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Guerre 39-45. Les morts pour la France

ERGUE-GABERIC DANS LA GUERRE 1939 – 1945

 

23 "MORTS POUR LA FRANCE"?

Nous savons que pour une commune comme Ergué-Gabéric, le nombre de soldats et civils décédés pour faits de guerre à l'occasion de la Deuxième Guerre Mondiale est bien moins important que celui des victimes de la Première Guerre Mondiale. 
Nous avons voulu en établir une liste, sans doute incomplète, à partir des noms figurant au Monument aux Morts, des mentions portées au Registre des décès de la commune ou d'autres sources encore. Ce n'est pas une liste fermée : elle demande à se compléter.
Le lien avec la commune peut varier (né ou non à Ergué, habitant ou non à Ergué à la mobilisation, inhumé ou non à Ergué…), ce qui donne des listes différentes. Nous optons plutôt pour une liste large.
Ce qui nous importe, c'est, au-delà d'informations de type administratif un peu froides, de pouvoir dire un peu dans quelles circonstances chacun de ces jeunes hommes a vécu son drame. Il n'est que justice que cela se sache, à cause du respect que nous leur devons.
 

6 soldats morts à l'occasion ou à la suite des combats de 1940

  • Corentin Youinou, de l'Hôtel, décédé le 11 mai 1940 à Rombas (une dizaine de kilomètres au N.O. de Metz). Il était soldat de 2ème classe et appartenait à un escadron motorisé (22ème GRCA). Il avait 30 ans (né le 26 novembre 1909).
  • Jean Lazou, instituteur à Lestonan. Capitaine au 337ème Régiment d'Infanterie. décédé le 15 mai 1940 à Moncornet dans l'Aisne, à 32 km au N.O. de Laon. Il aurait été tué en tentant de ramener dans les lignes françaises un soldat blessé. Il allait avoir 45 ans (né le 29 juillet 1895 à Plougasnou). Son épouse poursuivra son travail d'institutrice à Lestonan, après avoir subi un long emprisonnement pour faits de résistance.
  • Jérôme Daoudal, de Troland, décédé le 23 mai 1940 à Blessy, dans le Pas-de-Calais (près d'Aire). Il avait 25 ans (né le 4 janvier 1914) et était soldat au 48ème Régiment d'infanterie (mobilisé à Landerneau). Célibataire.
  • Auguste Tanguy. Né à Kerfeunteun le 28 janvier 1910. Ses grands-parents ont habité près du Moulin de Pont-Marc'had. Sa famille était avant la guerre au Castel. Lui-même et son épouse (Catherine Bernard, née à Ergué-Gaberic, fille de Mathias et de Chan Louët) habitaient Ty Névez Meil Pennarun (en Ergué-Armel). Soldat de 1ère classe au 21ème Bataillon du 23ème Régiment d'Infanterie Coloniale, il est décédé "accidentellement" à l'âge de 30 ans le 8 juin 1940 à Fouchères, dans l'Aube, où il a d'abord  été inhumé. Puis son corps a été transféré au cimetière national de la Ferme de SUIPPES, dans la Marne, où il se trouve toujours.
  • François Gourmelen, de Kervéguen, décédé le 24 octobre 1940 à l'Hôpital de Roquefraîche, à Lauris, dans le Vaucluse. Il avait 24 ans (né le 25 mars 1916). Soldat de 2ème classe au 22ème RIC. Célibataire. Il avait été victime d'une pneumonie au cours des combats précédant la signature de l'armistice. Replié dans le sud de la France pour être soigné, il y est mort en octobre des suites de sa maladie.
  • Hervé Laurent, de Lestonan, papetier, né à Ergué-Armel le 20 mai 1911, décédé à son domicile à Ker-Anna le 20 mars 1941  Lors de l'encerclement des Troupes Françaises à Dunkerque, il fut naufragé en tentant de rejoindre l'Angleterre. Il aurait contracté une tuberculose, dont il mourut après avoir été rapatrié.
 
2 combattants morts en 1943 hors de France
  • Hervé Peron, de Stang Ven, décédé le 11 septembre 1943 à l'Hôpital Principal de Dakar (Sénégal). Il était soldat de 1ère classe au 7ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais. 25 ans.
  • Eugène Laurent, du bourg, décédé dans un accident d'aviation à Rayack, au Liban, le 13 octobre 1943. Il était adjudant au groupe de bombardement n° 9 "Bretagne", dans une fonction de mécanicien-avion navigant. Il est inhumé au cimetière français de Rayack. Il avait 27 ans (né le 5 avril 1916). Célibataire.
 
