Trésors d'archives > Patrimoine religieux > En revenant de Kerdévot par Léon Le Berre

En revenant de Kerdévot, par Léon Le Berre (Abalor)

Ce texte est tiré d’une nouvelle intitulée « En revenant de Kerdévot », dans le recueil Fleurs de Basse-Bretagne écrit par Léon Le Berre. Léon Le Berre, alias Abalor, est né à Kervao à Ergué-Armel le 30 septembre 1874 et décédé à Rennes en 1946. Il fait des études de lettres et de droit à Rennes. Il commence sa carrière de journaliste à l’Ouest-Eclair et est intronisé barde en 1901, sous le nom d’Abalor (le fils de St Alor, patron d’Ergué-Armel). Successivement, il dirigea les revues L’Arvor, Le Courrier Morbihannais, et l’Union maritime et agricole. Il finit sa carrière comme chroniqueur judiciaire à l’Ouest-Eclair. Il a écrit une dizaine d’ouvrages en breton et en français. 
 
Le spectacle était vraiment imposant sur le placis. A la lueur des lanternes ou des cierges que tenaient les pèlerins, Mariannik et sa compagne purent voir une multitude de gens, de tous les costumes. Ici, une gracieuse fille de Scaër considérait d’un œil un peu moqueur le lourd costume des femmes de Pont-l’Abbé aux mîtres orientales. Là des « Glaziks » et des Elliantais aux broderies jaunes différents d’habits, mais unis dans les mêmes invocations à la Vierge puissante de Kerdévot, oubliant d’ailleurs pour un moment les disputes de clans, se pressaient pour entrer dans l’église. Et près de la porte, c’était comme un moutonnement de têtes d’hommes et de coiffes blanches, où scintillaient les lueurs vacillantes des cierges, allant tomber comme des gouttes de feu dans l’océan de lumières qui inondaient la chapelle.
Un moment la veuve craignit pour son corsage noir les tâches de cire ! « Restons ici dehors, à l’entrée, dit-elle.
— Point ! fit Mariannik, allons là-bas tout au haut ! »
Et en franchissant le seuil elles se frayèrent un passage, écartant de la main les cierges dont les gouttes odorantes menaçaient leurs vêtements, et par des prodiges de stratégie elles arrivèrent, dépassant l’endroit réservé aux femmes, à l’entrée du chœur.
Elles restèrent bien une grande heure en prière sans que le sommeil les prît, sans que les allées et venues de la foule leur fissent faire un mouvement. Que disait Mariannik à la mère du Christ ?
Elle lui disait son amour sans espoir, elle la conjurait par les Sept Douleurs d’avoir pitié d’elle. Elle la priait par l’affection maternelle qu’elle avait pour le « mabik Jésus » de mettre un peu d’affection pour elle au cœur de Fanch, de ne pas la laisser ainsi méconnue et oubliée de celui qu’elle aimait.
Et comme elle regardait le riche retable en sa vitrine de verre, elle crut voir sur la figure de la Madone un sourire de pitié et de miséricorde. Le reflet des cierges inondait de clarté le visage divin, et Mariannik y vit l’espérance d’un avenir meilleur.
Rapidement, elle se signa et fit signe à Katell. Toutes deux s’étant levées, mirent au plat de cuivre une pièce de monnaie, et se frayant à nouveau un chemin à travers les pèlerins, elle sortirent du saint lieu.
La lune brillait dans un ciel nuageux ; la jeune fille entraîna sa compagne à travers champs jusqu’à la fontaine sacrée, quelque peu éloignée du placis. Elle voulait, en laissant tomber dans l’eau limpide l’épingle de sa coiffe, connaître enfin son sort, selon une touchante coutume bretonne qui attache à la manière dont descend l’épingle une importance capitale pour le mariage.
En arrivant dans la prairie, où jaillit l’antique fontaine, reste vénérable d’un culte disparu que le christianisme sut conserver chez les peuples celtiques, les deux femmes virent un rassemblement de jeunes hommes se passant de main en main l’écuelle remplie d’eau. La lumière falote de la lune éclairait ce poétique tableau, blanchissant la niche de granit, plaquant des reflets d’argent dans l’onde de la piscine, que troublait seule parfois le puisage de l’eau dans les écuelles et les bols des vieilles femmes.
Au moment où Mariannik et Katell s’approchaient du groupe, l’un des hommes se retourna et, les ayant reconnues, s’en vint vers elles, un peu gauche et gêné : 
« Ah ! vous voilà, dit-il. Ma Doué ! je disais comme ça aussi, que...». Il bredouilla et ne put continuer. Katell eut un petit rire moqueur, vite réprimé, et lui dit : 
— Certainement, nous voilà ! Mais qu’est-ce que cela peut vous faire, puisque les femmes vous importent peu ?
— Ca c’est vrai, dit-il bêtement. Avec un air de chien qu’on fouette, il s’éloigna avec ses compagnons qui n’avaient rien vu de la scène et les deux femmes achevèrent tranquillement leurs dévotions...
 
