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Souvenirs de Jean Bernard, artisan-menuisier

 

L'apprentissage (1920-1935)

« Je suis né le 19 juin 1920 à Quénéac’h Daniel, en Ergué-Gabéric, et j’y ai vécu jusqu’en 1933, année où mes parents sont venus s’installer à Parc-Feunteun. J’ai deux frères.
A cette époque, il n’était pas question de scolarisation dès les deux ans, il fallait aller à pied à l’école. J’ai donc débuté à huit ans à l’école communale du Bourg, que j’ai quittée à quinze ans, le certificat d’études primaires en poche.
Mon père étant menuisier, j’ai démarré tout de suite avec lui mon apprentissage de charron-menuisier, m’initiant ainsi à tout travail du bois intéressant la campagne de cette époque. Je garde encore le souvenir de mes débuts à Kérourvois (près de Kerdévot).
Je me rappelle avoir vu mon père utiliser un tour à perche pour tourner du bois (toupies, petits manches…). J’entends encore ses conseils à mes débuts, et aussi son rire, alors que je n’avais pas parfaitement réalisé un objet. Je le vois aussi c’est sans doute un de mes plus anciens souvenirs- confectionner les fléaux pour le battage.
En 1950, je me marie et m’installe à Garsalec, presque en face de la forge Le Goff. J’y habite toujours. J’ai deux enfants, mais aucun n’a suivi les traces de leur père ni de leur grand-père. Je note cependant leur intérêt pour le travail du bois, et cela me fait plaisir .
 
 

Le bois : une véritable passion depuis 1935

Les premiers temps de mon activité, j’allais travailler à domicile, parfois à plusieurs kilomètres et par des chemins remplis d’eau en hiver, beaucoup de routes n’existant pas encore. Il fallait apporter les outils, tout le matériel, et le premier jour servait souvent au transport.
Chaque matin, j’arrivais avec de nouveaux outils, si bien qu’à la fin du chantier, je pouvais revenir avec près de 50 kg. sur le dos. Un soir, fatigué, j’arrivais près d’une rivière qu’il me fallait franchir sur un tronc d’arbre grossièrement équarri et glissant. J’ai cru que j’allais être bon pour un plongeon… Il y avait, c’est sûr, des jours plus difficiles.
Puis au bout des ans, je n’allais pratiquement plus à domicile, de nouvelles routes s’étant faites et l’automobile apparaissant. J’ai travaillé essentiellement sur la commune d’Ergué-Gabéric et, à l’occasion, un peu sur Elliant.
« Les premières années, je faisais tout ce qui accompagnait le travail et la vie à la campagne : harponnage, sciage, charrettes, barrières, brouettes, manches d’outils, râteaux, paniers, clayettes, ruches… C’était selon les besoins.
Puis la mécanisation s’est installée peu à peu. J’ai continué certaines de ces activités, mais comme je travaillais seul, j’ai du m’adapter et effectuer davantage de menuiserie de maison, des travaux de charpente, de restauration, et même, vers la fin de ma carrière, passer à d’autres travaux que je connaissais aussi : dallages, murs…
Ce détail va peut-être vous paraître incongru aujourd’hui, mais comme beaucoup d’artisans menuisiers de cette époque rurale, j’ai fait des cercueils, essentiellement pour le voisinage, les relations de proximité et de service étant alors bien plus fortes que de nos jours.
 
 

La fabrication d'une roue de charrettes

Le moyeu était soit en if, soit en acacia. Au départ, il était taillé grossièrement à la hache, puis mis dans un tour actionné à la main afin de le façonner. Il y avait 14 trous à percer pour les rayons taillés dans du chêne et de l’acacia, 7 pour chaque bois, et placés alternativement. Dans le milieu du moyeu, il y avait le coussinet en fonte, dans lequel s’emboîte l’essieu, qui n’était mis en place qu’après le ferrage de la roue.
Le moyeu, une fois fini, comportera 4 cercles en fer : les 2 du milieu étaient fixés en premier par le forgeron , puis les 2 autres seulement après le cerclage de la roue. Comme on le voit, les forgerons et les menuisiers exerçaient leur profession de manière complémentaire.
Quand le moyeu était revenu de la forge, et les rayons une fois taillés, il fallait faire bouillir le moyeu afin de pouvoir mettre les rayons en place. Un détail primordial à ne pas négliger : le rayon devait être mis un peu en biais, penché vers l’extérieur, sinon c’était la casse assurée : il ne faut pas oublier que les chemins, à cette époque, étaient souvent remplis d’ornières. Voilà pourquoi le rayon n’était pas posé droit.
Puis, pour poser les rayons, le compas était un outil précieux. C’était ensuite l’assemblage rayons-jante. La jante, en chêne, venait de plateaux coupés à la main. Elle prenait les rayons en sept endroits.
Une fois le tout assemblé, retour à la forge pour poser le cerclage, opération délicate nécessitant au moins trois personnes. Je crois que le cercle était un peu plus étroit que la roue, de 2 à 2 cm.1/2. Ce cercle devait être bien chauffé dans un feu, pour permettre sa dilatation, mais juste comme il le fallait. Sorti du feu avec de grosses pinces, il était posé sur la roue. C’était l’idéal s’il prenait bien sa place tout de suite. Le forgeron pouvait alors lui donner un coup de marteau en face de chaque rayon. Et il était très important de refroidir immédiatement le cercle en fer lorsqu’il était descendu sur la roue, sinon le feu prenait dans le bois. Cela se faisait en l’arrosant de seaux d’eau.
Je me rappelle d’un jour où il y avait 23 cercles à préparer. Pour être resté si longtemps auprès du feu, j’avais tous les poils des mains brûlés et je sentais le poulet rôti.
Pour préparer une paire de roues, il fallait environ une semaine. Le bois devait être bien sec. Il fallait 8 ans de séchage, sachant que le bois perd 1 cm. par an au séchage et qu’il fallait aboutir à une épaisseur de jante de 8 cm. La qualité du travail dépendait de tout cela.
Après avoir parlé longuement de la fabrication de la roue, il me faut, bien entendu, parler aussi des charrettes. En général, elles étaient faites en bois de châtaigner. Dans les fermes(du moins dans les plus conséquentes), il y avait souvent trois sortes de charrettes : la grande, la moyenne et la petite, chacune ayant son emploi.
La grande servait par exemple pour aller chercher du maërl à La Forêt-Fouesnant, le maërl servant d’amendement aux terres. La moyenne était utilisée pour les travaux courants (sortie du fumier…) et la plus petite convenait pour chercher la nourriture pour les animaux (trèfle, choux…). Je rappelle un fait de cette époque : les animaux avaient leur repas du matin avant les personnes, qui partaient à jeun couper et rentrer de quoi les nourrir.
 