3 civils morts en 1944
  • François Louet, de Lestonan, né à Langolen le 15 juillet 1896 (donc près de 47 ans). Déclaré au registre des décès comme décédé à  la gare de Quimper le 1er juin 1944. En réalité, il est mort sur le territoire de la commune de Quéméneven. Le 1er juin, François Louët, qui était employé dans une entreprise de travaux publics de Quimper, rentrait dans un train de voyageurs avec ses collègues de travail d'un chantier de remise en état, aux environs de Pont-de-Buis, pour lequel son entreprise avait été réquisitionnée par les Allemands. Le train a été pris en enfilade par un mitraillage de la R.A.F. (aviation anglaise) à la sortie de Chateaulin, en direction de Quéméneven; il a été immobilisé, mais la locomotive a pu repartir et conduire les wagons jusqu'en gare de Quimper, où le décès de François Louët a été constaté. Ce fut le seul décès.
  • Jacques Le Mouel, né le 24 juillet 1924 à Lorient. Célibataire. Domicilié au Bourg. Décédé à l'Hôpital de Quimper (3, rue de l'Hospice) le 26 juin 1944, à 14 heures. Il n'avait donc pas 20 ans. Le recteur Gustave Guéguen mentionne dans son Journal à la date du dimanche 25 juin 1944 : "Un jeune réfugié de Lorient Jacques Le Mouël a été affreusement blessé par une grenade au Ruillen à quelques mètres plus bas que la maison André sur la route de Squividan. Diverses versions : il s'amusait avec cette grenade avec d'autres compagnons comme avec une balle… Il a voulu éviter que des jeunes enfants la touchent ??? En fait il a eu la main emportée, les poumons perforés. Transporté à l'hôpital, on lui a amputé la main sans l'endormir ; il est mort lundi à 13 heures et a été enterré le surlendemain".
  • Jean-Louis Le Meur, agriculteur à Kervernic. Décédé le 8 Aout 1944, avenue de Kergoat-al-lez, à Quimper. Il était né à La Forêt-Fouesnant le 24 mai 1907 et avait donc 37 ans. Epoux de Marie Françoise Gourmelen et père d'une petite fille de 8 ans. Il a été tué le 8 Août 1944 comme otage par les Allemands qui cherchaient à se replier à partir de Concarneau et avaient à traverser Quimper déjà occupée par la Résistance. Il était allé à vélo à Ty-Bos dans sa parenté demander un coup de main pour la moisson  Il a été pris pour être placé devant le convoi allemand, de façon à pouvoir être abattu par eux à la moindre manifestation d' hostilité rencontrée. C'est ce qui arriva au niveau de Kergoat-al-Lez.
 
1 soldat de la France Libre mort après le Débarquement de Normandie en 1944.
  • Jean Berri, (figure sur le Monument aux morts, mais pas au Registre des décès d'Ergué-Gabéric). Né le 24 mars 1921 à Quimperlé. Etudes de technicien à l'Ecole Bréguet, à Paris, qu'il quitte en février 1943 pour entrer clandestinement en Espagne. Interné à Gijon. Rejoint le Portugal mi-juillet, s'embarque pour Casablanca où il est affecté à une compagnie d'instruction pendant quelques mois. Rejoint ensuite l'Angleterre. Participe au Débarquement en Normandie. Tué à Ducey le 7 Août 1944, dans la percée d'Avranches, aux commandes d'un char.
 
3 résistants meurent en 1944 et 1945.
  • François Bales, boulanger au bourg, tombé le 29 août 1944 dans les combats du Ménez-Hom (Côte 163, commune de Plomodiern). Il était né le 25 mars 1921 et avait donc 23 ans. Engagé dès 1942 dans le réseau "Georges-France" dirigé localement par Madame Le Bail, puis dans le Mouvement "Libération-Nord", c'est lui qui a constitué et dirigé le groupe de 4 jeunes d'Ergué (Jean Le Corre, Hervé Bénéat et Pierre Le Moigne et lui-même) qui ont participé au cambriolage des bureaux du S.T.O. le 14 janvier 1944 à Quimper, puis à la destruction par le feu, dans son fournil au bourg, des dossiers des jeunes finistériens désignés pour le travail obligatoire en Allemagne. Recherché par la Gestapo, il dut se cacher pendant 6 mois jusqu'à la Libération de Quimper. Il participa notamment aux combats de la Route de Brest comme soldat au Corps Franc du commandement des FFI de Quimper.
  • Yves Benoit, appelé Yvon, tué moins d'une semaine après François Balès, à Telgruc, le 3 septembre 1944, à l'occasion du bombardement par l'Aviation alliée, du bourg de Telgruc que celle-ci croyait encore occupé par les Allemands. Yvon avait 23 ans et demi. Né à Landudal le 20 janvier 1921. Commis de ferme employé et domicilié à Kervoréden, (sa mère, qui était veuve, habitait à Ty-Névez Kernaon). Il était soldat des Forces Françaises de l'Intérieur et participait aux combats autour de la presqu'île de Crozon.
  • Hervé Beneat était né le 4 septembre 1923 et était le plus jeune des 4 participants gabéricois au "coup" du S.T.O. Il était élève-maître au lycée de la Tour d'Auvergne. Orphelin de père et de mère, il avait habité à la Croix Saint André jusqu'au décès de sa grand'mère. Puis il était alors venu habiter au bourg, chez son demi-frère Jean-Louis Thomas. Arrêté dès le 17 janvier 1944, il est déporté et arrive au camp de concentration de Neuengamme le 31 juillet suivant. Il atteindra l'extrême limite de ses forces le 24 avril 1945, au kommando détaché à Wöbbelin. Jean Le Corre, présent avec lui à Neuengamme, l'a vu pour la dernière fois fin février 1945 alors que lui-même partait pour le kommando de Soest. Le matin du 24 avril, Jean Boissel l'avait vu à Wöbbelin, incapable de se lever et d'aller au travail. Le soir, il était mort.
 
