étaient pas en possession de tickets devait être livré à des clients occasionnels contre remise de tickets. Après déposition de l’inspecteur du contrôle qui dressa procès-verbal, les trois cultivateurs sont condamnés chacun à 16 francs d’amende ».
(Journal daté du 26 février 1941).

François Ac'h.

 

Dossier réalisé par René Danion et François Ac'h - Keleier 72 - mars 2012

 

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Arkae > Trésors d'archives > Guerres > Deux vols de tabacs à Ergué-Gabéric

Eté 1944 : Deux vols de tabacs à Ergué-Gabéric

François Ac'h 

 

Que reste t-il, dans notre mémoire collective, des évènements vécus dans notre commune pendant la Seconde Guerre Mondiale ? Pas grand chose sans doute, une fois évoquée la participation de quatre jeunes gens du Bourg au "coup du S.T.O." à Quimper. Restent heureusement quelques documents d'archives, qui peuvent parfois réveiller de vieux souvenirs...

 

L’été 1944 a été appelé par un historien « l’été des hold-up1».
Les réquisitions en vagues successives adressées aux jeunes gens, à partir de février 1943, dans le but de les expédier vers les usines allemandes dans le cadre du Service du Travail Obligatoire, ou en France sur les chantiers de la TODT, ont poussé vers une vie clandestine, marginale, des individus et des groupes de plus en plus nombreux. Une petite proportion de ces réfractaires au STO, estimée à environ 10% seulement2, a en fait rejoint un maquis organisé.

A l’approche du Débarquement, puis pendant l’avancée des armées alliées, l’existence d’un maquis supposait de disposer d’un budget énorme, du fait de l’afflux des volontaires, de la charge que représentaient leur ravitaillement, leur habillement, leur équipement militaire et leur solde. Faute de pouvoir compter sur le parachutage des fonds nécessaires en espèces, ou souscrire des emprunts sur place, les responsables des maquis se sont résolus à recourir à des moyens plus expéditifs : « vivre sur le pays » en quelque sorte, mais de préférence en faisant payer les « collabos » avérés, par exemple en attaquant de nuit une ferme qui venait de vendre du bétail à la troupe allemande, par exemple en « taxant » les trafiquants, les délateurs. C’est surtout vers l’administration de Vichy, les secrétariats de mairies, les perceptions, les bureaux de poste, les succursales ou les transports de fonds de la Banque de France que les résistants se sont tournés pour se fournir en espèces, mais aussi en stocks de cartes d’alimentation.

Les rapports de gendarmerie ont souvent mis ces actions au compte de « terroristes » ou de « gangsters », qui n’étaient que très rarement identifiés. Il s’agissait souvent de maquisards. Ceux-ci avaient en principe pour règle de fournir un signe d’identification, voire de remettre un reçu ou même de payer comptant. Mais il est arrivé bien des fois que des initiatives soient prises par des individus qui, du fait du contexte général, s’étaient établis dans la clandestinité, avaient éventuellement un rapport avec un groupe de résistants, mais agissaient en réalité pour leur compte personnel tout en arborant les signes distinctifs du maquis et en adoptant leur comportement.
Le tabac n’était peut-être pas, pendant l’Occupation, un produit de première nécessité, mais il est devenu rapidement un produit très recherché. Devenu rare du fait de la baisse de la production nationale3, son rationnement fut organisé à partir du 31 juillet 1941, huit mois après l’instauration des cartes d’alimentation : inscription obligatoire des hommes de plus de 18 ans dans un unique débit de tabacs, attribution d’une carte individuelle, distribution par lots correspondant à une certaine quantité de tabac, et par décade, soit au rythme de deux, trois ou quatre fois par mois, pour une ration mensuelle oscillant entre 80 et 120 grammes.

En ces années de guerre, le tabac fut l’objet d’un « marché noir » très actif. La demande ne pouvait qu’être forte en cette période de stress collectif, marquée par un besoin d’affirmation individuelle.
Dans les maquis, la fourniture en tabac pouvait compter pour le bon moral des combattants. Ceux-ci avaient perdu, du fait de leur passage à la clandestinité, le bénéfice de leur attribution mensuelle en tabac. Comment restaurer cette normalité perdue ?

Dans les Côtes-du-Nord, 183 bureaux de tabac furent attaqués au cours du seul mois de juin 1944, ce qui constitue une moyenne de 7 par jour4. Pour ce qui concerne le Finistère, nous disposons d’états mensuels des « Attentats terroristes », établis au Cabinet du Préfet. Ainsi, pour le mois de juin 1944, se trouvent recensés en 14 feuillets5 quelques 190 assassinats, attaques à main armée, sabotages et autres vols. Dans cet ensemble, qui ne nous parait guère exhaustif, nous relevons pour le Sud-Finistère 57 coups de main ayant pour objet des vols de tabac.  
Ainsi :
- Le 24 juin, une attaque à main armée à l'entrepôt de tabac de Quimper : « une douzaine d’individus, après avoir immobilisé le personnel sous la menace de leurs armes, chargent 700 kg de tabac dans une camionnette qu’ils avaient emmenée.6»
- Des attaques contre les véhicules transportant le tabac pour en faire livraison aux buralistes (le 1 juin à Trégunc, le 13 à Saint-Evarzec, le 16 à Melgven, le 24 sur la route de Pont-Croix, le 27 à Douarnenez…).
- Des interventions dans les bureaux de tabac par des « individus armés » qui se font remettre la réserve de tabac, souvent en le payant immédiatement (noté 13 fois), parfois en versant un simple acompte (noté 5 fois) ou en laissant un reçu en vue d’un paiement ultérieur (noté 5 fois).

Pour ce qui concerne la commune d’Ergué-Gabéric, nous avons connaissance de deux vols de tabac, l’un le 27 mai, l’autre le 22 juin 1944.

 

Extrait des Mémoires de Lestonan 1910-1950, cahier d'Arkae n° 7, 2007

Texte de Jean et Lisette Hascoët : « le bar-tabac Joncourt », p. 34.

Pendant la guerre tout était sous contrôle. La préfecture ou la mairie délivraient des tickets pour le vin, le tabac, le lait, le sucre, pour toute l'alimentation.
La vente du tabac avait lieu deux fois par mois : deux jours très attendus par les fumeurs. Un cultivateur de Briec se déplaçait à Quimper avec cheval et charrette, prendre livraison du tabac (au dépôt de la route de Douarnenez), de l'épicerie (Avenue de la Gare, chez Piffart – Le Teunff), du vin (« Jolival » chez Darnajou).
Le soir même, il y avait distribution de tabac : un paquet de gris et deux paquets de cigarrettes. Tous les fumeurs étaient présents. La distribution se prolongeait tard dans la soirée. Un soir, les gendarmes sont venus à l'heure de la fermeture. Mais au vu du nombre de clients, ils ont laissé se terminer la distribution.
 

 

1. Au bourg, au café Troalen, le 27 mai 1944. (ADF 200W75)

Arkae > Tresors archives > Guerres > Café TroalenLa Gendarmerie n’en a été informée que près de deux semaines après les faits : le 10 juin (soit 4 jours après le Débarquement), deux gendarmes transcrivent les déclarations de Madame Troalen, née Perrine Le Roux, 37 ans (connue sous le nom de « Rine Rouz »).


Arkae > Tresors archives > Guerres > Perrine Le Roux" Dans la soirée du samedi 27 mai 1944, je me suis couchée vers 23 h 30, ainsi que ma sœur Mlle Anna Le Roux. Ma sœur et moi sommes seules dans la maison, mon mari étant prisonnier.
Vers 23 h 45 ou minuit, des hommes se sont présentés devant chez moi et ont tapé à la porte à plusieurs reprises. Ils ont appelé en disant : « Ouvrez, Madame ». Je n’ai pas répondu. J’ai cru d’abord avoir affaire à des Allemands. Ils ont insisté tellement que j’ai compris que c’étaient des Français.
Ils ont cassé un carreau sur la fenêtre de la cuisine, fait jouer l’espagnolette et ont pénétré à l’intérieur. Un moment après, je les ai entendus monter l’escalier menant au 1er étage. Prises de peur, ma sœur et moi nous nous sommes sauvées par les escaliers donnant sur l’arrière de la maison. Les individus pouvaient être quatre ou cinq. Le tabac se trouvait dans le débit, dans un placard situé derrière le comptoir. Je n’ai vu aucun des hommes en question.
Une heure après environ, je suis revenue en compagnie des voisins ; les visiteurs nocturnes avaient disparu. Après inventaire, j’ai constaté que toutes les pièces et tous les meubles avaient été fouillés ; aucun argent n’avait été volé ; par contre tout le tabac, quelques articles de fumeurs tels que pipes, briquets, et quelques litres de vin avaient disparu.

Arkae > Tresors archives > Guerres > Deux vols de tabacs à Ergué-Gabéric > Anna Le RouxIl se trouvait chez moi la quantité de tabac suivante : 20 paquets de tabac gris, 6 paquets de tabac bleu, 12 paquets de tabac vert, 40 paquets de gauloises vertes, 10 paquets de gauloises ordinaires, 10 paquets de celtiques et une boite de ninas.
Ni le placard en question ni même aucun meuble n’était fermé à clé.
N’ayant vu aucun des voleurs, je ne puis vous donner aucun renseignement sur ceux-ci. Si je n’ai pas porté plainte avant cette date, c’est que je craignais les représailles.
J’estime le préjudice qui m’est causé à la somme de quatre mille francs environ."

La déclaration faite à la suite par Anna Le Roux, aînée de 3 ans de sa sœur « Rine », n’ajoute rien de particulier. Deux témoins seront encore entendus le 4 juillet : ils regardaient derrière leurs volets.

René Poupon, 22 ans, qui tient le commerce voisin, déclare :
" Le samedi 27 mai 1944, au soir, vers minuit, alors que j’étais au lit, j’ai entendu des bruits de pas venant de l’extérieur.
D’abord j’ai cru qu’il s’agissait d’une patrouille allemande, vu l’heure tardive et le bruit des pas, car les visiteurs nocturnes étaient chaussés de souliers ferrés.
Je me suis mis à la fenêtre et à travers les volets j’ai observé. Le temps était assez sombre, il m’a été assez difficile de bien distinguer. Toujours est-il que j’ai vu cinq individus rôder sur la place, en face du bureau de tabac. Quatre d’entre eux sont entrés à l’intérieur, pendant qu’un faisait le guet dehors. Ce dernier était de forte corpulence. Je ne pourrais vous dire comment ils étaient habillés, n’ayant pu bien distinguer, ni s’ils étaient masqués.
J’ai tout de suite compris qu’ils venaient pour dévaliser le bureau de tabac. Etant seul comme homme dans la maison, je n’ai pas voulu me faire voir ni sortir, car certainement que ces derniers étaient armés. Ils y sont restés trois quart d’heure environ, puis ils sont partis par le bas du Bourg."

Et le secrétaire de mairie, François Lennon, 54 ans, ne dit pas autre chose : "... Je me suis mis à la fenêtre derrière les volets… Je n’ai pas voulu bouger, de peur que ces individus certainement armés me tirent dessus. Je n’ai pas vu autre chose."
Photos : Café Troalen au bourg.
à gauche : Perrine Le Roux "Rine Rouz".
Ici, à droite : Anna Le Roux.
 

2. A Lestonan, au café-tabac Joncour, le 22 juin 1944 (ADF 200W74)

Arkae > Tresors archives > Guerres > Louise RiouC’est Madame Jean Riou, née Louise Joncour, 38 ans, qui tient le café-tabacs de Lestonan. Dès le lendemain des faits, elle informe les gendarmes par téléphone et ceux-ci se rendent sur place le surlendemain 24 juin.

Madame Riou déclare :
" Le 22 juin 1944, vers 16 heures, alors que je me trouvais à la maison avec ma fille Louise, âgée de 13 ans, j’ai vu deux individus armés de pistolets rentrer chez moi. Ces derniers m’ont demandé à boire. Je leur ai servi chacun un verre de cidre. A un moment donné, l’un d’eux m’a demandé si j’étais la patronne, j’ai répondu par l’affirmative. Aussitôt ces hommes m’ont dit qu’ils étaient venus réquisitionner le tabac que j’avais de disponible chez moi. J’ai refusé de leur donner satisfaction sur le champ. A ce moment ces deux individus m’ont dit qu’ils allaient perquisitionner chez moi. Pour éviter des ennuis et des actes de violences, je les ai conduits dans un local contigu à la salle de consommation, où se trouvait le tabac destiné aux consommateurs. Ils ont pris eux-mêmes le tabac, soit 21 paquets de gris, 18 paquets de gauloises vertes, 15 paquets de tabac supérieur et 8 boites d’allumettes, s’élevant à la somme de huit cent quarante francs quatre vingt centimes (840,80). Cette somme m’a été versée intégralement par ces deux individus, qui se sont ensuite dirigés à pied vers la papeterie d’Odet.
Je ne connais aucun de ces hommes, leur signalement est le suivant : le premier, de forte corpulence, mesure 1,70 m environ, cheveux châtain foncé, visage entièrement rasé, vêtu d’un blouson marron, coiffé d’un chapeau mou noir rabattu sur les yeux. Le deuxième, plus petit, d’assez forte corpulence coiffé d’un chapeau mou foncé rabattu sur les yeux, cheveux blonds, vêtu d’un blouson dont je ne me souviens plus de la couleur. J’ai remarqué que le plus grand portait des lunettes de couleur à grosses montures."

Dans cette seconde affaire, il faut également deux témoins : d’abord un retraité de l’Arsenal, 55 ans, Jean Diascorn7, qui habite à Lestonan, et lui aussi à sa fenêtre :
" Le 22 juin 1944, dans l’après-midi sans que je puisse préciser l’heure, j’ai remarqué de ma fenêtre 2 hommes qui s’en allaient à pied vers la papeterie d’Odet. L’un d’eux portait une musette sur le dos.
Ils étaient vêtus tous deux de blousons et étaient coiffés de chapeaux mous rabattus sur les yeux. J’ai vu que l’un d’eux portait des lunettes de couleur. J’ai appris par la suite par Madame Riou, débitante, qui demeure près de chez moi, que son bureau de tabac venait d’être cambriolé par les individus que j’avais vus passer devant ma maison.
Je ne connais aucun de ces hommes."
Puis Thérèse Henry, 15 ans, qui les a également vus passer devant chez elle et fait la même description des deux individus ; mais elle les a vus « se dirigeant vers Quimper ».

Photo : Mme Riou, photo prise vers 1955.

 

3. Quelques commentaires et remarques

Du fait du rationnement du tabac et de l’inscription obligatoire de chaque consommateur auprès d’un buraliste, tout prélèvement anormal hors du circuit officiel devait donner lieu à un dépôt de plainte : en cas de vol, n’ayant pas pu servir ses clients attitrés, le buraliste devait se justifier auprès des autorités, et cela même s’il avait été payé de la valeur de la marchandise volée. Mais c'était peut-être porter plainte contre la Résistance ?

Par delà la peur qui les a fait s’enfuir par une porte dérobée et se réfugier chez leur oncle Hervé Le Roux, Madame Troalen et sa sœur avaient de quoi se poser des questions. Car la Résistance, c’était qui, à Ergué-Gabéric ? C’était avant tout le fils de leur cousine germaine, Fanch Balès, le boulanger du Bourg, qui vivait dans la clandestinité depuis près de 5 mois, depuis le cambriolage des bureaux du S.T.O. à Quimper et la destruction des fichiers des requis dans son four de boulanger. Les deux soeurs pouvaient se demander si les cambrioleurs, qui n'étaient probablement pas des gabéricois, étaient ou non en rapport avec Fanch. Elles pouvaient aussi douter de leur appartenance à la Résistance. Toujours est-il que Fanch aurait été informé par les soins de « Rine Rouz » de ce vol commis au Bourg et devait se renseigner sur ses auteurs8. Mais il est mort fin août. Et les archives n’ont conservé aucune trace d’une suite donnée à cette affaire.

Le procès-verbal dressé à Lestonan fournit un récit simple et clair, avec cependant une contradiction au sujet de la direction prise par les deux individus. Nous disposons d’un autre document d’archives (ADF 200W74 également) qui comporte un élément ne figurant pas dans la déposition de Madame Riou. Dans la transmission qu’il adresse en date du 26 juin aux autorités françaises et allemandes, le Capitaine Le Thomas, commandant la section de gendarmerie de Quimper, résume brièvement : « le 22 juin 1944, vers 16 heures, deux individus armés se sont présentés au bureau de tabacs tenu par Madame Joncour, au hameau de Lestonan en Ergué-Gabéric. Sous la menace de leurs armes, ils ont exigé la remise du tabac détenu, soit 36 paquets de tabac et 18 paquets de cigarettes. Ils ont remis à la tenancière la somme de 840 Francs et un reçu du tabac volé ». Le procès-verbal ne mentionnait pas de remise d'un reçu.

Près de 70 ans après les faits, nous avons, par bonheur, le témoignage oral de Lisette Hascoët, qui était la fille de 13 ans indiquée comme ayant assisté à la scène. Lisette nous dit d’emblée que cela ne s’est pas passé ainsi :
« En réalité, ce jour-là, il n’y avait personne à la maison. Mon père était prisonnier en Allemagne, et nous étions, ma mère et moi, à la prairie que nous avions en location auprès des Bolloré, située au-delà du Bigoudic, à peu près à 1500 m. de la maison. Car en plus du café-tabac, nous avions une vache et un peu de terre. Ce jour-là, nous faisions le foin. Dans l’après-midi, un homme est arrivé, que nous ne connaissions pas.
Il avait trouvé porte close au café, et demandait à ma mère de venir avec lui pour se faire remettre le tabac que les clients attitrés n’avaient pas encore perçu. Ma mère refusa, mais il insista, proposant que « la petite » vienne au moins lui ouvrir la porte. Elle réagit fortement à cette idée, et décida alors de l’accompagner elle-même. Et moi, je suis restée travailler dans la prairie. C’est ainsi que ça s’est passé. Je ne me souviens pas du tout qu’ils étaient à deux. Quand il est venu à la prairie, il était seul.
On a peu reparlé de cette histoire par la suite. Mon frère Jean, qui avait 3 ans de moins que moi, n’en a aucun souvenir. Je ne sais pas si le tabac a été payé ou si un reçu a été remis à ma mère »

Que dire encore ?

  • Les gendarmes ont opté dans les deux procès-verbaux pour un récit simple, schématisé, dépouillé de détails sans importance pour l’enquête, quitte à travestir certaines données. Il leur aurait paru inutile de raconter le détour par la prairie.
  • Remarquons qu’ils n’utilisent plus ici comme ils le faisaient quelques semaines ou mois auparavant, les termes « terroristes9 » ou « bandits », mais se contentent de parler de « visiteurs nocturnes » ou d’« individus » ou de « ces hommes ». Le ton aurait donc changé vers plus de neutralité. Rappelons que le Débarquement venait d'avoir lieu.
  • En ce qui concerne le vol commis à Lestonan, qui se déroule en plein jour, une indication est donnée par le procès-verbal des gendarmes, qui signalent un paiement au comptant, puis par leur Commandant, qui ajoute la mention d’un reçu : si les « individus » n’ont pas indiqué à Madame Riou leur appartenance à la Résistance, les gendarmes ont peut-être retenu le paiement comme valant une quasi-signature de la Résistance, et leur Commandant aurait ajouté dans le même sens la mention d’un reçu.
  • Les familles Riou et Troalen n’ont jamais su qui étaient les auteurs de ces vols. Quand la Police de la République a remplacé celle de l'Etat Français, elle a eu à élucider bien d'autres affaires, d'une toute autre importance. Et ce qui aurait été délictueux avant la Libération ne l'était sans doute plus tout à fait après. S'il est vrai qu'à l'époque la volonté d'identifier les « voleurs » n'a pas été plus forte, il n'y a pas de raison aujourd'hui de prétendre connaître les auteurs des vols.Mais ces affaires, dont nous devons accepter de ne pas tout savoir, nous donnent une idée de la complexité des situations à cette époque, comme de la difficulté de connaître la réalité, même rapportée par procès-verbal.

François Ac'h.

 

Arkae > Tresors archives > Guerres > Carte de tabac
 
 
 
Cette photo représente une carte de tabac attribuée à une femme pour le 2ème semestre 1947.
 
Pendant la guerre, le tabac a été rationné dans le sens où seuls les hommes de plus de 18 ans avaient le droit d'en acheter une quantité limitée.
A partir de décembre 1945, le droit d'acheter du tabac a été accordé aux femmes, mais à partir de 21 ans seulement. En effet, il a été considéré qu'il y avait en France autant de jeunes filles de plus de 21 ans que de jeunes hommes de plus de 18 ans : voilà le genre de parité qui était respectée !
Par ailleurs, les femmes avaient une dotation mensuelle de 40 grammes quand les hommes en avaient une de 160 grammes en 1946 et de 280 grammes en 1947.
« Où est l'égalité des sexes dans tout ça ? », lit-on dans l'Humanité du 27 juin 1946. Cf. Eric Godeau, ouvrage cité, page 37).

Ainsi, on pourrait considérer que les femmes ont obtenu dans le même temps l'accès au tabac et l'accès au bulletin de vote !

 

Dossier réalisé par François Ac'h - Keleier 70 - novembre 2011

 

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Les municipalités d'Ergué-Gabéric sous la Révolution

Jean-François Douguet 

 

Arkae > Tresors archives > Politique > Les municipalités d'Ergué-Gabéric sous la Révolution > ArretéBernez Rouz : " Avec Jean-François Douguet, on y voit plus clair sur la mise en place de l’institution communale pendant la Révolution.
La rareté des archives, la briéveté des mandats électifs, la complexité des structures mises en place compliquent le travail de l’historien. Quelques noms au hasard de l’état civil nous renseignent sur la qualité de nos compatriotes engagés dans la lente construction de la démocratie locale.  

Heureusement d’autres communes ont gardé plus d’archives. On sait donc comment la Révolution a bouleversé les institutions locales, et on peut en tirer des conclusions pour Ergué, faire se rejoindre les bribes éparses de notre mémoire collective.

Loin de la fureur des sans-culottes, des luttes fratricides entre Girondins et Jacobins et des épisodes de la chouannerie, la Révolution s’est semble-t-il passée sans heurts sur les terres gabéricoises. Reste à glaner cette étrange moisson d’archives nouvelles dans un calendrier républicain déroutant.

Le travail de Jean-François Douguet y participe et complète le livre sur Alain Dumoulin, un recteur breton dans la tourmente révolutionnaire, disponible cet été. "

 

Photo : Municipalité an III : Arrêté des représentants du peuple Faure et Tréhouart donnant la liste des membres du conseil municipal d’Ergué-Gabéric, en date du 26 pluviôse an III (14 février 1795).

 

Les nouvelles institutions

Le 16 novembre 1789 l’Assemblée constituante, après avoir créé les départements et les districts, décide de les subdiviser en cantons et communes. La loi du 14 décembre suivant précise les modalités d’administration et d’élections des nouvelles organisations municipales.

Chaque commune doit être dirigée par un corps municipal, composé d’officiers municipaux, d’un nombre variable selon sa taille, d’un procureur et d’un maire. Ce corps municipal appartient à un conseil général composé d’un nombre de notables double de celui du corps municipal. Chaque fonction donne lieu à une élection séparée. Le maire et le procureur sont élus pour deux ans, rééligibles qu’après un délai de deux ans sans mandat. Les officiers municipaux et les notables, élus aussi pour deux ans, sont renouvelables par moitié chaque année.

Les attributions des nouvelles municipalités sont considérables : gestion des biens communs, budget, travaux publics, voirie, répartition des impôts, mais aussi un pouvoir réglementaire, notamment dans le domaine économique (droit de taxe) et de police (droit de requérir la force publique). Le maire peut aussi proclamer la loi martiale en arborant un drapeau rouge sur la façade de la mairie, mais il ne peut quitter le territoire de la commune sans autorisation. Quant au procureur, il représente à la fois le gouvernement et la population. Il est tantôt avocat, tantôt accusateur public, et il a voix consultative dans toutes les affaires. C’est un préfet communal avant la lettre, ce qui lui donne un pouvoir considérable… et il peut circuler librement.

Pour être électeur il faut être citoyen actif, c’est-à-dire être de nationalité française, avoir plus de vingt cinq ans, être domicilié dans la commune depuis au moins un an, ne pas être en état de domesticité, ni en situation de faillite et payer un impôt au moins égal à trois jours de salaire d’un ouvrier. En 1790 cette contribution est fixée à quinze sols la journée. Pour être éligible il faut réunir les mêmes conditions, mais l’impôt est fixé à dix jours de travail. Et seuls les hommes ont droit de vote.

Jérôme Kgourlai, premier maire… de la paroisse

Arkae > Tresors archives > Politique > Les municipalités d'Ergué-Gabéric sous la Révolution > Acte baptemeCent trente-et-un Gabéricois, soit un peu plus de 8% de la population, sont appelés à voter début 1790 pour élire cinq officiers municipaux (pour les communes ayant entre 500 et 3000 habitants) et dix notables, plus le maire et le procureur.
Les procès-verbaux de ces premières élections ont malheureusement disparu. C’est l’état civil qui permet d’identifier les premiers élus. Ainsi le baptême de René Le Pétillon, de La Salleverte, le 16 juin 1790, révèle que son père, aussi prénommé René, est le procureur de la commune. Deux mois plus tard, le 12 août, c’est l’acte de baptême de Françoise Credou, de Khaut, qui indique que le parrain, Jérôme Kgourlay1 est le « maire de cette paroisse »2.
Un autre acte de baptême précise que René Le Pétillon est aussi administrateur du district de Quimper. A défaut de tornade révolutionnaire, c’est un vent nouveau qui souffle sur la nouvelle commune d’Ergué-Gabéric, car aucun de ces deux hommes n’était signataire des cahiers de doléances rédigés quelques mois plus tôt.

Photo : Cohabitation à Ergué-Gabéric où le recteur Dumoulin mentionne sur l’acte de baptême de Marie Le Dore,
le 15 août 1790, les nouvelles fonctions du parrain, Jérôme Kergourlay maire de cette paroisse (sic).


Le 9 juin suivant décède René Le Pétillon, « ancien électeur de la commune ». Sans doute a-t-il démissionné pour raisons de santé de ses fonctions de procureur. Son successeur à cette fonction, Augustin Géllard, de Congallic, assiste à son enterrement en compagnie du maire.

Cependant c’est la polémique sur le découpage des cantons qui permet d’identifier l’intégralité de la première municipalité d’Ergué-Gabéric.
Dès 1790 la nouvelle commune est rattachée au canton de Rosporden avec celles d’Elliant, Saint-Yvi, Locmaria-Hent3, et Tourc’h. Fureur des Elliantais, vexés qu’une de leurs anciennes trêves obtienne la prééminence dans les nouvelles institutions. Ils font intervenir leur recteur l’abbé Guino, alors député du Clergé à l’Assemblée constituante qui, le 30 mai 1791, sollicite l’appui des plus hautes autorités locales : François-Jérôme Le Déan, maire de Quimper, Louis Alexandre Expilly, le nouvel évêque, et Augustin Le Goazre de Kervélégant, député du Tiers-Etat qui appuie la pétition d’un commentaire personnel : « il ne me paraît point raisonnable d’obliger les habitants de la paroisse4 d’Ergué-Gabéric de traverser celle d’Elliant pour celle de Rosporden ».
« Nous préférons le canton de Quimper à celui d’Elliant, et celui d’Elliant à celui de Rosporden… »
Mais cela ne convient pas non plus aux Gabéricois qui le font savoir par une requête adressée aux administrateurs du directoire départemental. Si la municipalité appuie les pétitions d’Elliant pour que le chef-lieu de canton soit au bourg de cette commune, plus proche, elle ne manque pas de faire observer aussi qu’elle préférerait être rattachée au canton de Quimper :
« Ce jour 28 novembre 1790 le conseil général de la paroisse, assemblé dans la personne de Jérôme Kgourlai maire, de René Le Gouerou, de Hervé Lizien, d’Allain Rannou, de Jean Gourmelen officiers municipaux, de Jean Lozac’h, Guénolé Laurent, François Le Poupon, Louis Le Naour, Hervé Le Pétillon, Louis Le Bihan, tous notables5. Présent Augustin Gélard procureur de la commune… a arrêté de suplié messieurs les administrateurs du département de finistère et messieurs les administrateurs du district de fixer irrévocablement le chef lieu du canton au bourg d’elliant [qui] est plus au centre du canton que Rosporden…
... Le conseil général de la commune a aussi arrêté de supplier messieurs les administrateurs du département et du district de Quimper de réunir la paroisse d'Ergué-Gabéric au canton de Quimper dont elle est beaucoup plus près que d'Elliant ; les villages d'Ergué les plus voisins du bourg d'Elliant en sont distants de cinq quarts de lieue, et les plus éloignés à trois fortes lieues, ajoutez les mauvais chemins de cette paroisse à Elliant ; au lieu que plusieurs villages d'Ergué-Gabéric ne sont qu'à une demie lieue de Quimper, et nos villages les plus éloignés de Quimper n'en sont distants que de deux lieues au plus. Nous avons tout à gagner si nous étions réunis au canton de Quimper; nous préférons donc le canton de Quimper à celui d'Elliant, et celui d'Elliant à celui de Rosporden ».