Bois d'if mortel

Je pense pouvoir dire que je préférais travailler les bois durs, à savoir le chêne, l’if, le châtaignier, l’acacia...
Un souvenir me revient, concernant l’if : un moyeu en if avait été mis à bouillir dans de l’eau. Une fois cette eau refroidie, on l’avait utilisée pour la nourriture d’un porc. Le pauvre ! il en mourut ! L’if possède certains pouvoirs néfastes.
 
 

Retraite active depuis 1985

En 1985, à l’âge de 65 ans, j’ai pris ma retraite, faisant sans amertume le constat que les grandes entreprises remplaçaient peu à peu le petit artisan, et que divers autres matériaux se substituaient au bois : l’alu, le formica, le P.V.C. Le moment était donc bien venu de cesser mes activités.
Mais ce n’est pas pour autant que ma passion pour le bois m’a quitté. Il n’y a pas eu de jour où je ne fasse quelque bricolage dans mon atelier : jouets en bois, cannes, restauration, paniers…
J’avance vers mes 87 ans. Pour l’été 2007, je souhaite bien retrouver mon arbre, au marché de Kerdévot, soit 72 ans après mes débuts dans ce quartier qui m’a vu naître.
Prenez le temps de visiter le placître nouvellement replanté, et arrêtez-vous lorsque vous apercevrez un petit monsieur assis au fond de sa voiture, entouré de paniers en osier. Ce monsieur, c’est moi ».
 

Les fabrications ou réalisations en bois citées par Jean Bernard

  • Des barrières, faites en bois de châtaignier. Pour une bonne durée, il fallait bien les fixer, et ne pas les malmener. Dans une ferme, où ce n'était pas le cas, je devais en refaire chaque année une douzaine.
  • Des charrettes,
  • Du sciage, avec la scie de long,
  • Du harponnage
  • Des auges à cochons,
  • Des râteaux à foin, en noisetier et les dents en saule,
  • Des manches à outilsen bois de noisetier
  • Des clayettes, en bois de pin ou de sapin, jeme rappelle d’une commande de 300 clayettes pour une ferme où on faisait de la pomme de terre de sélection.
  • Des cannes, en bois de frêne, la poignée étant en If ou en buis,
  • Des barriques à restaurer. Parfois elles pouvaient servir de charnier. Le cerclage en fer ne résistait pas toujours au sel je devais le remplacer par un cerclage fait de bois de châtaignier, un bois de trois ans de pousse,
  • De la menuiserie de maison : des châssis de porte, des portes, des fenêtres, des tables, des chaises, des cloisons, des lits, des escaliers, des échelles, des sommiers,
  • Des meubles de cuisine ...
  • Des hangars,
  • Des paniers en osier. Je pense avoir fait mon premier panier vers mes 16-17 ans, et j'en fais encore !
  • Des ruches en paille (peu, uniquement pour moi-même).
  • Les ruches étaient faites de pailles de seigle cousues de ronces. Les ronces se ramassaient en hiver, après les gelées. Elles étaient coupées le plus loin possible, puis fendues en quatre et grattées pour en enlever le cœur, afin de garantir une bonne conservation.
  • Des ruches à cadres aussi.
 

Attention au bois d'if

Je pense pouvoir dire que je préférais travailler les bois durs, à savoir le chêne, l'if, le châtaignier, l'acacia.....
 
Un souvenir me revient, concernant l’if : un moyeu en if avait été mis à bouillir dans de l'eau. Une fois cette eau refroidie, on l'avait utilisée pour la nourriture d'un porc. Le pauvre ! Il en mourut ! L'if possède certains pouvoirs néfastes.
 
 

Connaissez-vous ces outils ?

