Jean-Marie Déguignet, paysan bas-breton

La vie de J.-M. DéguignetJean Marie Déguignet photo recadrée

Le personnage
Sa famille
Son enfance : de la naissance au départ pour l'armée
Chronologie

 

Déguignet en son œuvre

L’aventure des manuscrits perdus
L’article dans La Revue de Paris (1904-1905)
L'article dans le bulletin de la SAF (1962)
L’édition partielle des Mémoires d’un paysan bas-breton par les éditions An Here (1998)
Rimes et révoltes par Blanc Silex (1999)
Les contes et légendes de Basse-Cornouaille par les éditions Arkae (2000)
L’intégrale : Histoire de ma vie (2004)
Le pamphlet : Jésus par Arkae (2005)
L’édition américaine des Mémoires d'un paysan bas-breton (2011)
L’écriture de Déguignet
L'édition du texte : la commission extra-municipale de recherches historiques à Ergué-Gabéric, Bernez Rouz, les éditions An Here, hommage à Norbert Bernard.

 

Déguignet, citoyen du monde

Les lieux fréquentés par Déguignet en Bretagne : Quélennec, le Stang-Alar
Les étapes militaires en France
Les campagnes à l’étranger : la Crimée, l’Italie, Jérusalem, la Kabylie, le Mexique
Les cartes des campagnes militaires

 

Déguignet dans l’Histoire

La maladie des pommes de terre en 1845-1850, par Norbert Bernard
Enfance : lapidation d’une effigie de Louis-Philippe à Skividan…, par Bernez Rouz
Déguignet et la justice : Pour une justice avec un grand J

 

En breton

Geriaoueg / les expressions de Déguignet en breton
Dans la chronique "Trésor du breton écrit" : Déguignet, par B. Rouz, Ouest-France, le 4 août 2017
Déguignet et la langue bretonne : quelques mots sur une conférence de Fañch Broudic
Tabut : polémique de JMD et la langue bretonne
Bretonnismes et français de Quimper

 

Déguignet adapté

En bande dessinée : l’adaptation par Betbeder et Babonneau aux éditions Soleil en 2017-2019 : tome 1, tome 2, tome 3.
Sur les traces de Jean-Marie Déguignet avec Christophe Babonneau.
Au théâtre
Au cinéma
En musique : adaptation de Pascal Rode
En langue anglaise : l'édition américaine, La grande dame : Linda Asher, traductrice américaine de Déguignetrencontre filmée avec Linda Asher. 


Dans la presse

Press book de l'œuvre
Déguignet dans la marche de l’histoire : comparaison du Barzaz Breizh avec les
Mémoires d’un paysan bas-breton
Déguignet sur France Culture dans La fabrique de l’histoire
Interview en breton autour de Déguignet, avec Bernez Rouz sur Radio Kerne
Déguignet dans trois livres importants en 2013
Déguignet par Betbeder/Babonneau exposé à la médiathèque d’Ergué-Gabéric en 2018

 

Dans les livres

Inventaire des textes publiés et des manuscrits
Nos éditions de Déguignet
L'accès public aux manuscrits (bibliothèque numérique médiathèque de Quimper Bretagne occidentale)
Les études sur Déguignet
Autour de Déguignet : des ouvrages pour comprendre les Mémoires d'un paysan bas-breton en français, anglais et italien


La grande dame : Linda Asher, traductrice de Déguignet

Le week-end du 4-5 octobre 2003 le centre Déguignet a reçu la visite de la traductrice américaine des Mémoires d’un paysan bas-breton. Le livre sort en anglais en février 2004 à New York. Après l’édition tchèque tout nouvellement publiée, le nom d’Ergué-Gabéric entame un périple mondial.

Linda Asher et Norbert Bernard
« Je veux voir Quimper toute seule. » Linda Asher sait ce qu’elle veut : pas de comité d’accueil, pas de guide, « je veux sentir la ville », dit-elle par téléphone. Jusqu’au 3 octobre dernier, la traductrice américaine de Déguignet n’était qu’une adresse internet pour nous, et les seules relations nouées ne consistaient qu’en des renseignements techniques par rapport à la traduction. Nous avons été flattés qu’elle nous envoie un exemplaire de son travail pour une relecture avant publication. Il y a donc eu un vrai dialogue pour optimiser l’exactitude des mots employés, notamment ceux qui concernent les bretonnismes et le langage militaire. Nous avons eu l’impression que cette traduction n’était pas seulement un travail de commande, il y avait de la passion là-dessous.

