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Le retable flamand de Kerdévot

 
Le retable flamand du XVe siècle est le joyau de la chapelle de Kerdévot.  Il n'en existe que deux en Bretagne celui de la cathédrale de Rennes et celui d'Ergué-Gabéric. Ce chef d'oeuvre a été étudié par Gildas Durand et photographié par l'Abbé Morvan lors du cinquième centenaire de la chapelle en 1989. Il a fait l'objet d'une publication Kerdévot 89 aujourd'hui épuisée.
Le retable de Kerdévot
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Photos : (à gauche) Le retable de Kerdévot (photo 1989).
(A droite) Le retable de Kerdévot surmontée de la statue de la Vierge Notre-Dame de Kerdévot (photo d'avant guerre 39-45).  Le retable a été déplacé en 1945.

 

Fiche signalétique

Dimensions 
Largeur : 310 cm au total, 100 cm pour un panneau
Hauteur : 170 cm au total, 85 cm pour un panneau
Materiau & technique
6 scènes sculptées en bois Ronde-brosse dorée, argentée, et polychromée.
Etat
Etat ancien : problablement en forme de T renversé. Les deux scènes latérales supérieures furent ajoutées au XVIIe siècle. Fort dégradé par des vols. Les lettres que portaient le Grand Prêtre de la Présentation et son acolyte, sur leur couvre-chef respectif, ont disparu lors de la «restauration». Les carnations des visages sont des exagérations naïfiantes. Classé Monument Historique le 14 juillet 1898 pour les parties originelles et le 23 juillet 1931 pour les partie modernes. Le 6 novembre 1973, 11 statues furent volées de l'ensemble, certaines sont retrouvées en avril 1974.
Datation & attribution
1480-1490, et ajouts du XVIIe siècle. Malines pour la huche ; Malines et Anvers pour les figures.
Bibliographie
Parmi une bibliographie assez vaste, retenons : Major FATY BSAF VIII 1880-81, 56-61 Abbe FAVE BSAF XXI, 1894, 102-108 JM ABGRALL BSAF XXI 1894,94-101 Gildas DURAND : thése de doctorat en Histoire de l'Art. Kerdevot 89, livre d'or du cinquième centenaire
 

La légende du retable

Jean-Marie Déguignet, dans ses Contes et légendes populaires de la Cornouaille bretonne, nous relate la légende :  
« Les deux plus grands miracles qu'on attribuait à cette Mère de Dieu [de Kerdévot] étaient d'abord d'avoir fait venir dans sa chapelle un grand tableau sculpté représentant toutes les aventures de son fils aîné, et d'avoir empêché durant le grand choléra d'Elliant, ar Vosen, la peste personnifiée, d'entrer dans sa paroisse. 
Le grand tableau avait été vu voguant au hasard sur un bateau plat dans la baie de Quimper. De loin, on le voyait briller au soleil et il paraissait tout en or, mais dès que l'on essayait de l'approcher il disparaissait. Tous les curés des paroisses environnantes étaient venus là en grande procession, essayant d'attirer à eux cette merveille mystérieuse. Mais toujours le tableau s'éloignait d'eux et s'évanouissait. Enfin, les curés d'Ergué-Gabéric après avoir été aussi au nom de leur saint patron Guinal songèrent à y retourner au nom de la Dame de Kerdévot. Cette fois, aussitôt que la procession arriva en vue de la baie, le tableau vint de lui-même au bord, et les curés et les assistants ne furent pas étonnés de voir là à côté d'eux une charette avec deux beaux boeufs attendant le tableau. 
On le chargea dans cette charette inconnue, et aussitôt les boeufs partirent et allèrent seuls et en droite ligne à Kerdévot où ils se placèrent avec leur grande merveille devant la grande porte d'entrée, pendant que les cloches s'étaient mises en branle toutes seules.
Ce tableau fut placé sur l'autel où il est encore aujourd'hui et au-dessus duquel dominait la Mam Doue devenue grâce à Pie IX, la vierge immaculée.  Les boeufs restèrent par là et les cultivateurs pouvaient les prendre quand ils voulaient pour travailler, mais à condition de ne les tenir que depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher.
Un jour un cultivateur, voulant achever une besogne quelconque, les garda après le coucher du soleil ; depuis, on ne les revit plus. On montre encore aujourd'hui deux auges en pierre dans lesquelles ces deux bonnes bêtes trouvaient toujours de l'eau à discrétion. »
 

Description des scènes

Le retable englobe six scènes, d'une iconographie cohérente.
Initialement, le retable se composait de quatre scènes :la Nativité ou Adoration des bergers, la Dormition de la Vierge, ses funérailles, son couronnement.
Vinrent s'ajouter à la forme originelle l'Adoration des Mages et une Présentation au Temple.
 
Arkae > Le retable de Kerdévot > Adoration des bergersNativité, Adoration des bergers
C'est le tableau qui a le plus souffert du vol de 1973.  Il avait été amputé de 5 statuettes. Celle de la Vierge, la plus belle de l'ensemble, les mains jointes, la tête penchée, contemple son fils étendu à terre sur un pan de son manteau. Ont encore été volées, puis retrouvées, les statuettes de St-Joseph, d'un joueur de cornemuse, d'une femme portant une lanterne. Le petit ange, volé lui aussi, a réintégré sa place. Dans l'arrière-plan, derrière une clôture en osier, un très bel ensemble de trois bergers contemplant la scène. A remarquer la naïveté de leurs traits et leur expression admirative. L'un deux joue de la musette. Un quatrième, encapuchonné, apparaît derrière une petite fenêtre. Le boeuf et l'âne jouent leurs rôles. La moitié de la scène est abritée par une toiture délabrée, la charpente à nu.  Photo détail  
 