Quelques mois plus tard la municipalité demande à « Mr l’abbé Guino recteur d’Elliant et député aux Etats généraux de représenter aux augustes membres des dits Etats que plusieurs quartiers de cette paroisse étant au moins éloignés de Rosporden de quatre lieues, outre les difficultés des chemins, nous désirerions tous dans cette commune de voir fixer irrévocablement le chef lieu du canton au susdit bourg d’Elliant. Tels sont les vœux ardents des citoyens actifs de la commune d’Ergué-Gabéric ».

Cette nouvelle requête est signée Jérôme Kgourlay maire, Alain Rannou et Hervé Lizien, officiers municipaux, Jérôme Credou, René Seznec, François Laurans, Pierre Jean Credou et François Le Poupon, notables, et René Le Pétillon, administrateur du district de Quimper.
Quatre nouveaux noms apparaissent, sans doute élus lors de l’élection partielle de décembre 1790.

La mairie siège à la sacristie…

Dans un premier temps Elliant croit avoir obtenu gain de cause car le directoire du district de Quimper se prononce en sa faveur le 14 juin 1791, mais dans sa séance du 18 juin le directoire départemental arrête que la commune d'Ergué-Gabéric est rattachée au canton de Quimper.
De ce fait Elliant n'est plus le point central du nouveau canton et « considérant qu'il se tient à Rosporden des foires et marchés, dont la privation ajouteroit à la perte de ses octrois et celle de la juridiction qui s'y exerçoit » il arrête aussi que le « chef-lieu demeurera irrévocablement en la ville de Rosporden. »

Entre temps, le 2 février 1791, une autre requête, pour demander le maintien des prêtres réfractaires dans la paroisse « pour n’être pas privés des secours spirituels », complète la liste des élus en 1791: Jérôme Kgourlay, maire, Augustin Gélard, procureur, Jean Gourmelen, Alain Rannou, Yves Le Meur, Hervé Lizien et René Gouerou, officiers municipaux, Jean Le Poupon, François Le Poupon, Jean Lozeac’h, Guennolé Laurent, Hervé Pétillon, Louis Le Naour, Alain Seznec, Charles Le Queneudec notables, Joseph François Mahé, secrétaire-greffier. La réunion s’est tenue «en la sacristie de la dite paroisse où a présidé Jérôme Kgourlay, maire …»

On trouve encore la signature de Jérôme Kgourlay et Alain Rannou le 15 mai 1791 dans la demande d’expulsion de la commune d’une fille de mauvaise vie, atteinte de la vérole qui « se lave dans neuf fontaines dans la persuasion de se guérir … Les habitants, qui ne peuvent avoir de l’eau potable que de ces fontaines, sont dans la plus grande gêne et souffrent d’être obligés de boire de ces fontaines… »

Troubles et incertitudes…

Arkae > Tresors archives > Politique > Les municipalités d'Ergué-Gabéric sous la Révolution > Jean Le JourNous n’avons nulle trace des élections de décembre 1791. Seul, le 30 mars 1792, l’acte de baptême de Barbe Le Jour, de Boden, mentionne que son père, Jean Le Jour, est le procureur de la commune. Ce qui indiquerait qu’il y a bien eu des élections avec, outre la moitié du conseil général de la commune (les notables), et du corps municipal (les officiers municipaux) à renouveler, un autre procureur et, normalement, un nouveau maire. Mais nous ne connaissons pas avec certitude son identité.

L’une des dernières mesures prises par l’Assemblée Législative est, par les décrets des 20 et 25 septembre 1792, la création de l’état civil. Confié au conseil général de la commune, celui-ci doit choisir en son sein la personne la plus compétente, à laquelle on donne le titre d’officier public, pour enregistrer les actes. Ainsi, le 26 janvier 1793, Jean Le Jour inscrit dans le premier registre de l’état civil que, « membre du conseil général de la commune d’Ergué-Gabéric, district de Quimper, département du Finistère », il a été « élu le neuf décembre dernier [1792] pour rédiger les actes destinés à constater les naissances, mariages et décès des citoyens… ».
A partir du 17 avril il mentionne son nouveau titre d’officier public, qu’il peut cumuler avec sa fonction de procureur. Le 19 août, venu déclarer la naissance de sa fille Marie Magdeleine, il charge « Jean Nicolas, membre du conseil général de la commune d’Ergué-Gabéric, qui fait fonction d’officier public », de rédiger l’acte de naissance.

Le 21 mars 1793, le procès-verbal de la levée d’un contingent de douze hommes d’Ergué-Gabéric, dans le cadre de la levée de 300 000 hommes décrétée par la Convention, est contresigné par Yves Le Meur, procureur de la commune, François Laurant, maire, et Jean Lejour, officier municipal6. François Laurent, de Squividan, est-il maire depuis décembre 1791, date à laquelle il aurait dû y avoir, constitutionnellement, un renouvellement ou, plus probablement, depuis le 9 décembre précédent. Dans plusieurs communes environnantes il y a également eu un changement de maire à cette époque7.

L’an I de la République

Arkae > Tresors archives > Politique > Les municipalités d'Ergué-Gabéric sous la Révolution > DeliberationPar l’acte constitutionnel du 24 juin 1793 la Convention apporte deux modifications importantes à la loi électorale. La majorité est ramenée de vingt-cinq à vingt-et-un an et le suffrage universel est instauré pour les hommes, sauf les domestiques, le pouvoir se méfiant de leur dépendance vis-à-vis de leurs « maîtres ». Le 4 décembre suivant une autre modification d’importance est adoptée en créant les agents nationaux à la place des procureurs, et en étendant leurs attributions, déjà importantes. Bien qu’élus par le peuple, ils représentent le gouvernement. Ils exercent leur contrôle sur les particuliers comme sur les autorités constituées (et donc le maire). Ils doivent prévenir le comité de sûreté générale de la tranquillité intérieure et des conspirations contre l’égalité et la liberté. Ils ont le droit de décerner des mandats d’arrêt, de mettre en liberté, de poser et lever des scellés. Ils doivent surveiller la stricte application des lois et sont tenus d’envoyer des rapports tous les dix jours à l’administration du district. De fait, ils ont plus de pouvoir que les maires.

Photo : Délibération de la municipalité d'Ergué-Gabéric.

Ces nouvelles mesures sont appliquées lors des élections du 9 février 1794 (elles auraient dû se dérouler en décembre 1793), dont nous ne retrouvons qu’une seule évocation, dans l’état civil, à l’occasion du changement d’officier public, Jean Le Jour, laissant la place à Rolland Coatmen, curé constitutionnel, «membre du conseil général de la commune, élu le 24 du présent mois de pluviôse (9 février 1794) pour rédiger les actes destinés à constater les décès… ». Cette élection devait aussi donner lieu à l’élection d’un nouveau maire (sauf si François Laurent a été élu en décembre 1792), tout comme le nouvel homme fort de la commune, l’agent national. Quant à Jean Le Jour on le retrouve comme officier municipal lors de l’estimation de la vente de la chapelle de Kerdévot comme bien national le 1er novembre 1794.

Enfin, après plus de trois ans d’incertitude, durant la période la plus trouble de la Révolution, un arrêté du 26 pluviôse an III (14 février 1795) des représentants du Peuple «prez les porte et côtes de Brest et de l’Orien », Tréhouart et Faure, nous renseignent à nouveau sur la composition du conseil municipal, probablement élu quelques jours plus tôt8: Jean Riou, de Tréodet, maire – René Le Guenno, de Sulvintin, Jean Le Gouzien, de Niverrot, René Gouerou, de Lec, Jean Jaouen (dont le nom est ajouté à la place de celui de Jean Le Jour qui est rayé), Allain Rannou, de Kourvois, officiers municipaux – Jean Credou, de Créac’h Ergué, agent national – Jean Le Signour, Denis Huitric, Joseph Le Roux, Pierre Lozach, Louis Le Naour, Louis Maugen, Guénolé Laurent, René Le Maguer, Jean Knevez, Louis Michelet, de Knogen, notables – Yves Kgourlai, secrétaire-greffier. Allain Rannou est aussi l’officier public.

D’anciens personnages de premier plan, comme Jérôme Kergourlai, Jean Le Jour, Augustin Géllart, sans doute contraints de se retirer par le renouvellement imposé par la constitution, et peut-être aussi « victimes » d’une épuration locale à la suite de la chute de Robespierre (27 juillet 1794), ne font plus partie du conseil général de la commune. Par contre les nouvelles lois électorales de 1793 ont permis l’élection comme officier municipal de Jean Gouzien, qui n’était pas citoyen actif en 1790. Joseph Le Roux et Louis Maugen quant à eux n’étaient pas recensés sur la commune.

Les municipalités cantonales

A leurs débuts ces réformes municipales sont accueillies avec satisfaction, mais les gouvernements se trouvent très vite confrontés à plusieurs problèmes. Dans les villes, la plupart des municipalités, imbues de leurs nouveaux pouvoirs, veulent affirmer leur indépendance vis-à-vis des autres administrations de districts et départementales. Dans les campagnes, le renouvellement exigé par la loi, la compétence et parfois la motivation des élus posent d’autres problèmes9.

Ainsi dès le 17 avril 1795 la Convention supprime les agents nationaux, puis, le 22 août suivant, les municipalités dans les communes de moins de 5 000 habitants. Dorénavant elles ont à leur tête un agent municipal et un adjoint élus par l’assemblée communale, de nouveau censitaire, pour deux ans. Les élections doivent avoir lieu à date fixe, le 1er germinal (22 ou 23 mars). L’ensemble des agents municipaux, et leurs adjoints, des communes d’un canton forme la municipalité cantonale dirigée par un président. Ergué-Gabéric, avec Kerfeunteun et Penhars, est rattaché au canton d’Ergué-Armel.

C’est au travers d’archives éparses que l’on retrouve les élus gabéricois. Ainsi le 23 février 1796 Jean Le Jour, agent municipal d’Ergué-Gabéric, et Jean Lozac’h, son adjoint, ainsi que l’ensemble du personnel cantonal sont invités à Ergué-Armel pour assister à « la fête commémorative de la mort du dernier des tyrans », et à prêter le serment « qu’ils sont sincèrement attachés à la république et qu’ils vouent une haine éternelle à la royauté ». Jérôme Kergourlay et Augustin Gélart, assesseurs du juge de paix du canton, absents, prêtent à leur tour serment le lendemain.

Lors des élections générales du 21 mars 1797 renouvelant cette assemblée, c’est Jean Nicolas, de Quilly huec, qui est élu agent municipal d’Ergué-Gabéric, et Alain Rannou, de Kourvois, adjoint 10.

Retour des maires… nommés

Il n’y a pas d’élections au printemps 1799, sans doute en raison de l’instabilité politique qui amène la chute du Directoire, et l’instauration du Consulat quelques mois plus tard après le coup d’état de Bonaparte le 18 brumaire (9 novembre).

La constitution de l’an VIII réorganise l’administration du pays. Les communes ont à nouveau un maire à leur tête, entouré d’un conseil municipal, mais dorénavant tous nommés par le préfet, nouveau personnage installé à la tête des départements. C’est ainsi que le registre des délibérations municipales d’Ergué-Gabéric commence, le 17 juin 1800, par la transcription de la nomination de Jean Le Jour aux fonctions de maire par le préfet du Finistère Charles Didelot. Il remplit aussi les fonctions d’officier public de l’état civil. Suit la nomination de son adjoint, François Mahé ? (le patronyme est malheureusement illisible), qui n’apparaît pas dans les délibérations suivantes11.

 

Sources et Bibliographie :

  • Histoire des institutions du droit public français au XIXe siècle 1789 - 1914 – Gabriel Lepointe – Ed. Domat Montchrestien, 1953.
  • Histoire des maires 1789 - 1939 – Jocelyne George – Terres de France, Plon - 1989
  • Archives départementales : séries L et M
  • Archives municipales : Etat-civil, Registre des délibérations municipales.

 

République, Liberté, Egalité?

Lorsque l’on consulte les premiers actes de l’état civil on ne manque pas d’être surpris par les expressions allégoriques des nouvelles années de Liberté, d’Egalité, de République... Il y a parfois de quoi s’y perdre. Ainsi la création d’un nouveau calendrier, révolutionnaire comme il se doit, adopté en novembre 1793, mais démarrant le 22 septembre 1792, date de l’instauration de la République, ne manqua pas de causer quelques tracas à l’officier public. Un petit aperçu nous en est proposé à la lecture de l’état civil, créé à la même époque, dont la rédaction donnait parfois lieu à des calendriers… pas très catholiques. Alors que le maire réunissait son conseil municipal à la sacristie, c’est le curé, constitutionnel, qui rédigeait l’état civil !
Contraint entre la rigueur demandée à la rédaction d’un acte officiel, et le zèle à montrer au nouveau régime, terrorisant, Rolland Coatmen ne sait plus, à défaut de saints, bannis, à quel an se vouer !
Ainsi le 20 septembre 1792 rédige-t-il l’an quatrième de la Liberté et première (sic) de Légalité (sic), puis, le 8 novembre l’an premier de la liberté française, et sur l’acte suivant l’an premier de la République française. Enfin, perdu dans ses calendriers, il choisit, le 25 novembre, de les regrouper, certain ainsi de ne pas se tromper : l’an premier de la Liberté et de la République française !
A moins que, enivré par l’enthousiasme d’une ère nouvelle, il se laisse emporter, comme bien d’autres, par les frissons de l’exaltation ! Ainsi la gazette Le Moniteur universel inscrivait-elle à sa une L’an 1er de la Liberté depuis le 14 juillet 1789 (prise de la Bastille), l’an IV de la Liberté et 1er de l’Egalité, depuis le 10 août 1792 (prise des Tuileries et arrestation de Louis XVI), l’an 1er de la République française, depuis le 21 septembre 1792 (instauration de la République). On peut remarquer que Rolland Coatmen reprend, le 20 septembre 1792, le même libellé que Le Moniteur universel met en exergue depuis le 10 août précédent. Lit-il cette gazette à Ergué-Gabéric, l’a-t-il vue ailleurs, ou respecte-t-il des directives? Quoiqu’il en soit nous sommes au début d’un nouveau calendrier, républicain, qui va durer quatorze ans.
 
A Ergué-Gabéric le 30 prairial An 219
 

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  1. Dans un souci historique nous transcrivons les noms dans leur graphie originale. Sous l’Ancien régime la lettre K est l’abréviation commune de Ker. Il faut donc lire Kerhaut, pour Khaut, Kergourlay, pour Kgourlay, etc.
  2. Le terme de commune n’est pas encore entré dans le langage courant…
  3. Sous l’Ancien régime la paroisse d’Elliant comprend les trêves de Rosporden, Saint-Yvi et Locmaria-Hent. Toutes ces entités deviennent communes en 1790. La commune de Locmaria-Hent est supprimée en 1792 et rattachée à celle de Saint-Yvi.
  4. Les communes existent déjà depuis un an et demi, mais même les élus ont du mal à intégrer ce nouveau vocabulaire.
  5. D’après la loi il manquerait un officier municipal et deux notables.
  6. Il faut noter que le procureur est mentionné avant le maire, ce qui confirme toute son importance dans les structures municipales de l’époque.
  7. Dans de nombreuses communes les lois électorales ne furent pas respectées, et il n’y eut un changement de maire qu’en décembre 1792, sauf démission.
  8. Il ne peut s’agir du conseil municipal élu en février 1794 puisque Jean Le Jour n’y figure plus.
  9. Aux élections municipales d’Elliant en décembre 1792 il n’y eut que 21 électeurs … pour 20 postes à pourvoir ! A Kernével il n’y avait que trois personnes qui savaient lire et écrire…
  10. Un document du 22 avril 1798 inverse les rôles. Cependant la délibération du conseil municipal du 23 janvier 1801 auquel est convié Jean Nicolas «agent» pour expliquer la situation financière de la commune prouve que c’est bien lui qui était l’agent municipal en 1798.
  11. Dans le recensement de 1790 figurent Joseph François Mahé, cultivateur à Kdévot, 26 ans, citoyen actif, et son frère François, 22 ans. Peut-être pourrait-il s’agir de l’un d’eux.

 

Dossier réalisé par Jean-François Douguet - Keleier 68 - juin 2011

 

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Trésors d'archives > Quartiers > Le comité de tir d'Ergué-Gabéric 1909 - 1914

Présentation
 
2013 sera marquée par le centenaire des Paotred Dispount, le célèbre club de football de Lestonan. Une bonne occasion de s’interroger sur les débuts de la pratique sportive à Ergué-Gabéric.

Certes les fêtes de village se terminaient souvent par des joutes de baz-youd, de sevel ar berchenn, de teurel ar maen-pouezh, ces jeux traditionnels bretons spontanés tout comme la lutte (gouren). Des sports où il s’agissait de montrer sa force. Quant à la soule (Mellad) ancêtre du rugby, elle n’était plus guère jouée que dans quelques communes du Morbihan au début du XXe siècle. Elle a été vite détrônée par le fooball baptisé mell-droad en breton, c’est à dire balle au pied.
Il faut attendre le début du XXe siècle pour voir s’organiser la pratique sportive. Le football est né cinquante ans auparavant en Angleterre mais ne perce vraiment en France qu’après 1900.

Dans les villages, c’est le tir et la gymnastique qui sont à l’honneur. Ergué n’échappe pas à ce mouvement.
L’enquête de François Ac’h nous révèle la lente gestation d’un mouvement sportif organisé dans notre commune.

Bernez Rouz
 
 

Le comité de tir d'Ergué-Gabéric 1909 - 1914

 
La défaite de la France par les Prussiens et leurs alliés en 1870 a été vécue comme un énorme cataclysme. Il fallait s’expliquer pourquoi les soldats français s’étaient montrés moins valeureux, ou moins bien commandés, ou bien moins préparés.
De là est née une réflexion collective qui a concerné le service militaire lui-même, et l’instruction des réservistes, et la préparation militaire, et jusqu’à l’école publique, rendue obligatoire et désormais chargée de former à la gymnastique et de développer un esprit patriotique.
 

Service militaire et préparation militaire

Il fallait mieux former les futurs combattants, si on voulait reconquérir l’Alsace et la Lorraine.
D’où plusieurs décisions successives de réorganiser le service militaire (1872, 1889). En 1905, la loi du 21 mars le ramena de 3 à 2 ans, mais excluait cette fois toute dispense, ce qui fit cependant augmenter les effectifs de la conscription (environ 200.000 conscrits dans la classe d’âge de 1903, et 260.000 dans celle de 1906).

De plus, divers systèmes de préparation militaire, qu’ils soient scolaires (par exemple les « bataillons scolaires »), parascolaires ou post-scolaires, furent essayés. Puis des initiatives privées organisèrent des compagnies d’instruction et de préparation militaires pour des jeunes gens à partir de 17 ans : l’éducation physique devait être la base de cette préparation militaire ; les principales disciplines enseignées étaient la gymnastique, le tir, la marche, le maniement des armes.
Certaines sociétés avaient la gymnastique comme sport de référence, d’autres le tir, mais toutes associaient plusieurs disciplines dans la perspective d’une préparation au combat. Ces sociétés s’organisèrent en fédérations nationales et départementales en fonction de l’approche qui était la leur.
La loi (1885, 1892) vint encadrer l’intervention de ces différentes sociétés créées et organiser la « préparation militaire » : elle définit un unique programme de formation pour l’obtention d’un « brevet militaire » (1903).

En 1905, autre étape, la préparation militaire acquit une importance encore plus grande : elle fut confiée ou à l’Etat, dans ses établissements d’enseignement (Sociétés Scolaires ou S.S.), ou à des Sociétés « agréées par le ministre de la guerre » (S.A.G.), ou à des associations non agréées mais souscrivant un contrat d’association.
Diverses instructions ministérielles précisèrent dès lors ce qui concerne les programmes, les tenues, les moyens (formateurs, stands, matériel de tir, locaux, diplômes…), et des financements furent prévus.
 

Des sociétés laïques de gymnastique, de sports, de tir et préparation militaire à Quimper

En 1895, le Préfet du Finistère recense les « sociétés de gymna-stique, de tir et d’instruction militaire » existant dans le département.
Il cite « la Quimpéroise » (gymnastique, exercices et tir), « La Brestoise », (gymnastique et tir), « la Morlaisienne » (gymnastique), une autre morlaisienne appelée « la Société mixte de tir » et « la Landernéenne » (tir) (ADF 4 M 409).

« La Quimpéroise » a été fondée fin 1887 à la Mairie de Quimper à l’initiative de la société civile, plus exactement des premiers républicains de la ville : son président est Adolphe Porquier, le faïencier, qui sera maire de Quimper de 1896 à 1909.
Elle a comme buts :
  • de développer les forces physiques et morales des jeunes gens par l’emploi rationnel et hygiénique de la gymnastique et des sports en général.
  • d’accroître les forces défensives du pays par la vulgarisation des exercices militaires et des marches (ADF. 4M 422 - 2 février 1912).
Elle obtint après 22 ans de fonctionnement l’agrément du Ministre de la Guerre (S.A.G.) le 23 avril 1909 pour contribuer, dans le cadre officiellement défini, à la préparation militaire de la jeunesse, et accéder ainsi à divers avantages (subventions, prix et diplômes, fournitures en matériel de tir...).
Un rapport préfectoral du 22 février 1912 la présentait ainsi : « La Quimpéroise » est rattachée à l’Union des Sociétés de Gymnastique de France, déclarée d’utilité publique. Elle donne l’éducation physique conformément aux instructions ministérielles de l’Instruction publique et de l’armée… elle a organisé un cours spécial préparatoire au brevet militaire. Son enseignement pratique est complété par des causeries et des conférences sur des sujets comme l’anatomie et la physiologie élémentaires, l’hygiène, les principes sommaires de la morale, les droits et devoirs civiques, l’anti-alcoolisme. La société compte actuellement 102 gymnastes de 13 à 20 ans, dont 40 sont élèves dans les écoles publiques. Il faut y ajouter 25 « scolaires » formant une section de fifres. Il ressort de là que « la Quimpéroise », prenant les jeunes gens dès l’école, les retient à leur sortie pour les conduire jusqu’à l’heure de la conscription. (ADF. 4M 422).

« La Cornouaille » est une autre société quimpéroise, spécialement consacrée au tir, « société mixte » (réunissant des militaires et des civils), fondée en 1897 « avec le concours du 86ème Régiment territorial d’Infanterie ». « La Cornouaille » a intégré la Fédération des sociétés de tir du Finistère, et à travers celle-ci la Fédération nationale correspondante. Elle a pour devise « Si tu veux la paix, prépare la guerre » (Statuts, art.1) et pour but statutaire « d’accroître les forces défensives du pays, en développant le goût et la pratique du tir » (art.2). « Elle n’a aucun caractère politique. Toute discussion politique et religieuse est formellement interdite dans les réunions de la Société » (art.3). Les membres élèves son âgés d’au moins 16 ans (Statuts. ADF 4M 422).

Dès avril 1898, « La Cornouaille » compte 146 adhérents (ADF 4M 409). En mai 1913, le Préfet constate : « Cette société, la plus importante de l’arrondissement de Quimper, compte actuellement 462 membres, dont plusieurs élèves du Lycée de Quimper et les élèves-maîtres de l’Ecole normale. Elle rend les plus grands services au point de vue de l’enseignement du tir et de la préparation au brevet d’aptitude militaire » (ADF 4M 422).
 

Des sociétés de tir communales un peu partout

La loi du 21 mars 1905 portant réduction à deux ans du service militaire et développement des formations pré-militaires conduisit rapidement à créer dans un maximum de communes des sociétés de tir. En témoigne, pour ce qui concerne le Finistère, ce courrier du 20 août 1908 de l’Inspecteur d’Académie au Préfet du Finistère (ADF 4M 409) :
« Le 13 décembre (1907) mon prédécesseur vous adressait un rapport très documenté où il vous faisait savoir que l’enseignement du tir était donné d’une façon méthodique et raisonnée dans 77 écoles de garçons du Finistère.
Ce nombre a certainement augmenté depuis cette époque et je ne doute pas que lorsque je vous adresserai dans quelques mois le rapport annuel prévu par la circulaire ministérielle précitée, je n’aie à enregistrer une notable augmentation du nombre de ces associations (…)
Je vous serais obligé de proposer au Conseil Général, lors de sa prochaine réunion, de vouloir bien voter un crédit de 1000 francs par exemple, destiné à venir en aide aux sociétés existantes et à faciliter la création de nouveaux groupements. »

Effectivement, l’année suivante, le Conseil Général, en sa session d’août 1909, vote un crédit supplémentaire de 1000 francs au bénéfice des sociétés de tir scolaires et post-scolaires.

Dès lors, à Quimper, la Société « La Cornouaille » se montre très active pour obtenir l’implantation, autant que possible dans toutes les communes, d’une société locale de tir dans le réseau des écoles publiques. En effet, depuis plusieurs années, « La Cornouaille » a formé au tir de nombreux élèves-maîtres de l’Ecole Normale, ce qui permet de trouver dans la plupart des écoles un ou deux instituteurs susceptibles de devenir instructeurs à leur tour, tant auprès des élèves que des anciens élèves qui attendent leur départ au service militaire.
Nous pouvons observer avec quel dynamisme un dénommé Georges Koechlin1, qui est lieutenant de réserve du 118ème Régiment d’Infanterie, et par ailleurs vice-président de « La Cornouaille » va implanter des comités de tir dans les communes des environs de Quimper.

D’abord en 1907, fondation d’un comité à Bénodet, avec stand de tir installé à l’école du Perguet (Déclaration au J.O. du 30 juillet et premier concours le 2 septembre). Voici ce que Koechlin fait valoir au préfet, qu’il sollicite pour doter le concours d’une médaille : « Bien que conformément à la circulaire sur les sociétés de tir, il n’est pas question de politique, Bénodet, noyau de républicains, appréciera certainement à sa juste valeur la faveur que vous voudrez bien lui faire » (ADF 4M 409). Trois concours de tir ont lieu chaque année, en avril, août et septembre, avec participation de nombreux Quimpérois et séries réservées aux dames.
« … le but de cette société et celui des concours qu’elle organise chaque année : vulgariser l’étude du tir, l’enseigner à l’école aux enfants de 10 à 14 ans, conserver chez les adultes le goût du tir, c’est-à-dire coopérer à la défense nationale » (Le Finistère du 14 août 1909).

Le journal Le Finistère va annoncer de nouvelles créations de comités de tir de 1907 à 1910 : La Forêt-Fouesnant, Fouesnant, Gouesnach, Briec, Concarneau, Saint-Evarzec, Loctudy, Douarnenez, Plogonnec, Elliant… Il informe des dates de concours, des prix annoncés puis des résultats et performances.

La Société « l’Elliantaise » a son comité directeur composé de trois instituteurs. Elle instruit une cinquantaine d’élèves et également des anciens élèves. Argument avancé par le préfet pour obtenir une subvention du ministère en 1914 : « La Société de tir « l’Elliantaise » rend de grands services dans une commune où la concurrence faite par l’école libre à l’école laïque est particulièrement vive » (ADF. 4M 416 – mai 1914).
 

Le Comité de tir d’Ergué-Gabéric

L’évènement a eu lieu le 4 mai 1909.  Le Finistère2 du 8 mai 1909 l’annonce :
 
Ergué-Gabéric.
Création d’une société de tir. – Une société de tir vient de se fonder à Ergué-Gabéric sous le patronage de l’Union des Sociétés de tir de France. Le comité a été constitué comme suit : président-fondateur, le délégué de l’U.S.T.F. ; président actif, M. Tanguy, instituteur ; vice-président, M. Le Roux, propriétaire ; secrétaire-trésorier, M. Lennon, secrétaire de mairie ; directeur de tir, M. Le Borgne, instituteur-adjoint.
Ont en outre été nommés membres d’honneur : M. Le Roux, maire, et M. l’inspecteur primaire Chanticlair.


Le premier concours de tir organisé par le comité a lieu le 18 juillet. Nous apprenons par Le Finistère (17 juillet 1909) que le comité a essuyé des critiques concernant son obédience politique.