Rendez-vous avait été fixé place Saint-Corentin, et la question me brûlait les lèvres : Pourquoi Déguignet ? Linda me confie que, pour cultiver son français, elle regarde régulièrement TV5, la chaîne internationale des télévisions francophones. Elle a vu par hasard le reportage de France 2 sur les Mémoires. Ce qui l’a intéressée, c’est la réussite de ce livre hors des sentiers battus par la grande édition parisienne. « Pour une fois, dit elle, ce ne sont pas les snobs de la capitale qui font les succès littéraires. » Elle a demandé à son éditeur de lui acheter ce livre au salon de Francfort où l’Institut culturel de Bretagne possédait un stand. Comme beaucoup elle se captivera pour les aventures de notre paysan du Guélennec : « Déguignet is unique, not only for being a literate peasant, but also for his skepticism regarding the church ; his interest in science, astronomy, and languages ; and for his keen –often caustic— observations of the world and people around him. » (Déguignet est unique non seulement pour être un paysan cultivé, mais aussi pour son scepticisme envers l’église, son intérêt pour la science, l’astronomie et les langues ; et pour sa vision souvent caustique du monde et de ses contemporains.) Traductrice de Victor Hugo, Georges Simenon et Milan Kundera aux Etats-Unis, Linda Asher vient de recevoir le Prix franco-américain de la traduction pour son travail sur La maladie de Sachs de Martin Winckler. Autant dire que son avis pèse. L’éditeur, Seven Stories Press, à New-York fait confiance à sa traductrice vedette, l’affaire est conclue.

Découvrant la culture bretonne par Déguignet, Linda est inlassable de curiosité sur tout ce qui touche notre patrimoine. Ce qui l’a profondément marquée lors de sa visite du Musée breton, c’est la diversité des costumes et leur richesse, rien ne lui était étranger de nos modes glazik, melenik, bigoudenn, fouesn, les questions fusent, l’intérêt pour notre civilisation rurale est constant elle veut tout savoir tout comprendre.

Au centre Déguignet, Norbert Bernard lui présente les précieux cahiers manuscrits, écrits qui lui sont familiers depuis de longs mois. C’est donc avec beaucoup d’émotion qu’elle tourne les pages des cahiers de notre compatriote. Elle veut tout voir : l’église, le presbytère, Kerdévot, Le Quélénnec, le Stangala, Lézergué ou elle apprécie l’accueil de l’hôte du lieu tout occupé au ramassage de pommes à cidre.

Autre visite obligatoire : la maison d’édition An Here à Plougastel-Daoulas où Cédric Sinou lui présente un florilège de la maison. Elle repart avec des livres pour enfants en breton pour ses petits-fils. Après une balade touristique dans la presqu’île de Crozon, c’est l’émerveillement pour le cimetière marin de Camaret et… les crêpes, sa grande découverte en Bretagne, surtout les crêpes de blé noir.

Mais l’endroit qu’elle ne voulait absolument pas rater, c’est le Yeun Elez. Par chance il fait beau, le Mont-Saint-Michel offre un panorama splendide ; la contrepartie, c’est le marais qui paraît avenant, on a du mal à imaginer la bouche de l’enfer perdue dans les brumes où surgit l’Ankou et les lavandières de nuit. Elle continue là sa recherche d’authenticité, ce ne sont pas les penn-ti retapés qui l’intéressent, mais les vrais, les vétustes, sans velux, ceux qui laisse imaginer la dureté de la vie il y a un siècle, ceux de l’époque Déguignet.

Au détour d’un sentier bourbeux de Botmeur, Linda nous confie : « Aujourd’hui, je suis ici dans un monde de paysans, demain je dînerai à Paris avec un académicien et après-demain je serai dans mon appartement new-yorkais. » Trois jours, trois mondes, trois cultures, ce qui n’aurait pas déplu à notre globe-trotter bas-breton. Ainsi va la vie pour notre visiteuse d’automne, ravie de son passage en Bretagne.

Memoirs of a Breton Peasant sort à New York en février. Rappelons-nous les paroles prophétiques de Jean Marie Déguignet : « Mes écrits commencent déjà à produire …ils pourront produire encore plus tard, dans cinquante ans, cent ans, mille ans et plus… » Belle revanche posthume de notre Jean-Marie !

Les internautes peuvent consulter le site sevenstories.com à la rubrique biography. Un certain nombre d’exemplaires seront disponibles au local d’Arkae, ceux qui voudraient s’en procurer peuvent se faire connaître.