Arkae > Le retable de Kerdévot > Dormition de la ViergeDormition de la Vierge
Marie est étendue sur sa couche, enveloppée dans son manteau, les bras croisés : à remarquer l'expression de sérénité, de paix, qui se dégage de ses yeux, restés ouverts. Trois statuettes volées, au devant de la scène, manquent à l'appel. L'absence de ces trois apôtres nuit à la profondeur de la scène. Derrière le lit funèbre sont groupés huit Apôtres dont trois portent des cierges, un au chevet, St-Jean, remarquable par sa jeunesse et sa chevelure blonde, St-Pierre revêtu d'une chape, empreint de gravité sereine. Tous contemplent Marie avec une expression de douleur immense, notamment St-Jean, l'Apôtre aux mains jointes et les deux qui s'essuient les yeux avec un pan de leur manteau. Deux petits anges, les mains jointes, vêtus de dalmatiques, planent dans les airs. Photo détail    
 
Arkae > retable de Kerdévot > Funérailles de la ViergeFunérailles de la Vierge
Deux apôtres portent respectueusement sur leurs épaules le brancard sur lequel repose le corps de la Vierge. Les dix autres, avec St-Jean en tête portant un cierge, forment un cortège plein de douleur. Trois soldats romains veulent s'opposer à la marche du cortège et portent une main sacrilège sur le brancard. Leurs mains se détachent de leurs bras et restent fixés au brancard qu'ils ont touché. On les voit, tombés à la renverse, se tordre de douleur. Cette légende, qui avait cours au Moyen-Age, est tirée des Evangiles apocryphes, et est également consignée dans le mystère breton du Trépas de Dame la Vierge Marie publié par M. de La Villemarqué, auteur du Barzaz BreizPhoto détail
 
Arkae > Le retable de Kerdévot > Couronnement de la ViergeCouronnement de la Vierge
C'est un tableau merveilleux dans sa composition, l'attitude des personnages, les visages empreints de majesté du Père éternel et du Fils, la sérénité du visage de Marie, la grâce juvénile des anges musiciens. Le Père a la tête couronnée et le Fils la poitrine nue où l'on voit la blessure de son côté. Sur ses pieds et ses mains sont dessinés les stigmates des clous du crucifiement. Devant eux est agenouillée la Vierge Marie, les mains jointes et la tête découverte ; ses vêtements amples s'étalent sur les marches du trône. Le Père et le Fils tiennent une couronne au-dessus de sa tête. Surplombant ces trois personnages, plane le Saint-Esprit sous la forme d'une colombe. De chaque côté du St-Esprit, deux anges portent la colonne de la flagellation et la croix de la Passion. De chaque côté de la scène, deux anges debout jouent du haut-bois et de la guitare ; deux autres assis jouent de la harpe et de l'orgue. Photo détail  
 
Arkae > Le retable de Kerdévot > Adoration des magesAdoration des Mages
Marie, debout dans l'étable, présente son Fils au-dessus de son berceau. A ses côtés St-Joseph. Devant eux se tient une délégation de Rois Mages dont deux ont disparu : ils étaient placés sur le devant de la scène et masquaient ainsi les pieds du troisième et des deux jeunes gens de leur suite, ce qui explique cette découpure à la scie de la partie postérieure de ces trois personnages. En arrière de la scène, à droite, deux hommes d'armes portent des hallebardes. L'un deux a la moustache et la mouche du temps de Louis XIII, ce qui peut servir à dater ce tableau. Photo détail  
 
Arkae > retable de Kerdévot > Presentation au TemplePrésentation au Temple
La Sainte-Vierge, en manches bouffantes, offre son enfant Jésus au-dessus d'une grande table couverte d'un tapis brodé. St-Joseph est derrière elle. Le grand prêtre Siméon contemple l'enfant, les mains jointes. Deux autres prêtres l'accompagnent. Un jeune lévite tient un cierge. Une servante porte sur la tête une corbeille contenant les deux colombes qui seront le prix du rachat de l'Enfant-Jésus. Une autre, à genoux, tient un grand vase contenant l'eau de la purification. Ces deux derniers personnages se retrouvent dans les sculptures des autels de Lampaul-Guimiliau et semblent sortir du même atelier. Photo détail  
 
 

Art des retabliers brabançons

Thème marial. Les scènes de l'Adoration des Bergers et de l'Adoration des Mages, ainsi que la Présentation ne contribuent guère à faire glisser le théme marial vers une histoire mixte qui serait ainsi et égalemet consacrée à l'Enfance du Christ.
En effet, la naissance de Jésus est, avant tout, l'une des Joies de Marie. Quand à la Présentation, c'est de celle da Vierge dont il s'agit, et non de celle de l'Enfant ; la Vierge est présentée au Temple quarante jours après la «Parturition», et la fête religieuse à laquelle correspond l'ancienne fête civile des «relevailles royales», est aussi appelée «Purification de la Vierge». Jeune femme prise parmi les femmes, elle était donc une mortelle avant d'être sanctifiée, quasi divinisée.
L'origine terrestre de la quasi-déesse est rappelée à Kerdevot par la figuration d'une pathétique veillée funéraire des apôtres au chevet de la Vierge. Comme l'on ne sait rien de la vie post-christique de la Vierge, mais seulement des circonstances de sa mort et de son ascension, sa «Dormition» est une des rares scènes de son histoire après la mort du Christ que les sculpteurs ont représentée.
 