Dans son atelier aux odeurs de sciure, au sol jonché de copeaux, devant différents boisen attente de création et d’innombrables outils, riche et chacun une histoire, je remarque une flamme pétiller dans les yeux malicieux du maître, et je m'en entends questionner : «  Et ça, tu connais ? »
Suit une longue liste de noms parmi lesquels beaucoup me sont étrangers,qui vient testermes connaissances. J’échappe à la note éliminatoire en reconnaissant  le marteau,la scie, les ciseaux à bois. A votre tour de tester vos connaissanceen décrivant la fonction des outils suivants :
  • Trusquin
  • Guillaume
  • Doucine
  • Plane
  • Varlope
  • Tarière
  • Bouvet
  • Vilebrequin
Est-ce vraiment si facile ?
 
Témoignage recueilli par Jacqueline Le Bihan - Keleier Arkae n° 50 décembre 2006

 

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Trésors d'archives > Souvenirs > Souvenirs d'une écolière pensionnaire (1917-1921)

Souvenirs d'une écolière pensionnaire (1917-1921)

 
Ce témoignage  a été recueilli auprès de Marie Gourmelen (Marie Roumégou) par Gaëlle Martin et Jacqueline Le Bihan dans le cadre de l'exposition présentée par Arkaé en juin 2004 : " Ergué-Gabéric et ses écoles ".
L'école  primaire des filles " Notre-Dame de Kerdévot " a été ouverte au Bourg de 1898 à 1963. Elle a disposé d'un pensionnat. Elle était tenue par la Congrégation des Filles du Saint-Esprit. Ses locaux ont été, après la fermeture, occupés par le C.A.T. " Les Papillons Blancs ", puis ont été transformés en " Résidence Bude-Stratton ".
 

1917 : " à l'école on priait pour les morts".

« Je suis entrée à l'école à l'âge de 9 ans, en septembre 1917. A cette époque, les enfants n'étaient pas scolarisés dès l'âge de leurs 2 ans comme aujourd'hui, et de plus, j'étais l'aînée, donc utile à la maison.
J'habitais à Kervéguen, ce qui fait que je fus mise en pension à l'école des filles du bourg : l'école Notre-Dame de Kerdévot.
Je suis allée à l'école en char à bancs avec mes affaires de pensionnaire : literie, vêtements… Je me rappelle que je disposais de quatre blouses d'écolière et que je faisais trois jours avec une blouse. Mes autres habits étaient de simples habits paysans : la jupe, le gilet, le corsage et les sabots.
J'ai démarré l'école alors que la première guerre mondiale faisait rage. Je me souviens qu'il y avait un service mortuaire toutes les semaines, et qu'à l'école on priait pour les morts, et pour que le conflit s'arrête.
J'ai trouvé que les bâtiments de l'école étaient grands par rapport à ceux de la maison.
 

"Je ne parlais que le breton".

Bien sûr, je ne parlais que le breton en y arrivant. L'apprentissage du français s'est  fait petit à petit. Pour moi, je n'ai pas de souvenir d'interdiction, de lutte, de punition contre l'usage du breton. Cela venait doucement : par exemple l'instituteur traduisait la date en breton, le catéchisme se faisait en breton, parfois les prières (le "je vous salue Marie") et on lisait la "Vie des Saints" en breton.

Il y avait deux classes, avec chacune deux divisions. La petite classe était dirigée par Sœur Yvonne et il y avait une salle spéciale pour apprendre à lire. La seconde classe était dirigée par Sœur Euphrasie, puis par Mademoiselle Monique, qui jouait du piano. Le matériel d'écolier était fourni par l'école.
        

Une journée bien chargée

La journée des pensionnaires commençait toujours ainsi : Sœur Félicienne réveillait le pensionnat par une phrase en latin. Les grandes étaient obligées de se rendre à la messe, qui durait 30 minutes et c'est seulement ensuite qu'elles pouvaient déjeuner. Le petit déjeuner se composait de café et de soupe. Mais il y avait plusieurs menus en fonction de l'argent laissé par les parents. Puis les filles allaient faire leur toilette et leur lit.
La rentrée en classe avait lieu à 9 heures, bien en rangs. On restait debout devant sa place et on disait la prière. La classe commençait par la récitation des leçons : géographie, histoire, poésie. Puis on passait à l'arithmétique. Ce que je préférais, c'était la dictée.
A la récréation, les filles sautaient à la corde, jouaient à la marelle, à "mouchig dall" (colin-maillard). Elles chantaient : "Dansons la capucine…", "La Mère Michel", "Savez-vous planter des choux ?", "Compagnons de la marjolaine", "En passant par la Lorraine…".
Avec des noix ou des haricots, selon la saison, on jouait à "glouc" : dans un trou, on disposait quelques noix ou haricots et on gardait le reste pour les lancer chacune à son tour : celle dont le projectile atteignait le trou remportait tous les haricots ou toutes les noix.
 

Menus ouvriers et menus paysans

Après l'Angelus de midi, on sortait de classe et on se rendait au réfectoire. Les repas des enfants des ouvriers de la Papeterie étaient payés par Bolloré. On appelait cela "la grande pension", car c'était un repas amélioré.. Pour le reste des enfants (dont moi), les sœurs préparaient une soupe de légumes. Elles y ajoutaient les morceaux de lard que les parents des pensionnaires avaient laissé pour leurs enfants. La ration impartie à chacun était identifiée grâce à une tige de métal fichée dans chaque morceau de lard. Ainsi, chaque fille se voyait servir la quantité de viande laissée par les parents. Ceux-ci laissaient aussi du pain, et une ration de beurre.
Les demi-pensionnaires apportaient le nécessaire, pour avoir un peu plus que la soupe aux légumes.
Il n'y avait pas de dessert.
 Vers 1920-1921, tous les jeudis, Sœur Cécilien préparait un ragoût de pommes de terre. C'est elle aussi qui a changé le système des fiches de métal dans les morceaux de viande : elle les marquait d'incisions différentes les unes des autres.
Au printemps, je me rappelle que je pouvais acheter de la salade aux sœurs ; il y avait un grand potager, et aussi un verger à l'école. Pour l'assaisonnement, on achetait du sucre en poudre à la Boulangerie Balès, et on mangeait les feuilles de salade ainsi, avec un peu de sucre.
 

