Jean-Louis Morvan, un prêtre passionné du patrimoine religieux
Jean-Louis Morvan est né en 1920 à Kerbrat en Trégarantec dans le Nord-Finistère. Il a été recteur de la paroisse d'Ergué-Gabéric de 1969 à 1981. Il fut également l'artisan de la restauration de l'orgue de Dallam et du retable de Kerdévot, ce qui lui a valut le titre de Chevalier des Arts et des Lettres. Il vient de décéder, fin août 2006 à Quimper, à l'âge de 86 ans, après avoir été recteur de La Forêt-Fouesnant de 1981 à 1999. Depuis, il était en retraite à Pouldreuzic où il était aussi en charge de la paroisse.
Au cours des 12 années où il a exercé son ministère à Ergué-Gabéric, il a été à l'origine de nombreuses actions qui ont abouti à la rénovation et à la mise en valeur du patrimoine religieux gabéricois. Il écrivait beaucoup et, dans un propos développé dans le livre à l'occasion du Ve centenaire de la chapelle de Kerdévot en 1989, il résumait son action dans le titre : un recteur du 20e s face au trésor de sa paroisse ».
Le dossier transmis au Ministre de la Culture en 1980, qui a abouti à sa nomination de Chevalier des Arts et des Lettres en 1983, dresse les principaux chantiers auxquels Jean-louis MORVAN a été associé au cours de ses douze années gabéricoises, avec le Conseil municipal et le Conseil paroissial :
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La chapelle de Kerdévot réfection de la toiture de la chapelle et de la sacristie :
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Le retable de la chapelle de Kerdévot : après le vol de statuettes de 1973, le retable a été déposé chez M. HEMERY pour y être restauré. Il y est resté pendant six années et après de nombreuses tergiversations, le monument restauré à retrouvé sa place dans la chapelle. Et Jean-Louis MORVAN, avec Gusti HERVE, a réalisé un magnifique montage audiovisuel avec commentaire sur le retable.
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La chapelle de Saint-Guénolé que Jean-louis MORVAN appelait « le véritable petit bijou de campagne ». Elle tombait en ruines et, en 1974, le Conseil municipal avec l'aide des Beaux-Arts et du Conseil Général a décidé sa restauration : réfection de la toiture, lambris refaits et peints, remise en valeur des sablières et peinture, taille d'un autel en pierre...
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L'église Saint'Guinal du bourg fut l'objet de toutes ses attentions : réfection des peintures du retable du Rosaire, éclairage et mise en valeur de l'intérieur.
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L'orgue Dallam (datant de 1680),situé dans cette église baroissiale, classé en 1975, se trouvait au fond de celle-ci dans un état délabré. Jean-Louis Morvandécida de tout mettre en oeuvre pour que cet orgue soit rénové et on peut écrire qu'il remua ciel et terre par écrit et par oral pour que cette rénovation soit réalisée pour le tricentenaire de 1980: restauration à l'intégrale de l'instrument musical par M. RENAUD. facteur d'orgues à Nantes, reconstruction de la tribune d'orgue par des artisans locaux peinture du buffet de l'orgue par P. HEMERY du Faouôt. L'inauguration en grandes pompes, couplée à la première journée du patrimoine le 19 octobre 1980, reste encore dans la mémoire de nombreux Gabéricois
Au-delà de ces réalisations sur les monuments, Jean-Louis Morvan s'attachait à faire vivre sa paroisse (chorale, organisation de concerts), animation du patrimoine religieux à travers les offices bien sûr, mais aussi par le renouveau du pardon de Kerdévot. L'échange avec la paroisse allemande de St Martin d'Augsbourg fut aussi un moment fort au niveau culturel.
Jean-Louis Morvan était fier de cette mise en mouvement autour du patrimoine, il a été un ambassadeur d'Ergué-Gabéric au cours de ces douze années avec les montages audio-visuels, les nombreux articles qu'il écrivait, en particulier dans le bulletin municipal, et par les nombreux contacts qu'il établissait pour le rayonnement des monuments religieux.
Pour terminer, on peut reprendre ce que Jean-Louis Morvan écrivait dans la préface du livre du Ve centenaire de Kerdévot en 1989 : « des multitudes de souvenirs s'entremêlaient dans mon esprit souvenirs de mes 12 ans d'un ministère exaltant où j'étais souvent écartelé entre mes obligations pastorales dans une paroisse en pleine mutation et les richesses historiques et artistiques de la paroisse, toutes rongées par l'usure du temps et des intempéries, à qui il fallait à tout prix redonner vie ».