Le chaud et le froid. Pour émouvoir, les retabliers jouent de toutes les techniques théâtrales de la mise en scène, de la "mise-en-scène" devrions-nous écrire. Notamment par une succession de scènes bien typées, de nature à solliciter des assentiments et des désaccords différenciés, et propres à narrer en faisant naître des sentiments contrastés, le Mystère de la vie de la Vierge tel qu'il est raconté à Kerdevot procède bien de l'art élaboré du théâtre médiéval de Mystéres. Tantôt la scéne est attendrissante, comme dans l'Adoration des Bergers, tantôt elle est révoltante, comme dans les Funérailles.
Dans le premier Joseph, humblement se décoiffe devant son fils, tandis que pour bercer le sommeil du nouveau-né les rudes Bergers commentent l'heureux événement avec force gesticulations et soufflent à perdre haleine dans leur instrument de musique.
D'autres, respectueusement et plus délicatement restent à l'écart, en dehors de la crèche. Généreusement, la sage-femme tient un fanal, à moins qu'il ne s'agisse de Salomé, s'émerveillant devant sa main reconstituée malgré son geste indiscret autant qu'impie, et que raconte l'apocryphe Pro-évangile de Jacques.
Un angelot guère plus grand que le Petit Jésus ne manque pas d'assister à la collective adoration, problablement dans l'attente impatiente de pouvoir jouer avec lui.
La scène des Funérailles, s'anime de sentiments autres. Le cortège funèbre à qui Jean ouvre le chemin en tenant la palme resplendissante est attaqué par des juifs aussi arrogants qu'incrédules. A la violence de leurs vilaines intentions, l'Esprit Saint oppose un cruel châtiment face auquel les armures des soudards sont bien peu de chose. Leurs mains se détachent des corps, et, nonobstant des souffrances atroces mais bien légitimées, restent collées au brancard mortuaire. Mais Jean ne reste pas insensible, et s'apprête, muni de la palme, à «marchander le rachat» au nom du Dieu magnanime et de la foi réconciliatrice.
Cette succession de chaud et de froid en des instantanés riches en détails fit le succès des rétables du Nord; celui de Kerdevot en est un exemple.
 
Figuration de l'espace. Comme dans l'art théâtral de la mise en scène, les retabliers surgérèrent la profondeur et l'éloignement des personnages par l'inclination du sol. Ceci permettait de présenter trés haut des scènes à être vues du bas, et de donner l'impression d'une succession de plans différents, seulement en étageant les divers acteurs d'une même scène sur le plan incliné : le plus haut figure alors le plus loin.
Ce n'est pas le cas à Kerdevot, sauf dans la scène supérieure du Couronnement de la Vierge. Non seulement la profondeur, mais aussi la largeur de l'espace-cadre d'une histoire, étaient soumises aux contraintes de la niche de chaque scène. A Kerdévot, le sculpteur a usé d'un stratagème beaucoup plus fréquent dans la peinture que dans la sculpture flamande pour augmenter la sensation de largeur.
Dans l'histoire de l' Adoration de Bergers, un intérieur, (celui de la crèche) est représenté dans l'intérieur (celui de la niche), de sorte que l'espace intermédiaire devient un extérieur. C'est là qu'est contraint de rester un berger, signalé par sa houlette.
Parfois, dans les scènes de parturition ou dormition, l'espace peut être dédoublé verticalement et non horizontalement, par un ciel-de-lit; ailleurs, ce peut être par un baldaquin (dans les comparutions), ou par une nature sauvage (dans les épiphanies).
La figuration de l'espace était donc, on le voit, une préocupation essentielle dans l'art du retable. Généralement dans les retables du Nord, une dentelle architecturale de dais d'une complexe technologie d'assemblage, plafonne la scène. Ces dais qui sacralisent par leur richesse, symbolisent peut-être aussi les cieux et à la fois la Providence supervisant toute scène terrestre.
On notera à Kerdevot, comme à l'accoutumée dans les retables brabançons, les contours des espaces de chaque niche. Cette dentelle n'a sans doute aucun rôle symbolique, mais tient bonne place dans l'arsenal des techniques à disposition du metteur-en-scène qu'est le sculpteur ... Coïncidant avec le plan-limite de chaque scène, délimitant l'espace-cadre de l'histoire contée d'avec le public, celui de la réalité, des spectateurs, des fidèles, la dentelle architecturale du devant des retables brabançons est encore assimiliable aux franges d'un rideau levé sur scène après les trois coups de bâton.
Ces résilles, que l'on remarque à peine dans le foisonnement général, montrent à elles seules la richesse du témoignage constitué par l'art de retabliers brabançons. Qui restera des heures devant le retable de Kerdevot y découvrira encore des aspects non remarqués lorsqu'il y repassera !    
 
Dossier de presse : La restauration du retable
 

Trésors d'archives > Dossiers > Pages littéraires sur Ergué-Gabéric

Sommaire
 

1. Le Stangala

- 1884 : Le Stangala d'Adolphe Paban

- 1880 : Les roses de Neaera d'Adolphe Paban

- 1868 : Au Stangala ( Anonyme), in L'éclaireur du Finistère du 16 décembre 1868)

2. Kerdevot
3. Poèmes de Gabéricois

- Poèmes des CM2 de l'école St Joseph de Lestonan (2001)

4. Proses de Gabéricois
5. E brezhoneg
 
 

Trésors d'archives > Politique > L'octroi à Ergué-Gabéric

L'octroi à Ergué-Gabéric

 
L’action des assemblées révolutionnaires, en matière de finances communales porte sur deux axes : instaurer de nouvelles ressources, dès lors que l’octroi est aboli, et restaurer le crédit des communes en assainissant leur situation financière et liquidant leurs dettes.
 
De fait, les solutions compensatrices prévoient d’attribuer aux communes une part des contributions nationales sous forme de « sous additionnels » aux contributions nationales foncières et mobilières (décret du 5-10 août 1791), mais ces mesures ne deviennent effectives que beaucoup plus tard. Longtemps, les seules ressources des communes seront les centimes additionnels (25 février 1791) à des contributions qu’on ne parvient ni à recouvrer, ni même à asseoir. Ce pourcentage des impôts publics réservé à la commune, consiste en un nombre de sous - fixé par acte législatif - à percevoir pour chaque commune. Leur création induit le principe de l’interdépendance de l’impôt communal avec l’impôt d’Etat et le budget de l’Etat règle désormais celui de la commune avec des bases d’imposition semblables.
 