Bernez Rouz

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DEGUIGNET 25 ANS APRES : L'extraordinaire aventure des Mémoires d'un paysan bas-breton continue

Il y a 25 ans commençait l'aventure de la publication des Mémoires de Jean-Marie Déguignet. La première édition tirée à 2500 exemplaires parut au mois de mai 1998 aux éditions An Here du Relecq-Kerhuon. 
Parmi les moments forts du phénomène Déguignet, l'édition américaine. La traductrice Linda Asher est une référence à New-York, elle est la traductrice de Milan Kundera, le grand écrivain Tchèque qui vient de nous quitter cet été. Nous venons de dénicher sur un site américain une interview de cette grande dame qui s'exprime sur l'art de la traduction. C'est en anglais. Mais le site a repris l'interview en français de Linda Asher publié sur le site d' Arkae. On vous propose un petit retour en arrière :

L'interview écrite en anglais de Linda Asher
L'interview video en français sous titré en anglais de Linda Asher

Le livre en version anglaise est disponible auprès d'Arkae

 

 

 

 


Jean-Marie Déguignet : geriadur ha troioù-lavar

Daspugnet em eus amañ, ar gerioù hag an troioù-lavar strevet en e skridoù gallek. Al lodenn vrasañ anezho a zo bet roet o zalvoudegezh gant Degignet e-unan. N’em eus ket bet c’hoant ober un dibab etre ar gerioù boutin anavezet gant an holl ha gant ar re dibar implijet e yezh Kernev. Ar stumm kentañ eo an hini skrivet e-doare peurunvan. An eil eo doare skrivañ J.-M. Degignet. En trede e roer displegadenn ar skrivagner, pa n’eus ket roet displegadenn ebet em eus lakaet anezhi etre krochedoù. Memes tra evit an notennoù.

Bernez Rouz

Abostoled

abostolet

apôtres

Alc’hwenenn

alc’houenen

moutardon jaune, sanve, moutarde des champs

Alour

Sant Allour

saint Alour, patron d’Ergué-Armel

Amour

Friter an amour

flirter

Amzer

Daou tri sort amzer n’eus un den

Ne ket hanet neil ouz i ben

L’homme passe par deux ou trois sortes de temps qui ne se ressemblent pas.

Anaon

Doue bardono n’anaon

Dieu pardonnera dans l’au-delà

Arc’hant

Arc’hant craon

pe ar verc’h an traon

argent de noix

ou la nouvelle mariée en bas

Avalou-douar

Coued e ann diaoul var an avalou douar a dare

Voilà le diable retombé encore sur les pommes de terre (maladie de 1848)

Avaloù-douar

Da lein eve dec’huites

Da vern e ve patates

Da vern vian des pommes de terre

E da gouan avaloù douar.

À déjeuner,

À dîner,

À collationner,

À souper, toujours des pommes de terre.

Avel

an aël

le vent

Azen

paour kez asen

pauvre âne

Azen

diouscouarn ann azen

les oreilles de l’âne (se dit des enfants qui ne savent pas leur catéchisme)

Bailh

poenn eo lakaad neo er bail

il est temps de les mettre au charnier

Bazh-valan

bas vanel

agent matrimonial

Bec’h

Beh’c

de la rude besogne

(« C’est ici que nous allons avoir du beh’c »)

Beg ar Grip

bec ar grip

bout du peigne

Beleg

Benigañ

Toul ar veleyen

Doue en benigo

("Trou des prêtres", cachette des prêtres réfractaires pendant la Révolution.)

Dieu le bénira

 

Ma Chanic beniguet

ma Jeanne bénie

Beol

ar veol

auge en pierre encastrée dans le mur

Bitekle

bitéklé

Auberge (Plus précisément, auberge de mi-chemin où l’on donne à crédit. Aussi cette auberge est toujours pleine. cf. p. 1867)

Boued

bouët mitonnet

petit pain blanc

Bramm

tri bram

trois pets

Brammer

bramer coz

vieux péteur

Bugale

deud ar mez eus touesq ar vugale

sorti du rang des enfants (qui n’a pas fait sa première communion)