Ces 12 années d'intenses activités pour le patrimoine gabéricois se devaient d'être remémorées pour rendre hommage à Jean-Louis Morvan.
Arkae - Bulletin municipal d'Ergué-Gabéric n° 21 - septembre 2006
Suite...
Afin de compléter au mieux cette présentation de Jean-Louis Morvan, voici les principales dates qui ont marqué sa vie de prêtre :
· 1937 - baccalauréat au lycée St-François de Lesneven.
· 1937 - entrée au séminaire de Quimper
· 1940 - en juin se constitue prisonnier après 11 jours de mobilisation.
· 1945 - en avril libération et retour en Bretagne.
· 1947 - ordination de prêtre par Mgr Fauvel en la cathédrâle de Quimper.
· 1948 - nomination comme vicaire de Landudec
· 1951 - vicaire à Névez
· 1954 - vicaire au Pilier-Rouge à Brest
· 1966 - nomination comme recteur de Melgven
· 1969 - recteur d'Ergué-Gabéric
· 1981 - recteur de la Foret-Fouesnant
· 1999 - retraite active au presbytère de Pouldreuzic
Jeune prisonnier de guerre en Allemagne
Au début du conflit de 1940-1945, en France, Jean-Louis qui avait tout juste 20 ans, écrivait son journal sur des feuilles volantes et racontait sa courte mobilisation suivi de son expérience de K.G. (Kriegsgefangener), prisonnier en route vers le pays ennemi.
Là-bas en plein coeur de l'Allemagne, dans son premier camp de prisonnier à Limburg (Stalag XIIA), il les recopia dans un cahier de marque Schola, qu'il compléta les années suivantes de deux autres cahiers identiques. A son retour de captivité, sa soeur Elizabeth les recopia minutieusement sur deux cahiers à spirales.
Plus tard ces cahiers furent remaniés et repris au format A4 agrémentés de photographies prises en Allemagne et à son retour de captivité. Jean Cognard entreprit en 2002 la transcription du texte initial des cahiers à spirale et ce travail est téléchargeable sur le site Arkae.org.
Ce qui frappe le lecteur de ses cahiers, c'est la spontanéité du prisonnier, et la fraîcheur de ses observations. Il dit et écrit tout haut ce qu'il pense. Et de cette spontanéité on devine une grande humanité, un sens de l'amitié et de la fraternité entre les peuples. Il dut travailler dur dans les champs, lui l'intellectuel, et affronter les idées nazies de certains de ses patrons de ferme. Et il souffrit physiquement lorsqu'il dut travailler à l'usine IG Farben-Industrie Ludwigshafen où il devait porter des sacs de soude de 100kg.
Après sa libération et son retour, il y eut des prolongements heureux et positifs à sa période de captivité :
· Alors qu'il baptisait le fils d'un ami à Trier, il fut invité à visiter l'usine de Ludwigshafen par un dirigeant de la société BASF (ex IG Farben). Ce dernier le reçut ensuite à table comme "Ehre Gest" (invité d'honneur) et devant les cadres supérieurs de l'entreprise il relata toute son histoire.
· Son frère Jean-Marie fut prisonnier aussi en Allemagne. Mais contrairement à Jean-Louis il resta dans la même famille à Salgen et il sympathisa avec le fils jeune séminariste allemand du village bavarois. Ce jeune Anton Schaule fit la connaissance de Jean-Louis après-guerre et ils se consacrèrent à la lourde tâche de rapprochement des peuples français et allemands.
· En 1978, Jean-Louis suggéra à Anton de proposer à ses paroissiens de venir à Ergué-Gabéric. Ils hésitèrent car ils craignaient la rancœur de certains français, mais leur accueil fut très émouvant. La messe de réconciliation à la chapelle de Keranna fut poignante également. Et ce fut le début d'échanges entre la paroisse bretonne et celle de St-Martin d'Augsbourg.