1 prisonnier de guerre meurt en captivité en Allemagne en janvier 1945
  • Alain Le Grand, de Kerroué, né le 23 février 1920, dernier d'une famille de 12 enfants, mobilisé à Vannes comme soldat au 35ème Régiment d'Artillerie. Fait prisonnier avant même d'avoir reçu son paquetage. A souffert de privations lors de son transfert en Allemagne. Placé dans une ferme pour y travailler. A contracté une furonculose qui n'a pas été soignée. Est mort à Helmstadt (Allemagne) le 14 janvier 1945. D'abord enterré dans le caveau familial des fermiers allemands. Corps rapatrié  par la suite au cimetière d'Ergué-Gabéric.
 
1 autre décès en mer (avril 1945) :
  • Michel Le Cam, domicilié au bas du Bourg avant son embarquement. Il est décédé le 2 avril 1945 à bord du vapeur "Paul de Rousiers", armé à Oran. Il était né le 7 novembre 1917 à Ergué-Gabéric. Il était second-maître armurier.
 
Enfin 4 blessés, qui décéderont à leur domicile des suites de leurs blessures :
  • Sébastien Gouez, (ou Le Gouez) est décédé le 16 juillet 1947 à son domicile de Pen ar Hoat, selon le Registre des actes de décès d'Ergué-Gabéric,
  • Bastien était commis dans une des deux fermes de Kerfrès. Le 17 juin 1944, à 6 heures du matin, un groupe de 5/6 miliciens investit la ferme. Ils ont sans doute été informés qu'un groupe de maquisards s'est installé dans ce village. Il est exact que des jeunes du Clan des Eclaireurs y ont un repaire. En fait ils n'y sont pas ce matin. Les Miliciens ne remarqueront même pas de traces de leur installation dans un penty situé un peu à l'écart. Ils s'acharneront sur le commis Bastien, qui a 22 ans, qu'ils traîneront avec eux pour aller jusqu'à Kerleur. Ils cherchent à obtenir de lui quelque renseignement. En fait, c'est tout le secteur de Quélennec qui est encerclé ce jour. Bastien sera abandonné dans une lande près de Pont Allen, où il sera retrouvé plus tard. Il sera soigné tant bien que mal. Le fait est qu'il va décéder d'un cancer des testicules, près de 3 ans plus tard. Bastien Gouez n'est pas reconnu "Mort pour la France" et son nom ne figure pas au Monument aux Morts d'Ergué-Gabéric.
  • Jean-Louis Binos, décédé à son domicile à Stang Ven le 27 mai 1945. Né à Ergué-Gabéric le 30 avril 1920. Célibataire. Jean-Louis BINOS était soldat  des F.F.I., et participait avec Yvon Benoit aux combats de la presqu'île de Crozon. Il avait été blessé sous le bombardement allié de Telgruc le 3 septembre 1944. Il est donc décédé près de 9 mois après.
  • Jean Conan, cultivateur à Ménez Locqueltas, né à Ergué-Gabéric le 11 février 1908 à Ergué-Gabéric, époux d'Anne Marie Hemery et décédé à 37 ans, le 29 juillet 1945.
  • Alain Hascoët, "réformé", décédé à son domicile à Ménez Kervéady le 17 décembre 1945. Il était né à Ergué-Gabéric le 30 avril 1913. Célibataire. Le registre des décès d'Ergué-Gabéric (1945, n° 36) porte en marge la mention "Mort pour la France", alors que son nom ne figure pas sur le Monument aux Morts.
 
Toutes ces victimes sont portées au Registre des Décès d'Ergué-Gabéric, sauf Jean Berri et Auguste Tanguy.
 
Figurent en outre sur le Monument aux Morts d'Ergué :
Joseph Barré, de Minic, (près de Pors-Cleut / Troland).
Pierre Tanneau, de Menez Kervéady,
pour lesquels nous manquons d'informations.
 
 
François Ac'h - Sources : « Keleier Arkae, n° 38 et 40 mars et septembre 2005
 
 

Trésors d'archives > Guerres > Prisonniers de guerre allemands à Ergué-Gabéric (1945-1951)

Prisonniers de guerre allemands à Ergué-Gabéric (1945-1951)

 

Tableau de Kerouredan par Helmut Homillius

Cette date et cette signature au bas d'un tableau représentant ma maison natale, ont probablement, dans mon enfance, suscité, mais sans plus, quelques interrogations familiales. Mais ce n'est que bien plus tard, en 2004 – 2005, qu'au travers d'innombrables témoignages faisant mémoire de la guerre 1939-1945 et instruisant notre histoire, qu'un début de réponse concrète m'est apparu. La collaboration de Marie-Thérèse Le Mao, témoin de cette période, et qui habitait alors avec ses parents à la ferme de Kerautret, a apporté une réponse à mes questions et a aussi permis d'enrichir un travail de mémoire sur ce sujet délicat et, bien souvent, peu connu. 
 