Toutefois, les communes, durant la Révolution, ne percevront jamais cette nouvelle recette et pour beaucoup de communes, s’instaure une situation de faillite permanente pendant toute la période.
 
Côté dettes, quelques mesures sont prises pour aider les communes à les liquider. Dans cet esprit, en 1790, on accorde aux municipalités un bénéfice d’un seizième du prix des biens nationaux vendus par elles. Un an plus tard, l’Etat autorise les communes à vendre leurs biens patrimoniaux pour rembourser les dettes restantes et décide de prendre à sa charge le surplus si ces deux ressources n’étaient pas suffisantes. En pratique, aucune de ces mesures ne sera suffisante et les communes ne peuvent surmonter durablement la crise de leurs finances.
 
La séance du Conseil Municipal du 5 janvier 1792, à Quimper en est la parfaite illustration : « Vous savez, messieurs, que la suppression des octrois a privé la commune de tous les revenus, qui portaient cependant à 19 000 livres, ou environ ». Or, les solutions compensatrices ne parviennent pas à couvrir les charges. La situation, d’ailleurs, ne cesse de s’aggraver au fil des ans. La multiplication des fêtes nationales, le financement du secours aux indigents – en nombre croissant – les dépenses non compensées, la baisse des recettes, les dévaluations, entraînent la faillite de la municipalité.
Aussi, les demandes de rétablissement de l’octroi se font de plus en plus pressantes. Pour mieux les appuyer, le descriptif des situations les plus sordides se fait précis et imagé. Ainsi peut-on lire, à propos de l’hospice civil de Quimper, que l’on y a « pour toute nourriture, de la soupe de graisse avec du pain d’orge et de seigle ». Les employés communaux ont vu leur nombre réduit et leurs émoluments fondre. Les services les plus importants sont suspendus. Promenades publiques, pavés, places, pompes et seaux à incendie sont indigents. Les quais sont dans un tel état, les services de police, non salariés, donc, si négligents, les grillages si dégradés et les réverbères si peu entretenus que « tous les ans nous voyons se renouveler des accidents [...] cette année encore, nous avons eu la douleur de voir se noyer sept pères de famille... »
Suit la démonstration magistrale de l’utilité du rétablissement d’un octroi qui rapporterait 25 200,00 francs annuels, auxquels s’ajouteraient les centimes additionnels, le dixième des patentes portant à 1 300,00 francs. Le total produirait une somme de trente et un mille francs. « ce droit se payait avant la Révolution, pour ainsi dire sans s’en apercevoir, et sa perception se faisait à très peu de frais » [...] « Forcés de recourir à des taxes indirectes et locales, nous n’avons pas trouvé de projet plus sage ». Bien entendu, il est urgent et nécessaire que l’administration centrale du Finistère donne son accord à ce projet. (A.M.Q. 2 D 6)
 
La loi du 15 frimaire an VI divise les dépenses de la République en quatre classes : dépenses générales supportées par tous les Français, dépenses départementales, municipales de canton et communales.
Elle précise également les dépenses prises en charge par les communes : écoles primaires, gardes-champêtres, entretien du pavé. Des dépenses couvertes en partie par les centimes additionnels au principal de la contribution foncière et personnelle mobilière (principe du recours à la fiscalité directe par les communes) et en partie par le produit de la location des biens patrimoniaux, les revenus des bois communaux, le produit de la location des places dans les halles et marchés, rivières, ports et promenades publiques.
Désormais les recettes et les dépenses des communes sont définies, mais chacune d’elles est tenue d’envoyer à l’administration du département l’état de ses dépenses prévues pour y être examiné, arrêté, voire réduit.
Cette loi est complétée par celle du 11 frimaire an VII, qui énumère plus précisément les dépenses de la commune, pose le principe de l’autorisation par décret des impositions extraordinaires et les bases de la nouvelle législation des octrois, qui viennent d’être rétablis. Enfin la loi du 4 thermidor an X organise définitivement le mode d’établissement des budgets communaux.
 
Sous l’Empire, les finances municipales sont ponctionnées sur trois niveaux : les communes doivent désormais participer à l’entretien des casernes, de la garde nationale au traitement des préfets et aux dépenses du culte.
Des prélèvements sont opérés sur le produit de l’impôt municipal : 5 puis 10 %, en 1806, sur le produit net de l’octroi des villes de plus de 4 000 habitants pour le pain des troupes, puis suivent des prélèvements affectés au fonds de subvention des besoins du culte, au profit des invalides et au fonds commun affecté aux dépenses gouvernementales.
Enfin, la loi de finance du 13 mars 1813 affecte à l’Etat la propriété de tous les biens des communes, à l’exception des bois, des biens communaux proprement dits et du domaine public. En échange, la commune reçoit une rente calculée en proportion du revenu net qu’elle en aurait tiré.
 
La loi de 1837 accentuera la tutelle centrale et instaurera le principe de la division des dépenses communales en chapitres obligatoire et facultatif. Vingt et une dépenses obligatoires sont imposées à la commune, même si le conseil municipal refuse de les voter.


Cadre du nouvel octroi

L’octroi, taxe indirecte de consommation, rétabli au profit des communes, porte sur certaines denrées et certains objets. Progressivement rétabli dans les villes à partir de l’an VII, il devient obligatoire dans les villes qui n’ont pas de revenus suffisants pour financer les hospices civils dès l’an VIII
 
Avec le rétablissement des octrois, la fiscalité municipale retrouve le même visage que sous l’Ancien Régime puisqu’à nouveau l’impôt indirect prédomine dans les recettes.
 