Ergué-Gabéric.
Concours de tir des sociétaires – Dimanche 18 juillet aura lieu le premier concours de la société de tir d’Ergué-Gabéric, sous la présidence de M. Tanguy, instituteur, président de la société.
Grâce au dévouement de ce dernier, qui a eu maintes fois maille à partir avec ses adversaires politiques, la société a pris un essor sur lequel on ne pouvait guère compter au début. Fondée le 4 mai 1909, cette société ne compte pas moins de 65 membres.
Aujourd’hui, ses détracteurs ont reconnu que, suivant les statuts, les questions politiques et religieuses étaient exclues des réunions et le but patriotique a fait triompher le comité.
De nombreux prix sont offerts pour ce concours. Pour y participer, se faire inscrire en arrivant à l’école d’Ergué-Gabéric.
Le coût de la série pour les adultes est de 0 fr. 25 et pour les jeunes gens de 0 fr. 15. La cotisation annuelle est de 1 fr. pour les adultes et de 0 fr. 50 pour les pupilles.

Ces premiers pas difficiles sont confirmés par M. Koechlin dans sa lettre au préfet du 26 octobre 1909 : « De grandes difficultés ont empêché au début les fondateurs de la société d’agrandir le nombre de ses membres. Reconnue par tous d’une utilité incontestable, la société vit normalement des ressources apportées par les cotisations ».
Mais ceci n’empêche pas de solliciter une subvention du Conseil Général (ADF 4M.416). Le Préfet y va de son avis favorable, et intervient également auprès du Ministre de l’Intérieur pour une demande de prix à remettre aux meilleurs tireurs, en recourant à ce seul argument : « les membres dirigeants sont républicains » (lettre du 5 novembre 1909. ADF 4M 416). Comme pour bénéficier d’un tel avantage la société doit avoir reçu l’agrément S.A.G., des renseignements plus précis sont demandés par ce ministère. Le Préfet confirme dans sa réponse du 20 novembre : « J’ai l’honneur de vous faire connaître que cette société, qui a souscrit la déclaration prévue par l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901, a pour but la vulgarisation du tir. L’attitude politique de ses membres dirigeants est républicaine » (ADF 4M.416).
Le comité forme ses membres au tir à travers des cours théoriques et des exercices pratiques. Les séances de tir ont lieu dans la cour de l’école publique du Bourg. Les sociétaires sont répartis en trois sections : les pupilles (enfants de l’école), les adultes (jeunes gens de 13 à 20 ans) et les vétérans (plus de 20 ans), les cours ayant lieu de mars à août, comme le précise Le Finistère du 25 février 1911.
Ce journal annonce régulièrement les concours de tir organisés à l’école par le comité : concours entre sociétaires et concours ouverts aux membres des comités voisins. Ainsi en 1910, pour le concours des 1er et 8 mai : annonce au journal du 16 avril, information sur les prix à attribuer (23 avril) et résultats (14 mai). Un autre concours a lieu le dimanche 27 juin (annoncé le 25).

A l’occasion d’une nouvelle demande de médaille à attribuer (lettre du 2 mai 1911. ADF 4M 416), nous apprenons que l’effectif est de 62 membres. Trois journées de concours se suivent dans l’année (mai, juillet et août, cette dernière propre aux pupilles). Souvent, une série de tirs est réservée « aux dames ». Un rythme d’activité identique de concours a été suivi de mars à septembre les années 1912, 1913 et 1914. M. Tanguy, le président, a été destinataire d’une lettre de félicitations du ministère, au titre des sociétés de préparation et perfectionnement militaire pour l’année 1912 (Le Finistère du 26 juillet 1913).

La guerre contre l’Allemagne est déclarée le 2 août 1914. Les membres du Comité de tir vont hélas ! devoir tirer à balles réelles sur d’autres hommes.

 

L’apparition des « Paotred Dispount » sur la scène locale

Foot à Ergué-Gabéric - Etienne Le Grand
Photo prise par Etienne Le Grand pendant la Grande Guerre.
Entre deux combats, les soldats se repliaient en arrières des lignes, pour quelques jours de repos. Ici, partie de football, avec les fusils de guerre en faisceau pour spectateurs.
 
 

A partir de la déclaration de guerre, nous n’avons plus aucune information concernant le Comité de tir d’Ergué-Gabéric. Il va subir le même sort que la plupart des autres comités de tir communaux créés depuis 1907 : à la fin de la guerre, ils auront perdu plusieurs de leurs membres, parfois leurs instructeurs ou responsables, et probablement la motivation pour préparer une nouvelle guerre.
Le Président départemental de la F.S.T.F. (c’est Georges Koechlin, depuis 1913) fait savoir le 24 mai 1919 dans le journal Le Finistère aux différents comités du département qu’il « serait heureux de reprendre contact avec les sociétés affiliées à la Fédération afin de savoir si elles sont en état ou non de reprendre leur activité d’avant-guerre » et propose de les aider éventuellement à retrouver le chemin des stands. En réalité, la plupart d’entre elles disparaissent à ce moment..

Que se passe t’il donc désormais à Ergué-Gabéric ? Tentons un balisage rapide.
Rappelons d’abord l’arrivée à la mi-Juillet 1913 au presbytère d’Ergué-Gabéric d’un nouveau vicaire, l’Abbé Louis Le Gall. C’est autour de lui que va s’opérer le rassemblement de jeunes gens qui constituera les « Paotred dispount ».
Après un an de présence, il est mobilisé, à 38 ans, pendant environ 3 années de guerre, servant au front dans un service d’ambulances, puis à l’arrière. « Après avoir été réformé, (il) fut successivement auxiliaire dans les paroisses de Fouesnant, Edern et Morlaix » (extrait du registre-journal de la paroisse).
Un premier repère important apparaît sur le terrain administratif : la parution au « Journal Officiel » du 23 septembre 1919 de la déclaration faite le 5 septembre précédent d’une Société désignée « Les Sans Peur3 », dont l’objet est très brièvement annoncé : « Développer les forces physiques, la pratique du tir » Son siège Social est « au Bourg d’Ergué-Gabéric ». La seule activité précisément indiquée : « la pratique du tir ». Comme si c’était la seule discipline à annoncer explicitement. Il y a un enjeu en effet : tôt ou tard, il va falloir que cette jeune Société obtienne l’agrément S.A.G., qui ouvre la voie aux subventions et à des avantages multiples.

Un match de football a bien eu lieu auparavant, le 9 mars 1919 (Le Finistère des 1, 8 et 15 mars 1919). Le « Stade Quimpérois » joue contre une équipe désignée sous le nom « A.S. d’Ergué-Gabéric » dont le journaliste déclare que « la valeur nous est totalement inconnue, mais qui, composée de jeunes gens de la classe 1920, compte résister au Stade ». Il poursuit : « Après Kerfeunteun, voici Ergué-Gabéric, bientôt Ergué-Armel qui viennent au sport ; le Stade Quimpérois est heureux d’assister à cette éclosion de sociétés voisines et de pouvoir les encourager en les faisant applaudir du public quimpérois ». En effet, le dimanche précédent, le Stade Quimpérois invitait sur son terrain une « Union Sportive Quimpéroise » constituée surtout sur Kerfeunteun, et le match était présenté comme « le premier match sérieux du Stade Quimpérois » (après-guerre), qui allait « mettre sur pied un « onze » de bonne valeur ». Nous ignorons à quoi correspond cette « A.S. d’Ergué-Gabéric » et nous ne la retrouverons plus dans les chroniques sportives. Cette équipe n’a peut-être rien à voir avec les « Paotred » On peut penser que le Stade Quimpérois, qui était en mesure de constituer plusieurs équipes de jeunes joueurs, cherchait dans les communes proches des adversaires à qui les opposer, mais n’y a pas toujours trouvé le répondant recherché.

Voici encore un match de foot contre une équipe du Stade Quimpérois. C’est en 1922 : le dimanche 29 janvier, « la 4ème du Stade a eu raison des Paotred dispount par 13 buts à 0 (Le Finistère du 4 février 1922).

Ce n’est pas le soutien du Stade Quimpérois4 qui va permettre de lancer une société sportive à Ergué-Gabéric : c’est plutôt dans le sillage d’un patronage quimpérois, celui de la paroisse Saint-Corentin, que ce qui va s’appeler définitivement « les Paotred Dispount » va prendre son essor à partir de 1920. Ce patronage quimpérois, c’est « La Phalange d’Arvor », créée en 1904. Il pratique principalement les disciplines de la gymnastique. Sous la forte impulsion de l’Abbé Le Goasguen, vicaire à la Cathédrale, il tient à Quimper la dragée haute à la société laïque « la Quimpéroise ». A partir de 1910 il dispose d’une équipe de football qui va vite progresser ; la « Phalange » organise aussi, bien sûr, des formations de préparation militaire.

L’Abbé Le Goasguen est par ailleurs le secrétaire de l’Union Départementale des Patronages, ce qui lui confère toute l’autorité nécessaire pour développer et orienter le réseau des patronages.
Alors qu’il vient de participer à Paris au Congrès de la F.G.S.P.F. (Fédération Gymnastique et Sportive des Patronages de France), il est chargé le 22 novembre 1920, d’en présenter les décisions à Landerneau lors d’une réunion des directeurs de patronages du Finistère : il est décidé de limiter désormais les relations avec les autres fédérations, en particulier laïques, et de renforcer l’organisation des patronages catholiques entre eux. « Il a été adressé aux directeurs de patronage une circulaire recommandant les rencontres interpatronages pendant la saison qui va s’ouvrir. La circulaire insiste sur l’avantage de rencontres amicales entre jeunes gens formés par une même discipline et animés d’un même esprit… » (Le Finistère du 24 septembre 1921).

Ainsi, en football, pour le secteur de Quimper, un challenge regroupant 15 sociétés va se dérouler entre le 1er octobre 1921 et le 15 avril 1922 Désormais, les « Paotred dispount » vont disputer leurs matchs presque exclusivement dans ce cadre du Challenge des Patros de la F.G.S.P.F. de la Cornouaille. (Progrès du Finistère du 15 octobre 1921).

Foot-ball
Challenge départemental de la F.G.S.P.F. - C’est dimanche prochain 16 octobre que commencent les rencontres des équipes affiliées à la F.G.S.P.F. dans le secteur de Quimper qui comprend toute la Cornouaille. Déjà 15 sociétés sont engagées et nous recevons chaque semaine de nouvelles adhésions qui nous permettrons sous peu de constituer un nouveau groupe.
Voici les matchs annoncés pour dimanche : Fleurs d’Ajonc de Pont-Aven reçoit Lions Saint-Marc de Trégunc - Les Mouettes d’Arvor de Lanriec reçoivent Concarneau - La Phalange d’Arvor 1re va contre l’Avant-Garde de Quimperlé - Les Potred-Dispount 1re d’Ergué-Gabéric contre les Jongleurs de N.D. à Quimperlé - Les Potred-Dispount 2e d’Ergué-Gabéric contre Riec - La Jeanne d’Arc Quimper 1re reçoit la Phalange d’Arvor 3e - La Phalange Saint-Joseph de Combrit reçoit la Jeanne d’Arc de Pont-l’Abbé.

De même pour la gymnastique et la clique : les « Paotred » sont invités à se produire à Saint-Denis quand la « Phalange » y organise une journée festive au nouveau Foyer des Familles le 1er mai 1921. De même à la kermesse de la « Phalange » le 12 juin 1921. (Progrès du Finistère du 18 juin 1921).

La Phalange d’Arvor.
Grande Fête à Saint-Denis, 12 juin. - Dès 6 h. ½, les sons joyeux des trompettes (…)
A 2 heures, nous entendons les clairons. C’est la Société des Paotred dispount, conduite par M. l’abbé Le Gall, d’Ergué-Gabéric. Cette jeune Société produit bon effet. J’en juge par les exclamations qui se font entendre à leur entrée : « Oh ! ils sont costauds !! ». Quelques minutes après, les jeunes de la Jeanne-d’Arc font leur entrée  (…)
Puis viennent les exercices en plein air, acrobaties..., ballets des Pierrots.
Un compliment aux Potred dispount pour leur travail aux barres : c’est bien, très bien.
La Jeanne-d’Arc, par ses représentations théâtrales, a fait réellement plaisir.
Les pyramides de la Phalange d’Arvor, comme tout son programme du reste, ont été artistiquement enlevées ( …)

La « Phalange » entraîne les gymnastes des « Paotred » avec elle dans ses déplacements : au Festival de Quimperlé le 26 juin suivant, puis à Brest au concours régional de gymnastique de la Fédération des Patros à la mi-août.

C’est ce même été, le 3 juillet 1921, qu’a lieu l’inauguration du « Patronage du Sacré-Cœur »5 au lieu-dit « l’Hôtel » où les « Paotred » disposent d’une grande salle au rez-de-chaussée d’une maison, et d’un terrain équipé d’une baraque. L’évènement est annoncé par un article du Progrès du Finistère le 2 juillet 1921.

Ergué-Gabéric.
Inauguration du Patronage. - Demain dimanche, 3 juillet, aura lieu l’inauguration du Patronage du Sacré-Cœur par Mgr Duparc, Ergué-Gabéric.
Inauguration du Patronage. - Demain dimanche, 3 juillet, aura lieu l’inauguration du Patronage du Sacré-Cœur par Mgr Duparc, évêque de Quimper et de Léon, avec le concours de la « Phalange d’Arvor » et de la « Jeanne-d’Arc » de Quimper.
A 11 heures, messe pour les gymnastes, au bourg, à l’église paroissiale. Allocution de M. Le Goasguen, directeur de la « Phalange ».
Après la messe, départ pour l’Hôtel, dîner. A 2 h, arrivée de Mgr Duparc. A 2 h ½, vêpres dans la baraque, bénédiction de la statue, du drapeau. Allocution de Mgr Duparc. A 4 h, mouvements d’ensemble, exercices aux agrès, ballet des Pierrots.
Rendez-vous dimanche matin, à 11 heures moins quart, dans l’allée de Pennarun.
Le directeur : Le Gall, vicaire

Les « Paotred Dispount » se sont constitués sur le modèle de la « Phalange d’Arvor » : un lieu convenant aux activités, une bonne équipe de gymnastes accompagnée d’une clique ; une équipe de football de bon niveau, et enfin des cours de préparation militaire conduisant à la participation à des concours de tir et à l’examen du Certificat de Préparation au Service Militaire. Ainsi, à l’issue de la 2ème session d’examen sanctionnant la préparation militaire de la classe 22, organisé à Quimper, nous verrons apparaître parmi les candidats à qui est attribué le C.P.S.M. deux sociétaires des « Paotred » : Pierre Quéré et Marcel Le Gallès (Le Finistère du 16 septembre 1922).

Les « Paotred Dispount » sont prêts pour assurer une très belle prestation à Odet à l’occasion des Fêtes du centenaire des Papeteries Bolloré en juin 1922, pour la plus grande satisfaction de René Bolloré, leur président, et de ses invités.

A suivre…

 
  1. Georges Koechlin, né en 1872, est le fils d’un industriel de Mulhouse fortement engagé dans la guerre de 1870 contre l’occupation allemande. Il se replia en Suisse, puis à Paris et enfin à Bénodet, où il construisit une villa qui devint l’Hôtel Kermor. Le fils partage les idées républicaines et l’esprit de revanche du père. Lieutenant de réserve au 118ème R.I. de Quimper, il habite Quimper. Il est entomologiste de profession.
  2. Journal républicain fondé par Louis Hémon en 1872. Louis Hémon aura été député de Quimper de 1876 à 1885 et de 1889 à 1912, puis sénateur jusqu’à sa mort en 1914. - Le délégué du l’U.S.T.F (Union des Sociétés de tir de France) est M. Georges Koechlin. - M. Le Roux, propriétaire, est probablement Jean-Louis Le Roux, de Lezouanac’h, leader des républicains, conseiller municipal et délégué cantonal auprès des écoles publiques, futur maire de 1925 à 1929.
  3. Cette déclaration officielle semble préférer la traduction en français du véritable nom : « Paotred dispount ».
  4. Le « Stade Quimpérois » a vu le jour sous la forme d’association déclarée en 1905. Des matchs de football se déroulaient dès 1904 entre lycéens sur le plateau de la Déesse, ou au vélodrome du Véloce-Club ou au champ de manœuvre sur le Frugy. Le « Stade Quimpérois » eut d’abord le même président que « la Quimpéroise » un professeur du Lycée, François Parent… Le « Stade Q » dominait avant la guerre de 14-18 le championnat de Basse Bretagne avec l’A.S. Lambézellec. Il doit se reconstruire après la guerre.
  5. Cette appellation est rarement attestée. Les salles de patronage étaient souvent dédiées à un saint, dont elles portaient le nom. Le patronage lui-même prenait ou ne prenait pas le nom de ce saint pour se désigner lui-même.
 
François Ac'h - keleier Arkae 77 - février 2013
 

Trésors d'archives : Guerres sommaire

 

Guerres

 


Les Gabéricois morts à la guerre de 1870

Les Gabéricois morts à la guerre de 1870

 

Auguste Calloc’h, garde mobilisé du Finistère, est décédé à l’ambulance de Saint-Michel ce matin à une heure, âgé de 27 ans, né à Ergué-Gabéric (Finistère) y domicilié, fils de Guillaume Calloch et de Anne Kernévez.

Fait à Laval (Mayenne) le 25 janvier 1871

Transcris le 5 avril à 10 h du soir par Joseph Le Roux, maire d’Ergué-Gabéric.

 

Alain Le Roux, lieutenant de la garde nationale mobilisée du Finistère, né à Mélénec (Finistère) le 29 avril 1844, célibataire, fils de Hervé Le Roux et de Catherine Pérennec, est décédé aujourd’hui à sept heures du matin à Châteaudun, rue du Cours, numéro deux.

Fait à Châteaudun le 25 janvier 1871

Transcris par Joseph Le Roux le le 24 août 1871

 

Le Sieur Feunteun, François-Louis, 2ème conducteur au 7 ème régiment d’artillerie imatriculé sous le numéro 7291, célibataire, né le 21 octobre 1850 à Ergué-Gabéric, canton de Quimper, département du Finistère, fils de feu Yves et de Péronnel Le Meur est entré au dit hôpital le huit du mois de décembre l’année 1870 et y est décédé le treize du même mois à deux heures du soir par suite de variole.

Fait à Rennes le 13 décembre 1870

Transcris le premier janvier 1871.

 

Le sieur Moysan, Jean, soldat au 42 ème de ligne, premier bataillon, sixième compagnie, âgé de 25 ans, né à Ergué-Gabéric, canton de Quimper (Finistère), fils de Jean-Germain Moysan et de feu Marie-Jeanne Coustans, est entré au dit hôpital ( Val de Grâce à Paris) le trente du mois de novembre 1870 et y est décédé le sept du mois de décembre, même année à huit heures du matin par suite de blessure d’armes à feu.

Fait à Paris le 7 décembre 1870

Transcris le 3 avril 1871

 

Le sieur Taboré, Michel Joseph, soldat au 59ème régiment d’infanterie de ligne, immatriculé sous le N° 5660, né le 28 mars 1851, à Ergué-Gabéric, canton de Quimper (Finistère), fils de Jean-Louis et de feu Marie-Louise Morel, est entré au dit hôpital (Hôpital militaire de l’école d’Alfort, (Armée de Paris), le trente du mois de novembre 1870, et y est décédé le vingt du mois de décembre, même année à [] heures du soir par suite de variole.

Fait à Alfort le 20 décembre 1870

Transcris le 4 avril 1871 1849

 

Le sieur Cornic Pierre, soldat du 23ème régim de garde mobile (département du Finistère), 5ème bataillon, 4ème compagnie, né le 25 décembre 1849 à Sévillé, canton de Quimper, département du Finistère, fils de François et de Françoise Hérault, est entré au-dit hôpital (Hôpital militaire du Sénat (Val de Grâce)de Paris), le 19 du mois de novembre de l’an 1870 et y est décédé le 14 du mois de janvier de l’an 1871 à deux heures du soir par suite de fièvre Typhoïde

Fait à Paris  Le 14 janvier 1871

Transcris le 1 avril 1871

 


Arkae > Trésors d'archives > Personnages > Maryvonne Blondin

 

Maryvonne Blondin, la première Gabéricoise au Conseil général et la première Gabéricoise au Parlement

C’est en 1989 que Maryvonne Blondin débute sa vie d’élue au côté de Pierre Faucher. Adjointe au maire pendant trois mandats consécutifs,  elle s’occupe successivement des affaires culturelles (1990-1995),  de la culture et de l’animation (1995-2002), puis de la solidarité  (2002 à 2008).
 
Succédant à Pierre Faucher, elle est élue en 2001 conseillère générale du Finistère dans le canton de Quimper II, qui réunit les deux Ergué.
 
En 2004,  elle devient vice-présidente du Conseil général au côté de Pierre Maille. Dans un premier temps, elle est chargée du personnel, puis du Pays de Cornouaille.Depuis 2009 elle est déléguée à la coopération décentralisée et à la solidarité internationale.
 
Son travail assidu d’élue de terrain lui assure la confiance de son camp politique, le parti socialiste, qui la présente au sénatoriales de 2008. Là aussi elle est élue et devient le premier parlementaire gabéricois, battant de quelques années Pierre-
Yves Le Borgn, élu député des Français de l’étranger en 2012.
 
Au Sénat, son expérience d’élue locale lui donne toute légitimité pour participer aux travaux de la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication, dont elle est la secrétaire. On la trouve membre de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. 
 
Maryvonne Blondin a été réélue sénatrice du Finistère le 28 septembre 2014.
 
Enfin elle continue son action internationale en participant au Conseil de l’Europe, dont le siège est à Strasbourg. Regroupant 47 pays, celui-ci vise à favoriser un espace démocratique et juridique commun basé sur la Convention européenne des droits de l’homme.
 
> La sénatrice du Finistère a également son site internet : www.maryvonne-blondin.fr
 
Voir aussi : Politique > Les femmes en politique à Ergué
 

Dossier réalisé par Bernez Rouz - Keleier 84 - octobre 2014

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Trésors d'archives > Guerres > La fête de l'Union de la Patrie à Kerdévot en 1942

Le 15 août 1942 : la fête pétainiste de l'Union de la patrie à Kerdévot

Comme tous les ans, en cette année 1942, une fête religieuse importante a lieu à Kerdévot le 15 août en l’honneur de l’Assomption de la Vierge. C’est un samedi, mais c’est bien plus qu’un dimanche ordinaire. Le matin, à 11 heures, à la chapelle, grand’messe chantée par l’Abbé Guillou, aumônier à Odet. Au prône, le recteur Gustave Guéguen a annoncé pour l’après-midi : «Vêpres à 16 heures. Procession. Cérémonie de la terre sacrée emblème de l’union de la patrie… ».
Dans son journal, le recteur raconte ce 15 août : « A l’heure des Vêpres, grande foule, hommes nombreux. A la procession, 13 bannières…  A la fin du parcours habituel autour du placître, M. le Recteur fait ranger les porteuses d'enseignes le long du mur de clôture sud, les porteurs le long du mur sud de la chapelle. Puis se plaçant devant la façade du calvaire, il adresse à la foule attentive un mot d'explication en langue bretonne et française sur le sens de la cérémonie qui va suivre.
Celui-ci achevé, M. Pierre Tanguy de Kérellou, maire, son frère Louis Tanguy ancien conseiller général, de Quihuic, et M. le Recteur prennent une pincée de terre au pied du calvaire et la mettent dans un sachet de papier que le Recteur posera sur l'autel pendant le chant du Salve.
Ce sachet sera porté le 30 août par le Maréchal Pétain à Gergovie comme symbole de l'unité nationale. A la sacristie les trois délégués ont inscrit sur l'enveloppe contenant le sachet le lieu et la date de la cérémonie.
La foule s'est retirée profondément impressionnée par cette innovation que d'aucuns jugent d'inspiration païenne, mais que l'on peut interpréter dans un sens bien plus élevé comme cela a été fait à Kerdévot, endroit choisi d'un commun accord comme le plus saint et le plus sacré de la commune ». (Extrait du Registre-journal du recteur Gustave Guéguen).

Qu’est-ce que cette cérémonie particulière qui s’ajoute en cette année 1942 au déroulement habituel du 15 août à Kerdévot ?

Au début du mois d’août, le Préfet Maurice George avait écrit à tous les maires du Finistère pour leur demander d’organiser une « cérémonie symbolique » affirmant le « maintien de l’unité française » mise à mal par la ligne de démarcation et par la dissidence d’un général félon réfugié à Londres : « l’unanimité du sentiment national s’exprimera, cette année, le 30 août. Ainsi en a décidé le Maréchal, Chef de l’Etat, qui a voulu que ce jour-là soient apportés en un lieu historique, des sachets contenant la terre prélevée dans chacune de nos villes et chacun de nos villages ».
Ce lieu historique c’est « Gergovie où, pour la première fois, se manifesta, par le sacrifice d’un Celte illustre, l’Unité de la Patrie ».
Suivent les recommandations du Préfet aux maires « la terre doit être prélevée, dans chaque commune, le 15 août, à la sortie de la procession par exemple, en tous cas dans les cimetières - là où se mêlent le plus intimement la terre de France et les cendres de nos ancêtres – au pied de la Croix, à moins qu’un autre lieu consacré par le souvenir d’un acte mémorable, évocateur d’un grand homme, d’un grand saint ou d’une grande vertu ne paraisse devoir être préféré » (ADF 200W89).

Analysons cette mise en scène nationale.

Fac-similé : Une touchante manifestation d'unité natioanle se déroulera dimanche dans tous les villages de FranceAu premier plan, la figure de Vercingétorix, le chef gaulois qui mit en échec Jules César devant Gergovie en l’an 52 avant J.C..
Il avait réussi à faire l’unité des tribus gauloises.
Mais peu après il dut capituler après deux mois de siège à Alesia. Il vint déposer les armes aux pieds de César, fut emmené à Rome pour paraître au triomphe de son vainqueur et mourir étranglé dans sa prison. « Enchaîné, supplicié, il nous enseigne ce qu’un chef peut obtenir après la défaite… » commentera Budes de Guébriant.
Ainsi, derrière Vercingétorix, supposé fondateur de l’Unité de la France, se profile l’image du Chef vaincu et humilié de la France pétainiste, le Maréchal qui s’est, lui aussi « remis à la discrétion du vainqueur » pour protéger la Patrie de sa personne et être le garant de l’unité d’un pays coupé en une zone libre  et une zone occupée.

Cette unité est signifiée dans la cérémonie de la Terre de France : pincées de terre recueillies dans chaque commune de France, mélange « du fertile humus de nos plaines, de la glaise de nos campagnes, du sable de nos rivages les plus lointains, du granit de nos montagnes » ; terres « de toutes provenances et de toutes les couleurs », ramassées près du bûcher de Jeanne d’Arc (Rouen), du tombeau du Père de Foucault (El Goléa), dans la « Tranchée des Baïonnettes » (Douaumont)…
L’organisation de cette manifestation est précisément confiée aux hommes de la terre, aux paysans. Car la Révolution Nationale de Pétain, tournant le dos à l’industrialisation (et au Front Populaire) s’appuie sur la paysannerie, prône le « Retour à la Terre » et aux vertus paysannes.

Elle a organisé les travailleurs de la Terre dans le cadre de la Corporation paysanne (fondée le 2 décembre 1940).
C’est l’ « Office Central de Lan-derneau » avec tout son encadrement (le Comte Hervé Budes de Guébriant, François-Marie Jacq…), qui sert de matrice pour l’organisation nouvelle dans le Finistère et les Côtes-du-Nord, et de modèle dans toute la France.

L’Office Central établit dans chaque commune un « syndicat corporatif ». Une première réunion « en vue de l’application de la loi sur le régime corporatif de l’agriculture » a eu lieu à Ergué-Gabéric le dimanche 25 mai 1941 (Journal L’Ouest-Eclair du 24 mai 1941).  A chaque échelon de la Corporation, les chefs sont désignés par le niveau supérieur et non pas élus par la base. Ainsi, Joseph Divanach (de Penhars), ancien leader des « Chemises Vertes », est désigné Chef du District de Quimper. Jean-Louis Tanguy, de Quilihuec, est fait « syndic » de la commune d’Ergué-Gabéric, entouré de plusieurs syndics-adjoints constitués en Chambre syndicale. C’est bien en tant que syndic que Jean-Louis Tanguy participe à la cérémonie de Kerdévot, et non pas tout à fait en qualité d’ancien conseiller général du Finistère, élu en 1937.