Elle m'a en effet livré des souvenirs liés à cette période d'après-guerre à travers le dialogue suivant.
 
Tableau de la ferme de Kervoreden peint par Helmut Homilius.
Inscription : KEROUREDAN. (pour Kervoreden). 10 JULI 1946. - H. HOMILIUS.
Entretien avec Marie-Thérèse Le Mao
Jacqueline - Je crois que ce nom "H. Homilius" te dit quelque chose.
Marie-Thérèse – Effectivement, Helmut était un prisonnier de guerre qui travaillait chez mes parents.
 
Jacqueline – Pourquoi et comment est-il arrivé chez toi ?
Marie-Thérèse – Mon père avait fait la demande à la Préfecture (peut-être avait-il la possibilité de cette obtention car il avait été fait prisonnier dans les Ardennes allemandes de mai 1940 à juillet 1942. Je ne sais pas trop tout cela).
Les prisonniers de guerre allemands étaient cantonnés à Lanniron (commune d'Ergué-Armel). Mon père est allé en char à bancs le chercher, en novembre 1945. En fait, il est revenu avec deux prisonniers, Helmut et Oscar. Le premier soir, ils ont "dévoré" leur repas, tant ils semblaient avoir peur de manquer. Mes parents ont essayé de leur faire comprendre que le lendemain ils seraient encore nourris.
 
Jacqueline – Tu peux les présenter un peu plus ?
Marie-Thérèse – Helmut était de Haïnichen (Saxe), près de la frontière tchèque, où il travaillait dans une laiterie. Cela faisait seulement huit jours qu'il était marié quand il fut arrêté. Sa femme a été faite prisonnière par les Russes.
Oscar était de Bielefeld (ville aujourd'hui jumelée avec Concarneau). Il était marié et père de deux enfants et travaillait à la Préfecture.
Helmut travaillait davantage dans les champs, alors qu'Oscar participait surtout aux travaux d'entretien (maison, jardin…).
 
Jacqueline – Le gouvernement français exerçait-il un suivi, un contrôle ?
Marie-Thérèse – De temps à autre, un inspecteur du travail passait voir si tout se déroulait correctement. Si jamais ils ne rentraient pas aux horaires requis, nous devions le signaler. Je me souviens qu'un soir, un prisonnier du secteur manquait au contrôle. Cela avait fini par s'arranger quand même assez bien.
Leurs uniformes venaient de Brest, où on devait aller les chercher. Au bout de deux ans, Helmut est devenu "travailleur libre".
 
Jacqueline – Alors que Oscar, lui, s'était évadé…
Marie-Thérèse – Il y avait d'autres prisonniers de guerre à Ergué-Gabéric, à Elliant aussi, dont notre ferme était proche. Un soir, vers 1946, Oscar, avec un prisonnier de guerre employé à Elliant (ce dernier parlait français) n'est pas rentré. Mon père a prévenu la Préfecture et les chefs à Lanniron. Trop de lenteurs dans les recherches (ou peu de réel empressement, ou quelque complicité ?) ont fait qu' Oscar a réussi à rejoindre son pays, alors que son collègue de fuite se serait fait reprendre.
Oscar avait été très malade et craignait beaucoup de revenir au camp, alors pourquoi ne pas tenter la fuite ? Quelques jours plus tard, mon père retrouva dans un champ des habits de prisonnier d'Oscar, et se rendit compte qu'il lui manquait alors une veste et ses papiers d'identité.
Parfois Oscar et Helmut "s'agrippaient un peu", mais jamais on ne saura si, dans ce cas, ils furent complices. A mon avis, une certaine solidarité a joué, car Helmut lui avait donné un peu d'argent, ce que nous apprîmes bien après.
Oui, revenir à Lanniron était pour tous une crainte. Une anecdote me revient. Au départ, ne sachant pas traire les vaches, Helmut nous révéla sa hantise que le lait ne vienne pas. Alors, il priait, priait, avant de se mettre à traire…Anecdote un peu comique à priori, mais quand on sait l'enjeu du moment, on peut comprendre !
 
Jacqueline – Et Helmut ?
Marie-Thérèse – Helmut a quitté Kerautret en mai 1950. Pendant 5 ans, il a participé à la vie locale d'une façon assez "positive". Ses talents de peintre et de dessinateur, sa convivialité, ont facilité les rencontres. Dans différents lieux qu'il a fréquentés, ses tableaux sont relativement nombreux (Kerautret, Garsalec, Kervoréden…). Les gens le payaient, reconnaissant son art.
J'ai des photos où on le voit effectuant la traite des vaches ou blanchissant la  maison. Il est aussi allé à Quimper se faire photographier au studio Etienne Le Grand. Sur la photo de mariage de René CARIOU, notre voisin, en 1948, il est là avec Georges, un autre prisonnier de guerre qui se trouvait employé chez le marié du jour. Helmut s'était acheté un vélo (chez Hervé Le Goff, à la forge de Garsalec : Denise, sa fille, s'en souvient très bien), et à son départ, il l'a vendu.
 