"Jamais je n'ai eu le cafard"

Après le repas du soir, l'hiver, on faisait le tour de la cour en courant et en chantant pour se réchauffer. L'été, on faisait des jeux. Le jeudi soir était dévolu aux travaux manuels. J'ai ainsi fait des coiffes pour ma mère. J'ai aussi brodé une nappe pour le pain noir, qui reste en haut de la table à la campagne. J'ai bien sûr fait du tricot.
On allait se coucher à 21 heures, été comme hiver. Il n'y avait pas de toilette avant d'aller se coucher. Le dortoir n'était pas chauffé. Chaque fille avait deux couvertures et un édredon. Il n'y avait pas le droit de parler. Personne ne pleurait. Jamais je n'ai eu "le cafard". Je me rappelle quand même d'une fille qui avait fugué. Les maîtresses l'ont vigoureusement battue à son retour.
Le jour de congé, à cette époque, était le jeudi. L'après-midi était l'occasion d'une grande sortie : promenade sur toutes le routes d'Ergué-Gabéric, tout en chantant ou en discutant les unes avec les autres.
Mes parents venaient me voir le dimanche. C'est alors que se faisait le transfert des vêtements propres et sales. Ils me donnaient quelques sous. Et ainsi, le jeudi, je pouvais m'acheter des bonbons.
 

"Ainsi furent mes courtes années d'école".

J'ai quitté l'école à 13 ans et demi. Mon père était tombé malade. J'étais l'aînée. Je devais revenir aider à la maison. Je n'ai donc pas été au certificat d'études et ai ressenti de la tristesse en voyant les autres filles de ma classe y aller.
Ainsi furent mes courtes années d'école.
Mon école était ainsi… quand j'étais petite fille. »

Témoignage recueilli par Gaëlle Martin - Keleier Arkae n° 37, janvier 2005

Trésors d'archives > Souvenirs > A l'école publique de Lestonan dans les années 20

A l'école publique de Lestonan dans les années 20  

 
Lors des entretiens que nous accordent nos anciens sur la vie tout au long du XXe siècle à Ergué-Gabéric, nous ne manquons jamais de leur demander les contes, comptines, chansons dont ils se rappellent.
La chanson dont nous vous présentons le texte ci-dessous nous a été interprétée par Madame Marie-Anne Coatalem, de Stang Ven. Elle l’a apprise à l’école communale de Lestonan et se souvient de l’avoir chantée dans le cadre des épreuves du certificat d’études qu’elle a passé en 1928.  
 
Charpentier solide et hardi maçon
Bâtissez la maison, bâtissez la maison.
Coiffe-là de tuiles ou de fines ardoises
Couvreur que je vois si vaillant.
Citadine ou villageoise, 
Qu’elle ait un sourire accueillant.
Peintre fais la claire et jolie,
Ferme-la bien bon serrurier.
A vous tous adroits ouvriers,
Faites-en une œuvre accomplie.
Jardinier pare-la de fleurs, 
Achevez la maison de l’homme ô travailleurs (bis)  
 
 
Ecole Lestonan Filles bourg 1927Madame Coatalem est née en 1914 à Stang Ven. Ses parents étaient ouvriers-papetiers chez Bolloré. Elle a été scolarisée à l’école communale de Lestonan. C’était alors le seul établissement scolaire du quartier, puisque l’école privée ne verra le jour qu’en 1928.
Mmes Manach et Rolland s’occupaient des plus jeunes élèves, Mlles Dréau et Rannou assuraient la maternelle et la 2ème classe.Mme Lazou préparait la 1ère classe au certificat d’études.
 
Les conditions d’enseignement étaient loin d’être idéales : 103 élèves occupaient une même pièce, un rideau séparant simplement la première classe des autres, dont les effectifs se retrouvaient donc en commun. La cour plantée de tilleuls était agréable en été mais le sol en terre battue et aux nombreux nids de poules devenait très boueux en hiver. La cour restait cependant l’endroit idéal pour échanger dans un coin quelques mots en breton avec une amie complice et se reposer de l’usage du français ou encore, jouer au carré, à la balle, à la corde à sauter. 
Madame Coatalem se souvient des recommandations de l’institutrice pour le jour du certificat d’études : prendre un bain et mettre un sucre dans sa poche, pour parer à tout éventuel signe de faiblesse durant la longue journée d’épreuves. Madame Coatalem s’acquitta du bain réglementaire dans la lessiveuse, baignoire de l’époque.
Le matin du grand jour, elle revêtit son costume du dimanche. Avec les dix autres candidates au certificat d’études de cette année-là, elle partit dans le char à banc de M. Cariou de Munuguic. L’examen se déroulait à l’école Pasteur à Quimper. Les enfants avaient emmené leur casse-croûte pour le midi. Le soir, elles sont rentrées à Ergué-Gabéric avec un car de la société Mevellec. Neuf candidates, dont madame Coatalem, ont obtenu leur certificat d’études. 
L’obtention du certificat d’études était un honneur et l’instruction de la plupart des fillettes n’allait pas au-delà. L’institutrice de madame Coatalem aurait souhaité qu’elle intègre la sixième, à Quimperlé. Mais elle quitta l’école à l’âge de treize ans et demi. Elle travailla d’abord dans le cercle familial chez une sœur aînée, mère de deux enfants et bobineuse à la papeterie, puis chez son frère à la forge du Reunic, avant d’être employée dans différentes fermes.    
 