Ci contre : Léon Le Berre et couverture de Fleurs de Basse-Bretagne, par Léon Le Berre, publié en 1901 à Rennes.
 
 

 

Dossier (textes et photos) réalisé par Bernez Rouz - Keleier 81 - janvier 2014

 

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Trésors d'archives > Géographie > Le Stangala inattendu d'André Guilcher

Le Stangala inattendu d'André Guilcher

 

Stangala Guilcher recto 1Qualifié par Louis Le Guennec de « plus extraordinaire paysage terrien de Cornouaille », le Stangala n’a été étudié par les géographes que relativement récemment. André Guilcher (1913-1993) y a consacré quelques pages dans sa thèse sur Le Relief de la Bretagne méridionale de la baie de Douarnenez à la Vilaine (1948). Ce Sénan, agrégé de géographie, a été professeur au lycée de Brest avant la guerre. Mobilisé, blessé au front près de Sarreguemines en février 1940, il reçoit la Croix de guerre pour son courage. Revenu en Bretagne, il est nommé au lycée de Nantes où il prépare sa thèse de doctorat. C’est ce qui l’amène à visiter notre Stangala, pendant l’été 1941. Passionné par la Bretagne, il écrit son périple en breton dans le journal Arvor. Il publiera en breton un ouvrage de géographie sur les vallées marines et les gouffres de l’océan (Kaniennoù ha traoniennoù mor, 1943). C’est cet écrit rare sur le Stangala que les Brezhonegerien Leston ont traduit ici. Rappelons enfin qu'André Guilcher est l'un des grands spécialistes mondiaux de la morphologie littorale. Outre les écoles citées, il a enseigné dans les universités de Nancy, de la Sorbonne et de Brest.

Ar Stangala d'André Guilcher
Traduction Brezhonegerien Leston, atelier Kontakaoz, janvier 2014.
 
Les balades agréables ne manquent pas aux alentours de Quimper. Nulle part en Bretagne, peut-être, on ne trouve des paysages aussi verdoyants et doux qu’en Cornouaille. L’Odet jusqu’à Combrit, le Steir, le Stangala, constituent autant de vallées boisées où il fait bon se promener les jours d’été. Le trajet de Quimper à Bénodet est renommé à juste titre ; le Stangala est moins connu car moins accessible. Aucune route ne le traverse : il est vrai qu’il est plus silencieux et comme le dirait M. Le Guennec – paix à son âme – grand connaisseur et fan de la Cornouaille, les automobiles ne peuvent y accéder et empester l’air de leurs gaz d’échappement. Pour aller au Stangala, partons ensemble de Quimper de bon matin. Au lieu d’aller directement par Cuzon ou par le terrain de foot de Keruhel, il vaut mieux prendre la route de Landudal. Une balade d’environ 35 km, c’est ce qu’il y a de mieux pour s’aérer les poumons. Passée la voie de chemin de fer de Rosporden, nous montons petit à petit vers Lestonan en traversant des champs fertiles. Les tours de la cathédrale et les hauteurs du Frugy s’estompent dans les brumes matinales, déjà à moitié dispersées dans les vallées du Jet et de l’Odet. On arrive rapidement sur un plateau à environ 115 m d’altitude, qui s’élève doucement vers Coray et Briec.Nous ne sommes plus très loin de la vallée du Stangala, pourtant nous ne l’apercevons pas encore. Voilà une descente : là se trouve la vallée de l’Odet et nous y accédons par un vieux pont couvert de verdure. Terminé pour nous le chemin facile : nous allons retourner sur Quimper à travers prairies et champs. Ici la vallée de l’Odet est attachante et paisible. Sur le côté gauche de la butte il y a un « tertre », sorte de pente escarpée et boisée. Sur le côté droit, nous distinguons petit à petit des collines en direction du Nord. Un peu après nous sommes sous la voûte sombre d’un bois de sapins. Sous les arbres une charmante petite route longe le canal qui conduit l’eau de l’Odet à la grande papeterie Bolloré, où l’on fabrique le papier à cigarette bien connu de tous. L’usine est nichée au fin fond de la vallée, entourée de verdure ; et jamais la nature n’a été aussi peu polluée par le travail de l’homme. La rive gauche devient de plus en plus escarpée à Griffonès. L’Odet, qui coulait jusqu’ici vers l’ouest, se dirige brusquement vers le sud. Des hauteurs, à 80 m au-dessus de l’eau, c’est un spectacle sans égal de voir la rivière faire un méandre et sauter par-dessus les rochers. À Griffonès, nous atteignons le grand Stangala. Désormais, les deux rives ont la même hauteur. Jusqu’au moulin de Penn-C’hoad, la rivière chute de l’altitude de 41 m à pas plus de 10 m sur une distance d’environ 3 km (¾ de lieue). Cela fait quelques années, les ingénieurs avaient pensé faire un grand barrage à côté du moulin de Penn-C'hoad. Il y aurait eu un lac là où se situe aujourd’hui le Stangala, comme celui qui est à Guerlédan sur le Blavet. On aurait eu de l'électricité en abondance pour Quimper et la totalité de la Basse-Cornouaille. Pourtant cette idée-là n’a pas été menée à son terme, je ne sais pour quelle raison. Le Stangala est toujours le Stangala, une rivière rapide et bouillonnante. Tout d’abord, le Grand Stangala, plus majestueux et plus sauvage ; ensuite le Petit Stangala avec ses petits bois et ses petits sentiers, où les Quimpérois vont marcher et entendre, durant l’été, les rires des enfants jouant à cache-cache : les deux Stangala étant remplis de truites et fréquentés par les pêcheurs spécialistes du « lancer léger ». Entre les hauteurs de Beg-ar-Menez et la chapelle Saint-Guenolé, en vérité, le Stangala est un paradis inattendu. Notre randonnée se termine au moulin de Penn-C’hoad. Du côté de Quimper, la vallée est bien plus large. Sans tarder nous sommes dans la plaine de Kerhuel. Ici se trouve le confluent de l’Odet et du Jet. En fait, la plaine de Kerhuel n’est que la continuité de la vallée du Jet, si droite depuis Saint-Yvi. 
 