 
Jacqueline – Finalement, peut-on dire que son intégration était assez réussie ?
Marie-Thérèse – Dans l'ensemble, je pense que oui. Il avait un peu appris le français. Mon père et lui étaient parvenus à un langage de compréhension mutuelle et cela marchait assez bien. Dire que tout était idéal, c'est exagéré. Un jour, lors d'une journée de gros travaux, mon père eut à calmer le jeu. 
Un gars du coin, qui avait été prisonnier en Allemagne, s'est un peu énervé. Cela aurait même pu s'envenimer si mon père ne lui avait rappelé que lui aussi avait souffert de son séjour en Allemagne. Helmut était là, il ne l'avait pas choisi, et c'était ainsi. Mais peut-être était-ce là un signe pour dire que le moment était venu, dans la paix retrouvée, de penser au retour…
 
Jacqueline – Comment cela s'est-il achevé ?
Marie-Thérèse – Helmut est retourné chez lui en mai 1950. Il a retrouvé sa femme, LINI (à qui il faisait parvenir des colis contenant des denrées alimentaires et des vêtements, quand cela lui était possible).
En 1952, il fut papa d'une petite fille, Barbara. Je possède aussi la photo du baptême. Puis peu à peu les échanges se sont arrêtés. C'est dommage, mais ainsi va la vie.
 
 
 

Trésors d'archives > Guerres > Récit de résistance au bourg

Récit de résistance au bourg

 
Bernard Le Bihan est né à Lorient d’une mère du Cap et d’un père gabéricois. En 1944, la famille quitte son domicile quimpérois et vient se réfugier au bourg d’Ergué. Le jeune Bernard Le Bihan a donc été amené à vivre à Ergué-Gabéric cette période où la Résistance à l’occupant s’organisait. Il a connu ces jeunes gens qui formaient le « groupe de Résistance du bourg » et il nous expose ici le témoignage d’une journée où il se vit confier un mystérieux colis dans le bourg en état d’alerte...
 

La boîte en fer blanc

« Août 1944… Dans le bourg d’Ergué-Gabéric, un groupe de maquisards bavarde devant l’école des filles. Admiratifs et curieux quelques gamins les observent… Soudain, venant de la rue du presbytère, semblant apeuré et essoufflé, un gamin plus grand que les autres crie : « les boches, les boches… ils arrivent !!! » et il indique la direction du cimetière…
 
François Balès, pas du tout impressionné déclare : « Je rentre de patrouille de nuit et je vais me coucher, s’il y a du grabuge, venez me chercher !!! ».Un responsable donne des ordres et tout le monde s’éparpille dans toutes les directions…Un petit garçon blond se dirige vers la maison qu’il occupe avec ses parents, en face de la « ferme des F… », à l’angle de la rue qui mène à l’école des sœurs. Il croise en chemin un couple qu’il connaît comme étant des réfugiés de Brest, et dont l’homme doit exercer la profession de dentiste ou de prothésiste dentaire. La femme lui confie alors une grande boîte en fer blanc, une de ces boîtes qui a contenu à l’origine des gâteaux, en lui recommandant d’y faire très attention, de bien la cacher, et de la lui rapporter quand les allemands seront partis…Un car manœuvre sur la route de Kerdévot. Sur le toit un résistant est armé d’un fusil mitrailleur…Quelques secondes plus tard, la boîte en fer blanc sous le bras, il pénètre dans le jardin qui embaume la pèche mûre. Il appelle l’autre locataire, Marie-Louise C. mais elle n’est pas là. La maison est donc vide car ses parents sont également absents. Une idée bien précise en tête il traverse rapidement la parcelle de choux à vaches qui s’étend devant la maison et accède au fond du jardin. Celui-ci surplombe d’environ 2 m la fin d’une ruelle qui débouche sur le chemin qui, passant derrière le presbytère rejoint la route d’Elliant. Entre le fond du jardin et la ruelle, il y a une échelle de meunier et c’est sur cette échelle qu’il a décidé de se cacher. 
La boîte en fer blanc sur le sol, le nez dans l’herbe et au travers des choux, il peut ainsi, pratiquement invisible de la maison, observer et à la moindre alerte s’enfuir par la ruelle. La boîte en fer blanc l’intrigue : que peut-elle contenir ? Le couvercle en est maintenu par une ficelle nouée à l’aide d’une « cosette ».
 
Brutalement trois rafales d’arme automatique déchirent le silence, elles proviennent de l’endroit où le car s’est placé pour prendre la rue en enfilade. Un silence s’installe comme si le bourg retenait sa respiration…
 
L’enfant a peur, très peur et des sanglots silencieux secouent ses épaules, il connaît la brutalité et la sauvagerie des occupants…
Un bourdon vaque à ses occupations…
 
Plus aucun bruit ne venant rompre le silence, se sentant abandonné de tous et après un temps qui lui paraît long, il se décide avec mille précautions à rejoindre la maison. Celle-ci est toujours vide de ses occupants… Dans la demi-pénombre de la salle principales, il pose la boîte en fer blanc sur la table. Il fait glisser la ficelle sur la boîte de manière à pouvoir enlever le couvercle sans défaire le nœud. Un peu honteux de succomber à la curiosité, qui comme chacun le sait est un vilain défaut, il ôte le couvercle et la boîte en fer blanc dévoile son secret : elle est pleine à ras bord de billets de banque !!!
 