Bugaligou

Chan

Bugaligou

Chan

petits-enfants

Jeanne

C’hoari

Ar c’hoariou

les jeux

Chaseal

chasseal

chasser

Daoulanig

naoulanic

roitelet

Den bleiz

den vleï

homme-loup

Den Doue

un Den Doue

un homme de Dieu

Devet

devet, paket, poch sac’h, manch

pénis de taureau

Diaoul

Kers da foar ann diaoul da c’hourin

va-t’en à la foire du diable à Gourin

Diaoul

Coued e ann diaoul var an avalou douar a dare

Voilà le diable retombé encore sur les pommes de terre

Dispac’her

dispac’her

révolutionnaire

Divinour

divinour

devin

Doue

pep hini evit than e chunan e Doue vit ann oll

chacun pour soi et Dieu pour tous

Doue

maloz toue

Doue bardono nanaon

Malheur à Dieu, Dieu pardonnera dans l’au-delà

Doue

un doue mad, karantezus, truezus, ac oll galoudec

un dieu qu’on nous disait bon, excellent, magnanime et tout puissant

Doue

Ma Doue, itronn Varia

Mon Dieu, Madame Marie

drol

"setu aman un den drol vat"

bizarre

Drouk ar roue

drouck ar roue

(Ce nom était donné à toutes les plaies suppurantes. Il est sans doute arrivé en Bretagne au temps de François Ier. On sait que le vainqueur de Marignan et prisonnier du roi d’Espagne mourut de ce mal qu’on appelait alors "le mal napolitain".)

Du

Cristoc’h Du

l’Homme noir (propriétaire du château de Lezergué)

Embannou

da gas an embanou

annoncer les bans

Fall

gant fall ve gret, mes eb ket n’er ket vit ober

Avec du mauvais, on fait, mais avec rien, on ne peut rien faire.

Farserezh

farceres

farces

Feiz

O fei vat

(exclamation) ô bonne foi !

Filouter

filouter

filou

Foetañ

foeta  ar c’helien

chasser les mouches

Friko

an dilost fricot

retour de noces

Fripouillerezh

O intronn Varia ar fripouillerez

Notre-Dame des fripouilles

Gast

gast a vat

(juron) putain

Giz

kichou nevez

nouvelle mode

Gourc’hemennoù

Deoc’h a galon vad aotrou mest, ha complimanchou huel da Gaourintin Doue rac ar c’hraç ac ar gouraj dezan da berseveri en e oberou santel ha da gaout er fin planken ar zilvidiguez  (p. 2380)

À vous de tout mon cœur, maître, et de grands compliments à Corentin. Que Dieu lui donne la grâce et le courage de persevérer dans ses saintes œuvres et de trouver enfin la planche de salut (dibenn ul lizher e galleg d’ar C’hourrier du Finistère, 16 a viz here 1902)

Goz

laka ar c’hoz

remplir la culotte de terre, de boue ou de bouse de vache

Griffonez

Griffonez

(lieu-dit en Ergué-Gabéric)

Gwechall

Guechal

autrefois

Gwerz

 guers ar garnel

"Nint zo bet var an douar o ren ken kouls ha c’houi.

O vale ac o von, o c’heva o tibri

Cetu nint aman brema er stat mar zom rentet

Goude nomp bet en douar o vesur ar prenvet

... Lez ta madou ar bed man,grid brezel d’ar visou

Desale c’houi vo ivez vel deompni er bez ivez"

complainte :

"Nous avons été sur la Terre aussi bien que vous

Marchant, courant, buvant et mangeant

Et voilà maintenant en quel état nous sommes

Après avoir été dans la terre nourrir les vers

Laissez donc les biens de ce monde, faites la guerre aux vices

Car sans tarder, vous serez comme nous au tombeau."

Gwaskerez

Laka ar woaskeres

(La femme restée libre préparait un gros bâton fendu. Puis dans cette fente qu’elle ouvrait avec ses deux mains comme on ouvre un piège, elle introduisait les « organis generationis ex pace per homnis »)

Gweladenn

ar wueladen

la visite

Gwenneg

gueneen an drugare

les sous de bonne chance aux miséreux

Gwerc’hez

Gwerelaouen

A guerc’hes vari

vuirlaoên

la Vierge Marie

planète Vénus

Gwin Ardant

guin ardent

de l’eau-de-vie

Gwrac’h

groac’h

fée, magicienne, sorcière (fée aquatique et terrestre)

Gwrac’hell

groac’hel - groac’hili

meule ronde de gerbes de céréales

Hejañ

don a rafet an traon a lesse, sarter laer ma vec’h c’hinget

Descendras-tu de là, sacré voleur, que je te secoue ?