Photo : Fillettes à l'école publique de Lestonan vers 1927-28. 
 
 
 
 

Trésors d'archives > Souvenirs > Louise Kergourlay de Lost ar Gilleg

 Louise Kergourlay de Lost ar Gilleg

Souvenirs de Louise Kergourlay

 

" Habitant à Lost ar Guillec depuis un peu plus d’un an, j’ai souhaité mieux connaître ce hameau. Avec Isabelle Guégan, habitante des lieux, nous sommes allées interviewer Mme Louise Kergourlay.
Née à Lost ar Guillec en 1932, elle est actuellement religieuse à Sainte-Anne d’Auray où elle nous avait préparé un très chaleureux accueil. Qu’elle en soit ici remerciée. " 
 

Un trésor à Lost Ar Guillec ?

« La légende veut que le premier bâtiment encore existant de Lost ar Guillec était la maison d’un notaire qui y aurait caché un trésor. La mère de Louise l’avait connu avec un toit de chaume et l’on disait alors que, lorsqu’on le détruirait, on trouverait le trésor… Sans doute est-il très bien caché.
Dans « les aveux collectifs de Christophe Blohio, Françoise Le Roux, sa femme et Jehanne Kerguz, mère de cette dernière », en 1540, on apprend qu’il y avait déjà un bâtiment à Lost ar Guillec. Etant donné le style de cette maison (présence notamment d’une accolade au-dessus de la porte), on peut avancer qu’il s’agissait déjà de celle-ci. Entre temps et jusqu’à ce que le propriétaire actuel l’aménage, elle a servi de débarras, de crèche à cochons.
Entre cette maison et la grande maison (partie neuve actuelle), il y avait un hangar avec le pressoir à cidre ainsi que du bois. On faisait en effet du cidre à Lost ar Guillec où il y avait de nombreux pommiers et le grand-père Nédélec a d’ailleurs reçu des prix pour son cidre bouché.
En 1846, date que l’on peut lire au linteau d’une fenêtre de la grande maison, M. et Mme Laurent s’installèrent à Lost ar Guillec. Peut-être firent-ils construire la grande maison. Ils venaient d’une grande ferme, à environ deux kilomètres de la chapelle de Kerdévot. N’ayant pas d’enfant, ils décidèrent de venir vivre dans une ferme de plus petite taille. Au bout de quelques temps cependant, ils eurent trois filles. De ces trois filles, l’une alla s’installer à Mezanlez. La fille de celle-ci recevra Lost ar Guillec en dot : c’est la grand-mère de Louise. Quant à son grand-père Nédélec, il venait de Lezergué. 
Derrière la grande maison il y avait un appentis avec d’un côté la laiterie et de l’autre, dans une partie plus longue, un âtre surélevé avec deux galettières. C’est là que l’on faisait des crêpes en quantité lors du grand pardon de Kerdévot, quand toute la famille se retrouvait à Lost ar Guillec et à Kergamen (acheté par le grand-père Nédélec). 
 

L’arrivée de la fée électricité

Le grand-père Nédélec acheta le moulin afin d’agrandir sa propriété. A côté, il construisit une autre maison pour sa retraite. Vers 1942-43, alors que le père de Louise et son commis faisaient le tour des fermes pour prendre le grain et rendre le son, ils embarquèrent un homme qui traînait son vélo. Celui-ci leur demanda s’il y avait l’électricité au moulin, ce qui n’était pas le cas. Un peu plus tard il vint y installer l’électricité, ainsi qu’à Kergamen et même à Lost ar Guillec. Il y avait une dynamo et quand le moulin tournait, les accumulateurs se chargeaient et on avait donc de l’électricité. Ainsi, le moulin a permis à la famille d’être les premiers à avoir l’électricité, dans les environs. Lors du débarquement en Normandie, la famille n’avait pas fini de manger que tous les voisins venaient suivre les actualités à la maison. 
L’activité du moulin permettait aussi d’élever un nombre considérable de cochons à Kergamen, puisque le père de Louise prélevait un kilo par sac de son pour les nourrir. 
Le moulin est resté en fonction jusqu’en 1950 environ, période où le père de Louise a cessé l’activité.
 

Un vrai paradis  !

Archives Arkae Louise Kergourlay de Lost ar Gilleg

Là où se trouve actuellement la maison neuve, il y avait un jardin clos, « un vrai paradis ». On y trouvait des poires, des groseilles, des fraises, des groseilles à maquereaux, des fleurs, des légumes… Il y avait aussi du très beau raisin. La vigne s’étendait sur les façades des bâtiments et l’on peut encore en voir un petit bout sur la crèche accolée à la grande maison. Du cresson poussait dans la petite rigole qui partait de la fontaine. Au marché, on vendait tous ces produits, ainsi que les noix et les pommes à couteau qui avaient un bon succès, les lapins, les poules… Ces « milles petites choses » qui faisaient que la ferme tournait.
Tous les champs autour étaient très cultivés, même là où il y a actuellement les pins.
 