La loi du 11 frimaire an VII prohibe la « taxation des denrées servant habituellement à la nourriture des hommes » (grains, farine, fruits, beurre, lait, légumes). Mais le changement d’habitudes alimentaires aidant, certaines denrées, devenues de consommation courante, sont cependant désormais taxés : la viande, le poisson, les boissons, les bois de chauffage.
 
A partir de 1816, les conseils municipaux décident entre quatre modes d’exploitation :
  • La régie directe : perception de l’octroi par des agents municipaux, pratiquée dans les grandes villes. Cependant, son coût ne cesse d’augmenter au cours du XIXe siècle, en même temps que s’accroît la charge salariale (10 à 20% du produit de l’octroi dans de nombreuses communes). Ce sera pourtant le mode d’exploitation choisi par Ergué-Gabéric.
  • La régie intéressée : le régisseur perçoit l’octroi moyennant un prix fixe et une part variable en fonction des frais de perception et des bénéfices réalisés.
  • Le bail à ferme : adjudication du produit de l’octroi moyennant un prix convenu. L’adjudication ne peut excéder trois ans et l’adjudicataire doit fournir un cautionnement.
  • L’abonnement avec la régie des contributions indirectes, laquelle perçoit l’octroi et en verse le montant dans la caisse municipale après déduction d’une remise proportionnelle et d’une somme fixe convenue par contrat et représentant les frais de perception. Ce mode de recouvrement se substitue peu à peu aux autres, en raison de l’économie que cela représente en frais de perception.d’Yves Le Gars, cabaretier rétif de Goëlet-Quéau, qui refuse de payer ses droits. Aussi, le 20 mars 1811, est–il décidé que soit mis brandon bas dans les 24 heures, s’il persiste dans son refus.
Ainsi Ergué-Gabéric arrive péniblement – financièrement parlant -, jusqu’à la date fatidique du 26 novembre 1837. Au cours de cette séance du conseil municipal, il faut bien constater que les recettes de la commune sont à peine suffisantes pour couvrir les dépenses ordinaires, lesquelles sont malgré tout nécessaires (réparations urgentes aux chemins, à l’église, au presbytère). Si la situation de délabrement décrite n’atteint pas les sommets de la relation des malheurs quimpérois en 1792, l’on n’en perçoit pas moins l’évident manque de ressources pour faire face aux dépenses. Aussi, en s’appuyant sur l’ordonnance royale du 9 décembre 1814, la loi du 11 frimaire an VII et celles des 24 avril 1806 et 28 avril 1816, le conseil demande-t-il, à l’unanimité, au Ministre de l’Intérieur, par l’intermédiaire du préfet, l’établissement de droits d’octrois dans la commune, sur les vins, eau de vie et liqueurs qui seront introduites dans la commune. Les droits fixés sont de 5 francs par hl. de vin et 10 francs par hl. d’eau de vie et liqueurs. Le mode de perception sera la régie principale, c’est-à-dire l’administration immédiate du maire.
 
L’introduction de l’octroi, dans la commune, révèle un souci économique certain. En effet, la délibération du 20 octobre 1839 est on ne peut plus claire à ce sujet : sans octroi, pas d’école primaire, non plus que de logement pour l’instituteur. Or, ce même local aurait pu servir avantageusement pour les réunions du conseil et la conservation des archives. Mais voilà que se dessine en outre un fort souci moral et sanitaire. Le conseil prend acte qu’il est impossible de recourir aux souscriptions volontaires une nouvelle fois. Le budget est insuffisant à couvrir les simples frais de la mairie. Pis que tout, il faut renoncer à tout espoir de créer les recours fondés jusqu’alors sur le droit d’octroi de la commune. Aussi ne peut-on que déplorer « avec tous les gens de bien, amis de l’ordre et de leur pays, qu’un rejet irrévocable et non motivé ait accueilli la demande qui avait été formée de l’établissement d’un octroi. Mesure d’autant plus nécessaire qu’en subvenant à une petite partie des besoins de la commune, elle pouvait faire diminuer le nombre de débits de boissons pernicieuses qui viennent s’établir chaque jour à la porte de chaque habitation de cultivateurs, pour porter des habitudes d’oisiveté, de désordre et d’immoralité. Et par suite, la misère et la dégradation physique et morale de la population ». Il est des discours qui se répètent inlassablement et laissent songeur-euse.
 
Toujours est-il que cela ressemble fort à une période durant laquelle la commune, aux abois, ne bénéficie plus d’octroi. Il n’y a rien d’étonnant, de ce fait, à ce que la situation financière de la commune ne s’améliore pas sensiblement. En 1847, la commune, déjà grevée d’impôts, ne peut plus créer d’autre imposition extraordinaire et demande au préfet l’autorisation de puiser dans ses réserves. Toutes les économies possibles sont réalisées, malgré l’obligation faite de procéder à un certain nombre de dépenses. En 1856 encore, la commune préfère continuer à payer une taxe pour l’instruction primaire plutôt que de construire une maison d’école, encore jugée inutile. Les centimes additionnels n’en finissent plus de s’additionner et la caisse de la commune est vide. Ce en quoi, soyons équitable, Ergué-Gabéric n’est pas une exception. En effet, le principal des quatre contributions directes, sur lequel portent les centimes communaux (foncier, portes et fenêtres, personnel-mobilier et patentes), demeure stationnaire dans les communes rurales et ce, quels que soient les progrès des cultures. Comme généralement – exception faite des différences provenant de la valeur du sol – il est en proportion du nombre d’hectares, son revenu dépend de l’étendue de la commune. Aussi ce système pénalise-t-il encore plus fortement les communes rurales de faible étendue. En revanche, les communes urbaines s’enrichissent.
 