Dans cette manifestation, si le paysan (et la Corporation Paysanne) est à l’honneur, l’ancien combattant (et la Légion Française des Combattants, organisation unique autorisée des anciens combattants de 14-18) l’est tout autant. En effet, le final du 30 août au tertre de Gergovie correspondra avec un grand rassemblement de ces « volontaires de la Révolution Nationale », fidèles du Maréchal Pétain, le vainqueur de Verdun, qui fêtent le deuxième anniversaire de leur « Légion ».
Ces légionnaires doivent être les promoteurs du nouvel ordre moral. Ils mènent surtout des activités de propagande (comme la vente de portraits du Maréchal) mais pratiquent aussi, par mission, la délation. C’est ce qu’on a appelé « la Légion des mouchards ». Les plus activistes vont verser dans la Milice à sa création.

Et pour compléter le tableau, il faut mentionner le rôle tenu par l’Eglise au niveau national, mais aussi dans le département et dans la commune. Dans la « Semaine Religieuse de Quimper et de Léon » datée du 14 août 1942, Mgr Duparc appelle MM. Les Curés et Recteurs à « prêter leur concours à la réalisation » dans leurs paroisses de la manifestation d’ « union de toutes les communes de France au service de la Patrie ».
Lui-même présidera le 20 août avec le Préfet et avec le Vice-Président de la Corporation Nationale Paysanne, Budes de Guébriant, la cérémonie de rassemblement des pincées de terre du Finistère, qui aura lieu à la Préfecture.
Dans son discours, l’évêque déclarera : « c’est parce que nous aimons notre terre que nous allons en faire un mélange pour l’offrir au Chef de l’Etat comme le signe de cette unité française qui nous groupe tous autour du Maréchal » (ADF200W89).
Ainsi Kerdévot a été ce 15 août 1942 au diapason de ce qui s’est passé dans toutes les communes de France, le 20 août à la Préfecture du Finistère, le 29 août  à Vichy et le 30 août à Gergovie.
Cette obédience publique à Pétain manifestée après les Vêpres de Kerdévot a cependant quelque chose de contraint. Beaucoup y croient encore, sans doute, tant le poids des notables et des leaders d’opinion est lourd, tant la collusion des institutions « civiles, spirituelles et corporatives » est forte.
Mais le doute va gagner rapidement ces « fidèles » de l’Eglise et de l’Office Central. C’est l’époque où la pression des prélèvements agricoles s’accroît : la Corporation Paysanne glisse de plus en plus nettement dans le rôle d’auxiliaire de Vichy pour les livraisons agricoles à effectuer aux Allemands et aux citadins. Elle a de plus en plus recours à des sanctions, comme ce sera le cas à Ergué-Gabéric pour livraisons insuffisantes de beurre ; le monopole des « syndicats-boutiques » de la Corporation dans l’approvisionnement des agriculteurs, dans la répartition des engrais, de la ficelle-lieuse, ou de l’essence pour les battages poussera ces hommes de la terre vers  une hostilité croissante et à la recherche de voies parallèles dans le marché noir.
Le 15 août 1942, après Vêpres à Kerdévot, des idées contradictoires se bousculaient déjà sans doute dans l’assistance.
 
François Ac'h

 

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Arkae dans Le Mag > Les landes de Kerho

Ergué-Gabéric dans Le Mag

 

Les landes de Kerho à Ergué-Gabéric dans le mag

Page du mag n°5 Landes de Kerho

Une page consacrée aux landes de Kerho dans la magazine de Quimper communauté : le mag.

 
" C'est un coin de verdure idéal pour une balade familiale : les landes de Kerho à Ergué-Gabéric. 
Situé dans un fond de vallée boisée, cet espace communal s'offre aux amoureux de la nature dans sa diversité. Un peu comme une maison compte différentes pièces, Kerho (26 hectares) comprends plusieurs lieux : un site naturel, une zone humide récemment restaurée et un arboretum. "
 
 
 
Magazine d'information de Quimper communauté Le mag n°5 - avril 2011
 
 

Trésors d'archives : Géographie sommaire

 

Géographie : Sommaire des articles

 

 

 


Trésors d'archives > Patrimoine religieux > En revenant de Kerdévot par Léon Le Berre

En revenant de Kerdévot, par Léon Le Berre (Abalor)

Ce texte est tiré d’une nouvelle intitulée « En revenant de Kerdévot », dans le recueil Fleurs de Basse-Bretagne écrit par Léon Le Berre. Léon Le Berre, alias Abalor, est né à Kervao à Ergué-Armel le 30 septembre 1874 et décédé à Rennes en 1946. Il fait des études de lettres et de droit à Rennes. Il commence sa carrière de journaliste à l’Ouest-Eclair et est intronisé barde en 1901, sous le nom d’Abalor (le fils de St Alor, patron d’Ergué-Armel). Successivement, il dirigea les revues L’Arvor, Le Courrier Morbihannais, et l’Union maritime et agricole. Il finit sa carrière comme chroniqueur judiciaire à l’Ouest-Eclair. Il a écrit une dizaine d’ouvrages en breton et en français. 
 
Le spectacle était vraiment imposant sur le placis. A la lueur des lanternes ou des cierges que tenaient les pèlerins, Mariannik et sa compagne purent voir une multitude de gens, de tous les costumes. Ici, une gracieuse fille de Scaër considérait d’un œil un peu moqueur le lourd costume des femmes de Pont-l’Abbé aux mîtres orientales. Là des « Glaziks » et des Elliantais aux broderies jaunes différents d’habits, mais unis dans les mêmes invocations à la Vierge puissante de Kerdévot, oubliant d’ailleurs pour un moment les disputes de clans, se pressaient pour entrer dans l’église. Et près de la porte, c’était comme un moutonnement de têtes d’hommes et de coiffes blanches, où scintillaient les lueurs vacillantes des cierges, allant tomber comme des gouttes de feu dans l’océan de lumières qui inondaient la chapelle.
Un moment la veuve craignit pour son corsage noir les tâches de cire ! « Restons ici dehors, à l’entrée, dit-elle.
— Point ! fit Mariannik, allons là-bas tout au haut ! »
Et en franchissant le seuil elles se frayèrent un passage, écartant de la main les cierges dont les gouttes odorantes menaçaient leurs vêtements, et par des prodiges de stratégie elles arrivèrent, dépassant l’endroit réservé aux femmes, à l’entrée du chœur.
Elles restèrent bien une grande heure en prière sans que le sommeil les prît, sans que les allées et venues de la foule leur fissent faire un mouvement. Que disait Mariannik à la mère du Christ ?
Elle lui disait son amour sans espoir, elle la conjurait par les Sept Douleurs d’avoir pitié d’elle. Elle la priait par l’affection maternelle qu’elle avait pour le « mabik Jésus » de mettre un peu d’affection pour elle au cœur de Fanch, de ne pas la laisser ainsi méconnue et oubliée de celui qu’elle aimait.
Et comme elle regardait le riche retable en sa vitrine de verre, elle crut voir sur la figure de la Madone un sourire de pitié et de miséricorde. Le reflet des cierges inondait de clarté le visage divin, et Mariannik y vit l’espérance d’un avenir meilleur.
Rapidement, elle se signa et fit signe à Katell. Toutes deux s’étant levées, mirent au plat de cuivre une pièce de monnaie, et se frayant à nouveau un chemin à travers les pèlerins, elle sortirent du saint lieu.
La lune brillait dans un ciel nuageux ; la jeune fille entraîna sa compagne à travers champs jusqu’à la fontaine sacrée, quelque peu éloignée du placis. Elle voulait, en laissant tomber dans l’eau limpide l’épingle de sa coiffe, connaître enfin son sort, selon une touchante coutume bretonne qui attache à la manière dont descend l’épingle une importance capitale pour le mariage.
En arrivant dans la prairie, où jaillit l’antique fontaine, reste vénérable d’un culte disparu que le christianisme sut conserver chez les peuples celtiques, les deux femmes virent un rassemblement de jeunes hommes se passant de main en main l’écuelle remplie d’eau. La lumière falote de la lune éclairait ce poétique tableau, blanchissant la niche de granit, plaquant des reflets d’argent dans l’onde de la piscine, que troublait seule parfois le puisage de l’eau dans les écuelles et les bols des vieilles femmes.
Au moment où Mariannik et Katell s’approchaient du groupe, l’un des hommes se retourna et, les ayant reconnues, s’en vint vers elles, un peu gauche et gêné : 
« Ah ! vous voilà, dit-il. Ma Doué ! je disais comme ça aussi, que...». Il bredouilla et ne put continuer. Katell eut un petit rire moqueur, vite réprimé, et lui dit : 
— Certainement, nous voilà ! Mais qu’est-ce que cela peut vous faire, puisque les femmes vous importent peu ?
— Ca c’est vrai, dit-il bêtement. Avec un air de chien qu’on fouette, il s’éloigna avec ses compagnons qui n’avaient rien vu de la scène et les deux femmes achevèrent tranquillement leurs dévotions...
 
Ci contre : Léon Le Berre et couverture de Fleurs de Basse-Bretagne, par Léon Le Berre, publié en 1901 à Rennes.
 
 

 

Dossier (textes et photos) réalisé par Bernez Rouz - Keleier 81 - janvier 2014

 

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Trésors d'archives > Personnage > Barz Kerdevot (extrait de poème)

Barz Kerdevot (extrait de poème)

« Eur c’hlanvour iaouank ha miz du » (Un jeune homme malade et le mois de novembre) paru dans Feiz Ha Breiz , page 373.

 

Voici un extrait de l’une des compositions de Barz Kerdévot : « Eur c’hlanvour iaouank ha mis du » (« Un jeune homme malade et le mois de novembre ») paru dans Feiz Ha Breiz le 13 novembre 1880.

L’auteur, qui se présente sousle nom de Barde de Kerdévot, a écrit une série de poèmes d'inspiration religieuse. Par l’évocation du mois de mai confrontée, à la strophe suivante, à celle du mois de novembre, le jeune homme souffrant met enabymeses moments d’espoir et ses moments de langueur.

 
E miz Mari ‘ve guelet 
Leis ar prad a vleuniou,
Leun ar guez a eunigou
Dre ar stanken potred
O cana meuleudiou
‘Neur zioual ho denved …
Ar stank ‘zo heb encleo
Pep canaouen ’zo ach
Deut ec Mis Du !…
 
Au mois de Marie on voit
Des prés pleins de fleurs
Des arbres pleins de petits oiseaux
Dans la vallée des pâtres,
Chantant des louanges
En gardant les moutons
La vallée est sans écho
Chaque chant est terminé
Le mois noir est arrivé.
 
Ann eostik-noz gant spont-vras 
‘N deus nijet da bell bro
Ken a vo deut ar guez glas
Ne deuo ket en dro.
Hed ann noz na glevimp mui
‘Med eur vouez oc’h hirvoudi
Gant an avel pa c’hueo
Dre ann noriou : - Hu ! Hu !…
« Me eo Mis Du » 
Le rossignol de nuit épouvanté
A fui dans un pays lointain
D’ici que les arbres ne reverdissent
Il ne reviendra pas
La nuit je n’entendrai plus
Seulement qu’une voix plaintive
Avec le vent qui souffle
Sous les portes – Hou, hou
Je fus le mois noir.
 
 
 
 
 

Trésors d'archives > Politique > Elections municipales sous la Vème République

Elections municipales d'Ergué-Gabéric sous la Ve République

 

1965
Résultats du premier tour (14 mars)
Inscrits 1712 / Exprimés 1447 
Liste sortante de Jean-Marie Puech (droite) : 21 élus  
 
1971
Résultats du premier tour (14 mars)
Inscrits 2083 / Exprimés 1710.
 
Liste d’entente menée par Jean-Marie Puech (droite) : 20 élus
Liste d’union de la gauche
0 Ballotage pour un siège  
 
Résultats du deuxième tour
Inscrits 2083 / Exprimés 1501  
Liste d’entente :  764  1 élu
Liste d’union de la gauche : 737
 
1977
Résultats du premier tour
Inscrits 2781 / Exprimés 2323  
Premier tour : Liste républicaine d’entente ouvrière et paysanne (droite) de 606 à 819 voix
Liste d’Union de la gauche de 849 à1280 voix
Liste d’entente pour l’avenir d’E-G (droite) de 388 à 747 voix  
Un élu au premier tour : Pierre Faucher (liste d’Union de la gauche)  
 
Résultats du second tour
Inscrits 2781 / Exprimés 2349  
Liste d’union de la gauche (de 1111 à 1403 voix)
Liste républicaine (de 912 à 1107 voix)  
La gauche remporte tous les sièges.  
   
Election partielle du 11 décembre 1977
Le tribunal administratif invalide l’élection de Jean Riou parce qu’il y avait deux beaux-frères sur la liste de gauche.
Hervé Riou (droite) est élu par 939 voix contre 489 à son adversaire Jean Tanneau (PCF).
 
Elections du 6 mars 1983
Inscrits 3855 Exprimés 3140  
Premier tour
Liste menée par Jean Le Reste (droite) 1514 voix (48,22 %)
Liste menée par Marcel Huitric (P.S) 1251 voix (39,84%) Liste menée par Michel Pustoc’h (PCF) 375 voix (11,94%)   Second tour
Liste Jean Le Reste (droite) 1678 voix (51,10%)   22 sièges
Liste Marcel Huitric (gauche-PS) 1606 voix (48,90% 7 sièges).
 
Elections du 12 mars 1989
Inscrits 4589 Exprimés 3695  
Liste « pour l’avenir d’Ergué-Gabéric » (Pierre Faucher-PS) 1850 voix (50,03%)  22 élus
Liste « E-G aujourd’hui et demain » (Jean Le Reste-droite) 1515 voix (41%) 6 élus.
Liste « Ergué-Démocratie » (R. Madec-PCF) 330 voix (8,93%) 1 élu.      
 
Elections du 11 juin 1995
Inscrits 5091 Exprimés 3846  
Liste « ensemble pour Ergué-Gabéric » (Pierre Faucher-PS ) : 1947 voix 50,62 %
Liste « Agir pour Ergué » (Hervé Herry-droite) : 1899 voix 49,38 %      
 
Elections du 11 mars 2001
Inscrits 5637 Exprimés 3839  
Liste Jean-Pierre Huitric (PS) 2183 voix (56,86 %)
Liste Jean-René Le Nir (droite)1656 voix (43,14%)      
 
Elections du 9 mars 2008
Premier tour
Inscrits 6001 / Exprimés 4307  
Liste Hervé Herry (DVD) 2040 voix (47,36%)
Liste Jean-Claude Pichon (U.G.) 1569 voix (36,43 %)
Liste Thierry Le Clec'h (LAUT) 698 voix (16,21%)  
Deuxième tour
Inscrits 6002 / Exprimés 4474
Liste Hervé Herry (DVD) (53,42%)
Liste Jean-Claude Pichon (U.G.) (34,80 %)
Liste Thierry Le Clec'h (LAUT) (11,78%).
 
 
 
 
 
 

Trésors d'archives > Dossiers > Le retable de la chapelle de Kerdévot

Le retable flamand de Kerdévot

 
Le retable flamand du XVe siècle est le joyau de la chapelle de Kerdévot.  Il n'en existe que deux en Bretagne celui de la cathédrale de Rennes et celui d'Ergué-Gabéric. Ce chef d'oeuvre a été étudié par Gildas Durand et photographié par l'Abbé Morvan lors du cinquième centenaire de la chapelle en 1989. Il a fait l'objet d'une publication Kerdévot 89 aujourd'hui épuisée.
Le retable de Kerdévot
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Photos : (à gauche) Le retable de Kerdévot (photo 1989).
(A droite) Le retable de Kerdévot surmontée de la statue de la Vierge Notre-Dame de Kerdévot (photo d'avant guerre 39-45).  Le retable a été déplacé en 1945.

 

Fiche signalétique

Dimensions 
Largeur : 310 cm au total, 100 cm pour un panneau
Hauteur : 170 cm au total, 85 cm pour un panneau
Materiau & technique
6 scènes sculptées en bois Ronde-brosse dorée, argentée, et polychromée.
Etat
Etat ancien : problablement en forme de T renversé. Les deux scènes latérales supérieures furent ajoutées au XVIIe siècle. Fort dégradé par des vols. Les lettres que portaient le Grand Prêtre de la Présentation et son acolyte, sur leur couvre-chef respectif, ont disparu lors de la «restauration». Les carnations des visages sont des exagérations naïfiantes. Classé Monument Historique le 14 juillet 1898 pour les parties originelles et le 23 juillet 1931 pour les partie modernes. Le 6 novembre 1973, 11 statues furent volées de l'ensemble, certaines sont retrouvées en avril 1974.
Datation & attribution
1480-1490, et ajouts du XVIIe siècle. Malines pour la huche ; Malines et Anvers pour les figures.
Bibliographie
Parmi une bibliographie assez vaste, retenons : Major FATY BSAF VIII 1880-81, 56-61 Abbe FAVE BSAF XXI, 1894, 102-108 JM ABGRALL BSAF XXI 1894,94-101 Gildas DURAND : thése de doctorat en Histoire de l'Art. Kerdevot 89, livre d'or du cinquième centenaire
 

La légende du retable

Jean-Marie Déguignet, dans ses Contes et légendes populaires de la Cornouaille bretonne, nous relate la légende :  
« Les deux plus grands miracles qu'on attribuait à cette Mère de Dieu [de Kerdévot] étaient d'abord d'avoir fait venir dans sa chapelle un grand tableau sculpté représentant toutes les aventures de son fils aîné, et d'avoir empêché durant le grand choléra d'Elliant, ar Vosen, la peste personnifiée, d'entrer dans sa paroisse. 
Le grand tableau avait été vu voguant au hasard sur un bateau plat dans la baie de Quimper. De loin, on le voyait briller au soleil et il paraissait tout en or, mais dès que l'on essayait de l'approcher il disparaissait. Tous les curés des paroisses environnantes étaient venus là en grande procession, essayant d'attirer à eux cette merveille mystérieuse. Mais toujours le tableau s'éloignait d'eux et s'évanouissait. Enfin, les curés d'Ergué-Gabéric après avoir été aussi au nom de leur saint patron Guinal songèrent à y retourner au nom de la Dame de Kerdévot. Cette fois, aussitôt que la procession arriva en vue de la baie, le tableau vint de lui-même au bord, et les curés et les assistants ne furent pas étonnés de voir là à côté d'eux une charette avec deux beaux boeufs attendant le tableau. 
On le chargea dans cette charette inconnue, et aussitôt les boeufs partirent et allèrent seuls et en droite ligne à Kerdévot où ils se placèrent avec leur grande merveille devant la grande porte d'entrée, pendant que les cloches s'étaient mises en branle toutes seules.
Ce tableau fut placé sur l'autel où il est encore aujourd'hui et au-dessus duquel dominait la Mam Doue devenue grâce à Pie IX, la vierge immaculée.  Les boeufs restèrent par là et les cultivateurs pouvaient les prendre quand ils voulaient pour travailler, mais à condition de ne les tenir que depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher.
Un jour un cultivateur, voulant achever une besogne quelconque, les garda après le coucher du soleil ; depuis, on ne les revit plus. On montre encore aujourd'hui deux auges en pierre dans lesquelles ces deux bonnes bêtes trouvaient toujours de l'eau à discrétion. »
 

Description des scènes

Le retable englobe six scènes, d'une iconographie cohérente.
Initialement, le retable se composait de quatre scènes :la Nativité ou Adoration des bergers, la Dormition de la Vierge, ses funérailles, son couronnement.
Vinrent s'ajouter à la forme originelle l'Adoration des Mages et une Présentation au Temple.
 
Arkae > Le retable de Kerdévot > Adoration des bergersNativité, Adoration des bergers
C'est le tableau qui a le plus souffert du vol de 1973.  Il avait été amputé de 5 statuettes. Celle de la Vierge, la plus belle de l'ensemble, les mains jointes, la tête penchée, contemple son fils étendu à terre sur un pan de son manteau. Ont encore été volées, puis retrouvées, les statuettes de St-Joseph, d'un joueur de cornemuse, d'une femme portant une lanterne. Le petit ange, volé lui aussi, a réintégré sa place. Dans l'arrière-plan, derrière une clôture en osier, un très bel ensemble de trois bergers contemplant la scène. A remarquer la naïveté de leurs traits et leur expression admirative. L'un deux joue de la musette. Un quatrième, encapuchonné, apparaît derrière une petite fenêtre. Le boeuf et l'âne jouent leurs rôles. La moitié de la scène est abritée par une toiture délabrée, la charpente à nu.  Photo détail  
 
Arkae > Le retable de Kerdévot > Dormition de la ViergeDormition de la Vierge
Marie est étendue sur sa couche, enveloppée dans son manteau, les bras croisés : à remarquer l'expression de sérénité, de paix, qui se dégage de ses yeux, restés ouverts. Trois statuettes volées, au devant de la scène, manquent à l'appel. L'absence de ces trois apôtres nuit à la profondeur de la scène. Derrière le lit funèbre sont groupés huit Apôtres dont trois portent des cierges, un au chevet, St-Jean, remarquable par sa jeunesse et sa chevelure blonde, St-Pierre revêtu d'une chape, empreint de gravité sereine. Tous contemplent Marie avec une expression de douleur immense, notamment St-Jean, l'Apôtre aux mains jointes et les deux qui s'essuient les yeux avec un pan de leur manteau. Deux petits anges, les mains jointes, vêtus de dalmatiques, planent dans les airs. Photo détail    
 
Arkae > retable de Kerdévot > Funérailles de la ViergeFunérailles de la Vierge
Deux apôtres portent respectueusement sur leurs épaules le brancard sur lequel repose le corps de la Vierge. Les dix autres, avec St-Jean en tête portant un cierge, forment un cortège plein de douleur. Trois soldats romains veulent s'opposer à la marche du cortège et portent une main sacrilège sur le brancard. Leurs mains se détachent de leurs bras et restent fixés au brancard qu'ils ont touché. On les voit, tombés à la renverse, se tordre de douleur. Cette légende, qui avait cours au Moyen-Age, est tirée des Evangiles apocryphes, et est également consignée dans le mystère breton du Trépas de Dame la Vierge Marie publié par M. de La Villemarqué, auteur du Barzaz BreizPhoto détail
 
Arkae > Le retable de Kerdévot > Couronnement de la ViergeCouronnement de la Vierge
C'est un tableau merveilleux dans sa composition, l'attitude des personnages, les visages empreints de majesté du Père éternel et du Fils, la sérénité du visage de Marie, la grâce juvénile des anges musiciens. Le Père a la tête couronnée et le Fils la poitrine nue où l'on voit la blessure de son côté. Sur ses pieds et ses mains sont dessinés les stigmates des clous du crucifiement. Devant eux est agenouillée la Vierge Marie, les mains jointes et la tête découverte ; ses vêtements amples s'étalent sur les marches du trône. Le Père et le Fils tiennent une couronne au-dessus de sa tête. Surplombant ces trois personnages, plane le Saint-Esprit sous la forme d'une colombe. De chaque côté du St-Esprit, deux anges portent la colonne de la flagellation et la croix de la Passion. De chaque côté de la scène, deux anges debout jouent du haut-bois et de la guitare ; deux autres assis jouent de la harpe et de l'orgue. Photo détail  
 
Arkae > Le retable de Kerdévot > Adoration des magesAdoration des Mages
Marie, debout dans l'étable, présente son Fils au-dessus de son berceau. A ses côtés St-Joseph. Devant eux se tient une délégation de Rois Mages dont deux ont disparu : ils étaient placés sur le devant de la scène et masquaient ainsi les pieds du troisième et des deux jeunes gens de leur suite, ce qui explique cette découpure à la scie de la partie postérieure de ces trois personnages. En arrière de la scène, à droite, deux hommes d'armes portent des hallebardes. L'un deux a la moustache et la mouche du temps de Louis XIII, ce qui peut servir à dater ce tableau. Photo détail  
 
Arkae > retable de Kerdévot > Presentation au TemplePrésentation au Temple
La Sainte-Vierge, en manches bouffantes, offre son enfant Jésus au-dessus d'une grande table couverte d'un tapis brodé. St-Joseph est derrière elle. Le grand prêtre Siméon contemple l'enfant, les mains jointes. Deux autres prêtres l'accompagnent. Un jeune lévite tient un cierge. Une servante porte sur la tête une corbeille contenant les deux colombes qui seront le prix du rachat de l'Enfant-Jésus. Une autre, à genoux, tient un grand vase contenant l'eau de la purification. Ces deux derniers personnages se retrouvent dans les sculptures des autels de Lampaul-Guimiliau et semblent sortir du même atelier. Photo détail  
 
 

Art des retabliers brabançons

Thème marial. Les scènes de l'Adoration des Bergers et de l'Adoration des Mages, ainsi que la Présentation ne contribuent guère à faire glisser le théme marial vers une histoire mixte qui serait ainsi et égalemet consacrée à l'Enfance du Christ.
En effet, la naissance de Jésus est, avant tout, l'une des Joies de Marie. Quand à la Présentation, c'est de celle da Vierge dont il s'agit, et non de celle de l'Enfant ; la Vierge est présentée au Temple quarante jours après la «Parturition», et la fête religieuse à laquelle correspond l'ancienne fête civile des «relevailles royales», est aussi appelée «Purification de la Vierge». Jeune femme prise parmi les femmes, elle était donc une mortelle avant d'être sanctifiée, quasi divinisée.
L'origine terrestre de la quasi-déesse est rappelée à Kerdevot par la figuration d'une pathétique veillée funéraire des apôtres au chevet de la Vierge. Comme l'on ne sait rien de la vie post-christique de la Vierge, mais seulement des circonstances de sa mort et de son ascension, sa «Dormition» est une des rares scènes de son histoire après la mort du Christ que les sculpteurs ont représentée.
 
Le chaud et le froid. Pour émouvoir, les retabliers jouent de toutes les techniques théâtrales de la mise en scène, de la "mise-en-scène" devrions-nous écrire. Notamment par une succession de scènes bien typées, de nature à solliciter des assentiments et des désaccords différenciés, et propres à narrer en faisant naître des sentiments contrastés, le Mystère de la vie de la Vierge tel qu'il est raconté à Kerdevot procède bien de l'art élaboré du théâtre médiéval de Mystéres. Tantôt la scéne est attendrissante, comme dans l'Adoration des Bergers, tantôt elle est révoltante, comme dans les Funérailles.
Dans le premier Joseph, humblement se décoiffe devant son fils, tandis que pour bercer le sommeil du nouveau-né les rudes Bergers commentent l'heureux événement avec force gesticulations et soufflent à perdre haleine dans leur instrument de musique.
D'autres, respectueusement et plus délicatement restent à l'écart, en dehors de la crèche. Généreusement, la sage-femme tient un fanal, à moins qu'il ne s'agisse de Salomé, s'émerveillant devant sa main reconstituée malgré son geste indiscret autant qu'impie, et que raconte l'apocryphe Pro-évangile de Jacques.
Un angelot guère plus grand que le Petit Jésus ne manque pas d'assister à la collective adoration, problablement dans l'attente impatiente de pouvoir jouer avec lui.
La scène des Funérailles, s'anime de sentiments autres. Le cortège funèbre à qui Jean ouvre le chemin en tenant la palme resplendissante est attaqué par des juifs aussi arrogants qu'incrédules. A la violence de leurs vilaines intentions, l'Esprit Saint oppose un cruel châtiment face auquel les armures des soudards sont bien peu de chose. Leurs mains se détachent des corps, et, nonobstant des souffrances atroces mais bien légitimées, restent collées au brancard mortuaire. Mais Jean ne reste pas insensible, et s'apprête, muni de la palme, à «marchander le rachat» au nom du Dieu magnanime et de la foi réconciliatrice.
Cette succession de chaud et de froid en des instantanés riches en détails fit le succès des rétables du Nord; celui de Kerdevot en est un exemple.
 