 

Un quartier très animé

Un petit sentier traversait la prairie derrière Lost ar Guillec. Il était si emprunté que jamais on n’aurait pu penser qu’il disparaîtrait. On allait de Lost ar Guillec à Kergamen par là. C’est aussi par là que ceux de Kernaou rejoignaient le Reunic, ainsi que ceux de Penmine, de Kerampeillet…
Le père de Louise avait aménagé la mare en face du moulin : il avait monté deux murs de chaque côté de la fontaine et adossé un toit en papier goudronné à la petite butte qui la surplombait. Les gens du quartier utilisaient ce lavoir couvert et durant le mois de janvier on l’invitait à prendre le café, en remerciement. Lui-même répondait aux invitations et il y avait comme cela un roulement pour s’inviter, lors du changement d’année.
A la forge du Reunic, on ferrait les chevaux, les roues des charrettes, on y trouvait également des machines à battre, etc. Pendant la guerre, le lundi matin surtout, les gens venaient apporter leur sac de blé au moulin. Et en attendant, ils allaient faire ferrer leur cheval chez le forgeron. Il y avait aussi un courtier en produits du sol et, plus loin sur la route, un cantonnier.
En ce lieu de passage qu’était le Reunic, on trouvait aussi un café-épicerie. La mère de Louise lui a raconté que les gens d’Elliant s’y arrêtaient pour se reposer et boire un café, en allant au marché de Quimper. On y organisait des repas de mariage, ainsi que les bals du 31 décembre, du petit pardon et du grand pardon de Kerdévot, les dimanches soirs. C’était très vivant. Au grand pardon, on rencontrait au bal du Reunic des personnes de toutes les communes alentours (Ergué-Armel, Elliant, Landudal).  »
Témoignage recueilli parAurélie le Déroff 
 
Voici retracé un morceau d’histoire de Lost ar Guillec, écho de cette vie dont est héritier le moindre de nos villages.
Et l’on ne vous a encore rien dit du « tonton russe », devenu précepteur des enfants du Tsar et qui possédait, dit-on, une rue entière à Saint-Petersbourg.
Le grand-père avait acheté Kergamen et quand sa fille Joséphine s’était mariée avec Monsieur Bacon de Kernaou on lui avait donné cette ferme. 
Marie-Louise, Joséphine et Marie-Jeanne sont restées.
Durant la jeunesse de Louise, Joséphine et Marie-Louise tenait la ferme de Kergamen. Un employé venait tous les jours du bourg pour y travailler. Puis elles sont venues à Lost ar Guillec et ce sont les Kergourlay qui se sont occupés de Kergamen jusqu’en 1963, qu’ils louaient à Joséphine, Kergamen étant un ferme plus importante (plus étendue, plus de bâtiments). Les grands parents, eux étaient au moulin.
Marie-Mouise et Joséphine s’occupaient du jardin, lorsque les Kergourlay sont partis à Kergamen. Elles l’aimaient beaucoup. Les deux tantes ont vécu avec leur mère jusqu’à son décès en 1949, dans la grande maison. Celle-ci était descendue du moulin après le décès de son mari.
Il y avait un petit pont. (la prairie du moulin)
De l’autre côté de la route, un petit champ fait aussi partie de la ferme de Lost ar Guillec. (Park Pont)
Plus haut, il y a aussi un peu de lande que Mezanlez avait donné dans la dote de leur fille, pour que Lost ar Guillec ait aussi un peu de lande, nécessaire à toute ferme autrefois.
L’étang sur la route de Mezanlez faisait partie du moulin. Il avait fallu faire des travaux pour que l’eau vienne l’alimenter. (elle a vu vider cet étang par 38 hommes).
Si l’on remonte dans le temps, Lost ar Guillec a peut-être été une fabrique de poterie gallo-romaine. En effet, lorsque tante Joséphine cultivait le petit jardin, elle trouvait beaucoup de poteries. La présence d’eau et de buis ainsi que l’intuition qu’une voie romaine devait passer à proximité, lui permettait d’arriver à cette conclusion.
Keleier Arkae - n° 26 février 2003
 

Trésors d'archives > Géographie > Terre d'argile et de potiers

Terre d'argile et de potiers

De l'argile aux potiers à Ergué-Gabéric

Il y aurait eu des potiers à Ergué-Gabéric. Où ? Quand ?
D’où provenait l’argile qu’ils utilisaient ? Qu’est-ce que nous en savons ?
 

Des terres louées pour en extraire de l’argile à potier

Un article signé Daniel Bernard, paru en 1923 dans le Bulletin de la Société Archéolo­gique du Finistère nous fait connaître trois documents qui évoquent des terres louées pour en extraire de l’argile à poterie :

Il y a d’abord cet aveu (ac­cord) établi en 1493 par Isa­belle de Lesmaès, veuve de Canévet de Kerfors, au béné­fice de Charles de Kerfors, son fils aîné, par lequel celui-ci re­çoit entre autres donations :
« item une migne (mine) de terre de laquelle on fait des potz, affermée anciennement aux po­tiers qui la tiennent, sçavoir Je­ han Le Dourgar, Jehan Guézennec, Geoffroy Poupon et Guion Le Baelegou, la somme de 10 livres monnoie pour chacun an, a estre poyez aud terme de la Sainct Michel ». On sait que Geoffroy Le Pou­pon habitait à Parc-al-land en 1498. Il n’est pas dit où se trouvent précisément ces terres louées à des potiers pour en extraire de l’argile. Elles re­lèvent du Manoir de Kerfort.
 