Le 3 août 1856, le conseil se fait l’écho de l’urgence, pour la commune, de se créer des ressources extraordinaires, pour pourvoir aux réparations des chemins, à l’entretien du presbytère, à la construction du mur du cimetière, à l’entretien d’un cantonnier. La masse salariale commence à peser plus lourdement sur le budget. La création d’un octroi sur les boissons « enivrantes » est demandée à l’unanimité. Cet octroi pèsera sur le vin, le cidre, le poiré, l’hydromel, l’eau-de-vie, les liqueurs, importés dans la commune. Les aubergistes seront soumis aux mêmes droits pour les boissons fabriquées sur la commune. Enfin, la quotité des droits est fixée à 1,20 francs par hl. de vin, 50 centimes par hl. de cidre, de poiré, d’hydromel et 4 francs par hl. d’alcool et de liqueurs. Un an plus tard, le 14 juin 1857, le conseil fixe le taux de remise pour la perception de l’octroi à 10%.
 
Par la suite, le conseil, si fermement déterminé, en 1806, à en cesser la perception très rapidement, va demander régulièrement, tous les cinq ans, une prorogation de l’octroi. Ce qui ressemble à un abonnement. C’est le cas le 25 février 1866, le 19 mars 1876. Le budget étant tout aussi régulièrement déficitaire, le maire rappelle, le 14 mai 1882, que l’octroi prenant fin au 31 décembre de la même année, il serait urgent que le préfet prenne les mesures nécessaires pour qu’aucune interruption ne se produise dans la perception de ces taxes. La commune est dénuée de ressource, criblée de dettes, incapable de faire face aux dépenses. Si elle était privée de son octroi, l’on n’ose imaginer le gouffre dans lequel elle sombrerait. Aussi, le conseil « prie-t-il incessamment le gouvernement de vouloir bien proroger le tarif et le règlement de l’octroi ».
 
Mais le conseil municipal peut parfois se montrer un peu lent, malgré les impératifs. C’est ainsi que le 20 février 1887 le maire rappelle que l’autorisation de percevoir l’octroi dans la commune est expirée depuis le 31 décembre de l’année précédente. Le conseil délibère et, après avoir constaté que, comme à l’accoutumé, la commune est grevée de dettes et incapable de faire face à ses dépenses sans l’apport de l’octroi, en demande la prorogation pour cinq années. Cette prorogation sera ainsi demandée de cinq en cinq ans. En 1893, on se demande même si l’on ne va pas taxer le maërl importé de La Forêt. L’impopularité pressentie de la mesure, fait reculer le conseil.
 
En 1894, les frais de perception de l’octroi se montent à 10% des recettes ainsi rapportées. A partir de cette date, il semble que l’intérêt de cette taxe décroisse peu à peu. A l’occasion du 24 mai 1899 le conseil, vu la lettre préfectorale du 1er mars 1899 adopte le tarif maximum de la loi du 29 décembre 1897, réduisant les droits d’octroi sur les vins et cidres, et vote une taxe supplémentaire sur les alcools « forts » pour combler le déficit provenant des nouvelles dispositions de la loi. Un an plus tard, le 18 novembre, le conseil vote la suppression de l’octroi sur les « boissons hygiéniques » tels que cidres, vins, bières, et vote un droit de 6 à 9 francs par hl. sur les alcools. Cette mesure est applicable du 1er janvier 1900 au 31 décembre 1905 et, dans les faits, sera reconduite, avec une hausse régulière du prélèvement sur les alcools, jusqu’au 31 décembre 1921, date à partir de laquelle l’octroi disparaît du sol communal. Sans doute faudrait-il affiner cette affirmation, malheureusement nous manquons totalement de sources précises pour la période.
 
Au fil des ans, il aura été remplacé par de nouvelles créations, comme la taxe sur les chasses gardées, qui rapporte 2 francs à l’hectare et est instituée à compter du 1er janvier 1928. A partir du 1er janvier 1930, s’y ajoute une taxe sur les chiens : 5 francs par chien de garde, 10 francs par chien de chasse et 20 francs par chien d’agrément. Enfin, des demandes réitérées de multiplication des foires et marchés, sur lesquels on perçoit, là encore, des droits, sont autant de tentatives visant à compléter le dispositif.
 
Encore faut-il inscrire l’exemple d’Ergué-Gabéric dans le mouvement général qui se dessine en France et préciser que, depuis quelques années déjà, des critiques s’élevaient, à l’échelon national, tant de la part des économistes, que des socialistes, qui lui reprochent d’être économiquement inefficace et socialement injuste (J.-P. Brunet. Un demi siècle d’action municipale à Saint-Denis la Rouge, 1890-1939 ; Paris, 1981). Or, une suppression brutale aurait privé les communes d’une trop grande part de leurs recettes, ainsi que nous avons pu le voir plus haut. La loi du 29 décembre 1897 permit aux communes, sur simple autorisation préfectorale, de remplacer l’octroi, notamment sur les « boissons hygiéniques », par une élévation du droit d’octroi sur l’alcool, par des taxes municipales en addition des taxes d’Etat (sur les chevaux, voitures, billards, cercles, chiens....), par des licences municipales à la charge des débitants de boissons, 20 centimes additionnels de remplacement. En outre, les communes purent désormais percevoir une taxe sur la propriété foncière et sur les loyers, principalement.
 
Les résultats de cette loi demeurant limités il faudra cependant attendre la fin de la deuxième guerre mondiale pour voir la disparition définitive des octrois en France, même si ils sont supprimé dès novembre 1914 à Quimper et sept ans plus tard environ, à Ergué-Gabéric.
Nathalie CALVEZ

Sources :  
- Registres de délibération d’Ergué-Gabéric
- Exposition « Finances communales, finances publiques, de Philippe Le Bel à nos Jours » Volet local Quimper « de Jehan II à 1960 ». Le Grand XIXe siècle – Chapitre sur l’étude budgétaire assuré par Daniel Collet. Commissaire d’Exposition : Nathalie Calvez.
 