La dette de la chapelle de Keranna
- La première tâche qui incomba à Jean-Louis à son arrivée à Ergué en 1969 fut purement administrative : la dette de la paroisse suite aux travaux de la chapelle de Keranna s'élevait à 25 millions de centimes. Il fallut beaucoup d'énergie pour obtenir des solutions de financement. En juillet 1970 il écrivait à son évêque : « En me nommant ici, voulait-on placer un prêtre ou un financier ? Cette année passée, j'ai surtout été financier ; j'ai dû chercher 6 millions, faire appel à la population, organiser une kermesse ... »
- Et dès 1971 il engagea le projet d'une salle paroissiale pour le quartier du Rouillen, ce grâce à un don Le Guay-Lassau. Mais l'évêché, ne voulant pas renouveler l'expérience de Keranna, veillait au grain, : « Notre préférence va à un équipement pastoral léger, répondant en priorité aux besoins actuels de la catéchèse des enfants et de l'A.C.E. et pouvant cependant servir aux réunions d'adultes. »
- En janvier 1980, dans le compte-rendu de la réunion du conseil paroissial, Jean-Louis put enfin crier victoire : « Pour la première fois depuis 1969, la paroisse n'a plus de dette. Celles de Keranna et de la salle du Rouillen sont règlées, et l'avoir de la paroisse est de 24903 F. »
Saccage et restauration du retable de Kerdévot
Entre-temps l'affaire du retable de Kerdévot causa bien des soucis au recteur gabéricois. Le 6 novembre 1973 cet ensemble unique d'origine anversoises et datant du 15e fut l'objet d'un cambriolage par le gang "spécialisé" Wan den Berghe de Bruxelles qui emportèrent six statues et saccagèrent une dizaine d'autres. Trois statues furent retrouvées six mois plus tard, mais les statues du tableau de la nativité sont encore manquantes aujourd'hui.
Suite au saccage, il fallut mettre à l'abri le chef d'oeuvre : d'abord dans le grenier du presbytère, puis dans la sacristie de Kerdévot, en enfin au musée de Quimper. Il fallut aussi répondre aux enquêtes de la police judiciaire et aux responsables des Beaux-Arts car le retable était classé.
En 1975, à force de démarches, le travail de restauration fit confié à Paul Hémery du Faouët qui sut redonner aux statues abîmées leur dorure et leur polychromie originelles. Et en 1979, Jean-Louis et Pierre Faucher, maire, décidèrent le rapatriement du retable à Ergué, car les décisions des instances parisienne tardaient à venir.
Ce jour-là, les services municipaux travaillèrent toute la journée à hisser le retable pesant une tonne et ils n'eurent pas le temps de poser la vitre blindée de protection contre de nouveaux cambrioleurs. Jean-Louis et Gusti Hervé de la commission diocésaine d'art sacré passèrent la nuit dans la chapelle et prirent des centaines de photos.
L’Orgue de Thomas Dallam en 1980
En 1971 on découvrit que cet orgue historique Dallam datant de 1680 avait été ignoré du classement des monuments historiques lors du dernier passage de la commission. Lorsque ce fut fait il fallut se battre contre les lourdeurs des administrations, valider les devis, obtenir des subventions, lancer les travaux de restauration sous l'égide de Jean Renaud de Nantes.
En 1978 Jean-Louis engagea une campagne auprès des entreprises pour collecter des fonds. Lorsqu'une société n'était pas assez généreuse il ne mâchait pas ses mots :
« Ce matin j'ai reçu une lettre de votre société avec un chèque de 100 francs libellé "pour vos orgues". Je me demande si vous avez compris le sens de ma démarche : versement d'une somme sur le 1/1000 du chiffre d'affaires destiné aux oeuvres, comme vous me l'aviez conseillé, me laissant espérer une somme assez forte en raison de la bonne marche de la société. »
Le coût total de l'opération fut de 294.000 francs. Et le budget, grâce aux dons et aux subventions, fut bouclé pour le grand jour de l'inauguration de l'orgue, le 19 octobre 1980, soit 300 ans après sa construction. Ce jour-là tout le monde ne put pénétrer dans l'église, et les organistes JA et S. Villard et M. Cocheril firent vibrer les coeurs en interprêtant du Couperin, Roberday, Purcell, Attaignant, Ximenez.
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Les contemporains de Jean-Louis ont pu remarquer qu'il avait un "sacré" caractère. Il était capable de s'emporter, et là on remarquait son bégaiement, mais il le regrettait toujours. Il était émotif. A la cérémonie de départ d'Ergué, il ne put prononcer son discours tant il pleurait d'émotion. Et la grande musique était son refuge et son remède pour affronter les difficultés.
Keleier Arkae 46 - septembre 2006
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