Un autre aveu, daté de 1634, évoque une autre transaction :
« la poterie dudict Ergué affer­mée à Vincent Legall et Yvon Le Galland, pour payer par an quarante huit livres tournois (monnaie frappée à Tours, et par la suite monnaie royale) et une charge de potz ».
 
Puis, en 1652, dans un aveu fourni par Guy Autret, Sieur de Missirien, pour Lezergué, il est question de « deux parées de terres froides ou grandes ga­rennes dans lesquelles on tire de l’ardille (argile) à faire des potz, affermées à plusieurs parti­culiers et pouvant valoir com­munes années cent livres et six charges de potz ».
 
Première conclusion que nous pouvons tirer de ces docu­ments : du XVe au XVIIe siècles, les nobles de Kerfort louent à des potiers des terres dont ceux-ci extraient de l’ar­gile pour leurs fabrications.
 
 

Des potiers recensés le long de la route Quimper­ Coray

En septembre 1794, Jacques Cambry, un lorientais deve­nu Commissaire des Sciences et des Arts, est chargé d’une mission dans le Finistère : il doit établir un rapport, qui se­ra publié en 1799 sous le titre Voyage dans le Finistère ou Etat de ce département en 1794-1795, sur les biens nationaux, les activités économiques, les coutumes... du département.
 
A Quimper, il s’attarde sur les faïenceries de Locmaria, et si­gnale entre autre chose : « J’ai parlé de la faïence de Locmaria ; il existe d’autres pe­tites manufactures de grosse po­terie et de vases de grès dans le même lieu, à Gabéric, à Ergué ».
 
Effectivement, le recense­ment de la population effectué en 1791, signalait quatre po­tiers sur la commune d’Ergué­Gabéric : à Bec-ar-Menez, à Kervinic, à Kervéguen et à Mes­naonic.
  • A Bec­ ar­ Menez c’est Yves Coatmen (42 ans) qui est installé comme potier avec sa famille. Mais les registres d’Etat-civil ne signalent aucun potier qui lui ait succédé, pas même parmi ses cinq fils.
  • A Kervinic, Louis Istin est présenté à la fois comme potier et cultivateur en 1790. Voilà quelqu’un qui est né à Elliant en 1749, a habité suc­cessivement Parc al land, puis Guilly-huec, et qui est donc en 1790 à Kervinic avec son fils âgé de 22 ans. Un autre fils, Louis, sera signalé comme « potier-cultivateur » en 1798 à Guilly-vian, puis, en 1842, à Kervernic. Mais aucun des deux fils de ce dernier n’est mentionné comme potier.
  • A Kervéguen, Alain Huitric, 37 ans, exerce comme potier avec sa femme, son fils et sa fille.
  • A Mesnaonic, on trouve Ma­thias Gourmelen (51 ans), sa femme et trois domestiques.
  • On ne trouve pas de potiers ni dans la descendance d’Alain Huitric (Kervéguen), ni dans celle de Mathias Gourmelen (Mesnaonic).
  • Par ailleurs, les registres d’Etat-­civil des années sui­vantes devraient, à travers les informations qu’ils nous donnent, nous permettre de sa­voir l’importance de la profes­sion, la localisation des potiers éventuellement la permanence de certaines familles de potiers. Ainsi, nous repérons :
  • Joseph Quiniou potier à Kervoréden, en 1808.
  • René Jean Lozach, cultiva­teur et potier à Kerouzoul en 1817.
  • Louis René Gourmelin, né en 1814 à Kerfeunteun, est potier à Garsalec en 1850 et en 1852.
  • François Laurent, né à Pluguffan, est indiqué potier à Kervernic en 1854, puis cultiva­teur en 1856 et 1857, au même endroit.
  • Jean Laurent Toussaint Caugant est « potier » à Garsa­lec, en 1864-1866, et sa femme également est dite « po­tière et ménagère ». Mais en 1868 et 1878, ils sont à Len­hesq.
Pour aucun d’entre eux, il n’est signalé que leur descen­dance ait poursuivi dans le même métier et, à fortiori, dans le même lieu.
Quelles hypothèses pouvons- nous dégager des observations ainsi faites après la Révolution ?
  • On peut être potier et cultiva­teur à la fois. Mais le plus sou­vent, c’est uniquement l’activité de potier qui est mentionnée, ce qui ne veut pas dire que celle-ci excluait un travail an­nexe de culture et d’élevage.
  • Seul sur quatre, le potier de Bec-ar-Menez est qualifié d’ « actif » en 1790, c’est-à­dire ayant des revenus suffi­sants pour le rendre imposable.
  • Le métier (perçu comme acti­vité principale) ne semble pas se transmettre souvent de père à fils. Par ailleurs les potiers et leur descendance ne semblent pas avoir été établis durable­ment dans le même village. Il s’agirait donc d’un artisanat aléatoire.
  • Cependant, les potiers sont habituellement installés dans les mêmes villages, situés de part et d’autre de l’axe routier Quimper-Coray, qui traverse la commune d’ouest en est en em­pruntant une ligne de crête.Cette zone d’implantation au­rait un lien direct avec la pré­sence d’argile dans ces lieux.