Figuration de l'espace. Comme dans l'art théâtral de la mise en scène, les retabliers surgérèrent la profondeur et l'éloignement des personnages par l'inclination du sol. Ceci permettait de présenter trés haut des scènes à être vues du bas, et de donner l'impression d'une succession de plans différents, seulement en étageant les divers acteurs d'une même scène sur le plan incliné : le plus haut figure alors le plus loin.
Ce n'est pas le cas à Kerdevot, sauf dans la scène supérieure du Couronnement de la Vierge. Non seulement la profondeur, mais aussi la largeur de l'espace-cadre d'une histoire, étaient soumises aux contraintes de la niche de chaque scène. A Kerdévot, le sculpteur a usé d'un stratagème beaucoup plus fréquent dans la peinture que dans la sculpture flamande pour augmenter la sensation de largeur.
Dans l'histoire de l' Adoration de Bergers, un intérieur, (celui de la crèche) est représenté dans l'intérieur (celui de la niche), de sorte que l'espace intermédiaire devient un extérieur. C'est là qu'est contraint de rester un berger, signalé par sa houlette.
Parfois, dans les scènes de parturition ou dormition, l'espace peut être dédoublé verticalement et non horizontalement, par un ciel-de-lit; ailleurs, ce peut être par un baldaquin (dans les comparutions), ou par une nature sauvage (dans les épiphanies).
La figuration de l'espace était donc, on le voit, une préocupation essentielle dans l'art du retable. Généralement dans les retables du Nord, une dentelle architecturale de dais d'une complexe technologie d'assemblage, plafonne la scène. Ces dais qui sacralisent par leur richesse, symbolisent peut-être aussi les cieux et à la fois la Providence supervisant toute scène terrestre.
On notera à Kerdevot, comme à l'accoutumée dans les retables brabançons, les contours des espaces de chaque niche. Cette dentelle n'a sans doute aucun rôle symbolique, mais tient bonne place dans l'arsenal des techniques à disposition du metteur-en-scène qu'est le sculpteur ... Coïncidant avec le plan-limite de chaque scène, délimitant l'espace-cadre de l'histoire contée d'avec le public, celui de la réalité, des spectateurs, des fidèles, la dentelle architecturale du devant des retables brabançons est encore assimiliable aux franges d'un rideau levé sur scène après les trois coups de bâton.
Ces résilles, que l'on remarque à peine dans le foisonnement général, montrent à elles seules la richesse du témoignage constitué par l'art de retabliers brabançons. Qui restera des heures devant le retable de Kerdevot y découvrira encore des aspects non remarqués lorsqu'il y repassera !    
 
Dossier de presse : La restauration du retable
 

Trésors d'archives > Géographie > Géographie du Pays de Kerdevot

Géographie du Pays de Kerdevot

Par Colette JEHL

Cette étude a été réalisée en 1989 et publiée dans Kerdevot, livre d'or du cinquième centenaire.
Colette Jehl a publié deux ouvrages sur la région quimperoise
  • Quimper Hier et Aujourd'hui par Colette Jehl et Philippe Malot -editeur Ouest-France (1998)
  • Les Faïences De Quimper. Trois Siècles D'Histoire, De Passion Et De Savoir-Faire par Colette Jehl - Editeur : Faïenceries De Quimper HB Henriot (janvier 1996)

 

 

Ergué-Gabéric est une commune péri-urbaine. Elle se développe à l'est de Quimper. Limitée aussi par les communes de Briec, Landudal, Elliant et Saint-Evarzec, elle est traversée par la route départementale Quimper Coray – Saint-Brieuc et la voie rapide Brest-Lorient-Nantes. Un échangeur reliant ces deux axes routiers, ouvert fin 1985 a permis la création d'une zone industrielle très bien localisée.

La commune se situe en Pays Cornouaillais, à la limite du Pays Glazik (Quimper) et du Pays Melenik (Elliant) qui est inclus dans le Pays Fouesnantais. Cette réalité ancienne est toujours présente dans la mémoire collective et influence encore les mentalités.

Mais aujourd'hui, on sait que l'espace est « polarisé » ; qu'il s'organise à partir de Pôles de commandement qui exercent leur influence sur une région. Ergué-Gabéric est donc immédiatement située dans la zone d'influence de Quimper ; ville moyenne de 60 000 habitants, siège de la préfecture et du Conseil Général du Finistère regroupant tous les services administratifs ; place commerciale, ville de tourisme, centre universitaire et carrefour routier. Elle est devenue une commune « rurbaine ». De nouvelles relations se créent à l'intérieur de cet espace car les gens le vivent différemment etle perçoivent différemment. En 1984, « l'association pour la promotion et le développement du Pays de Quimper » regroupait les élus des communes limitrophes désirant œuvrer dans le sens de la coopération intercommunale. Ergué-Gabéric en fait partie.

 

1 - Description topographique

La commune se présente sous la forme d'un plateau d'environ 110 m d'altitude moyenne incliné du NE vers le SW et du nord vers le sud (Kergonan, Carpont 135 m, Le Lec 130 m, Poulduic 80 m). Ce plateau est profondément disséqué par le réseau hydrographique et n'offre plus aujourd'hui que des interfluves à sommet plat et flancs arrondis. Ce sont les versants des vallées, plutôt encaissées. Les nombreux ruisseaux qui découpent ce plateau sont des affluents du Jet ou de l'Odet qui servent de limite communale au sud, au nord et à l'ouest. Nous sommes ici dans le bassin hydrographique de l'Odet. Le Jet, son affluent qui le rejoint à la limite de Quimper, au Cleuyou forme un sous-bassin et la ligne de partage des eaux entre l'un et l'autre est exactement suivie par la route départementale Quimper-Coray. Les vallées et vallons suivent trois directions privilégiées et présentent souvent des tronçons rectilignes : NE - SW, WNW-ESE et NW-SE.

Le réseau hydrographique est bien hiérarchisé mais il y a des discordances entre l'ampleur du creusement et le débit bien faible des cours d'eau. Le chevelu hydrographique, assez dense, est surtout formé de ruisseaux minuscules contrastant en effet avec la profondeur des vallées. Celles de l'Odet et du Jet présentent des profils longitudinaux et transversaux complètement différents.

La Vallée du Jet, utilisée par la voie ferrée Paris-Quimper a un fond très plat, de largeur inégale (de 120 m à 370 m) et des versants très raides, entaillés par des valIons transversaux. Une forte dénivellation entre le plateau et la vallée s'attenue vers l'ouest (80 m à Kerdilès, 50 m à Kerellou, 40 m au poulduic) avec une certaine dissymétrie des versants puisque sur Saint-Evarzec, la dénivellation reste forte jusqu'au Mont Frugy à Quimper (65 à 70 m). Le ruisseau du Jet dans son débit actuel paraît bien sûr sans relation avec un relief aussi vigoureux. Il prend sa source près de Coray et reçoit un large éventail d'affluents à l'amont. Près de sa confluence avec l'Odet, il serpente en dessinant des petits méandres. Etant donné la faible capacité du lit mineur, le lit majeur que constitue cette vallée à fond plat est une zone inondable où l'eau déborde fréquemment en fin d'hiver. Les crues sont ainsi rapidement écrêtées mais tout dépend de la saturation préalable des sols. En été, les étiages sont sévères. Le Jet se réduit à un filet d'eau bien qu'il soit alimenté par quelques sources souterraines.

 

La Vallée de l'Odet, (E-W puis N-S) est aussi très encaissée. Les rares secteurs à fond plat correspondent à l'extrémité des lobes convexes de méandres. Au nord, il y a une nette dissymétrie des versants. Sur Ergué-Gabéric, celui-ci est beaucoup plus raide et la dénivellation y est plus forte (60 m) que sur Briec ou Kergonan à l'est (40 m). Au Stangala, le paysage est superbe et prend l'aspect de gorges sauvages et boisées. La dénivellation atteint plus de 80 m. Au sortir des gorges, après la carrière ; la vallée s'élargit jusqu'à Pont Odet et la pente de la rivière s'abaisse, zone inondable malheureusement urbanisée. L'Odet vient des Montagnes Noires qui sont très arrosées et ses crues peuvent se produire de novembre à mars, mais surtout en février. Conjuguées aux crues du Jet, elles peuvent être catastrophiques pour la ville de Quimper comme celle de février 1974 quand les sols saturés par les pluies ne retiennent plus les eaux.

 

Le paysage rural se présente comme un bocage à chênes pédonculés avec châtaigner et hêtres. Il est associé à un habitat dispersé en fermes isolées dont quelques anciennes maisons de maîtres et manoirs. Mais ce bocage est très hétérogène.

 

Dans les nombreuses vallées encaissées, aux versants pentus, le paysage retourne à l'état naturel. Les anciennes prairies permanentes, autrefois très prisées ; parcelles trapues de fond de vallée ou allongées parallèlement à la pente retournent à la friche. Envahis de ronces et de chardons, les fonds de vallées sont mal drainés. Quand elles ne sont pas vraiment en friche, ces prairies ne sont utilisées que l'été pour des coupes de foin. Sur les pentes, on a conservé des pâtures protégées de haies mais ici ou là, on remarque des reboisements en résineux, en timbre poste. Les agriculteurs n'ont plus le temps d'entretenir ces zones contraignantes. L'utilisation des prairies humides n'est plus une nécessité pour l'agriculture moderne car l'herbe se cultive (+ 50% de la surface agricole) et les grosses machines sont inadaptées. Néanmoins, par respect du patrimoine qui vient de leurs parents, les exploitants agricoles essayent de limiter le développement des friches.

 

Les interfluves présentent un aspect très hétérogène. La commune n'ayant pas été remembrée, on peut voir, juxtaposés des groupes de toutes petites parcelles trapues, fermées de haies et de vastes parcelles rectangulaires, découvertes et redivisées en lanières de cultures différentes. Certains agriculteurs ont ainsi arasé les talus à l'intérieur de leur exploitation en gardant les haies de limite de propriété et celles qui limitent les pentes. Disposer de vastes parcelles rectangulaires est un avantage car l'essentiel de la surface cultivée est aujourd'hui en « terre labourable ». Cependant, les secteurs en pente sont nombreux à Ergué-Gabéric et les haies retiennent la terre et les eaux de pluie ; le vent est assez fort, à dominante NW et W en hiver, et les bêtes, d'instinct se mettent à l'abri des haies or l'élevage bovin est présent partout. A l'exception d'une centaine d'hectares réservés aux cultures de légumes pour les conserveries ; herbe, blé, orge, ray-grass, maïs, betterave, colza, etc ... sont réservés à l'alimentation des bêtes. En 1987, 43 % des exploitations ont une orientation laitière ; 26 % pratiquent l'élevage bovin pour la viande (vache allaitantes, limousines, blondes d'Aquitaine ou embouche de charolais). Il y a peu d'élevage hors-sol (porcs, lapins, poulets) mais deux très gros producteurs d'œufs de Kernévez et Saint-André. Certains exploitants âgés, ne produisent que des céréales et des légumes pour la vente (12,6%) par l'intermédiaire de l'entreprise de travaux agricoles. Il existe aussi sur la commune, deux pisciculteurs sur le Jet, un maraîcher au Rouillen, un producteur de pommes à cidre près du bourg et un agriculteur biologique qui produit et vend son pain (pain complet et pain de seigle), à Kerveguen.

 

 

II - Etude géologique et morphologique

 

La structure géologique actuelle résulte de l'orogénèse hercynienne qui a bousculé le socle aplani après l'orogénèse cadomienne, et structuré le Massif Armoricain en grands domaines dont deux sont visibles à l'est de Quimper : le domaine Sud-Armoricain qui apparaît sur Saint-Evarzec et le domaine Centre-Armoricain qui couvre la commune d'Ergué-Gaberic ... et une bonne partie de la Bretagne Centrale. Les deux domaines sont séparés par la zone broyée Sud-Armoricaine qui correspond ici à la vallée du Jet et à la basse ville de Quimper.

La zone broyée Sud-Armoricaine est un couloir de déformation tectonique (cf. tectonique des plaques). C'est une cicatrice profondément enracinée dans l'écorce terrestre ; une grande zone de coulissages WNW-ESE.

On distingue en fait, deux grands accidents linéamentaires d'âges différents qui ont tendance à devenir parallèles et proches vers Quimper : au nord, (versant nord de la vallée du Jet) le linéament « Pointe du Van Angers », accident très ancien, réactivé lors des mouvements majeurs de l'orogénèse hercynienne et au sud (versant sud), le linéament « Pointe-du-Raz - Parlenay » qui est d'âge hercynien.

Cette zone de suture commence à jouer à partir de 340 Ma et se termine par une phase de coulissages dextres tardi-hercyniens (300 Ma) qui vont guider la montée de magmas leuco granitiques syntectoniques. Ces leucogranites constituent aujourd'hui l'essentiel des affleurements sur Ergué-Gabéric. Ce sont des granites clairs, à muscovite, à grain grossier, assez résistants à l'érosion.

Le domaine centre-armoricain comporte donc, sur la commune, des ensembles liés au fonctionnement de la zone broyée. Au sud, une ceinture de leuco granites, enracinée sur cette zone est plus ou moins étirée et mylonitisée aux environs de Kerdévot - Mez an Lez et Quénéach-Daniel - Castel. Le serrage, lors des phases de coulissages à provoqué le laminage, l'écrasement, le broyage des roches qui se sont retransformées sous l'effet de la pression en mylonites, voire ultramylonites, parfois sur plus d'un kilomètre de large.

Plus au nord, les leucogranites affleurent sous la forme d'unmassif allongé, « le massif d'Odet - Lestonan » délimité au nord par la vallée de l'Odet ; à l'ouest par les talus de Ty Mab Fourmant et Ty Gardien (sur Quimper) et au sud par la ligne carrière - Kerveady - Lestonan Vian - Saint-André - Kerlaviou. Ce massif est un batholite intrusif de même origine que les autres leucogranites. Il est découpé par un réseau de fractures et de diaclases denses.

En fait, les géologues pensent que les leucogranites forment ici, une seule et même masse de granite, subaffleurant sous les autres terrains, malgré la variété de leurs faciès.

Comme je l'ai dit, ces leucogranites sont intrusifs, c'est-à-dire que le magma visqueux s'est petit-à-petit mis en place dans des roches plus anciennes qui constituent aujourd’hui, les roches encaissantes. Elles ont été « digérées », et métamorphisées sous l'effet de la température (haute température et pression moyenne) mais il est difficile ici de faire la part d'un métamorphisme de contact et d'un métamorphisme régional. La disposition des affleurements souligne leur antériorité par rapport aux leucogranites car ils sont recoupés par la bordure sud du massif. Il s'agît d'une pari, de la trondhjémite, magma intrusif mis en place à la fin de l'orogénèse cadomienne dans les schistes brioveriens ; métamorphisés (rétromorphosés) en orthogneiss (gneiss sombre à biotite, à grain moyen) lors de la mise en place du massif d'Odet Lestonan ; et d'autre part, des schistes brioveriens ; série sédimentaire antécambrienne (650 Ma) plissée lors de l'orogénèse cadomienne et métamorphisée en micaschistes (schistes gris à staurotides qui donnent des sols argileux après altération). Ils affleurent au centre de la commune entre Pennervan, Quillihuec, Troland et Carpont ainsi qu'au NE à Kergonan et Kerautrel.

 

A la fin de l'orogénèse hercynienne, après les phases de serrage (mylonitisation) se mettent en place quelques filons de magma dioritique près de Kerdévot. C'est une roche sombre, riche en biotite et feldspath, à grain fin, proche des gabbros. Un peu plus tard, lors des phases de détente, des schistes charbonneux seront piégés dans des bassins effondrés au stéphanien (280 Ma) à Kergogn et Quimper-Jet ; en même temps que des fluides hydrothermaux circuleront dans les fractures, à l'origine de la formation des filons vers 400 à 230 degrés C° témoignant ainsi d'un refroidissement progressif du massif et d'une formation postérieure au paroxysme métamorphique. Enfin, vers la fin du trias, des failles NW - SE (faille Kerforne : Douarnenez - Concarneau) vont recouper les accidents coulissants. Sur Ergué-Gabéric, on en voit quelques-unes qui correspondent à ce réseau.

Mais de toute cette orogénèse hercynienne, il ne nous reste plus que la structure des affleurements car les montagnes ont été complètement érodées. Le massif Armoricain étant émergé, une surface d'érosion s'élabore dès le paléozoïque (surface post-hercynienne) elle est ensuite continuellement regradée au fur et à mesure des pulsations du niveau marin et des phases climatiques, jusqu'à l'éocène. On parle de surface polygénique éogène. Claude Klein nous dit dans sa thèse, qu'il s'agit d'une surface acyclique el la qualifie de pénéplaine à partir du tertiaire, mais André Guilcher critique quelque peu cette définition pour la Basse-Bretagne, tout en la considérant valable pour l'Ouest intérieur. On peut parler de surfaces cycliques dans les Monts d'Arrée par exemple. André Guilcher pose aussi la question non résolue d'une pénéplaine ... ou d'une pédiplaine ?

Que reste t-il aujourd'hui de cette surface d'érosion ? En l'absence de témoins, on peut penser que les secteurs plans les plus élevés du plateau correspondent à des éléments de la surface fondamentale vers 110-120 m (Quelennec, Lestonan Vian, Kerangueo, Troland).

Les zones de faiblesse de l'écorce terrestre où se manifestent facilement les mouvements tectoniques et leurs conséquences magmatiques vont rejouer à la fin du cénozoïque (miocène, pliocène) et au quaternaire jusqu'à nos jours puisque la terre a tremblé et grondé le 2 janvier 1959. L'épicentre du séisme se situait sur Elliant au niveau du grand linéament (la zone de Quimper témoigne d'une des plus forte séismicité régionale de Bretagne).

Cettenéotectomique est liée à l'ouverture de l'Atlantique et de la Manche dès le Crétacé (cf. tectonique des plaques). Les anciens accidents ont donc rejoué ; selon les directions privilégiées : WNW - ESE el NE -SW perpendiculaires et parallèles aux rifts ; et NW - SE. Ces mouvements de néotectonique ont rajeuni le massif ancien. Ils ont déformé, basculé vers le SW la surface fondamentale éogène. Ils ont favorisé le rejeu vertical d'accidents anciens et crée un relief en gradins dénivelés vers le sud. On peut ainsi considérer le versant méridional de la vallée du Jet comme un escarpement de faille, précédé de replats rocheux ou gradins de faille, car le rejeu vertical de l'accident coulissant est très probable.

Cependant Ergué-Gabéric est éloignée des points les plus élevés et le soulèvement ici, a été faible. C'est donc l'érosion différentielle qui joue le rôle principal. La reprise d'érosion est bien marquée du fait des modifications climatiques qui provoquent une concentration des écoulements et une incision linéaire dès le miocène. Le manteau d'altérites formé au tertiaire sous climat chaud est en partie nettoyé. Les rivières utilisent les lignes de fracture et s'enfoncent sur les zones altérées ou bien scient les roches dures en coulant selon la pente de la surface d'érosion basculée. Mais l'essentiel du creusement a été réalisé au pléistocène lors des périodes pluviales (interglaciaires) au lendemain des glaciations, sur les versants fragilisés par la cryoclastie. Le creusement s'est fait en fonction du niveau de base marin, dont les abaissements contrôlent la profondeur de l'encaissement des rivières. En effet, comme le soulèvement a été faible sur Ergué-Gabéric, les oscillations multiples du niveau de base dépendent surtout des variations eustatiques qui ont été au maximum de quelques mètres au dessous du niveau actuel de l'éémien (interglaciaire Riss-Würm) et d'au moins 100 mètres au-dessous du niveau actuel dans le courant du Würm. Le dernier réchauffement et la remontée Flandrienne de la mer qui s'en suivit favorisent un alluviennement des fonds de vallées el une tendance à l'hydromorphie des sols ainsi qu'un empâtement par des colluvions et coulées de solifluxion du dernier âge glaciaire (Würm). Le débit actuel est insuffisant pour déblayer les fonds d'argiles et de graviers. Les rivières ne peuvent plus creuser.

 

On peut donc dire que le versant septentrional de la vallée du Jet est un versant de ligne de faille en l'absence de rejeu prouvé. Le fort contraste de résistance a permis un déblaiement important et un élargissement rapide de la vallée qui est aujourd'hui adaptée à la largeur de la zone de broyage, les versants étant formés de leucogranites résistants ou d'ultramylonites. La vallée du Jet est une vallée de ligne de faille. Elle est adaptée à une structure faillée de grande dimension ; alors que la vallée de l'Odet est incisée. Après avoir été guidé localement par un système conjugué de failles orientées WNW-ESE et NE-SW au contact des leucogranites et des micaschistes tendres, "Odet forme un méandre serré dominé par l'échine de Griffonès. Ce méandre est guidé par deux fractures parallèles. Après avoir exploité cette zone de faiblesse, il doit trancher les leucogranites en gorge dans un tracé inadapté à la structure mais adapté à la pente. L'Odet est donc surimposé à la structure.

La surface d'érosion éogène dégagée du manteau d'altérites est dégradée en reliefs résiduels. On repère quelques belles formes typiques du modelé granitique : des collines à flancs convexes à Melennec et Boden, un alvéole très bien dessiné à Mez an Lez (cuvette tourbeuse évidée dans les roches altérées du socle, liée ici à un entrecroisement de lignes de fracture) ; des vallées de fracture (érosion linéaire sur les lignes de fracture où les roches sont broyées, fragilisées). Les deux meilleurs exemples sont la vallée du moulin de Pont ar marc'hat et celle du moulin du Faou.

Enfin, la dissymétrie des versants de l'Odet entre Ergué-Gabéric et Briec s'explique en partie par le contraste de résistance des roches, de même que les ultramylonites arment les parties hautes du relief vers Kerdévot, Quéneac'h-Daniel, Castel. Au centre de la commune par contre, le contact leucogranites - trondhjémite - micaschistes n'est guère mis en valeur. La structure du massif ancien nous a entrainés dans la nuit des temps aux alentours de - 700 millions d'années, mais le paysage que nous avons sous les yeux est le résultat de l'évolution récente (au maximum depuis - 10 Ma) responsable du relief actuel; un relief en creux.

 

GLOSSAIRE

 

BIOTITE : mica noir.

MUSCOVITE : mica blanc.

BATHOLITE : massif granitique dont les racines se perdent dans les profondeurs de l'écorce terrestre.

INTRUSIF(Granite) : résulte de la montée du magma jusqu’à la surface par son intrusion dans l’épaisseur de l'écorce où il se consolide à des profondeurs variables. On peut opposer le magmatisme intrusif au magmatisme extrusif plus communément appelé volcanisme.

COULISSAGE (zone de) : les linéaments de la zone broyée Sud-Armoricaine correspondent à des faillesqui n'ont pas joué verticalement mais latéralement ; les blocs glissant l'un contre l'autre vers la gauche puis vers la droite (coulissage dextre) sous l’effet d'une tectonique de compression.

METAMORPHISME : modification profonde des roches sous l'action de différents agents d'origine endogène. Le métamorphisme de contact, est associé à la mise en place du magma. La roche encaissante subit une transformation à son contact sous l’effet de la pression, de la  température et de la profondeur. Le métamorphisme régional s’effectue en profondeur et affecte de vastes étendues.

OROGENESE : génèse des montagnes, suppose la mise en place d’un volume montagneux.

TECTOGENESE (tectonique): mouvements donnant naissance auxstructures. On parle de tectonique cassante (failles) ou de tectonique souple (plissements).

ORTHOGNEISS : roche métamorphique ; gneiss qui s'est formé par transformation d’une roche magmatique - (paragneiss ;transformation d'une roche sédimentaire).

SYNTECTONIQUE : contemporain de la tectogénèse (du grec syn : avec).

CRYOCLASTIE : fragmentation d'une roche sous l’effet de l’alternance du gel et du dégel de l'eau contenue dans ses fissures.

EUSTATISME: ensemble des mouvements positifs ou négatifs du niveau de la mer, qui sont dus à une variation de l'englacement des Continents.

 

III - L'antimoine à Kerdévot

 

Le minerai d'antimoine se présente sous la forme de sulfure d'antimoine ou Stibine (Sb2 S3). Il cristallise en prismes allongés, disposés en groupes d'aiguilles. Sa dureté est faible, et sa teinte gris de plomb avec éclat métallique.

La stibine se trouve dans des filons hydrothermaux à gangue quartzeuse formés à basse température. C'est-à dire qu'elle s'est formée par la cristallisation de substances dissoutes dans les eaux thermales, et déposées dans des fissures où ces eaux circulaient. Un des éléments les plus constant de la gangue est le quartz. Or, le quartz anhydre fond à 1 700° C. Comme on n'observe jamais de traces de fusion sur les terrains voisins des dépôts, on peut conclure que ce quartz s'est déposé à partir de solutions aqueuses ou de suspensions colloïdales à une température beaucoup plus basse (de quelques centaines de degrés au maximum).

Les filons minéralisés apparaissent à proximité des grands accidents linéamentaires et ils sont liés à la présence des bassins houillers stéphaniens parce que les filons se sont mis en place dans les fentes d'extension, lors des phases de détente, après les phases de compression des grands cisaillements vers la fin de l'orogénèse hercynienne. (La Stibine qui est un minéral très fragile est très peu tectonisée). Ces phases de détente ont permis la formation des bassins houillers et facilité la montée des fluides minéralisateurs. Cette minéralisation serait alors d'âge stéphanien (290 Ma). Les failles marquant le contact entre deux types de roches sont souvent minéralisées alors que les failles tardives de type Kerforne (fin trias) qui décalent la zone broyée sud-armoricaine, ne sont pas minéralisées. C'est ainsi qu'aux environs de Quimper, les failles minéralisées sont dans le prolongement du Bassin houiller de Kergogn (Kerfeunteun) et se raccrochent au grand cisaillement vers Elliant.

 

Dans le district de Quimper, seuls des filons à stibine ont été découverts. La paragénèse en est très simple, pratiquement monominérale. Les minéraux accessoires se constituant qu'une infime partie du minerai essentiellement constitué de stibine massive et de berthiérite résiduelle (Fe Sb2 S4).

Le filon de Kerdévot se présente au contact des leucogranites et des micaschistes. La paragénèse en est extrêmement simple puisque seule la stibine a été observée, en amas polycristallins ou en aiguilles disséminées dans le quartz ; parfois en gerbes à texture rayonnée, dans des micro-géodes.

C'est en 1911 que l'on découvrit, tout à fait fortuitement le minerai sur les terres de Kerdévot (1). Lors d'une journée de défrichage Jean-Louis Huitric agriculteur à Niverrot fut dans l'impossibilité de soulever une des pierres, tant elle était lourde. Celle-ci, une fois cassée, se répandit en fragments bleuâtres constellés d'éclats métalliques. Monsieur Fernand Kerforne, professeur de géologie à la faculté des sciences de Rennes (découvreur du système de failles, qui portent son nom) fut consulté et il constata la présence « à fleur de sol d'un certain nombre de blocs d'une roche quartzeuse contenant de la stibine et de l'oxyde d'antimoine ... » Monsieur Kerforne céda son droit de découverte à la « Société nouvelle des mines de la Lucette » dont le siège était à Paris et qui avait des mines et une fonderie au Genest (Mayenne). Cette société présenta une demande en concession qui fut accordée. Les travaux de recherches se localisèrent à Niverrot à 300 m au SE de la chapelle. La société des mines de la Lucette commença les fouilles au printemps 1913, sous la direction d'un ingénieur, de trois contremaîtres et quatre mineurs Espagnols venus du Genest et dont les épouses furent très remarquées à Ergué-Gabéric par la manière qu'elles avaient de porter leurs enfants sur la hanche plutôt que dans les bras. Une cheminée d'aération rappelait, par sa dénomination, leur souvenir « Toul ar Spagnoled ». La société avait engagé le gros de son effectif dans la région ; une trentaine d'ouvriers au début puis 54 en 1915 (37 au fond, 17 au jour). Le minerai était extrait, lavé, trié, mis en sac et expédié par train à la fonderie en Mayenne. Entre 1913 et 1915, 3 puits, un kilomètre de galeries, trois niveaux d'exploitation (25 m, 38 m, 50 m) furent établis sur les terres de Niverrot dans deux filons distants de 50 m et de quelques centaines de mètres d'extension. Pendant cette même période, les quantités extraites par catégorie de minerai étaient de 352 t. contenant 158t. de stibine (à 50 % de teneur) 19 t. à 30 % et 1 626 t. à 6 % soit environ 300 t. de stibine extraites.

Pourtant, en 1916, la société arrêta l'exploitation et démonta les installations. En 1927, elle reprit des recherches en contrebas de Niverrot à la limite du placître de la chapelle, dans un périmètre interdit à la prospection. Jean Mahé, agriculteur à Kerdévot avait en 1914, mis au jour du minerai à 2 m seulement en dessous du niveau du sol ; mais le gîte fût très vite épuisé et le 1er novembre 1928, la société abandonnait les travaux. On avait extrait seulement 61 t. de minerai à 25 % de teneur. Le 30 mai 1936la société des mines de la Lucette renonça définitivement à son droit exclusif de recherches. C'est ainsi que seul, un des filons de Kerdévot à fait l'objet d'une exploitation. Cependant d'autres gîtes ont été localisés sur la commune et de 1972 jusque vers 1978, les ingénieurs du BRGM ont effectué des recherches approfondies, basées sur des techniques d'analyses géochimiques, des tranchées et des forages.