Le coeur gonflé d’orgueil de se sentir responsable d’un tel « trésor », le petit garçon s’empresse de remettre tout en ordre.
 
Un moment plus tard après avoir remis aux propriétaires légitimes la boîte en fer blanc et son précieux contenu, il est à nouveau parmi les maquisards. Ceux-ci commentent l’événement : « Heureusement que ce n’était qu’une fausse alerte, dit l’un d’entre eux. Qu’est-ce que j’aurais fait avec ça ? ». Et il exhibe un poignard de scout. Un autre dit : « Et moi avec ça ? », en montrant un pistolet de petit calibre, tout juste bon  à effrayer les chiens.
 
Une patrouille qui cherchait le contact avec les Allemands revient en poussant devant eux l’auteur de la fausse alerte. Immédiatement conduit devant le chef, celui-ci lui assène une gifle formidable et lui dit : « Si tu avais été un homme nous t’aurions fusillé… ». Cette histoire est authentique.
Cinquante six ans plus tard, si je n’ai toujours pas compris comment des adultes ont pu confier à un enfant de huit ans leur bien le plus précieux, je revendique l’honneur d’avoir été ce jour-là, le plus jeune convoyeur de fonds de France !!! »
 
Bernard Le Bihan.

Keleier Arkae n° 6 - Octobre 2000
 
 
 

Trésors d'archives > Guerres > Pélerinage des Quimpérois à Kerdévot

Pélerinage des Quimpérois à Kerdévot (1870)

 

Ce texte est la traduction d’un article intitulé « Kemperiz e Kerzevot » et publié par le journal Feiz ha Breiz en 1870 (numéro 296, daté du 1er octobre, pages 277-278). Il relate le pèlerinage effectué par des Quimpérois à Kerdevot le 20 septembre 1870, alors que les évènements se précipitaient autour de Paris assiégée par les Prussiens. L’article est signé « Ur c’hrouadur da Intron Varia Kerzevot » (un enfant de Notre-Dame de Kerdevot), et le post-scriptum est de la main de Goulven Morvan, le prêtre nommé par l’évêché pour lancer et gérer ce journal.

 

« La France est sauvée ! ». Voilà les paroles d’une mère chrétienne à ses enfants quand elle s’en revint de Kerdevot, le 20 de ce mois. « La France est sauvée ! » quand enfin nous sommes venus faire appel à Notre-Dame.

Que s’est il donc passé de nouveau à Kerdevot, le 20 de ce mois ? Quoi ? Quelque chose qui est susceptible de donner de la confiance à ceux qui l’avaient presque perdue. Voici un petit mot sur cette belle journée.

Des Quimpérois, épouvantés par les pertes successives de nos soldats, affligés au fond de leur cœur de la défaite de leurs enfants, de leurs compatriotes, se sont massés au pied des autels, ont rempli tous les soirs l’église de Saint Corentin. Plus nombreux que jamais, ils se sont agenouillés pour recevoir la communion ; ils ont cherché partout la bénédiction du ciel, et le ciel semblait toujours rester sourd à leurs prières.

Alors, quelques dames bien connues pour leur haut rang ont pensé que Kerdevot était la chapelle où la Vierge est le plus aimée en ce pays. Il leur est venu à l’esprit que Notre Dame de Kerdevot avait fait cesser la peste dans le pays d’Elliant et ses alentours il y a plusieurs siècles. Il leur est revenu qu’on trouve encore des gens qui ont été guéris par miracle dans cette chapelle sainte : une fille d’Edern, muette depuis huit ans, a retrouvé la parole le jour du grand pardon devant des milliers de personnes, c’était en 1849. Un autre, infirme depuis longtemps, a retrouvé la marche. Et beaucoup d’autres n’ont reçu plein de grâces rien qu’en mettant leur confiance en la Vierge. Que font donc les grandes dames de Quimper ? Elles firent le voeu d’aller en pèlerinage à Kerdevot et d’y faire dire une messe pour tous les soldats de France.

Dans l’heure, tout Quimper apprend le vœu avec le plus grand enthousiasme. Sans tarder, avec l’argent de la messe, c’est plus de 80 francs qui sont collectés pour la chapelle. Le Curé de Saint Corentin, qui dans toutes ses missions n’a jamais oublié de prêcher à ses frères l’amour qu’ils doivent porter à la Vierge, annonça, lors du prône de la grand’ messe, le vœu qu’avaient fait ses paroissiens d’aller faire pardon à Kerdevot le 20 Septembre.

Le mardi à cinq heures du matin, les Quimpérois sont sur pied. Depuis la Croix de l’Hôpital, le lieu du rendez-vous, ils s’avancent, chacun dans son groupe, vers le Grand Ergué, le chapelet en mains.