Heol

deud e neol d’ar guer

le soleil est arrivé

Hoper Noz

noper nos

Crieurs de nuit (Ces hoper nos sont des enfants morts sans baptême et qui doivent rester crier ainsi jusqu’au Jugement dernier.)

Houarn

Paotred an houarn kos

ferrailleur

Ifern

eur men eus ann ifern

une pierre de l’enfer

Intron Varia

O intron Varia Kerzeot biniguet

Notre-Dame bénie de Kerdevot (chapelle d'Ergué-Gabéric)

Itron

An intronn vras

la grande dame

Itron Varia

O itronn Varia ar merveillou

O itronn Varia ar miraclou

Ah itronn Varia a laërenn

A itron varia en dud kes, beza truez ouzom

N.D. des merveilles

N.D. des miracles

N.D. des voleurs

Jezus

Jezus Peguen bras ve

Plujadur an dud ze,

Mar c’helfen kaout tout

Ar c’hreyen ac ar yout.

Peut se traduire ainsi : "Jésus, combien grand serait le plaisir de ces gens s’ils pouvaient avoir tout, la chèvre et le choux."

Kabestr

ar c’habest

la bride, l’alliance

Kalet

C’houi zo kalet en ho santimanchou

vous êtes raide dans vos sentiments

Kanailhez

Guelet e rer eno daou zoue miliguet

Ar brasa daou ganaillez zo bet biscoas er bed

On voit là-bas deux dieux maudits

Les deux plus grandes canailles qu’il n’y a jamais eu au monde

Kanailhez

O ma Doue beniguet patron ar ganaillez

Mon Dieu béni, patron des canailles

Kaoc’h

Coc’h pemoc’h

merde de cochon

Kaoc’h ki

koc’h ki

merde de chien

Karout

Jean-Marie, me gar a c’hanoc’h a greis ma c’halon

Jean-Marie, je vous aime de tout mon cœur

Karr an ankou

karr ann ankou

la charrette de la mort

Kasporn ?

casporn

bâton muni d’une fourche en fer pour l’empêcher de glisser

Kazh

ar has du

le chat noir

Kelenneg

Guelenec

(lieu-dit en Ergué-Gabéric)

Kelenneg izelañ

Kemener

Guelenec isela

quemener

(lieu-dit en Ergué-Gabéric)

tailleur

Kemenerez

quemenerez

tailleuse

Kenavo

Neuze me lavaro

Kenavo dit, va bro

Kenavo bed poanius

Gant da bechou tromplus

Kenavo paourente

Kenavo vanite

Kenavo tribulou

Kenavo pec’hejou

Alors je dirai

Adieu toi mon pays

Adieu monde de peine

Avec tes desseins trompeurs

Adieu pauvreté

Adieu vanité

Adieu tribulations

Adieu les péchés

Kenavo

kenavo

adieu

Ker Uhelañ

Kerbiken

Kerhuela

O Itron Varia Kerbiquen

(lieu-dit en Ergué-Gabéric)

ô Madame Marie du village qui n’existe pas

Kerdevot

Kerdevot, Kerzeot

(chapelle en Ergué-Gabéric)

Kermahonnet

Kermahonnec

(lieu-dit en Kerfeunteun)

Kernoaz

Kernoas

(lieu-dit en Ergué-Gabéric)

Kerzevot

Ma Doue Beniguet, Itron Varia a guerzeot

Mon Dieu béni, Madame Marie de Kerdévot

Kerzudal

Kerzudal

(lieu-dit en Ergué-Gabéric)

Kezek

An diblasserien kesec

Agents déplaceurs

Kloareg

cloarec

clerc

Koad Tanv

coat tano

bois mince

Korr

tiyer ar c’houriket

maisons des couriquets (méchants nains)

Kouerezed Noz

couerezet nos

lavandières de nuit

kouezhañ

- Potr paour, te goueo ann traon a less !

- O na ring ket

- Pauvre garçon, tu vas tomber de là !

- Oh, je ne tomberai pas.

Kroc’henn

Kers da bourmen gant ar c’hrohen coz-se, mes digas din croc’hen eur pilhaouer ha me rai merenn vat dit.

Va te promener avec cette vieille peau, mais envoie-moi la peau d’un pilhaouer (chiffonnier) et je te servirai un bon dîner.