 

Le filon de Mezan Lez a été découvert en 1927, étudié en 1977. Au contact des leucogranites et des micaschistes, le minerai se présente, dans la gangue quartzeuse, sous forme de lentilles de 15 à20 cm. Il est souvent associé à la melnicovite, ce qui témoigne de la présence initiale de berthiérite (puisque la melnicovite résulte de la précipitation du fer libéré lors de la transformation de la berthiérite Fe Sb2S4 en stibine Sb 2 S3). Présence aussi de mispickel, kermésite, etc ...

 

Le filon de Kervéady a été découvert en 1973 et étudié en 1977. Il s'agit d'une structure filonienne continue, assez complexe, au contact des leucogranites et de la trondhjémite, qui se présente comme un ensemble de nombreux filonnets, de stibine en aiguilles. Ils sont disséminés dans une gangue de quartz gris formant 80 % de la minéralisation.

Seuls quelques tronçons présentent des teneurs suffisantes pour l'exploitation. Plusieurs minéraux ont été recensés : stibine, berthiérite saine ou en voie de transformation en stibine et melnicovite.

 

A Menez-Kervéady et Munuguic des anomalies géochimiques ont été découvertes en 1973.

 

A Quimper d'autres gîtes ont été étudiés dont les plus notables sont Ty Gardien et Leuriou présentant des lentilles de stibine massive. Pour mémoire, on citera la découverte de stibine au niveau du Mont Frugy par l'ingénieur Kerforne, en 1920, dans un secteur aujourd'hui urbanisé.

L'antimoine est essentiellement utilisé comme constituant d'alliages spéciaux auxquels il confère une meilleure résistance. C'est un élément durcissant dans les alliages à base d'étain et de plomb en particulier (plaques de batteries d'accumulateurs, caractères d'imprimerie). Un autre usage, consiste à l'incorporer sous forme d'oxyde à certaines matières plastiques pour les ignifuger. Les peintres, eux, connaissent le « vermillon d'antimoine »(oxysulfures) et le « Jaune de Naples » (antimoniate de plomb).

 

 

IV - Ergué-Gabéric : commune rurbaine

 

A)    Population

La commune connaît un formidable bouleversement depuis quinze ans. Un très fort accroissement de la population entraîne une modification dans la composition sociologique et un changement dans les mentalités.

Jusque vers 1962, Ergué-Gabéric évolue comme une commune rurale et agricole, nullement influencée par la proximité de Quimper. Elle continue de se dépeupler lentement de 1954 (2 610 hab.) à 1962 (2 586 hab.). Le solde migratoire est négatif (-1,54 %par an). Les jeunes partent chercher du travail à Quimper ou ailleurs. Heureusement ces départs sont compensés par un solde du mouvement naturel très positif (+ 1 % par an). Les agriculteurs représentent alors 52 %de la population active et l'exode agricole sévit comme dans beaucoup de communes.

Mais après 1962, l'urbanisation va transformer toutes les données démographiques. Des jeunes ménages viennent s'installer sur la commune grâce à une politique de lotissement, accélérée après 1968. Ergué-Gabéric atteint 2 829 hab. en 1968 et retrouve ainsi son maximum de population de 1911, puis 5 711 hab. en 1982 et près de 6 700 hab. en 1988 ; ce qui représente une population d'une taille supérieure à celle de la ville de Châteaulin et semblable à celle de Rosporden, pour une commune qui ne possède pas de vrai pôle urbain.

Le solde migratoire devient donc extrêmement positif alors que l'accroissement naturel baisse. Ce sont des jeunes ménages de 25 à 35 ans, ayant déjà 1 à 3 enfants, qui viennent habiter sur la commune el ceci explique la faible fécondité. Ces jeunes ménages ont quitté Quimper, et le plus souvent la ZUP de Quimper, pour faire construire à Ergué-Gabéric. Le coût moins élevé des terrains et de la fiscalité est une raison importante de leur choix, mais aussi, le désir de se faire construire une petite maison avec un jardin, plutôt que d'habiter un appartement dans des grands immeubles car beaucoup d'entre eux sont originaires du monde agricole.

Le nombre de permis de construire accordés pour les constructions neuves est particulièrement important entre 1972 et 1980 (120 en 1972). Depuis cette date, il y a une légère diminution. Le mouvement migratoire qui était exceptionnel se ralentit. Les difficultés économiques et la crainte du chômage n'incitent pas non plus une population aux revenus modestes à investir dans la construction.

 

B- Trois pôles urbains

Malgré cette croissance brutale de population le bourg n'est pas devenu une petite ville attractive parce que l'urbanisation s'est réalisée ici en trois pôles distincts : le bourg, le Rouillen et Lestonan-Odet.

Cette tripolarité urbaine a toujours gêné, au point qu'en 1838, une majorité du conseil municipal avait envisagé de transférer le bourg vers Lestonan A Pen Carn, c'est-à-dire, de déménager tout simplement la mairie, l'église, le presbytère et le cimetière ! Et elle gêne encore aujourd'hui puisque les différents programmes politiques envisagent de revitaliser le bourg par des constructions de lotissements, créations de commerces et services ferroviaires, embellissement des abords.

Le bourg en effet s'est endormi jusque vers 1975, trop excentré par rapport aux deux axes routiers que sont les routes de Quimper vers Elliant et vers Coray ; mais surtout à cause du développement des deux autres pôles urbains. Actuellement, le bourg compte seulement 9% de la population communale contre 30 % au Rouillen et 24 % à Lestonan, les 37 % restant étant disséminés dans la zone rurale.

Le secteur de Lestonan s'urbanise autour de la papeterie créée en 1822, au fond de la vallée de l'Odet et de son agrandissement au début du siècle, qui favorise la constitution d'une petite communauté ouvrière et la création de quelques commerces. De cette époque subsiste la cité ouvrière de Ker Anna (1917). L'urbanisation s'est donc greffée autour de ce premier noyau et s'est développée principalement dans les années vingt. Lestonan devint une entité bien vivante et indépendante du bourg avec ses commerces, ses écoles, sa vie sociale et même, un service de tar vers Quimper ; d'autant plus indépendante qu'un fort clivage sociologique et politique se créait entre ce quartier et le bourg, qui semble bien encore exister aujourd'hui.

Ce quartier est peu structure. L'urbanisation est très diffuse le long des voies de communication jusqu'à Quelennec à l'ouest et vers la route de Coray au sud, mais dans l'avenir, ce secteur, où l'on observe de nombreuses friches sociales aura tendance à se densifier. Les zones urbanisables du POS cernent les espaces restés libres entre les constructions.

Le quartier du Rouillen est fort différent. De croissance plus récente et plus rapide, il est plus compact et composé essentiellement de lotissements, à la limite de la commune vers Quimper.

C'est à la fin du XIXe siècle que sont construites les premières maisons le long de l'axe Quimper-Coray et jusque vers 1960 l'urbanisation reste linéaire et devient continue le long de cet axe. Vers 1963 sont créés les premiers lotissements. Dès lors,le quartier connait un essor très rapide, surtout entre 1969 et 1975. Le Rouillen forme aujourd'hui une masse compacte d'environ 2 600 hab. en 1981 et donc le poids démographique le plus important de la commune. On prévoit de le limiter aux abords de la voie rapide. C'est avant tout un quartier de « migrants »perçu par les Gabéricois comme un monde à part, qui a le regard tourné vers Quimper.

Il y a donc eu sur Ergué-Gabéricun envahissement brutal par les gens de la ville, même si ceux-ci sont pour la plupart d'origine rurale, et l'espace agricole est mangé par les constructions. « Avant, il n'y avait pas douze personnes que je ne connaissais pas sur Ergué. Aujourd'hui je ne connais plus les gent ... »me dit un exploitant agricole en 1987. Mais paradoxalement, il n'y a pas ou très peu de problèmes dans le contact entre rurbains et agriculteurs ; même si les vaches aiment bien les glaïeuls, si l'élevage laitier paraît incompatible avec l'urbanisation et si certaines routes rurales connaissent une très forte circulation de voitures le matin, en direction de Quimper.

Heureusement,malgré les ventes de parcelles isolées en zone rurale par les agriculteurs, surtout après 1972, l'espace agricole a pu être préservé dans tout l'est de la commune, et le « mitage », même s'il existe par endroit (Lézebel, Squividan, Place an Dans, Kerriou) a pu être limité. Le POS approuvé en 1985 n'encourage pas les constructions en zone rurale.

 

 

 

C - Un secteur tertiaire prédominant

Une telle évolution démographique suppose un changement sociologique important. Les agriculteurs représentent désormais moins de 9 % de la population active (225 personnes). La proximité de Quimper, l'importance des situations mixtes où s'entrecroisent la vie urbaine et la vie agricole, le lien gardé avec des parents agriculteurs influencent les modes de vie et les mentalités (attitude vis-à-vis du patrimoine foncier, du POS). De nombreux agriculteurs ont une double activité et les épouses des jeunes exploitants travaillent hors agriculture. On les retrouve à Quimper ; ouvriers dans l'agro-alimentaire, aides-soignantes à l'hôpital, employées de bureau ou du commerce, ou dans l'entreprise Bolloré d'Ergué-Gabéric. De même, beaucoup d'enfants d'agriculteurs travaillent en dehors de l'agriculture mais résident dans la commune et beaucoup ont fait construire sur la ferme.

Le devenir même des fermes est fortement influencé par l'évolution récente. Comme dans beaucoup de communes du Sud-Finistère, se pose le problème de la succession. 50 % des exploitants prendront leur retraite avant l'an 2000 et les installations de jeunes sont si peu nombreuses que l'on ne sait pas ce que vont devenir plus de 1000 ha de terres, soit environ 50 % de la SAU communale, auxquels sont attachés un million de litres de lait (25 % de la production en 1987) du fait de la réglementation sur les quotas laitiers ; alors que paradoxalement, certains jeunes agriculteurs sont obligés d'utiliser intensivement toute leur surface. Or les agriculteurs ne veulent généralement ni louer, ni vendre, ce qui explique l'extension des locations verbales et le travail de fermes entières par l'entreprise de travaux agricoles qui permettent de garder la maîtrise du foncier... en attendant de pouvoir vendre des parcelles constructibles car il y a souvent en arrière pensée, le rêve de pouvoir vendre « un jour » du terrain constructible quelque soit la localisation, (le POS approuvé en novembre 1985 est encore mal accepté), à moins qu'on ne veuille garder les terres pour les enfants qui travaillent en ville, par crainte du chômage.

On comprend que dans un tel climat, directement lié à l'urbanisation d'Ergué-Gabéric, les jeunes agriculteurs (17 % ont moins de 40 ans) éprouvent certaines difficultés à travailler dans de bonnes conditions.

 

Le secteur tertiaire est le mieux représenté, 60 % de la population active totale aujourd'hui contre 17 % en 1968 el 42 % en 1975. On peut relier l'importance de l'emploi tertiaire au fort taux d'activité féminin qui contraste fortement avec la situation antérieure. Entre 20 et 40 ans, les trois quart des femmes travaillent. On peut aussi la relier aux migrations quotidiennes de travail vers Quimper car celte population active tertiaire travaille essentiellement sur Quimper (les deux hôpitaux, les administrations départementales, la préfecture, la mairie et l'enseignement sont parmi les plus gros employeurs). En 1982, l'INSEE nous indique que plus de 60 % de la population active travaille en dehors de la commune, dans la même Z.P. I. U.

Pourtant, Ergué-Gabéric a la volonté de ne pas être une commune dortoir. Elle possède déjà un tissu industriel de PME et quelques grosses entreprises dont deux sont anciennes. « Bolloré Technologies » est une multinationale, et son PDG, Vincent Bolloré s'est vu plusieurs fois récompensé (manager de l'année 1987). L'entreprise développe ses activités ; les laboratoires de recherche ont été transférés à Ergué-Gabéric et une 3e chaîne de production du film de polypropylène se met en place. L'entreprise emploie 300 personnes sur la commune. La salaisonnerie « Gouiffès » créée en 1937 au Cleuyou, emploie plus de 160 personnes.

Un certain nombre de PME sont implantées à la Croix Rouge, au Cleuyou et sur une zone artisanale de 5 ha à Quillihuec, en bordure de la route de Coray, inaugurée en 1979. Une dizaine de petites entreprises y sont installées, occupant environ 80 personnes.

Plus récemment, une zone industrielle de plus de 20 ha a été créée en bordure de l'échangeur de la voie rapide Brest-Quimper-Lorient-Nantes ouvert fin 1985 et de la route Quimper-Coray-Saint-Brieuc, à dix minutes du centre ville de Quimper et de la Gare SNCF. Bénéficiant d'une excellente situation, celle zone industrielle connait un réel succès. Ouverte en 1987, elle est déjà entièrement occupée par une vingtaine d'entreprises. Une extension est prévue pour 1989. Globalement 160 à 200 nouveaux emplois auront été créés en deux ans.

 

Ergué-Gabéric est donc un espace de transition, une commune péri-urbaine qui juxtapose les situations individuelles les plus variées et les plus inattendues parce qu'il n'y a pas de frontière entre l'agricole et J'urbain. L'afflux de population et l'essor urbain très brutal ont multiplié les problèmes, mais le rajeunissement important favorise aussi un dynamisme riche d'avenir. Un équilibre difficile doit être trouvé. Il faut contrôler la dynamique urbaine tout en préservant l'activité agricole, développer l'industrie ; favoriser des habitudes de vie Gabéricoises, ancrées dans la commune.

II faut aussi préserver la beauté des paysages. Ergué-Gabéric possède des atouts non négligeables, encore peu connus, pour développer le tourisme rural de repos et de découverte ; et une vitalité associative remarquable pour les mettre en valeur. Les exploitants agricoles sont d'ailleurs favorables au développement de ce type de tourisme parce qu'il facilite les contacts humains. Il existe 5 gîtes ruraux, 8 meublés saisonniers et 2 hôtels de tourisme (48 chambres).

La commune possède un ensemble architectural riche et varié. L'église du bourg avec son ossuaire est classée en 1939. Elle abrite un orgue Dallam du XVIIe siècle dont la sonorité très pure a été respectée lors des restaurations et que vise à mettre en valeur  « l'association des amis de l'orgue » par des concerts ou des enregistrements. La chapelle de Kerdévot abrite un superbe retable Flamand du XVe siècle et « l'association Kerdévot 89 » s'est justement constituée pour fêter le 5e centenaire de sa construction et mieux la faire connaître. Il faut également citer les chapelles de St-Guénolé à Quelennec et de Saint-André, les croix de chemins, les fontaines, les ruines du château de Lézergué ... sans oublier la cité ouvrière de Ker Anna datant de 1917.

Ergué-Gabéric possède aussi quelques sites naturels de toute beauté. Les gorges boisées du Stangala sont aujourd'hui, pour une partie, un site classé en 1929 et pour l'ensemble des deux versants jusqu'à la carrière, un site inscrit en 1932. La partie classée (l'éperon de Griffonès) appartient au Département. C'est une forêt de 39 ha, gérée par l’ONF qui y a aménagé des sentiers de randonnées pédestres et un arboretum tout en préservant le caractère sauvage. A Stang Luzigou, propriété du Département depuis 1981, les 32 ha de bois sont parcourus de nombreux chemins et longent le canal qui acheminait l'eau aux papeteries Bolloré. Tout près de là, on peut visiter le Musée Océanographique.

L'Odet et le Jet sont des rivières à truites et à saumons, très appréciées des pêcheurs. Voici donc quelques uns des atouts, parfois peu connus, de la commune d'Ergué-Gabéric, et le but de notre livre est justement de vous présenter un de ses plus beaux joyaux : la chapelle et le retable de Kerdévot.

 

BIBLIOGRAPHIE

CHAURIS Louis - LE BAIL François – GUIGUES Jean : Minéraux de Bretagne « Penn ar Bed » 1970.

FOUQUET Yves : Les districts antimonifères de Quimper et du Cap Sizun, leur place dans la métallogénie de l'antimoine dans le Massif Armoricain. Thèse de doctorat de 3e cycle - Université de Clermont II- 1980.

GARREAU Jacques : Néotectonique et relief en Cornouaille méridionale. Norois n°126 avril-juin 1985.

GODARD Alain : Pays et paysages du granite. PUF 1977.

GUILCHER André: Pénéplaine ou pédiplaine de l'ouest de la France d'après Claude KLEIN - Annales de Géographie n° 458, juillet-août 1974.

JOUVIN  Frédéric : Contribution l’étude des leucogranites hercyniens du Finistère Sud et de leur encaissant. Mémoire de maîtrise /984-85 - UBO déportement des sciences de la terre - Brest.

JOUVIN Frédéric : Etude du contrôle Structural cl des conditions pression-température lors de la mise en place d'un leucogranite en contexte de collision; exemple du massif d'Odet-Lestonan. Mémoire de DEA 1986. Laboratoire de Géologie structurale de l'UBD- Brest. LE GRAND Alain : Quimper Corentin en Cornouaille. 1968.

LE CAM Lucien - JEHL Colette : Etude prévisionnelle des effectifs scolaires dans la commune d'Ergué-Gabéric. Etude réalisée pour la mairie. IUT /985.

JEHL Colette: L'agriculture à Ergué-Gabéric, bilan 1987 et perspectives d'avenir An 2000. Elude réalisée pour la mairie. 1987. 


Trésors d'archives > Quartiers > Le placître de Kerdévot

Le placître de Kerdévot

 

Suite à une étude confiée à Bretagne Arborescence sur la santé des arbres du placître de Kerdévot, Morgane HUMEAU, agent Nature de la commune d’Ergué-Gabéric a réalisé une synthèse de l’expertise afin de renseigner les visiteurs sur les modifications en cours. Ainsi l’été dernier, ils pouvaient trouver les explications suivantes sur le site de Kerdévot.

La fréquentation du site liée aux habitations proches, aux visiteurs de la chapelle et à l'organisation du pardon de Kerdévot, implique un maximum de sécurité des personnes et des biens. Pour ces raisons une étude a été confiée à l'entreprise Bretagne Arborescence.

Le placître est composé d'une futaie élevée de platanes dont la plantation est postérieure aux chênes et châtaigniers. Le choix de l'essence s'avère atypique pour la région. Les arbres de lisière sont correctement ramifiés et présentent un déport lié au phénomène de phototropisme*.

L'étude réalisée sur les arbres prend en compte :

  • leur stade physiologique,
  • leur diagnostic phytosanitaire,
  • leur diagnostic sécuritaire.

1 - Le stade physiologique

Le relevé montre des arbres matures ayant achevé leur développement aérien et amorçant une mise en régression des systèmes racinaires et aériens (stade 8 et 9, schéma p. suivante).
 

2 - Le diagnostic phytosanitaire

Résultat : 50 % des arbres présentent des problématiques sanitaires sous forme de foyers de pourriture interne du fait de la contamination des tissus ligneux par des spores d'agents pathogènes lignivores.
 

3- Le diagnostic sécuritaire

Résultat : Les déficiences relevées se situent toutes en partie aérienne (sommet des troncs et au niveau des charpentières*). Les risques de rupture sont dus à l'évolution des pathologies qui amenuisent les caractéristiques ligneuses garantes d'une bonne solidité.
 
Quelques chiffres :
6% des arbres présentent un bon état mécanique.
94 % des arbres présentent des déficiences structurelles.
 
Synthèse des analyses précédentes.
Il apparaît que le peuplement est majoritairement composé d'arbres présentant une somme de problématiques pouvant s'exprimer immédiatement, à court et moyen terme (entre 5 et 25 ans).
 

La préconisation de gestion retenue lors des réunions du groupe de travail du placître de Kerdévot est le prélèvement de 21 arbres sur la partie intérieure du placître, suivi de la plantation de jeunes chênes pédonculés d’environ 14 ans. Cette solution réduit au maximum la concurrence pour la lumière et assure des plantations qui auront un aspect homogène à terme. Les platanes en bon état situés sur le bord de la route seront conservés dans un premier temps car ils canalisent la circulation. Cette stratégie répond à l'exigence sécuritaire immédiate tout en intégrant une notion de gestion étalée dans le temps et de cohérence des actions de plantation garantes de la pérennité du patrimoine arboré.

Échéancier :
Action réalisée le 22 et 23 mai 2003 : taille sanitaire du chêne et prélèvement de 3 arbres qui présentaient de gros risques pour la sécurité.
Fin 2003 : prélèvement des 19 arbres restants et plantation.

 

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Trésors d'archives > Quartiers > Le seigneur de Pennarun

Le seigneur de Pennarun

 

Quand on vient de Quimper au Bourg d’Ergué-Gabéric par la vallée du Jet, la masse imposante du manoir de Pennarun s’élève à droite de la route, pratiquement au sommet de la côte, un peu avant le cimetière. Deux entrées, l’une à l’Ouest, l’autre à l’Est, permettent d’accéder à la cour.
Les premiers relevés cadastraux qui datent de la moitié du XIXe siècle, mentionnent 3 parcelles ouvertes : à l’Ouest, la parcelle 333, appelée « ale ar Veil » et classée « avenue » ; à l’Est , la parcelle 335, appelée « ale Pennarun » et classée « futaie »;  et, au Nord, la parcelle 339, « ale ar Voc’h », classée également « futaie ».
Plus tard, à la construction de la route de Pont-Névez (ou côte de Pennarun), l’«ale ar Veil» s’est changée en « Park an ale goz ». Au début du XXe siècle, l’« ale ar Voc’h », route communale du Bourg, bordée de châtaigniers, méritait toujours le nom d’« avenue ».

Le manoir de PennarunJusque dans les années 1950-1960, tous les gens du Bourg se connaissaient (c’était pratiquement vrai, aussi, pour tous les habitants de la commune.) Au Bourg donc, on parlait encore du seigneur de Pennarun, lequel avait mauvaise réputation. Le seigneur ? Quel seigneur ? Son nom s’était perdu dans la nuit des temps si son souvenir était resté vivace. S’agissait-il d’un seigneur en particulier, d’une lignée de seigneurs ? On ne le savait plus. C’était « le » Seigneur de Pennarun ! On disait qu’il était méchant, qu’il avait opprimé les paysans, qu’il pendait à Lenhesq ceux qui ne lui plaisaient pas. Il était si mauvais que la Justice Divine se devait de lui réserver un châtiment exemplaire !
Et c’est ainsi que l’on racontait toujours, vers 1950, que le Seigneur de Pennarun était condamné à réapparaître tous les ans, sous un chêne de l’« ale Goz » où il remuait éternellement l’or de son trésor enfoui. Cela, le dimanche des Rameaux, pendant la lecture particulièrement longue de l’Évangile de la Passion du Christ selon saint Matthieu. La personne qui le trouverait et accepterait son or, le délivrerait de sa malédiction…mais perdrait ipso facto son âme ! En ce temps-là, manquer la messe du dimanche était un péché mortel !

Encore aujourd’hui, personne n’a trouvé le trésor du seigneur de Pennarun. Pourtant le nombre de fidèles à l’église le dimanche matin a fondu comme neige au soleil. Mais qui sait encore à quel moment de l’année est placé le dimanche des Rameaux ? Probablement, en plus, le chêne du seigneur a été abattu pour faire du feu ! Alors, tant pis…le mystère demeure !

Où la légende et l’Histoire se rejoignent : le recensement de 1790 mentionne à Pennarun Mme Veuve Gélin, 48 ans, et ses enfants dont son fils, Marie-Hyacinthe, alors âgé de 19 ans. Ce jeune homme rejoindra la Chouannerie où il retrouvera, entre autres, ses cousins, les Geslin de Bourgogne, de Lantic dans les Côtes-d’Armor. Ses actions dans la région cornouaillaise lui vaudront d’être appelé « le cruel Geslin » (cf. les conférences de S. Duigou). Ne serait-ce pas lui le seigneur de la légende, le seigneur du trésor de « l’Ale Goz » de Pennarun ? Quand on sait que « Pen chou(a)n » était toujours une insulte 200 ans après la Révolution Française, on peut comprendre que Messire Marie-Hyacinthe De Geslin, Seigneur de Pennanrun et autres lieux,  n’était pas en odeur de sainteté au Bourg d’Ergué-Gabéric.

Suzanne COÏC-LOZAC’H

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Trésors d'archives > Quartiers > Croas Spern

Croas Spern (Kroaz Spern)

René Huguen est né à Lestonan en 1920. Instituteur de profession, il fut en outre maire-adjoint à Saint-Brieuc, rédacteur en chef du quotidien national Ouest-Matin (Rennes) et directeur de Cabinet à la mairie du Havre.
Passionné d’histoire, il a notamment fait des recherches sur le travail du secrétaire d’Emile Zola, M. Glay-Bizouin, l’inventeur du timbre-poste. Il s’occupe aussi de la Maison Louis Guillou, à Saint-Brieuc et a notamment organisé l’exposition pour le centenaire de l’écrivain qu’il a personnellement connu.
 
Portant très loin le regard de ma mémoire, je me retrouve dans les années vingt et je revois ma grand-mère Le Meur, née Cuzon, chargée du grand seau bleu qu’elle vient de remplir à la fontaine de Gwarem goz, là où s’abreuvent les vaches de Quillihuec ; elle s’arrête devant le vieux calvaire de Croas Spern, pose le seau sur la route caillouteuse, essuie de la manche la goutte qui brille en permanence sous son nez et elle se signe en regardant la croix. Ce geste respectueux devenu instinctif, elle l’avait déjà fait à l’aller, sans s’arrêter. Le font ainsi les passants, qu’ils soient seuls ou en groupe. Un convoi funèbre s’avance en direction du bourg ; l’enfant de chœur secoue sa clochette, le cercueil, calé sur un char à bancs.
Le monument fait face au vieux chemin, ancienne voie romaine(1), encore creusé en contrebas et bordé de châtaigniers séculaires(2). La croix est dominée par un grand prunier dont la floraison au printemps lui donne un air de fête. Au bout d’un jardinet protégé de la route par une haie d’aubépine, se tient l’antique maison au toit fatigué. Le couple Le Meur habite là, moyennant quelques travaux périodiques demandés par les propriétaires de Saint-Joachim. Ah! comme je me sens bien en ces jeunes années, sur cette terre battue où courent souvent les poules, entre ces meubles rustiques dressés sur des cales inégales ; comme je me sens bien à cette grande table à l’intérieur de laquelle Grand-Mère range pain, farine et beurre ou dans l’âtre, chauffant mes petits pieds au-dessus des cendres chaudes ! Et lorsque Grand-Père rentre de sa dure journée de cantonnier et qu’il applique sa barbe piquante sur mon front en lançant fièrement: « Ar goas !»(3).
 
Aujourd’hui me voilà octogénaire; la vieille maison n’est plus depuis longtemps et le calvaire de Croas Spern a perdu sa croix d’origine, tombée et disparue(4) … Sur le socle du monument toujours gravée mais qui s’efface, une date ; on la devine : 1604.
René Huguen - Avril 2002 Keleier Arkae

 

1 - Le calvaire de Croas Spern se trouvait autrefois au carrefour de la route venant du bourg - Saint Joachim et d’une ancienne voie romaine rejoignant Lenhesq-Quimper, et Elliant dans l’autre sens. On pourrait en retrouver trace aujourd’hui en contrebas du centre socio-culturel. Le calvaire était associé à une fontaine.

2 - Une partie de ces châtaigniers fut abattue lors de la construction du premier « terrain scolaire d’éducation physique et sportive »d’Ergué-Gabéric en 1948. L’argent de la vente servit à construire les vestiaires. 

3 - Ar goas : homme, jeune homme. 

4 - La nouvelle croix du calvaire, restauré en 1992, est l’œuvre du sculpteur Tataruch. Elle comporte les statues géminées du Christ aux liens et du Christ crucifié. Ce denier regarde conventionnellement vers l’ouest, excepté dans le cas des calvaires de carrefour où il peut alors être simplement tourné vers la route. C’était le cas à Croas Spern autrefois comme l’indique M. Huguen. La restauration a tenu a respecter ce principe et le nouveau Christ regarde la nouvelle route !

 

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Arkae > Trésors d'archives > Personnages > Pierre Nédélec : guérisseur de la rage

Pierre Nédélec : guérisseur de la rage à Ergué-Gabéric

Procès Verbal du 23 mai 1877 :

« Á six heures du soir, nous Bouchez Jean-Léon, brigadier, et Le Bourhis Guy, gendarme à cheval à la résidence de Rosporden, département du Finistère, revêtus de notre uniforme et conformément aux ordres de nos chefs, rapportons qu’étant en tournée dans les communes de notre circonscription pour nous assurer que les mesures de précaution avaient été prises dans les ravages occasionnés par un chien abattu à Melgven, atteint d’hydrophobie, nous avons recueilli des personnes et des propriétaires des animaux blessés que le sieur Nédélec Pierre du village de Kergouantique en la commune d’Ergué-Gabéric les avait traités pour éviter la contagion de la rage, qu’il avait donné des médicaments liquides de sa composition et qu’il s’était fait payer. »

Des remèdes... quels remèdes ?