Je ne vous parle pas de l’air vif du matin, des trois lieues qu’il y avait à parcourir avant d’arriver à Kerdevot, du silence général, du grand âge de beaucoup de dames qui avaient quitté leur maison à jeun. La hâte qu’elles avaient toutes de voir Kerdevot leur faisait oublier leurs peines.

Vers sept heures et demi, beaucoup de pèlerins arrivent pour suivre la première messe et l’église, qui peut contenir jusqu’à 900 personnes, est déjà trop petite. Chacun, le chapelet à la main, plusieurs, un cierge dans l’autre, tous agenouillés à même la pierre, tous ont les yeux fixés sur l’image de la Vierge Marie ou sur son autel, qui n’a pas d’égal dans l’évêché de Quimper. Plus de cent personnes communient à cette messe, et à peine est-elle terminée qu’ils entonnent aux quatre coins de la chapelle, une salutation à la Vierge Marie dans le plus beau des chants. Oui, à vrai dire, ce chant était un triomphe et, pour la première fois dans ma vie, j’ai été porté à croire qu’il était possible de chanter en ce pays aussi bien que dans d’autres, connus pour leurs chœurs. Tous donnaient l’impression d’être déjà vainqueurs de nos ennemis ; ils donnaient l’impression de tenir dans leurs mains la vie du dernier Prussien.

A neuf heures et demie, quand commence la seconde messe, celle pour les soldats, plus personne ne peut s’agenouiller dans la chapelle, et les deux cent personnes qui s’approchèrent pour communier, ne purent s’approcher qu’avec beaucoup de difficulté. A la fin de cette messe, comme s’ils avaient déjà obtenu satisfaction à toutes leurs demandes, ils chantèrent de tout leur cœur le Magnificat, ce merveilleux cantique laissé entre nos mains par notre mère elle-même et dès lors, on n’entendit plus que des chants dans la chapelle toute la journée.

Les treize cents ou quatorze cents personnes venues à Kerdevot se retirèrent petit à petit. Leur cœur réjoui, avec l’espoir, comme le disait une des dames de Quimper, d’entendre le jour même une bonne nouvelle.

Celle-ci est venue sans tarder, le corps d’armée du général Fritz a été battu par notre général Vinoy, le jour même du pèlerinage des Quimpérois à Kerdévot.

La Vierge Marie écouta ce jour-là ses enfants, elle ne cessera plus de les écouter jusqu’à ce que ce cri d’une mère de famille ne devienne réalité : « La France est sauvée ! »

Un enfant de N.D. de Kerdévot

Le 27 du mois il y a eu à Kerdevot un pèlerinage encore plus beau que celui du 20. Le mardi 20 septembre, il n’y avait à Kerdevot que des Quimpérois, le mardi 27 il y avait en plus les gens du Grand Ergué et des paroisses alentours. Il y avait ce jour-là entre trois et quatre mille pèlerins et il y a eu entre cinq et six cents communiants.

 

Goulven Morvan
 
 
 

Cahier de charges et doléances de la paroisse d'Ergué-Gabéric

Cahier de charges et doléances de la paroisse d'Ergué-Gabéric

 

Le cahier de doléances a été rédigé le 12 avril 1789, quinze jours avant la tenue des Etats généraux de Versailles. Ces doléances en neuf points ont été rédigés dans la sacristie de l'église paroissiale par une délégation de treize personnes, probablement le corps politique de la paroisse. C'est Augustin Gillart de Gongallic et Jean Le signour de Keranroux qui furent chargés de porter ces doléances à l'assemblée de Sénéchaussée du 16 avril. 184 députés des paroisses de la sénéchaussée se retrouvèrent ce jour là pour adopter un cahier général. Le 20 avril un cahier commun des sénéchaussées de Quimper et de Concarneau fut rédigé. Trois députés de Quimper, Le Déan, Le Guillou de Kerincuff et Le Goazre de Kervélégan furent chargés de le porter à versailles.

 

CAHIER DE CHARGES ET DOLEANCES DE LA PAROISSE D’ ERGUE GABERIC POUR LES ETATS GENERAUX FIXES AU 27 AVRIL 1789.

 

Nous, habitants de la paroisse d’ Ergué Gabéric, régulièrement convoqués et assemblés pour arrêter le cahier de nos charges, réclamations et doléances pour les Etats généraux convoqués par Sa Majesté à Versailles pour le vingt sept de ce mois :

1- Déclarons et confessons fidélité et obéissance au roi notre souverain Seigneur ; déclarons et professons encore sa personne sacrée.

2-Consentons et désirons qu’il soit pris des mesures sûres pour acquitter la dette nationale.

3-Que, pour y parvenir plus sûrement, les citoyens de tous ordres, rangs et dignités, supportent tous les impôts , indistinctement, proportionnellement à leurs facultés et à leurs biens.

4- Qu’il soit fait une répartition proportionnelle de tous les biens ecclésiastiques, sans distinction, de manière que tous les membres du clergé y aient une part raisonnable et graduelle, depuis l’archevêque jusques aux simples prêtres habitués des paroisses, afin que ceux-ci soient affranchis de la honte de la quête, c’est -à -dire de celle de mendier.