 
 

Trésors d'archives > Politique > Elections municipales sous la Vème République

Elections municipales d'Ergué-Gabéric sous la Ve République

 

1965
Résultats du premier tour (14 mars)
Inscrits 1712 / Exprimés 1447 
Liste sortante de Jean-Marie Puech (droite) : 21 élus  
 
1971
Résultats du premier tour (14 mars)
Inscrits 2083 / Exprimés 1710.
 
Liste d’entente menée par Jean-Marie Puech (droite) : 20 élus
Liste d’union de la gauche
0 Ballotage pour un siège  
 
Résultats du deuxième tour
Inscrits 2083 / Exprimés 1501  
Liste d’entente :  764  1 élu
Liste d’union de la gauche : 737
 
1977
Résultats du premier tour
Inscrits 2781 / Exprimés 2323  
Premier tour : Liste républicaine d’entente ouvrière et paysanne (droite) de 606 à 819 voix
Liste d’Union de la gauche de 849 à1280 voix
Liste d’entente pour l’avenir d’E-G (droite) de 388 à 747 voix  
Un élu au premier tour : Pierre Faucher (liste d’Union de la gauche)  
 
Résultats du second tour
Inscrits 2781 / Exprimés 2349  
Liste d’union de la gauche (de 1111 à 1403 voix)
Liste républicaine (de 912 à 1107 voix)  
La gauche remporte tous les sièges.  
   
Election partielle du 11 décembre 1977
Le tribunal administratif invalide l’élection de Jean Riou parce qu’il y avait deux beaux-frères sur la liste de gauche.
Hervé Riou (droite) est élu par 939 voix contre 489 à son adversaire Jean Tanneau (PCF).
 
Elections du 6 mars 1983
Inscrits 3855 Exprimés 3140  
Premier tour
Liste menée par Jean Le Reste (droite) 1514 voix (48,22 %)
Liste menée par Marcel Huitric (P.S) 1251 voix (39,84%) Liste menée par Michel Pustoc’h (PCF) 375 voix (11,94%)   Second tour
Liste Jean Le Reste (droite) 1678 voix (51,10%)   22 sièges
Liste Marcel Huitric (gauche-PS) 1606 voix (48,90% 7 sièges).
 
Elections du 12 mars 1989
Inscrits 4589 Exprimés 3695  
Liste « pour l’avenir d’Ergué-Gabéric » (Pierre Faucher-PS) 1850 voix (50,03%)  22 élus
Liste « E-G aujourd’hui et demain » (Jean Le Reste-droite) 1515 voix (41%) 6 élus.
Liste « Ergué-Démocratie » (R. Madec-PCF) 330 voix (8,93%) 1 élu.      
 
Elections du 11 juin 1995
Inscrits 5091 Exprimés 3846  
Liste « ensemble pour Ergué-Gabéric » (Pierre Faucher-PS ) : 1947 voix 50,62 %
Liste « Agir pour Ergué » (Hervé Herry-droite) : 1899 voix 49,38 %      
 
Elections du 11 mars 2001
Inscrits 5637 Exprimés 3839  
Liste Jean-Pierre Huitric (PS) 2183 voix (56,86 %)
Liste Jean-René Le Nir (droite)1656 voix (43,14%)      
 
Elections du 9 mars 2008
Premier tour
Inscrits 6001 / Exprimés 4307  
Liste Hervé Herry (DVD) 2040 voix (47,36%)
Liste Jean-Claude Pichon (U.G.) 1569 voix (36,43 %)
Liste Thierry Le Clec'h (LAUT) 698 voix (16,21%)  
Deuxième tour
Inscrits 6002 / Exprimés 4474
Liste Hervé Herry (DVD) (53,42%)
Liste Jean-Claude Pichon (U.G.) (34,80 %)
Liste Thierry Le Clec'h (LAUT) (11,78%).
 
 
 
 
 
 

Trésors d'archives > Politique > Pour une signalisation bilingue

Pour une signalisation bilingue

 
Comme beaucoup de communes, Ergué-Gabéric s’apprête à appliquer les principes du bilinguisme sur les panneaux de signalisation. Une première réunion avec un élu de Pluguffan a permis de s’informer sur la manière de procéder. Une commission a été mise en place comprenant des membres d’Arkae et de Brezhonegerien Leston’ pour faire un état des lieux et faire des propositions pour une politique rationnelle et progressive de mise en place d’une signalisation bilingue.
 
Photo : ces noms anciens porteurs d'histoire et d'identité nous viennent du Moyen-âge.
 
La dénomination publique des noms a un intérêt patrimonial capital. Ce sont ces noms anciens qui sont aujourd’hui porteurs d’histoire et les noms que nous mettons aujourd’hui à nos rues seront aussi les témoignages de notre époque : il faut donc les choisir avec soin, car c’est notre image que nous transmettons. Dans ce contexte, le bilinguisme a toute sa pertinence. Certes le nombre de bretonnants de naissance continue à décroître, mais, d’un autre côté, jamais l’attachement à notre langue ancestrale n’a été aussi fort, et, à l’image de la filière bilingue créée à Lestonan, le breton est langue d’avenir pour affirmer notre identité dans un monde qui perd peu à peu ses repères.
 
La situation linguistique des prochaines années semble se dessiner avec plus de netteté : la totalité de la population parlera le français, et ce sera la langue commune de notre société. A côté de cela une minorité non négligeable continuera à cultiver ses racines en utilisant le breton. L’objectif fixé par le Conseil Régional est de dix pour cent de la population. Enfin l’usage de l’anglais  ne fera que s’accentuer à l’heure de la mondialisation. Ergué accueille déjà plusieurs familles anglophones, ou mixtes, et la pratique du multilinguisme ne fera que s’accentuer.
 