Localisation des dépôts d’argile à Ergué-­Gabéric

En effet, l’essentiel de ce sec­teur est constitué de granites et granodiorites d’âge hercynien (250 à 400 millions d’années) et de micaschistes briovériens (600-650 millions d’années) dans lesquels sont situés les ni­veaux argileux en alternance avec des niveaux de grès. La présence d’argile au lieu­dit « Garront Leston » au sud de Leston Vihan est signalée dans le compte-rendu du conseil municipal du 9 août 1840, relatif au projet de dépla­cement du Bourg vers Lesto­nan.
A ce compte-rendu sont jointes les observations de per­sonnes opposées au déplace­ment, qui décrivent cette garenne de Lestonan dans les termes suivants : « Le terrain sur lequel il est question de transporter le bourg est en entier composé d’une épaisse couche d’argile si compacte qu’il sert à la fabri­cation de la poterie... que le terrain étant assie sur argile à potrie et n’absorbant pas les eaux de pluie, est inon­dés tous les hyvers et présente pendant plusieurs mois de l’an­née l’aspect d’un véritable ma­rais ».
Aujourd’hui des traces de l’ex­ploitation d’argile peuvent être observées à Ty Poisson où, au milieu des bois, des trous de quelques mètres d’extension et d’un mètre de profondeur au maximum, remplis d’eau en hi­ver, attestent de ces anciens tra­vaux.
 

Formation et composi­tion de l’argile

Les argiles ou roches argi­leuses sont composées d’élé­ments provenant de l’altération mécanique ou chimique de roches préexistantes, telles que les granites, les gneiss ou schistes. Elles sont observées en amas sur leur lieu de formation, ou peuvent être transpor­tées par le vent ou l’eau, puis se déposent en couches épaisses et continues dans les formations sédimentaires
 
  • La kaolinite, de couleur blan­châtre, utilisée en céramique et en particulier dans la fabrication de la porcelaine. En Bretagne le kaolin est encore exploité à Berrien (Finistère) et à Ploemeur (Morbihan).
  • La montmorillonite, connue sous l’appellation de terre de Som ­ mière, qui est utilisée comme dé­tachant, ou comme bentonite employée dans l’industrie pétro­lière.
 
Ces minéraux ne se ren­contrent pas isolément, mais dans des roches composées de minéraux typiques des argiles et d’autres minéraux tels que du quartz, des oxydes de fer, du calcaire, des débris végétaux.
 

Utilisation de l’argile

L’argile est un des plus an­ciens matériaux utilisés par l’homme. Mélangée avec de l’eau, elle donne une pâte qui peut être facilement moulée ou mise en forme. Après cuisson, elle donne un objet résistant et imperméable, tels que les céra­miques et les porcelaines, mais aussi tuiles et briques.
L’argile exploitée à Ergué Ga­béric, appelée glaise ou terre glaise, est de couleur grise, ver­dâtre ou brune, à cause de la pré­sence d’oxydes de fer et autres détritus mélangés aux minéraux argileux. On ne connaît pas sur la commune de dépôt de kaolin permettant la fabrication de por­celaine.
A Ergué-Gabéric l’argile de­vait vraisemblablement être utilisée pour la fabrication d’objets en terre cuite tels que vases, plats, briques et tuiles, et par les enfants pour la fabrication de billes.
On connaît une autre utilisa­tion de ressources minérales ex­ploitées à Ergué Gabéric. La faïencerie Keraluc de Quimper a utilisé des feldspaths (miné­raux essentiels de la plupart des roches magmatiques et de cer­taines roches métamorphiques ; les feldspaths par altération peuvent former de la kaolinite) provenant d’Ergué Gabéric pour la décoration de ses grès. Le manque d’homogénéité et le coût de préparation de ces maté­riaux bruts pénalisèrent leur uti­lisation, qui fut remplacée dans les années 1960 par l’émail de grès uni.
Jean-René Blaise - Keleier Arkae n° 52 août 2007

Souvenirs d'enfance (années 1940-1950) d'André Le Bihan (né à Kervoreden)
 
« Etant né et ayant passé ma jeunesse à Kervoréden en Ergué-Gabéric, j’ai quelques souvenirs liés à l’argile (« pri prat »). En effet dans la petite vallée allant de Saint André vers Guily Vras, Kerouzel, Mu­nugic, c’était des terres froides (« ar yeun »). Il y avait un trou à « Parc Pen all » d’où on extrayait l’argile servant à boucher les trous dans l’aire à battre (« ar leur ») et dans la cuisine dont le sol était de terre bat­tue. Les enfants, pour s’amuser, confectionnaient des objets divers en argile et les faisaient cuire dans l’âtre du foyer qui servait pour la préparation de la nourriture des cochons « Loch ar poël ».

 

L’oncle Lanic, qui était bouilleur de cru, distillait certaines fois, selon ses pérégri­nations (aujourd’hui on dirait planning), dans une espèce de clairière appelée « Ty Poézen ». Je pense que ce nom avait un rapport avec la poterie, « poez ». C’était à coté de Pen Carn Lestonan, vers Kerouzel et Garsalec. J’allais le voir à son travail. Voir distiller, c’était toujours magnifique... ».
Les minéraux les plus com­muns dans les argiles sont : l’illite, la forme la plus ré­pandue, qui est utilisée dans la fa­brication des objets en terre cuite, principal constituant des ar­giles trouvées à Ergué Gabéric. »