5- Que les citoyens de tous les ordres, sans distinction, contribuent à l’entretien des chemins publics et à la confection des nouveaux, s’il en était besoin.

6- Que le franc-fief, établi lorsque la Noblesse seule faisait le service des armes, soit aboli, aujourd’hui que les armés ne sont composées que du Tiers-Etat.

7- Que la justice ne se rende plus qu’au nom du roi ; que l’exercice de justice au nom des seigneurs soit supprimé ; que la compétence du présidial de Quimper soit élevée de manière que les sujets du roi, de cette extrémité de la province, ne soient contraints d’ aller à Rennes que pour des intérêts majeurs.

8- Que les aides coutumières soient supprimées, toutes corvées déclarées franchissables, le fief anomal ou domaine congéable converti en censive.

9- Nous déclarons, au surplus, adhérer, comme il est juste, aux charges arrêtées par le Tiers Etat dans sa dernière assemblée, desquelles charges qui sont imprimées nous avons parfaite connaissance et lesquelles aussi ont été remises au roi par nos députés vers Sa Majesté.

Fait et rédigé, en la sacristie de l’église paroissiale d’ Ergué Gabéric, ce jour douzième d’avril mil sept cent quatre vingt neuf.

Ainsi signés Hervé C. Lizien, Jean Jaouen, Jérôme Crédou, Jean Le Signour, Jean Lozeach, René Le Guennau, les autres ayant déclarés ne savoir signer quoique de ce requis et interpellé, et le mien avec signature ne mutatur.

Mettez P(rocureur) au présidial.
 
 
 
Le cahier de Doléances d’Ergué-Gabéric est décevant à première vue. Il est tiré d’un modèle qui a largement été diffusé dans la Sénéchaussée de Quimper. Ainsi on trouve à Guengat ou à Plonéis des points similaires si ce n’est la presque totalité du texte.
 
Ce qui peut expliquer ce manque d’originalité c’est le planning très serrés des assemblées primaires de la juridiction de Quimper. Celle-ci comportait 85 paroisses, et les hommes de loi durent effectuer un véritable marathon pour tenir toutes ces réunions. Il fallait faire vite et d’abord déterminer qui était convoqué à cette réunion. Il fallait être majeur et contribuable ce qui limite le nombre de participants. D’après le procès verbal il n’était que treize dont six ont signés.
 
C’est parmi ces six signataires qu’on choisira les deux députés d’Ergué.
 
La qualité des représentants gabéricois n’est pas à remettre en cause, sans doute trouvaient t’ils leur compte dans le modèle qu’on leur présentait.
On y retrouve sans surprise une déclaration d’allégeance au Roi et un soutien au principe des Etats Généraux pour tenter de faire face à la crise financière qui affectait le Royaume. Les représentants d’Ergué optent pour un impôt sur le revenu proportionnel touchant tous les citoyens. Ils se démarquent ainsi de la Noblesse et du Clergé qui en était exempt. Cependant l’assemblée gabéricoise défend le petit Clergé en soutenant une répartition plus équitable des revenus ecclésiastiques. Là encore le clivage entre haut et bas clergé est clairement prononcé. En voulant supprimer la quête du dimanche, c’est sans doute plus la défense de leur propre intérêt que la défense des prêtres, que les Gabéricois mettent en avant.
 
Dans le chapitre corvée, l’entretien des routes, doit être supporté par tous, comme les impôts. C’est le principe d’égalité. L’abolition du franc fief est plus intéressant. C’était un droit que le détenteur roturier de biens nobles devait payer au noble qui possédait anciennement la terre. En principe ce droit était dû tous les vingt ans. C’est une sorte de rachats de droits féodaux. On comprend que les propriétaires terriens d’Ergué ainsi que les bourgeois des villes soient intéressés par l’abolition de ce droit qui renchérissait les terres.
 
Les paysans souhaitent aussi racheter les corvées et supprimer le domaine congéable. Ce système typique de Basse Bretagne donnait la propriété des terres et des arbres au bailleur, le fermier étant propriétaire des édifices, des talus et des fossés ainsi que du bois de taillis. Ce système est considéré comme une survivance féodale c’est pour cela qu’il est assimilé a la notion floue de fief anomal c'est-à-dire irrégulier. Il a été systématiquement remis en cause avant la Révolution, mais il n’a pas été aboli au grand dam des tenanciers. D’ailleurs le cahier des sénéchaussées de Quimper et Concarneau ne retient pas l’abolition du domaine congéable, alors que 46 communes l’avaient demandée.
 
Il semble donc que les Gabéricois n’est pas pris très au sérieux la rédaction de leur cahier de Doléances. Ils ont confié ce soin au corps politique de la paroisse qui était habitué à relayer les information des Etats de Bretagne lors des prônes dominicaux. Il ne semble donc pas qu’il y ait eu une prise de parole et une expression des revendications profondes à Ergué-Gabéric contrairement à maintes paroisses qui n’ont pas hésitées à remettre en cause de façon virulente le pouvoir féodal.
 
Bernez rouz