Si au Moyen-âge, des charlatans de tout poil remplissaient des grimoires de médecine populaire, les Diafoirus de l’époque moderne, qui avaient cour auprès du Roi et se piquaient d’arguments pseudo-scientifiques pour prescrire des remèdes contre la rage, n’étaient guère plus efficaces.

Le plus célèbre est le Normand Paulmier. Sa recette sera reprise par de nombreuses personnes et déclinée régionalement selon les herbes disponibles.
Ainsi suite à la « rage de Gourin » en 1767, qui occasionna la mort d’un jeune garçon, le médecin inspecteur des Hôpitaux de Bretagne, un dénommé Busson, écrit un rapport qu’il fait éditer par l’Intendant de Bretagne.
Il préconise les bains de mer dans un premier temps puis un traitement interne : boire une demi chopine de vin blanc dans lequel on a délayé quatre gros d’écailles d’huitres mâles calcinées. Ensuite prendre un demi gros (1,91 gr) de poudre de plants de mouron à fleurs rouges dite morgeline, dans l’eau tiède ou le bouillon. Il préconise enfin un traitement externe par scarification de la plaie avec un onguent mercuriel.

A l’époque on considère que toute morsure de chien peut être porteuse de maladie. Les vétérinaires proposent donc de vérifier si le chien est enragé par des procédés qui font sourire aujourd’hui : « Frotter la blessure avec un morceau de pain ou des noix écrasées, donner le pain ou les noix à une poule, elle refusera ou mourra si l'animal était enragé. »

Les remèdes sont bien fantaisistes : en Haute Bretagne, à Plancoët, le médecin Maréchal préconise un traitement qui n’est autre qu’une omelette antirabique : oeufs, poudre de noix et rosier sauvage qu’on appelle en breton « roz-ki », la rose du chien. L’omelette une fois cuite doit être appliquée sur la morsure - c’est le principe de cautérisation - et l’autre moitié doit être mangée par celui qui a été mordu.

L’enquête sur la « rage de Gourin » permet de faire connaître un dénommé Fresnay, 74 ans, qui a fabriqué un remède qu’il a appliqué avec succès à 2000 personnes prétend t-il.
A Cléden-Poher un dénommé De Muzillac adresse en 1777 une formule guérissant de la rage à l’intendant de Bretagne. Il précise que sa famille transmet la formule depuis au moins 100 ans. Son remède est inspiré de Paulmier : c’est une chopine de vin blanc et une de vinaigre mélangé à différentes herbes : absynthe, angélique, bétoine, cression ou passe-rage, églantier, marguerites sauvages, mélisse, ortie roiable, un poireau, une pomme reinette, ainsi qu’une poignée de polypode, rue, petite sauge, grosse sauge, sabine et du sel.

A quel saint se vouer ?

Fontaine Saint-TugenEn plus de la médecine populaire les Bretons s’en remettent aux saints locaux.
Saint Hubert, invoqué contre la rage, est peu présent en Bretagne ; aussi dans le Morbihan on se réfère à saint Bieuzy, saint Gildas ou encore saint Mathurin1.

En Ille et Vilaine on invoque saint Méen dont le culte était célébré dans une fontaine de Gael. L’eau de Gael faisait l’objet d’un véritable trafic avec l’aval du Parlement de Bretagne, sans qu’on aie vraiment pu vérifier son efficacité.

Dans le Finistère, le grand saint antirabique est saint Tugen à Primelin. Celui-ci avait fait voeu de chasteté pour sa sœur.
Elle se jeta évidemment dans les bras d’un damoiseau rusé qui trompa la vigilance de Tugen. Celui-ci s’exclama de dépit : « Mieux vaut commander une bande de chiens enragés que garder une seule femme ».
La légende raconte que pour le punir de n’avoir pas exaucé son voeu Dieu lui donna la garde de tous les chiens enragés de la contrée.
C’est ainsi que naquit la tradition de la clé de Saint Tugen. Cette clé protégeait les pélerins, car tous les chiens enragés venaient mourir à l’église de Saint Tugen. Celle-ci possédait une prison pour enfermer les hommes enragés qui attendaient la mort.

Une autre tradition populaire dit que les enragés étaient attachés sur la place de l’église et que leur famille devait les étouffer. Cette tradition barbare trouve un écho curieusement dans un dictionnaire français-breton du XVIIIe siècle : le dictionnaire de l’Armerye :
« C’est un crime qui mérite punition corporelle d’étouffer une personne enragée ».

Pierre Nédélec se défend

Quant Pierre Nédélec, reçoit la visite des gendarmes le 26 mai 1877. Voici ce qu’il déclare :
« Ayant été informé que plusieurs personnes et des animaux avaient été mordus par un chien atteint d’hydrophobie dans la commune de Melgven et connaissant un remède très efficace, je m’y suis transporté afin de remédier au mal, mais je ne me fais jamais rétribuer et je n’exerce que dans les cas de rage. Je n’ai nullement besoin de ça pour vivre car ce n’est que dans le but d’être utile à mes semblables que j’exerce. »

Pierre Nédélec est décrit par les gendarmes comme « un très honnête homme. Il est un des bons propriétaires de la commune et on ne connaît rien sur son compte si ce n’est le fait d’exercice illégal de la médecine dont il s’agit. »

Le 16 juin 1877, Pierre Nédélec comparait devant le tribunal d’instance de Quimper pour exercice illégal de la médecine. Il se défend en ces termes :
« Je ne traite que les animaux atteints et non les personnes. Il y a 28 ans que je donne des soins. Les personnes sont très souvent guéries.
Dans sa déclaration aux gendarmes le 16 mai précédent, il indiquait cependant traiter les personnes malades.
Il précisait connaître son remède depuis 25 ans et pour donner du poids à son propos il se réclamait du Dr Chauvel : « Depuis 25 ans que je connais le secret de guérir de la rage, chaque fois que le fait s’est présenté, j’ai opéré sans jamais me faire payer et j’ai toujours réussi à guérir les personnes que j’ai traitées.
M. Chauvel père, médecin à Quimper me connaît bien et on peut lui demander des renseignements sur moi.
J’ai également été autorisé par plusieurs préfets à Quimper, mais il y a longtemps, pour guérir cette terrible maladie et jamais personne ne m’en a rien dit. »

Le médecin, Henri Chauvel, 65 ans, est entendu par les gendarmes, il confirme la réputation d’honnête homme de notre Gabéricois mais il met en doute ses capacités de guérisseur : « Je n’ai jamais entendu dire qu’il ait guéri quelqu’un de la rage. Je le crois incompétent pour guérir cette maladie.
Et cependant il croit agir en connaissance de cause. Il ne peut que faire arriver des accidents en retardant les malades de se faire soigner en temps opportun et il n’a jamais dû être autorisé par personne pour soigner cette maladie. »

D'où vient le remède de Pierre Nédélec ?

Pierre Nédélec aurait donc appris le secret pour guérir la rage vers 1850.
C’est l’époque où les premières études scientifiques sérieuses sont publiées : recherches expérimentales, statistiques et études cliniques assez importantes.
Berndt conclut que la bave de chien et de tout animal enragé peut transmettre la rage, qu'il n'y a ni hydrophobie, ni rage spontanée chez le chien. Il distingue une rage furieuse, une rage tranquille et une rage foudroyante.
A cette époque, seul le chien est utilisé pour l'étude de la rage.
Cette espèce difficile et dangereuse à manipuler présente une longue période d'incubation de la rage, allant de 20 à 60 jours, ce qui retarde les progrès de la recherche.

Pierre Nédélec a t-il des lectures sur les remèdes contre la rage ou est-ce la tradition populaire ou familiale qui lui a fourni matière à concocter son remède ? Nous ne le saurons sans doute jamais. Les personnes qui ont témoigné dans cette affaire nous donnent quelques détails sur le médicament de Pierre Nédélec :
- « qu’il avait donné des médicaments liquides de sa composition »
- « deux fioles de médicaments pour frictionner deux cochons et un chien mordus. »
- « pour deux fioles de médicaments destinés à trois cochons, un chien et un poulet. »
« ayant traité indistinctement des personnes et des animaux blessés par un chien hydrophobe avec le même médicament sans qu’aucun diplôme ne lui ait été délivré. »

Un seul témoin atteste d’une guérison cinq ans auparavant : « J’ai profité de l’expérience qu’il a déjà faite dans l’année 1872, au village de Coat-Quer en la commune de Saint-Yvi à Jean-Louis Jeannès sur un porc gras qui avait été mordu par un chien arragé (sic) et il m’avait réussi à la guérison du porc. »

Le médicament de Pierre Nédélec s’applique donc aussi bien aux hommes qu’aux animaux.
Il faut savoir cependant que tout homme ou animal mordu par un chien enragé ne développe pas forcément la maladie, d’où ce témoignage apparemment en faveur de Pierre Nédélec mais qui ne prouve rien.

C'est pas légal

Ce qui est reproché à Pierre  Nédélec c’est de toucher de l’argent pour ses bons soins :

  • Marianne Duigou du Bourg-Neuf (Melgven) donne un franc pour un pansement et un autre franc à la fille de Pierre Nédélec qui intervient quelques jours après pour refaire le pansement.
  • Yves Lancien de Cadol, (Melgven) donne 10 francs pour deux fioles.
  • Yves Daoudal du Bourg-Neuf (Melgven), 5 francs pour deux fioles.
  • La veuve Le Breton de Locmaria (Saint-Yvi), 20 centimes, pour boire la goutte à sa santé. Et un franc le dimanche suivant pour être pansé par sa fille.
  • Yves Léonard, de Coat Culoden (Rosporden), 12 francs pour deux porcs mordus.

Pierre Nédélec se défend d’avoir demandé de l’argent :
« J’ai traité la Madame Duigou et elle m’a donné malgré moi un franc qu’elle m’a mis dans ma poche. Le Monsieur Lancien m’a également prié avec insistance pour recevoir dix francs qu’il m’a mis dans ma poche, je croyais qu’il n’y en avait que cinq. Il a ajouté qu’il voulait payer pour ceux qui n’avaient pas le moyen. J’ai eu 5 francs du Sieur Daoudal et 20 centimes de la veuve Le Breton. Je n’ai pas soigné les porcs du Sieur Léonard, je lui ai fait parvenir des médicaments par l’intermédiaire du Lancien, mais je n’ai rien reçu de lui.
Depuis 25 ans que je connais le secret de guérir de la rage, chaque fois que le fait s’est présenté, j’ai opéré sans jamais me faire payer et j’ai toujours réussi à guérir les personnes que j’ai traitées. »

Pierre Nédélec a la réputation bien assise au delà de la commune d’Ergué-Gabéric puisqu’il intervient à Melgven, Rosporden et Saint-Yvi. Il est alors âgé de 74 ans : on comprend qu'il ne se déplace plus aussi facilement. C’est donc sa fille qui envoie les fioles et qui pansent les victimes. Nous n’en saurons pas plus sur celle-ci car les gendarmes qui se présentent à Kergoant déclarent qu’elle est partie au pèlerinage de Rumengol, où elle doit rester plusieurs jours.
Le cas de Pierre Nédélec et de sa fille semble assez emblématique de pratiques courantes dans la société rurale de Basse-Bretagne. Le procureur demande d’ailleurs une application indulgente de l’article 35 de la loi du 19 Ventose an XI sur l’exercice illégal de la médecine.
Pierre Nédélec est condamné à cinq francs d’amende ce qui est peu par rapport aux trente francs qu’il a reçus dans son intervention dans le canton de Rosporden.

Bernez Rouz

  1. En breton rage se dit selon les régions : Araj, kounnar, drouk sant Bieuzy, drouk sant Tujen, drouk sant Weltas, drouk sant Hubert.
 

Attention, chiens enragés !

 
Circualtion des chiens : arrêtAlors que Pierre Nédélec prépare son médicament secret et s’en va porter ses fioles à Melgven où la rage se répand, tout un dispositif administratif muni de son bras policier s’active également pour contraindre la population à respecter des mesures sanitaires rendues obligatoires par la loi ou par décision préfectorale.

L’arrêté pris par le Préfet du Finistère le 15 mars 1874 disposait : « il est défendu de laisser vaguer des chiens sur la voie publique, s’ils ne sont pas pourvus d’un collier soit en métal, soit en cuir garni d’une plaque de métal portant le nom et la demeure des personnes auxquelles ils appartiennent… Les chiens non pourvus de collier devront être mis en fourrière et abattus dans les trois jours s’ils ne sont pas réclamés… Tout chien atteint d’hydrophobie sera immédiatement abattu et enfoui dans une fosse de 2,60 m de profondeur et à 10 mètres au moins de toute habitation… Si un chien présumé enragé a mordu quelqu’un ou quelque animal, il devra être renfermé et gardé à vue afin que l’on puisse s’assurer s’il est enragé ou non… Les personnes qui auraient été atteintes de morsures sont engagées à recourir, sans aucun délai, à un médecin… Lorsqu’il nous sera justifié qu’elles sont indigentes, les frais de leur traitement seront acquittés sur les fonds départementaux… » (ADF 4 M 403).

De multiples règlements de ce type imposent aux maires, aux gendarmes, aux services vétérinaires, aux propriétaires de chiens, etc. des obligations contraignantes pour faire face aux risques de transmission de la rage. Dans les campagnes en particulier, ces contraintes sont souvent peu acceptées et plutôt mal suivies.

Ainsi dans la commune de Lanneufret (canton de Ploudiry), un cas de morsure par chien enragé a été constaté le 18 février 1878. Au lendemain de sa deuxième visite dans le village, le 3 mars, le vétérinaire de Landivisiau, chargé d’intervenir au titre du Service des épizooties du Département, rend compte au sous-préfet de Brest (ADF 5 M 62) :
Hier, vers midi, j’étais de nouveau à Keramoal où je m’étais rendu pour constater l’état des choses et me rendre compte de la manière dont mes prescriptions avaient été suivies… J’ai trouvé les gens du village dans un état de quiétude et de sécurité tel que j’ai été effrayé, une fois de plus, de l’esprit d’incurie, d’insouciance et d’aveuglement qui malheureusement est le caractère dominant du paysan breton. « Il n’y a rien de nouveau, me dit-on, toutes les bêtes sont bien, l’enfant n’a pas de mal et sa plaie est guérie. Nous ne craignons plus rien. Au surplus, le guérisseur est venu. Il a donné son médicament à toutes les bêtes mordues et il nous a garanti la guérison. Vous le voyez bien, Monsieur, tout est fini bien, merci et nous en sommes quittes pour la peur… J’interrogeai sur le guérisseur. On me dit que c’était un homme de Ploudiry, qui avait pour spécialité le traitement de la rage, dès qu’il y avait morsure et avant que la maladie ne fût déclarée. Il n’avait jamais manqué son coup, m’assura t’on. Les animaux de Keramoal sont désormais à l’abri de toute atteinte de la terrible maladie ». Devant cette foi robuste et absolument inconsciente, les bras me tombèrent…

Le vétérinaire constatait en effet que les villageois s’étaient « soustraits aux mesures de police sanitaire ordonnées dans un but de préservation » lors de sa première visite. Il réitère donc ses prescriptions (séparation stricte des bêtes mordues des autres, pour le logement comme pour le pâturage…).
Il demande au sous-préfet un contrôle effectif par la gendarmerie d’une bonne application de ces mesures pendant 2 mois. Et dit avoir quitté les lieux en rappelant aux villageois les sanctions judiciaires prévues par la loi dans leur situation. « Et rappelez-vous surtout que la rage dans une famille, c’est autrement plus terrible que le feu aux quatre coins de la maison ».

Cependant, nous découvrons aussi par les archives que les mairies, les gendarmeries et les services vétérinaires sont bien impliqués dans la lutte contre la rage. Les uns et les autres multiplient les interventions sur le terrain et les rapports au Préfet. Ainsi, il nous est permis de suivre assez exactement les déplacements et les méfaits du chien enragé qui a été abattu à Melgven le 10 mai 1877. Par les gendarmes de Scaër, nous savons que le 9 mai, il a mordu deux enfants et quatre chiens sur cette commune ; les blessures des enfants ont été cautérisées par le médecin ; les chiens mordus ont été tués et enfouis ; les autres sont attachés. Le lendemain, selon les gendarmes de Bannalec, le chien a été aperçu sur cette commune à la Véronique ; au hameau de St Mathieu il a mordu deux femmes et un garçon de 8 ans (« traités le soir même par le médecin »), puis sur la commune de Kernével, à Pennanguer, il a attaqué un jeune homme sans le blesser. Les gendarmes de Rosporden signalent quatre personnes mordues (deux à Saint-Eloi, une à Cadol en Melgven (une fillette « traitée de suite ») et une à Locmaria en Saint-Ivy. Plusieurs bestiaux ont été attaqués sur ces communes : les maires sont informés des mesures à prendre les concernant. Le chien enragé, poursuivi par les gendarmes et plusieurs personnes des alentours, a finalement été tué par le « nommé Cloirec » au village de Trouec en Melgven de deux coups de feu dans la cave où il s’est réfugié. Les informations circulent bien entre gendarmeries, mairies, services vétérinaires et préfecture.

C’est ainsi également que nous avons connaissance d’un signalement par le maire de Melgven informant le sous-préfet le 16 mai qu’au Bourg-neuf et à Penhoat-Cadol (une jeune fille et cinq porcs attaqués) « un sieur Pierre Nédélec, cultivateur à K/goant en Ergué-Gabéric, a dû traiter tant la fille que les animaux. Il a déclaré à ces gens qu’il avait le secret d’un remède infaillible et qu’il garantissait la guérison... » (ADF 5 M 62). Un autre signalement provient du Brigadier de la gendarmerie de Rosporden en date du 23 mai : « Dans le cours de mes investigations, j’ai recueilli des blessés et des propriétaires d’animaux blessés qu’un certain  Nédélec, propriétaire à Ergué-Gabéric, les traitait tous sans distinction, personnes et animaux avec le même médicament, et se faisait payer des sommes assez élevées. Comme ce cas constitue le délit d’exercice illégal de la médecine, procès-verbal sera dressé contre cet individu » (ADF5 M 62).

Cette même année 1877, la rage sévira encore en Cornouaille, comme dans le canton de Châteaulin en septembre, et en ville de Quimper de mai à novembre). Des chiens errants continueront à semer la peur parmi les autorités et les populations.

Ainsi à Ergué-Gabéric.
En juillet 1884, la gendarmerie de Quimper est informée par le maire d’Ergué-Gabéric qu’ « un chien dit griffon, sous poil roux, paraissant atteint de la rage et parcourant la dite commune avait été abattu et enfoui près du village de Garsalec par plusieurs cultivateurs de ce village, et qu’on ignorait à qui il appartenait, n’étant pas muni de collier. Nous avons invité le dit maire de faire examiner cet animal par un vétérinaire afin de s’assurer si réellement il était affecté de la rage, et il résulte de l’autopsie pratiquée par Mr Hoog, vétérinaire à Quimper, que le chien en question n’était nullement enragé, mais seulement atteint d’une gastro-entérite aiguë, ce qui a du le rendre triste et faire supposer à ceux qui l’ont abattu qu’il était enragé » (ADF 4 M 403).

En juin 1885, d’autres gendarmes, en tournée à Ergué-gabéric apprennent qu’ « un chien de petite taille, sous poil roux, et qu’on supposait atteint de la rage avait parcouru la dite commune le 18 du courant et avait mordu quatre porcs, un chien et un chat appartenant à divers propriétaires de la commune. Nous nous sommes mis à la recherche de cet animal et avons appris qu’il s’était dirigé du côté d’Elliant. Le chien et le chat mordus ont été abattus ce jour même. Les porcs sont tenus renfermés » (ADF 4 M 403).

Pierre Nedelec : guerisseur de la rageFin juillet 1885, autre tournée des gendarmes à Ergué-Gabéric : « Nous avons été informés que des chiens atteints d’hydrophobie avaient parcouru la commune et avaient mordu plusieurs animaux. Nous avons fait une enquête, de laquelle il résulte que le 27 juillet dernier, à trois heures du matin, un chien de petite taille, en passant devant le village de Lesheben, a cherché affaire au chien de Mr Le Naour, cultivateur à ce village, mais ce dernier ne sachant si son chien a été mordu, le tient à l’attache.
A trois heures ½, ce même chien a passé au village de Tréodet et a mordu deux porcs et un chien appartenant au sieur Riou, propriétaire du dit village. Les deux porcs ont été immédiatement soignés et séquestrés dans une soue à part. Quant au chien, il a été renfermé dans une grange et attaché avec deux chaînes.
A quatre heures, il a également mordu un chien appartenant à la veuve Le Menn demeurant à Kérrélan. Ce dernier a été immédiatement abattu et enfoui.
Après avoir parcouru plusieurs autres fermes de la commune sans faire de mal, il a été vu au village de Kerangal-d’en-haut en la commune d’Ergué-Armel. A partir de ce village, nous n’avons plus entendu parler de lui ».
Autre signalement par le même rapport : « Le 29 du même mois, un chien noir de petite taille a mordu une vache appartenant à Mr Bolloré, manufacturier au moulin à papier. Ce dernier l’a abattu à coup de fusil et l’a fait transporter à Quimper où l’autopsie a été faite par Mr Cornic, vétérinaire, qui a reconnu que ce chien était enragé. La vache mordue a été enfermée et sa blessure cautérisée » (ADF 4 M 403).

Et encore ? En 1900, un jeune garçon d’Ergué-Gabéric a été mordu par un chien enragé. Le jeune Le Grand à été soigné à l’Institut Pasteur, aux frais de la commune. En sa séance du 24 février 1901, le Conseil Municipal réclame au propriétaire du chien, un « sieur Poupon, commerçant actuellement à Ergué-Armel » le remboursement à la commune de l’avance de frais de 177,60 francs réalisée (DCM. 24 février 1901).
 
La rage est une maladie infectieuse transmise à l’homme par un animal, (surtout loup, chien, renard). Le virus de la rage est contenu dans la salive : suite à une morsure ou un léchage, il pénètre dans l’organisme pour cheminer dans le système nerveux, vers le cerveau. Le temps d’incubation est variable. Surviennent des contractures musculaires, des paralysies et des troubles du comportement. La mort intervient par paralysie des muscles respiratoires.

Le terme « hydrophobie » était autrefois utilisé pour désigner la rage, du fait qu’un symptôme habituel est, en phase avancée, une répulsion pour les liquides.

C’est en définitive la combinaison de ces deux moyens : le fait de disposer d’un médicament efficace, à savoir le vaccin mis au point par Pasteur contre la rage, et l’application stricte de mesures sanitaires mettant fin à la transmission de la rage aux humains par les animaux, qui a permis d’enrayer la maladie.


François Ac'h

 

 

Keleier 76 - décembre 2012

 

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Trésors d'archives > Géographie > La commune aux 77 vallées

La commune aux 77 vallées

Le réseau hydrographique de la commune se partage en deux bassins versants : l’Odet et le Jet. La ligne de partage des eaux suit grosso modo la route de Coray. Les cyclistes et les marcheurs le savent bien, traverser la commune ressemble a un parcours de montagnes russes.

Vallée se dit Stang en breton, un mot qui fleurit dans la toponymie locale : on en compte douze dans la commune .
Stang Oded et Stang Jet bien entendu. Mais on a le plus souvent Stang allié à un nom de lieux : Stang Kerellou, Stang Kermoysan, Stang Kerriou, Stang Melenec.
Deux avec un adjectif : Stang Venn (la Vallée Blanche), Stang Vihanic ‘La très petite vallée ».
Trois autres sont plus complexes :
Stang Luzigoù est une création récente, peut être du mot Lus qui signifie myrtilles ; Il faudrait alors le traduire par Vallée des petites myrtilles.
Stang Quéau est un des plus vieux noms d’Ergué. Il est attesté dès 1454 (Stancqueau),
(1540 Stang Queau). Keo signifie grotte en breton a moins qu’il ne s’agisse du nom de personne Quéau.
Enfin le plus célèbre est Stangala, un nom qu’on trouve aussi à Brest sous la forme Stangalard. Il est formé de Stang + Alour, nom d’un vieux saint breton qui possède une fontaine à son nom à Krec’h-Erge et qui est aussi le saint patron d’Ergué-Armel.
 
Quand on regarde la fréquence des noms de lieux en Stang dans le Finistère, une particularité saute aux yeux : 5 communes possèdent plus de 10 noms en Stang : Elliant (17), Rosporden(10), Bannalec (15), Concarneau (12) et Ergué-Gabéric (12).
Elles sont toutes situées sur l’axe des grandes failles qui parcourent le sud de la Bretagne de la Pointe du Raz à Nantes. Ce que les géographes appellent le cisaillement sud-armoricain a provoqué il y a quelques millions d’années un basculement du relief de notre basse Cornouaille qui a provoqué cette topographie si particulière de petites vallées encaissées.
 
Les dictionnaires bretons traduisent Stang par Vallée, mais les plus importants précisent, vallée étroite, vallée encaissée.
Le mot est stankenn, mais l’accent tonique est tellement fort sur l’avant dernière syllable qu’on n’entend généralement pas le –enn- final. C’est un nom féminin qui induit une mutation de la consonne initiales des adjectifs qui le caractérise : ainsi Stank (enn) Gwenn (la vallée blanche) se prononce et s’écrit Stank Wenn
Le pluriel est stankennoù. Il peut être aussi formé à partir de Stank : il donne aussi stankoù et stankeyer.
 
Une erreur fréquente est de traduire stank par étanc. Effectivement dans le Trégor il est commun de traduire étanc, lac par stank qui est emprunté au vieux français estanc. Mais ce particularisme ne s’applique pas en Cornouaille ou étang se traduit par lenn.
La confusion vient aussi des copistes qui ont confondu Le stanc et l’estanc.
On trouve ainsi Estang an dillad et Stang an dillad à la même époque à Langolen ; tout comme Estang du Bot et Stang du Bot vers 1700 à Pont de buis. La confusion vient aussi que les étangs sont toujours dans les vallées, on a ainsi un « Stang al Lenn » à Plonéis, Vallée de l’étang.
 
Les dictionnaires bretons ignorent par contre totalement le sens « Parcelles de terre dans une vallée ». Le cadastre d’Ergué-Gabéric regorge pourtant de prairies qui portent le nom de stang. Il y en a 34 dans les matrices du Cadastre de 1834, écrits Stanc, stang, stancq ou stank : Essayons de les caractériser
 
 
Stang + nom de personne
Stanc Tudal
Stanc ar Rouz
Stang ar Berr
Stanc Guenal
Stank Guillou
Stang + adjectif
Stank vras : bras=grand
Stank vihan : bihan = petit
Stank venn : gwenn=blanc
Stang vihanic : diminutif de bihan
Stang velen : melen = jaune
Stanc cloz : kloz = fermé (cul de sac)
Stanc izella :  izel = bas
Stanc creiz : kreiz = centre
Stanc uhela : uhel = haut
Stang + Vegetation
Stang ar c’hoat : Koad = bois
Stang frost : Frost = en friche
Stang + nom hydrographique
Stang Oded
Stank Jet
Stang ar bigodou =  ar bigodou ruisseau qui se jette dans l’Oded près du moulin à papier.
Stang al lenn : lenn = étang
Stang ar veilh/stang vilin : meilh ou milin = moulin
Stang ar pontic : pontig = diminutif de pont
Stang ar feunteun : feunteun = fontaine
Stang + nom religieux
Stanc Sant Gwenole
Stang Sant Alour / Stang Alour
Stang Sant Yann
Stanc an iliz : iliz = église
Stang + activité économique
Stanc al liou : Liou = la couleur
Stanc Coe/couet : Kouez = lessive
Stanc ar poder = Poder = potier
 
Pluriel/singulatif
Parc ar stankenn
Liorzh ar stankou
 
Nom poétique
Stang C’hwitell : C’hwitell = sifflet.
Stang ar reo : ar rev = la gelée.
 
Avec Ti et Ker les noms en Stang continue de fleurir dans la toponymie locale.

Trésors d'archives > Géographie > L'Odet et le Jet en 1972

L'Odet et le Jet en 1972

(Fichier technique des estuaires bretons par Anne-Marie Jegou de la S.E.P.N.B.)
 
Cette étude de la SEPNB fourmille de renseignements sur nos deux rivières :
 
1.  LIMITE DE LA MER
 
Cette limite est fixée à la passerelle pour piétons du champ de bataille. Mais le point limite de remontée des eaux est située au barrage Merret en amont de la ligne de chemin de fer. La limite de salure des eaux a été fixé par décret le 4/07/1853 modifié le 7/12/1902.
 