Laer

laèr

voleur

Lamm Kein

lam keign

faire toucher les reins et les épaules

Lapous

Setu ma aman al lapous

"Voici l’oiseau" (Le mot lapous est empoyé en breton de toutes sortes de manières. Il est donné aux beaus discoureurs, aux blagueurs, aux farceurs, aux flirteurs et alors on dit lapous brao ou lapous kaer. Mais il est donné aussi aux coquins, aux voleurs, aux fripons et à toutes sortes de canailles.)

Lezebell

Loar

Lezebel

A loir zo tenvel c’hiou vat

(lieu-dit en Ergué-Gabéric)

La lune est sombre aujourd’hui

Mab nevez

Ar mab nevez na lavar nitra n’een

le fiancé ne dit rien

Mab nevez

mab nevez

fiancé (litt. le nouveau fils)

Malevurus

malevurus petra zonjes te

Malheur, que penses-tu donc !

Mallozh Doue

Me denn malos Doue varnit et var tout ar pez a teus

Je tire la malédiction de Dieu sur toi et sur tout ce que tu as.

Manch

manch

(parties génitales du taureau)

Matreze

Ah ma Doue beniguet, matreze n’e ket maro

Ah mon Dieu béni, peut-être qu’il n’est pas mort.

Merc’h nevez

merc’h nevez

fiancée (litt. la nouvelle fille)

Mestr

mest ar bars

maître de la commune

Mezv

Eru Yann da gher...

Meo, Meo...

Bomde, bomde, bomde...

Voilà Jean qui arrive (cri du coq)

Saoul, saoul (cri du chat)

chaque jour, chaque jour (cri du chien)

Odet

Odet

(Rivière qui sépare Ergué-Gabéric de Kerfeunteun et qui passe au centre de Quimper)

Pakad

paket, devet, poch, sac’h, manch

(parties génitales du taureau)

Paolig

Paulic

le diable Paulic

Paotr ar c’hazh du

potr ar has du

l’homme au chat noir

Paotr Saout

Paour

potr saout

Paourkes France

Vacher

Pauvre France

Penn-bazh

penbas

bâton

Penn-du

Diou pendu

les deux têtes noires (filles du propriétaire de Lezergué)

Penngos

pengos

têtard

Penn-herezh

la riche peneres

la riche héritière

Penn-ker Bronneg

Penker Bronec

(lieu-dit en Quimper)

Penn-ti

penty

(maison en bout, appentis)

Piv

piou

qui

Poan

It eta canaillez laëront e friponed

Dar poaniou ze eternel gant o toue miliguet

Allez donc, canailles, voleurs, fripons

vers les peines éternelles avec votre maudit Dieu

Poch

poch

 (parties génitales du taureau)

Polik

Polic

le diable

Poot

poot

cri des hiboux (onomatopée)

Poull ar Raniked

Poul ar raniket, Poul ar raniquet

(lieu-dit en Ergué-Armel)

Revolusion

Ar revolution vras

la grande révolution

Revr

Na penn na reor

ni queue ni tête

Roched

Red eo caoud permision an ilis vit lakat ar rochet e kichen an n’hinvich

Il faut la permission de l’Église pour mettre la chemise mâle près de la chemise femelle.

Ronfl

ronfl

géant, mangeur de chrétiens

Sac’h

sac’h

(parties génitales du taureau)

Silvidigezh

planken ar zilvidiguez

planche de salut

Sklaerijenn

O Intronn Varia ar sclerigen,bezit truez ouzom

ô Notre-Dame de lumière, ayez pitié de nous

Sotoni

A ma Doue ar zotoni

ô mon Dieu des bêtises

Soubenn al laezh

souben d’al lez

soupe au lait

Stank

Stang ar vougueric

(lieu-dit en Briec)

Stank Alar

stang alla

(lieu-dit en Ergué-Gabéric)

Stank Odet

Stang Odet

(lieu-dit en Ergué-Gabéric)

Stêr

staër

(affluent de l’Odet)

Stouper

stouper

marchand d’étoupes

Tan

Leston vian, Leston vras, guili vian, guili vras, keruel et penec’h, mar ve an tan enhoc’huel

(Les mendiants appelaient les feux du ciel sur ces six fermes parce qu’on ne leur donnait pas toujours ce qu’ils demandaient.)

Tan

gueld e rafoc’h un devez benac, pa viot taolet en tan da rosti

Vous verrez bien un jour quand vous serez jeté au feu pour être rôti.