Stangala Guilcher verso
Si vous êtes un peu curieux, vous demanderez après cette randonnée : pourquoi cette vallée de l’Odet n’a-t-elle pas toujours la même allure de Landudal à Quimper ? Pourquoi y-a-t’il au début une différence de hauteur entre les deux rives ? Pourquoi ensuite la rivière court-elle dans le passage étroit des hautes collines du Stangala ? Pourquoi aussi l’eau va-t-elle si vite entre les rochers du Stangala ? Enfin pourquoi la vallée est-elle si large et la rivière si calme après le moulin de Penn-C’hoad ? Il y a de bonnes raisons à cela. À l’origine, l’Odet coulait sur les plateaux de Beg-ar-Menez, Saint-Guénolé, Lestonan, bien plus haut que maintenant ; peu à peu, à force de grignotage, l’érosion leur a fait perdre de l’altitude. La roche, bien sûr, n’était pas aussi dure partout. Avant Griffonès, on trouve du granit sur le côté gauche, c’est une roche dure et résistante. Sur la droite, au contraire, on trouve surtout du schiste, beaucoup plus tendre. Pour cette raison, la rive droite a été érodée plus vite que la gauche. Entre Grifonnès et le moulin de Penn-C’hoad, on trouve du granit des deux côtés, ce n’est pas étonnant de voir des reliefs élevés des deux côtés et tant de rochers qui barrent le courant. Près de Quimper, enfin, nous retrouvons l’Odet dans le schiste, comme le Jet depuis Saint-Yvi ; de la roche tendre à nouveau et à nouveau une large vallée. 
 
Les balades seraient beaucoup plus agréables si on pouvait toujours savoir pourquoi les choses sont comme elles sont. Voir de beaux paysages, c’est bien. Les comprendre c’est mieux. Si vous êtes de Quimper, allez donc jusqu’au Stangala. Regardez autour de vous et cherchez à comprendre. Vous n’aurez pas perdu votre temps.
 
Lan Devenneg (André Guilcher) 
 
 
Notes
- « StankAla » ou actuellement Stangala : non loin de l’usine Bolloré se trouve une fontaine dédiée à Saint Ala ou Alar. En fait, elle se situe un tout petit peu plus vers l’est. « Stank » ou « stankenn » est utilisé dans le sens de vallée profonde en Cornouaille.
- D’après ce que dit un conte fantastique, un griffon y vivait autrefois, une espèce d’énorme dragon terrifiant qui avalait les jeunes filles.
 