2.  DEBIT DE l'ODET
 
mois J F M A M J J A S O N D
Débit 1972 7 14,7 9,8 5,6 4,8 5,6 2,1 1,1 0,8 0,9 4,6 10,7
Moyenne 1954-1972 8,4 8,3 6,1 4,3 3,2 2,1 2 1 1,2 1,9 4,3 7,3
3 DEBIT COMPARE JET /ODET (1972)
mois J F M A M J J A S O N D
Odet 7 14,7 9,8 5,6 4,8 5,6 2,1 1,1 0,8 0,9 4,6 10,7
Jet 2,4 5,7 4,4 4 3,9 4,7 1,4 0,8 0,6 0,7 2,1 4,2
 
4. CRUE MAXIMALE
 
64 M3/s au confluent du Jet et de l'Odet.
 
5. POLLUTION
 
Rejets épisodiques des papeteries Bolloré qui utilisent des acides pour la déminéralisation de l'eau.
Rejets de boues des carrières Guéguen.
 
6. SAUMONS
 
Estimation des captures (Chiffres de l'Association de pêche)
 
  ODET STEIR JET
1971-72 105 72 130
1972-73 85 52 65
Existence de trois piscicultures sur le Jet Obstacles à la remontée des saumons : Barrage Merret à Quimper Barrage de Penhoat en Kerfeunteun Echelle en biais au travers du déversoir des papeteries Bolloré franchissable seulement en période de crues.  

Trésors d'archives > Patrimoine religieux > Les statues de Saint-Guénolé

Les statues de Saint Guénolé

 

Dimanche 15 septembre 2013, à l'occasion des Journées du patrimoine, le public a pu découvrir sous un nouveau jour les statues de la chapelle Saint-Guénolé qui venaient d'être restaurées.

Ces six statues datent du XV° jusqu'au XIX° siècle. 

Le travail de restauration a été confié à deux ateliers spécialisés Arthéma Restauration de Abbatez et l'atelier régional de restauration de Bignan.

Le coût total de la restauration est de 12 870 euros, financé grâce au don du comité de Saint-Guénolé, représenté par Gérard Jézéquel et aujourd'hui dissous, et aux subventions de la Drac, du conseil général et du conseil régional.

Historique de la restauration de la chapelle Saint-Guénolé.

 


Saint Corentin - chapelle Saint-GuénoléStatue de saint Corentin, bois, H. : 1,40 m. XVIe siècle.

A gauche dans le choeur. Vêtu de la chape il tient en main un livre ouvert. Le traditionnel poisson n'étant intervenu dans l'iconographie du premier évêque de Cornouaille, qu'à une époque relativement récente, il n'est pas ici représenté. La crosse a été restaurée de façon rudimentaire. Le Musée départemental de Quimper possède une statue analogue à notre saint Corentin.

 

 

 

 

Statue de saint Guénolé, pierre calcaire, H. : 1,05 m. XVe siècle.

A droite dans le choeur. Le personnage, tonsure monacale et chasuble gothique, tient en main gauche le livre de la Règle. La hampe de la crosse garnie du linge est tenue en main droite. Le noeud à pans de cette crosse typiquement médiéval ne doit pas être pris pour une lanterne ou un reliquaire. On le comprendra si l'on pense qu'est perdu le crosseron en volute, dont demeure le trou pour l'assemblage. La statue, vu son matériau provient peut-être d'un atelier ligérien.

 

 

Saint Maudet - chapelle Saint-GuénoléStatue de saint Maudet, bois polychrome, revers évidé, XVIIe siècle.

Troisième pilier nord nef. Vêtu de la tunique et de la chape, le saint esquisse le geste de la bénédiction.

 

 

Saint Michel - chapelle Saint-GuénoléStatue de saint Michel archange.

Troisième pilier sud nef. "Une mauvaise statue", selon Le Guennec, qui fonde son jugement sur la liberté que l'artiste a prise vis-à-vis des canons classiques de la statuaire*. Ce qualificatif de "mauvais", n'est pas de mise pour une oeuvre, fruste certes, mais qui entre dans la catégorie bien définie de l'art rudimentaire. Notre saint Michel a été esquissé par un homme de bonne volonté qui n'a pas eu le loisir d'assimiler les ressources d'un art dont la maîtrise ne peut faire l'économie du passage par un vrai atelier. Si elle témoigne d'un savoir-faire limité, ii faut saisir le charme populaire d'une production créée en marge des oeuvres parfaitement élaborées.

* Louis Le Guennec, op. cit. idem.

 

Saint Herbot - chapelle Saint-GuénoléStatue de religieux cordelier, bois, revers plein, XIXe siècle.

Bas-côté nord.  L'habit au petit camail, la cordelière ponctuée de noeuds dits de capucin, le livre tenu en main ne suffisent pas pour savoir à qui on a affaire. On ne voit guère comment le culte de saint Louis de Toulouse, de saint Fidèle de Sigmaringen ou de saint Joseph de Leonessa, des cordeliers, a pu être introduit ici. Mais le nom de saint Herbot, attribué par commodité, est certainement anachronique, car notre ermite breton n'a jamais été ainsi représenté , du moins dans les périodes de grande tradition. Comme on a de toute évidence affaire à une statue du XIXe siècle, il ne faut pas s'étonner de la distorsion entre la représentation et l'attribution.

 

 

Saint Alar - chapelle Saint-GuénoléStatue de saint non identifié. Bois, H. 1,20 m, revers creux, XVIe siècle.

Bas-côté sud. Enigmatique, c'est la statue la plus curieuse du lot. Là où certains voient un second saint Herbot, le Nouveau Répertoire suggère, avec prudence d'ailleurs, un saint Jérôme, ce qui convient mieux *. Le personnage, pieds-nus, est vêtu, sous un manteau à capuchon, d'une tunique serrée par une ceinture où pend un chapelet à gros grains. Il est coiffé d'un bonnet et d'une capuche, avec un chapeau à larges bords. Serait-ce le chapeau de cardinal qui est l'un des attributs de l'ermite de Nazareth? Mais où est le lion, où la tête de mort, où la croix, où sont les cailloux de l'iconographie traditionnelle de saint Jérôme ?
 

* René Couffon, op. cit.

 

 

 

 

 

 


Trésors d'archives > Souvenirs > Jean Bernard, une fine gaule

Jean Bernard, une fine gaule

 
Dans l'article Souvenirs de Jean Bernard, artisan-menuisier, nous avons découvert Jean Bernard, le menuisier, sans oublier qu’il était aussi apiculteur (par exemple 500 kg. de miel récoltés en 1884), chasseur bien sûr, et… pêcheur.
Jean a eu une passion très précoce pour la pêche en rivière, passion vécue plus intensément encore lorsque arriva le moment de la retraite, en 1985. Cette passion le conduisait à transcrire avec une minutie extraordinaire toutes ses pêches dans un petit carnet.
 
Jean Bernard estime avoir pris durant toute sa vie de pêcheur, c’est-à-dire depuis son enfance, près de 5.000 truites
 
Aujourd’hui, avec son accord, nous publions quelques extraits de ce beau palmarès.
 

Jean Bernard de Garsalec, une fine gaule Sur 10 saisons consécutives (les 10 premières années de sa retraite), Jean Bernard a pêché :

  • 1985 : 268 truites
  • 1986 : 369 truites
  • 1987 : 389 truites
  • 1988 : 321 truites
  • 1989 : 109 truites
  • 1990 : 129 truites
  • 1991 : 213 truites
  • 1992 : 234 truites
  • 1993 : 233 truites
  • 1994 : 208 truites

Total : 2 473 truites, pesant 294 kg.

 
 

Palmarès de l’année 1987 :

  • mars : 46 truites
  • avril : 49 truites
  • mai : 55 truites
  • juin : 40 truites
  • juillet : 94 truites
  • août : 64 truites
  • septembre : 44 truites

Jean Bernard de Garsalec : pecheur de truites

mars 1987

Jean Bernard de Garsalec : pecheur de truites

avril 1987

Jean Bernard de Garsalec : pecheur de truites

mai 1987

Jean Bernard de Garsalec : pecheur de truites

mai - juin 1987

Jean Bernard de Garsalec : pecheur de truites

juin - juillet 1987

Jean Bernard de Garsalec : pecheur de truites

juillet 1987

Jean Bernard de Garsalec : pecheur de truites

juillet - août 1987

Jean Bernard de Garsalec : pecheur de truites

août 1987

Jean Bernard de Garsalec : pecheur de truites

août - septembre 1987

 
 
Devant ces chiffres à laisser pantois les pêcheurs les plus chevronnés, nous pouvons avancer ces quelques remarques :
  • Les appâts employés sont soigneusement choisis, suivant la période : pêche au ver, au grillon, à la cuiller, et enfin, à partir de la mi-juin, à la sauterelle.
  • Les notes relatives aux observations météorologiques ont leur importance : « eau trouble », « eau chocolat »
  • De même le choix des lieux de pêche, stratégique : Landudal, Langolen, Trégourez, Meil Faou, Kerlavian, Stang Kerrreun, Reunic, Meil Dreau, Pont Alhuen, Pont Marc’had, Kerveil…
  • Suivant Jean Bernard, les accès aux rivières sont devenus plus difficiles par manque d’entretien.
  • Et l’état de santé des eaux de pêche est un souci.
Tels des gamins écarquillant tout grands les yeux face à un magicien réalisant son numéro, nous penserons tout simplement qu’un tel pêcheur possède une connaissance parfaite de la nature, à mille lieux des bruits de ce monde, et cela, c’est du bonheur.
 
 
Jacqueline Le Bihan - keleier Arkae 58 - juillet 2009
 

Arkae > Trésors d'archives > Personnages > Gustave Guéguen

L'abbé Gustave Guéguen, recteur d'Ergué-Gabéric
Année 1941

Arkae > Trésors d'archives > Personnages > Gustave Gueguen > PortraitNous reproduisons dans cet article des extraits du « Registre-Journal » tenu par l’Abbé Gustave Guéguen pendant la première année de son ministère à Ergué-Gabéric, il y a 70 ans.
C’est en principeau début du XXe siècle que remontent les Registres-journaux dans le diocèse de Quimper. Les Statuts Synodaux publiés en 1928 par Mgr Duparc demandaient aux curés et recteurs de tenir un tel journal : « Le curé tiendra au courant le Journal Historique de la paroisse, dans lequel sont enregistrés les faits d’une certaine importance pour l’histoire locale » (article 69). Ce récit avait en particulier pour but de renseigner les recteurs à venir sur les divers antécédents qui avaient pu marquer la paroisse, d’expliquer des habitudes, des comportements, de justifier des choix. Un tel document est donc intéressant par ce qu’il nous apprend de l’époque, des personnalités, des positionnements des uns et des autres, même s’il demande une lecture critique.

L’Abbé Guéguen, fréquemment désigné à Ergué sous son prénom « Gustave », était un personnage hors du commun. Il peut apparaître comme ayant  une haute estime de lui-même, autoritaire, intéressé par l’argent des quêtes, par l’éclat à donner aux chapelles, à l’église paroissiale, aux cérémonies. C’est qu’il se prenait avant tout pour le représentant de Dieu sur le territoire de sa paroisse, et pensait que l’hommage rendu à Dieu ne pouvait que rejaillir sur sa propre personne et justifier une soumission respectueuse de tous. C’est ce qui le conduit par exemple à parler de lui-même à la troisième personne, ou à ne pas supporter de devoir faire une entrée discrète à Ergué à vélo…

François Ac'h




« Prise de possession » et « installation » en bicyclette.

Le mercredi 29 janvier, par une radieuse journée, arrivaient péniblement au bourg d'Ergué-Gabéric en bicyclette deux abbés Guéguen : l'un doyen du Chapitre, l'autre nouveau recteur de la paroisse, transféré de Clohars-Fouesnant et succédant à Monsieur Neildé mort accidentellement le 11 janvier1.

L'abbé Gustave Guéguen avait vainement cherché à Quimper chez les différents loueurs de taxi une voiture : le manque d'essence fit qu'aucun véhicule ne pouvait sortir et qu'en conséquence les deux cousins germains, en plein XXe siècle, durent venir de Quimper en si piteux équipage. En cours de route les deux cyclistes communiquaient leurs impressions sur la dureté des temps.
Le conseil paroissial se trouvait réuni au complet : Jean-Marie Nédélec de Saint-Joachim, René Riou de Tréodet, Pierre Tanguy de Kérellou (maire), Jérôme Quelven de Garsalec, Pierre Le Bihan d'Odet, Alain Le Roux de Mélennec, Pierre Le Roux de Kerfort.
Dans la salle à manger du presbytère, on procéda à la prise de possession telle qu'elle figure au registre des délibérations. On décida que le nouveau Recteur ferait son entrée le jeudi suivant 6 février à 15 heures, mais sans aucune solennité à cause des évènements.

6 février 1941. Au jour indiqué, le Recteur arriva à l'heure fixée, par le même moyen de locomotion, mais seul cette fois, ayant tout le loisir voulu en cours de route d'agiter dans son esprit des idées plutôt moroses. Fort peu de monde au bourg : l'arrivant trouva près de l'église quelques figures amies connues dans des postes précédents.

9 février 1941. L'installation officielle eut lieu le 9 février, présidée par M. le chanoine Pichon, curé de Saint-Corentin (…).
Temps assez sombre mais pas trop froid.

Inconcevable, cette quête !

Le dimanche 16 février : 5 F. comme offrande à toutes les messes !!! Inconcevable.

Le dimanche 23 février, annonce que désormais 3 plats circuleront dans l'assistance à toutes les messes (…). Il n'y eut pas de protestation, mais force d'inertie qui oblige à fermer les yeux pour les basses messes et à ne se contenter que de deux plats2 !

Et ils s’amusent…

Dimanche 2 mars, pardon de Saint-Guénolé. Innovation : Vêpres à 16 h. Mauvais temps. M. Eon chante la messe. M. Guillou prêche. J'arrive pendant le sermon. Malgré le temps, nombreuse assistance aux Vêpres. Il est toutefois regrettable que certains jeunes gens et jeunes filles, au lieu d'assister aux offices, aient senti le besoin de se réunir trop nombreux dans les granges du voisinage pour des amusements qui ne sont vraiment pas de saison quand il y a tant de souffrances dans le monde.

Des arriérés !

(La visite de sa paroisse par le nouveau recteur s’est déroulée sur plusieurs semaines. Il est accompagné dans ce porte-à-porte soit par un vicaire, soit par un fabricien).
Impression générale très défavorable : distances effrayantes, chemins impraticables; côtes incessantes et dangereuses, habitations mal tenues. Je m'attendais à trouver le Porzay3.
Quelle déception ! Très arriérés au point de vue culture, manquant de savoir-vivre, ils sont bien moins sociables et bien moins hospitaliers qu'à Clohars4. Leur sauvagerie vient peut-être de leur timidité.

N.D. de Kerdevot à sa place, au-dessus de l’autel et du retable.

26 mars 1941. En l'absence de M. le Recteur, appelé d'urgence pour prêcher la retraite pascale des hommes au Passage-Lanriec, M. Eon vicaire a veillé sur le travail d'érection de la statue de Notre-Dame de Kerdévot au dessus du retable où elle se trouvait avant la réfection du grand vitrail par les Beaux-Arts. Ces Messieurs avaient placé le trône sur des tréteaux devant la balustrade du coté de l'épître. Le rétablissement du trône a été exécuté par des ouvriers d'Odet gracieusement prêtés par l'usine sous l'habile direction de M. Blanchard, contremaître. La population a été enchantée de voir la statue remise à son ancienne place5.

Réforme du prix des chaises.

30 mars 1941. Dimanche de la Passion. Annonce en chaire de l'augmentation du prix de location des chaises : 20 centimes au lieu de 10, pour le dimanche suivant. Cette réforme a été acceptée sans aucune protestation. Le Recteur a regretté de n'avoir pas porté la taxe à 25 centimes, mais on parlait de la démonétisation probable des pièces de 25, bruit démenti officiellement le jour même où rentrait en vigueur le nouveau règlement6.

Pardon « mud »

10 avril 1941. Jeudi Saint. A Kerdévot, à 18 heures, cérémonie pieuse et émouvante organisée par la JAC masculine et féminine d'Ergué. Départ du bourg vers  17 h. par petits groupes en silence. Les jeunes seuls ont récité alternativement les prières et les chants de l'Heure Sainte. Louis Lozachmeur de Kerous, employé de bureau à la préfecture pour les garçons, et Mlle Josèphe Cariou du bourg, élève de seconde du lycée de Quimper pour les filles. Chapelle pleine, attitude très pieuse. Peu d'hommes. Quelques jeunes gens arrivés en retard. Cette cérémonie devait avoir lieu la nuit, mais l'on a craint les représailles des "occupants" interdisant toute circulation à partir de 22 h. M. le Recteur, dans l'adieu final, a promis à Notre-Dame. que tous s'y retrouveraient si possible l'année suivante à pareil jour. (…)

Un pardon qui paie bien.

29 juin 1941. Pardon de Saint-Eloi - Saint-Jean à Kerdevot. On prétendait qu'il n'y avait qu'une douzaine de chevaux à peine. Or M. le Recteur en a compté 59 pendant qu'ils défilaient devant la chapelle après leur bénédiction avant la grand-messe. Résolution de donner à ce pardon plus d'extension si possible, car les offrandes sont intéressantes. Sans doute la réflexion semble cynique, mais c'est une question d'une importance singulière à l'époque que nous vivons.

Pompes funèbres.

Début juillet, achat de tentures funèbres chez M. Paul de Quimper pour rehausser l'éclat des funérailles dont le tarif a été augmenté. Ces tentures sont arrivées début de septembre et elles ont servi la première fois pour l'enterrement solennel de Jeanne Bacon, veuve Rannou, de Ty Ru (Odet) le mercredi 29 octobre et pour les fêtes de la Toussaint. La population a été très agréablement surprise de voir tous ces décors pour la fête des Trépassés.

Salle interdite.

13 juillet 1941. Séance récréative donnée par des acteurs en majeure partie jacistes dans la salle Balès en faveur des prisonniers de guerre. Cette salle, habituellement condamnée, a vu lever l'interdit par une grâce spéciale de Mgr Duparc uniquement pour ce motif et après intervention directe de M. le Recteur7. (…)

Du laisser-aller.

10 août 1941. Un abus tendit à s'introduire dans la paroisse au sujet des publications de bans. Les jeunes gens venaient seuls ; parfois même l'un d'entre eux seulement et en tenue négligée. L'on a averti que par respect pour le sacrement de mariage, on ne recevrait plus les candidats avec cette désinvolture et ce sans-gêne et qu'ils devraient désormais être toujours accompagnés de leurs parents ou du moins de l'un d'entre eux. La leçon a porté et les parents ont été fiers de voir qu'on leur redonnait la place qu'ils n'avaient su garder. (…)

Un pardon en temps de guerre.

14 septembre 1941. Pardon de Kerdévot. M. le Recteur a multiplié ses démarches à la Préfecture, à la Kommandantur, pour obtenir l'autorisation de circuler en auto le 14 septembre et prendre à Quimper ce jour là le doyen du chapitre, M. Guéguen et le curé-archiprêtre de St Corentin, M. Pichon. Il a conservé quelque espoir de réussite jusqu'au vendredi. Il a fallu alors se résigner à prendre ces hauts personnages en char à bancs !!!

Le pardon s'est ouvert comme d'habitude la veille au soir par le chant des Vêpres où il y avait fort peu de monde. Les confesseurs se sont trouvés réunis le samedi soir à la table de M. le Recteur : M. Kerbiriou, supérieur de l'école Saint-Charles à Kerfeunteun, M. Cauvel, professeur à Pont-Croix, M. Guilcher, vicaire à Elliant. Ces messieurs sont partis dès l'aurore pour les confessions qui ont été très nombreuses. Les « pardonneurs » sont arrivés fort peu de temps avant l'heure. Il y avait au chœur 15 soutanes. Célébrant : le doyen. Prédicateur : l'archiprêtre. Pardon très émouvant, très pieux. Les offrandes ont été très abondantes. Une seule ombre au tableau : les paroissiens ne suivent pas la procession, se contentant  de la regarder et ne se signant pas au passage de la croix, toutes remarques qui ont été faites par les prêtres étrangers.
M. le Recteur à son départ de la chapelle, le dimanche vers 18 heures, a été hué par une bande de buveurs qu'il a mis à la raison par un mot d'esprit.
Et ces messieurs d'Elliant, le même soir, en regagnant leurs pénates, ont été entrepris par une troupe de jeunes avinée chantant "l'Internationale" ; étant descendus de bicyclette, ils ont mis à la raison ces jeunes garnements, particulièrement l'abbé Marzin en exhibant ses titres de prisonnier de guerre libéré. (…).

Le lendemain, 15 septembre 1941. Le recteur et le vicaire sont allés à Kerdevot pour de nombreuses confessions paroissiales. M. le Recteur a donné un avertissement sévère à la tenancière de l'auberge qui désirait avoir "un casse-gueule" pour amuser la jeunesse et qui n'a eu qu'un innocent manège de chevaux de bois sans musique pour l'amusement des bébés. (…)

La J.A.C. reste autorisée.

26 octobre 1941. Fête de la jeunesse rurale à Kerdévot8. Toutes les paroisses environnantes ont été invitées : Ergué-Armel, Kerfeunteun, Saint-Yvi, Saint-Evarzec, Briec, Landudal, Elliant.  La grand-messe annoncée à 10 h 30 n'a commencé qu'à 11 heures, chantée par M. le Recteur. Sermon par M. le chanoine Favé, sous-directeur des Œuvres, d'assez méchante humeur parce qu’aucun jeune homme de la paroisse n'avait assisté à une réunion des jours précédents à Quimper. Dîner à la sacristie. Séance d'étude à 13 heures sur l'organisation des loisirs à la campagne le dimanche.

Rien de précis dans la discussion et rien de prévu pour donner au dimanche sa signification de jour saint, consacré au Seigneur. Guère de franchise de la part des jeunes gens à mon avis. Vêpres. Jeux divers. Mot d'adieux de M. le Recteur. (…)

Et encore…

Début Novembre. Rétablissement d'une messe régulière à Saint-Guénolé le 1er dimanche du mois à la grande joie de tout le quartier qui a témoigné sa reconnaissance par de généreuses offrandes.
Annonce que la messe du 1er vendredi du mois sera désormais célébrée pour les prisonniers et qu'on y ferait une quête pour l'honoraire de la messe, l'excédent devant servir à célébrer d'autres messes. Ce premier vendredi, il y a eu de nombreuses femmes de très loin et même quelques hommes.

Le 2 novembre, M. le Recteur a reçu du Secours National9 la somme de 2000 Fr. pour la fondation d'une bibliothèque paroissiale : elle a commencé à prêter des livres d'abord aux jacistes le dimanche 16. Ont été nommées bibliothécaires : Melle Laurence Bihannic et Melle Louise Lennon du Bourg. Elles seront à la disposition des clientes le 1er dimanche du mois après les messes et le 3e dimanche après la réunion générale.
(…)

Arkae > TA > Personnages > Gustave Guéguen > phot du bourg

  1. L’Abbé Pierre Neildé, originaire du Juch, avait été nommé recteur d’Ergué-Gabéric en 1938. Il y est décédé le 7 janvier 1941, à l’âge de 57 ans, après deux ans et quelques mois de présence. « Toujours à son devoir, c’est en se pressant de rentrer d’une visite à son frère malade, pour faire son catéchisme, qu’il a été terrassé d’une hémorragie cérébrale, le lundi, vers midi. Malgré tous les soins, M. Neildé expirait le mardi matin, vers cinq heures » (Semaine Religieuse de Quimper et Léon, 31 janvier 1941).
  2. Ainsi, le recteur n’aurait pas réussi à se faire obéir, du moins pour les « basses messes ».
  3. L’Abbé Guéguen est originaire de Locronan, et le Porzay était considéré dans le clergé comme faisant partie, comme le Léon, des « gras pâturages » attribués en fin de carrière aux prêtres méritants.
  4. L’Abbé Guéguen était précédemment, depuis 1937, recteur de Clohars-Fouesnant.
  5. Telle était la configuration historique de l’ensemble autel-retable-trône de la Vierge. C’est en septembre-octobre 1944 que l’Abbé Guéguen, sous le contrôle de l’inspecteur départemental des Beaux-Arts, dispersera ces éléments, le retable étant transféré au fond de la chapelle, contre le mur Nord, et la statue de N.D. de Kerdevot sur son trône, en appui contre un pilier de la travée Nord, face à l’entrée Sud.
  6. Sous l’Occupation allemande, ces petites pièces de monnaie, qui contenaient des métaux stratégiques pour l’armement (nickel, cupronickel…) furent démonétisées en 1941 et 1942, c’est-à-dire mises hors circuit monétaire, pour être récupérées par les Allemands et servir dans leurs industries d’armement. Elles furent remplacées par des pièces en zinc. La démonétisation de la pièce de 25 centimes, d’abord annoncée pour le 1er avril 1941, n’a eu lieu que plus tard.
  7. Depuis une dizaine d’années (voir Semaine Religieuse du 18 mars 1932 : « Directives au sujet des danses »), Mgr Duparc avait engagé son clergé dans une campagne de proscription des salles de bal, « véritables écoles de corruption », de leurs tenanciers et de leurs enfants, « pécheurs publics et traités comme tels », c’est-à-dire privés des sacrements de l’Eglise, des danseurs et danseuses, des musiciens… Ainsi, plusieurs salles de danses se trouvaient « interdites » à Ergué-Gabéric, dont celle tenue par la famille Balès au Bourg.
  8. Le régime de Pétain voulait, en créant par la loi du 15 juillet 1940 un Secrétariat Général de la Jeunesse, « coordonner et contrôler l’action éducative des différents mouvements de jeunesse », avec comme objectif de couler les jeunes dans le moule de la Révolution Nationale. L’Eglise de France résista à une trop forte absorption de ses mouvements de jeunes par l’Etat. Ainsi, la J.A.C. et la J.A.C.F. purent poursuivre leurs activités ; l’encadrement assuré par les autorités religieuses garantissait que ces mouvements ne s'occuperaient pas de ce qui ne les regardait pas. C’est ainsi que la J.A.C. continua à prospérer pendant la guerre.
  9. La loi du 4 octobre 1940 attribuait au Secours National un rôle bien plus large que celui d’assistance aux soldats mobilisés (colis, courrier…) : Pétain en faisait un organisme d’Etat chargé d’habiliter, de coordonner et de contrôler toutes les œuvres privées, les initiatives d’assistance, que ce soit auprès des soldats prisonniers, de leurs familles, des réfugiés, des victimes des bombardements anglais, etc. « Le Secours National est seul qualifié pour formuler des appels publics à la générosité et recevoir des subventions de l’Etat ou des diverses collectivités publiques ». Les maires ne peuvent autoriser que les quêtes qui ont l’aval du Secours National, et il n’y a de subvention ou d’aide que par le canal du Secours National.

 

François Ac'h - Keleier 66 - janvier 2011

 

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Alain Dumoulin

Bernez Rouz

Alain Dumoulin : présentation dans le dictionnaire d'Arkae

1811 : la mort du recteur Dumoulin

Arkae > Trésors d'archives > Personnages > Alain Dumoulin > Hent ar BaradosRecteur d’Ergué-Gabéric de 1788 à 1791 Alain Dumoulin dut s’exiler à Liège puis à Prague pendant la Révolution. Il revient d’exil en 1802 et reprend son rectorat à Ergué-Gabéric. Il est nommé à Crozon puis curé de la cathédrale de Quimper.
Bras droit de l’évêque Mgr Dombideau de Crouzeilhes, il exerce les responsablités de vicaire général dans le diocèse jusqu’à sa mort.

Une convention avec une dame Feunteun
Alain Dumoulin garde des relations avec les paroissiens d’Ergué-Gabéric. En 1810 il passe une convention avec une dame Feunteun demeurant à Lezergué : celui qui survivrait dirait deux messes pour l’autre. Il survécut à la dame et dit effectivement ses deux messes.

Alain Dumoulin meurt subitement le 21 mai 1811 à l’âge de soixante trois ans. L’évêque écrivit alors « ce pauvre M. Dumoulin je le regretterai jusqu’à mon dernier soupir ». Quand à son biographe il témoigne « Quand il mourut, ce fut un deuil universel dans la ville. On jugea de l’estime et de l’affection dont il jouissait au nombre considérable de personnes de toutes les classes qui assistèrent à son inhumation  ».

Il est enterré au cimetière Saint-Louis. Son oncle Mgr Graveran originaire comme lui de Crozon fit exhumer ses restes en 1852 pour les déposer dans le chœur de la chapelle du cimetière. L’évêque fit graver une pierre tombale en marbre noir où il fit graver une inscription de sa composition.

 

Bernez Rouz - Keleier 66 - janvier 2011

 

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