Cette étude comprend trois volets :
  1. Les noms de lieux déjà existants.
  2. Les noms de rues déjà existants et à créer.
  3. Les dénominations à créer : signalisation routière et celle des bâtiments publics.
 
Les principes qui nous guident dans cette étude sur le bilinguisme sont simples :
  1. Respecter le legs de nos ancêtres en gardant les noms bretons qu’ils ont forgés depuis 1500 ans.
  2. Utiliser les formes bilingues quand il le faut.
  3. Donner la possibilité aux nouveaux apprenants de trouver dans la signalisation publique la marque forte de notre identité.
 
Une grande anarchie règne dans la toponymie d'Ergué-Gabéric à cause de la superposition de graphies anciennes ou fautives.
 
Les cadastres se contredisent, les cartes colportent des graphies parfois fantaisistes, le francisation se fait bizarrement : 
 
 
Breton du moyen âge :panneaux lieux-dits
  • Ty : aujourd’hui on écrit ti.
  • Parc : aujourd’hui on écrit Park.
  • Creac’h : aujourd’hui Krec’h.
Graphie du cadastre de 1836 : 
  • Croas ar gac : aujourd’hui on écrit Kroaz ar Gag.
Des noms ont été traduits en français : 
  • Ar sal C’hlas  devenu Salverte puis Salleverte.
  • Ar groaz ru devenu La croix rouge.
  • Meilh Jet devenu Moulin du Jet.
Certains noms ont subi une francisation orthographique :
  • Lenn hesk est devenu lenhesq.
  • Kersaoz est devenu Kersaux.
  • Kerfor est devenu Kerfort.
 
Certains noms ont été altérés par l’anglais :
  • Trolann devenu Troland ( il n’y a aucune raison de mettre un d comme dans l' anglais Land qui signifie « terre »).
  • Parc ar land : on devrait écrire Park al Lann (du breton Lann : ajonc).

D’autres sont écrits dans une orthographe qui n’a aucun fondement :

  • Kerhô : il n’y a aucune raison de mettre un accent circonflexe.

D’autres ont subi une bretonnisation mal aboutie :

  • Gars Haleg, Gars Halec, Garsalec : aujourd’hui on écrit en breton Garzhaleg, qui signifie Haie de Saules.
  • Hent ar troland vian : on devrait écrire Hent Trolann Vihan.
 
Les noms de rue les plus récents sont en français pour la plupart, mais on trouve beaucoup d’exemples mixtes français-breton : 
  • Allée Izella : on devrait écrire Ale Izelañ.
  • Avenue Per Jakez Helias : le vrai nom d’état civil est Pierre-Jakez Hélias ; si on le met en breton : Per-Jakez Helias, ne devrait-on pas mettre la pancarte en bilingue : Bali Per-Jakez Helias et Avenue Pierre-Jakez Hélias.
  • Angéla Duval : ou bien on met Anjela Duval qui est son nom de plume en breton ou Angèle Duval qui est son nom d’état civil     …/...
 
La totalité de la population d’Ergué parle le français. Un bon pourcentage connaît et pratique le breton. Le breton petit à petit acquiert une reconnaissance par les institutions. Il s’agit d’en tenir compte. De plus l’internationalisation des échanges implique qu’on fasse simple mais aussi enraciné. Il faut :
  • Tenir compte du patrimoine. Le nom c’est un patrimoine qu’on transmet. Avant toute dénomination il faut vérifier qu’un nom original ne disparaisse pas de la mémoire collective.
  • Eviter la banlieuisation d’Ergué. Evitons les noms qu’on trouve dans les pourtours de grandes villes où il faut baptiser à la va-vite des quartiers entiers de noms de fleurs, d’arbres, d’écrivains de peintres qui n’ont rien à voir avec la réalité locale.
  • Mettre en valeur nos hommes illustres.  Il est anormal de n’avoir pas à Ergué des rues Yves Cabellic, Guy Autret, Mgr de la Marche,
 

 

Quelques exemples :

 
Cleuyou(1834). Ce lieu-dit est prononcé localement /kleuyou/. L’éthymologie est claire : il s’agit du mot Kleuziou, Talus (le /Z/ entre deux voyelles ne se prononce pas en Cornouaille). Nous préconisons donc l’écriture Kleuyou.
 
Griffonès : Les formes anciennes sont : Griffonez (1426), Griffones (1475), Griffonnes (1536), Grifones (1680). Le problème à résoudre est d’écrire avec un ou deux /F/, un ou deux /N/ et d’écrire avec un /S/ ou un /Z/ à la fin du mot. Le mot vient de Grifon, animal fantastique du moyen âge, sans doute le célèbre dragon de la légende du Stangala. L’éthymologie, la prononciation et l’écriture du breton moderne convergent pour une écriture stabilisée : Grifonez.
 
Lestonan : Les formes anciennes sont Lesdonan (1540), Lestonnan (1540), Lesthonan (1678), Lestonnant (1678), Lestonan (1685). L’éthymologie du nom est donnée par la plus ancienne forme du nom Lez –Donan, qui peut se traduire par la cour (Lez) d’un petit noble rural dénommé Donan. Mais la prononciation de Lez renforce le D en T, et l’accent tonique très fort sur l’avant dernière syllabe sur le /To/ de Tonan renforce le Z en S. Celle ci d’ailleurs accentue tellement l’avant dernière syllabe que la dernière ne s’entend plus. On dit /Leston’/, comme on dit chez nous /bar/ au lieu de bara. C’est la conséquence de notre accentuation.

On peut donc garder la graphie actuelle Lestonan qui sans dénaturer l’origine du mot, tient compte de la prononciation locale.
Bernez Rouz