Tan

an tan en o reor

le feu au derrière

Tev

An Tev Philippe

le gros Philippe

Ti ar Briant

ti ar briant

(débit de boisson Briant)

Ti Diavaez

ty diavez

maison de charge où couchaient les domestiques

Ti-forn

ty forn

maison du four

Tommer

An dommerien

les chauffeurs

Torc’h

An toc’h coz-se ne c’hrevo quet neon ta ?

ces vieux cochons ne crèveront donc pas ?

Toull Wenn

toulven

(lieu-dit en Ergué-Armel)

Tregont Mab

Trégont Mab

(lieu-dit en Ergué-Armel)

Truez

Ma Doue Beniguet, va zud kez, me meus truez ouzoc’h

Mon Dieu béni, pauvres gens, j’ai pitié de vous

Tud nevez

en dud nevez

les nouveaux mariés

Yann

Yan, Ian

Jean

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Jean-Marie Déguignet et la justice

Chroniqueur impertinent des premières années du XXe siècle, Jean-Marie Déguignet ne pouvait que s’intéresser à la justice de son pays. 

Quimper Palais de justice CPUne justice mise à mal par l’Affaire Dreyfus. On retrouve notre paysan bas-breton parmi les rares défenseurs du capitaine injustement condamné. Déguignet est dreyfusard au nom de la « vérité, de la lumière, de la raison et de la justice menacées d’être étouffées et étranglées par les porte-sabres et les porte-goupillons ». Mais notre penseur iconoclaste ne tresse pas pour cela des lauriers à l’institution ; il ne méconnaît pas les mécanismes de lobbying en haut lieu. Perspicace, il s’interroge : « Il serait bien possible que les juifs et judaïsants aient dépensé quelques pièces d’or dans cette monstrueuse affaire, attendu que la justice en France ne peut s’obtenir que par ce moyen… mais les Jésuites et confrères en dépensèrent bien le double pour étouffer la raison, la lumière, la justice ».

Déguignet n’a jamais été en justice. Grâce à sa connaissance du Code civil, il réussit à transiger à l’amiable quand il est expulsé de son bureau de tabac de Pluguffan. Il évoque souvent l’article 328 du Code pénal pour régler ses comptes avec le propriétaire de sa ferme de Toulven, le sieur Malherbe de la Boexière : « Si j’avais écouté la voix de la nature et celle de la justice, je serais allé à Toulven, un poignard à la main, arracher les entrailles de ces misérables lâches pour les donner à manger à mes enfants quand ils criaient la famine ». 

Déguignet, congédié de sa ferme, s’estime en état de légitime défense et invoque la loi du Talion : « Il y a même dans le Code pénal français un certain article qui admet aussi cette justice hébraïque et naturelle… Eh bien, je crois qu'en tuant ceux qui ont volé mes biens, ma vie, mes enfants, et qui les ont assassinés, je me trouvais en cas de légitime défense ». Il n’ose jamais franchir le pas, même dans les pires moments de sa paranoïa grandissante. Il se contentera d’aiguiser sa plume vengeresse qui lui sert de glaive dans son infortune. Perpétuelle victime du système, il reprend les anathèmes anarchistes sur la justice de classe : « Le Code civil français est tout fait pour les riches. Dans le Code civil, il n’est question des gueux qu’à la première page pour leur dire qu’ils doivent souvent sacrifier leur vie… pour la défense de l’Etat, et qu’ensuite ils doivent travailler pour s’assurer des moyens d’existence, mais plutôt pour assurer l’existence de riches qui ne savent et ne veulent pas travailler ».

Malgré sa hargne contre ceux qu’il appelle ses persécuteurs, il se prononce sans ambiguïté contre la peine de mort : « Tuer un homme parce qu’il a tué, cela fait deux morts au lieu d’un, mais le dernier ne rendra pas la vie au premier. Quand même que l’on couperait le cou à tous mes bourreaux, ceux qui ne sont pas encore morts, cela ne me rendra pas le temps perdu et ne m’ôtera pas les misères et les horreurs endurées ».

Idéaliste, Déguignet rêve d’une société parfaite ; des échos qui résonnent très fort douze ans avant la révolution d’Octobre et soixante ans avant la Révolution culturelle : « Si on voulait rendre cette justice aujourd’hui, je ne veux pas dire œil pour œil, ni dent pour dent, mais seulement meurtrissure pour meurtrissure, misère pour misère, douleur pour douleur, alors les coquins jésuites, les tonsurés fripons, les exploiteurs et les voleurs patentés auraient à passer de mauvais quarts d’heure. Si les travailleurs meurtris et volés par tous ces coquins avaient le droit de les battre jusqu’à ce qu’ils aient le corps meurtri comme eux, de les racler jusqu’à ce qu’ils aient rendu tant de sang et de sueurs qu’ils ont fait rendre aux malheureux, de les secouer et de les traîner jusqu’à ce qu’ils aient rendu à ces malheureux l’argent qu’ils leur ont volé, de les habiller avec des haillons vermineux et de les fourrer dans ces taudis infectes et de les y faire souffrir autant qu’ils ont fait souffrir les malheureux de ces taudis, cela pourrait s’appeler de la justice, non pas cette justice immanente, continue, éternelle dont parlent les poètes, les rhéteurs et autres blagueurs de tribunes, mais une justice momentanée, passagère comme toutes les choses de ce monde. Car ceux qui auraient pris la place des grands coquins ne tarderaient pas sans doute à devenir aussi grands coquins que les premiers, plus encore peut-être et l’injustice recommencerait. Et cela sera toujours ainsi jusqu’au moment où on sera arrivé à fabriquer une race humaine exempte de tout vice et douée de toutes les vertus physiques, morales et intellectuelles. Malheureusement, elle n’est pas prête à arriver là ».

Cent ans après sa mort, Déguignet l’imprécateur, le vociférateur, malgré son scepticisme sur l’avènement d’un monde meilleur, réussit à affirmer les grands principes de la justice démocratique : l’indépendance et le respect de la personne humaine, et ce n’est pas rien.

Bernez Rouz

Article paru en février 2009,
dans le Keleier n°56


Jean-Marie Déguignet dans La Revue de Paris

Revue de Paris_Déguignet_Recueil factice_Médiathèque AG QuimperLa toute première publication des Mémoires d'un paysan bas-breton a lieu dans deux numéros de La Revue de Paris, fin 1904 et début 1905. Quelques années auparavant, Jean-Marie Déguignet avait vendu ses manuscrits à Anatole Le Braz, qui était alors au sommet de sa carrière universitaire et littéraire. Le Braz entreprendra de les éditer dans une revue de la capitale, où il a fait ses études et s'est lié avec de nombreuses personnalités.

Histoire de la publication dans La Revue de Paris
Anatole Le Braz fait relire les manuscrits par l'historien Ernest Lavisse et par le bibliothécaire Lucien Herr, alors secrétaire de la Revue de Paris. Une difficulté de forme leur apparaît déjà et celle-ci va sans doute les freiner dans l'entreprise de publication. Cette difficulté est explicitée par une note de la "direction de la Revue" sur la première page publiée : "La Revue publiera de longs fragments de ces Mémoires ; mais il faudrait d'interminables séries de copieux articles pour reproduire en son intégrité le texte serré de ces vingt-quatre cahiers, qui représenteraient environ mille ou douze cents pages de la Revue. Il était difficile de publier ce texte sans quelques corrections une orthographe trop souvent fantaisiste le rendait obscur et souvent illisible ; une surabondance de formules et de mots inutiles." Les corrections faites sur le texte original peuvent se mesurer par une comparaison avec l'édition intégrale des Mémoires, réalisée par Norbert Bernard en 2001. Après une publication en quatre fragments, la Revue a cessé de publier les Mémoires. Bien qu'elle indique, dans une note finale, qu'elle "en donnera la suite quelque jour", la rédaction a probablement renoncé à les éditer entièrement.

Diverses versions accessibles sur le Web
Les quatre fragments, publiés dans les numéros de novembre-décembre 1904 (extrait 1) et de janvier-février 1905 (extraits 2, 3 et 4), sont tombés dans le domaine public. Depuis plusieurs années déjà, le texte est donc librement et gratuitement accessible en divers endroits de la toile et sous diverses formes.  
- Notre version Gallica : PDF Gallica des Mémoires d'un paysan bas-breton dans La Revue de Paris (les quatre fragments).
Nous avons rassemblé les quatre extraits en un document à télécharger. Le tout provient des numéros de la Revue numérisés par la BnF, accessibles sur Gallica. 
- La transcription sur Wikisource : texte Wikisource.
Cette transcription facilite la lecture et le transfert vers liseuses et tablettes.
- Le recueil des médiathèques de QBO : PDF à visionner.
Ce recueil factice, dont on voit ci-contre la couverture, renferme les livraisons des Mémoires d'un paysan bas-breton par la Revue de Paris. Le document est numérisé et en accès libre sur le site des médiathèques de Quimper Bretagne occidentale.