 
articlestangalavu
 
Le Stangala, un accident intéressant
Bernez Rouz
Si l'on jette un oeil attentif aux cours d’eaux gabéricois, on s’aperçoit qu’ils sont tous orientés Est-Ouest vers le creux de Quimper. C’est le cas du Jet, de son affluent le ruisseau de Keringard et de l’Odet sur la partie nord de la commune. Pourquoi donc l’Odet pique-t-il brusquement vers le sud à Beg ar Menez ? Dans sa thèse Le relief de la Bretagne méridionale de la Baie de Douarnenez à la Vilaine, André Guilcher explique ce phénomène par une rupture de pente tecnico-structurale. Ergué-Gabéric se trouve en effet dans une zone de failles importantes, dans laquelle se sont produits des soulèvement de plaques géologiques. C'est pourquoi les rivières coulant sur des parties de plateaux surélevées ont dû se frayer des chemins dans des roches dures pour rejoindre le creux de Quimper, zone de confluences des cours d’eau de la région. On voit ainsi l’Odet, comme le Jet à Elliant, mais aussi d’autres petits ruisseaux, basculer vers le sud. Jean François Douguet a repris l’essentiel des explications d’André Guilcher dans son livre Le Stangala (Cahier n°1 d'Arkae), pages 55-59.

Trésors d'archives > Quartiers > Le comité de tir d'Ergué-Gabéric 1909 - 1914

Présentation
 
2013 sera marquée par le centenaire des Paotred Dispount, le célèbre club de football de Lestonan. Une bonne occasion de s’interroger sur les débuts de la pratique sportive à Ergué-Gabéric.

Certes les fêtes de village se terminaient souvent par des joutes de baz-youd, de sevel ar berchenn, de teurel ar maen-pouezh, ces jeux traditionnels bretons spontanés tout comme la lutte (gouren). Des sports où il s’agissait de montrer sa force. Quant à la soule (Mellad) ancêtre du rugby, elle n’était plus guère jouée que dans quelques communes du Morbihan au début du XXe siècle. Elle a été vite détrônée par le fooball baptisé mell-droad en breton, c’est à dire balle au pied.
Il faut attendre le début du XXe siècle pour voir s’organiser la pratique sportive. Le football est né cinquante ans auparavant en Angleterre mais ne perce vraiment en France qu’après 1900.

Dans les villages, c’est le tir et la gymnastique qui sont à l’honneur. Ergué n’échappe pas à ce mouvement.
L’enquête de François Ac’h nous révèle la lente gestation d’un mouvement sportif organisé dans notre commune.

Bernez Rouz
 
 

Le comité de tir d'Ergué-Gabéric 1909 - 1914

 
La défaite de la France par les Prussiens et leurs alliés en 1870 a été vécue comme un énorme cataclysme. Il fallait s’expliquer pourquoi les soldats français s’étaient montrés moins valeureux, ou moins bien commandés, ou bien moins préparés.
De là est née une réflexion collective qui a concerné le service militaire lui-même, et l’instruction des réservistes, et la préparation militaire, et jusqu’à l’école publique, rendue obligatoire et désormais chargée de former à la gymnastique et de développer un esprit patriotique.
 

Service militaire et préparation militaire

Il fallait mieux former les futurs combattants, si on voulait reconquérir l’Alsace et la Lorraine.
D’où plusieurs décisions successives de réorganiser le service militaire (1872, 1889). En 1905, la loi du 21 mars le ramena de 3 à 2 ans, mais excluait cette fois toute dispense, ce qui fit cependant augmenter les effectifs de la conscription (environ 200.000 conscrits dans la classe d’âge de 1903, et 260.000 dans celle de 1906).

De plus, divers systèmes de préparation militaire, qu’ils soient scolaires (par exemple les « bataillons scolaires »), parascolaires ou post-scolaires, furent essayés. Puis des initiatives privées organisèrent des compagnies d’instruction et de préparation militaires pour des jeunes gens à partir de 17 ans : l’éducation physique devait être la base de cette préparation militaire ; les principales disciplines enseignées étaient la gymnastique, le tir, la marche, le maniement des armes.
Certaines sociétés avaient la gymnastique comme sport de référence, d’autres le tir, mais toutes associaient plusieurs disciplines dans la perspective d’une préparation au combat. Ces sociétés s’organisèrent en fédérations nationales et départementales en fonction de l’approche qui était la leur.
La loi (1885, 1892) vint encadrer l’intervention de ces différentes sociétés créées et organiser la « préparation militaire » : elle définit un unique programme de formation pour l’obtention d’un « brevet militaire » (1903).

En 1905, autre étape, la préparation militaire acquit une importance encore plus grande : elle fut confiée ou à l’Etat, dans ses établissements d’enseignement (Sociétés Scolaires ou S.S.), ou à des Sociétés « agréées par le ministre de la guerre » (S.A.G.), ou à des associations non agréées mais souscrivant un contrat d’association.
Diverses instructions ministérielles précisèrent dès lors ce qui concerne les programmes, les tenues, les moyens (formateurs, stands, matériel de tir, locaux, diplômes…), et des financements furent prévus.
 

Des sociétés laïques de gymnastique, de sports, de tir et préparation militaire à Quimper

En 1895, le Préfet du Finistère recense les « sociétés de gymna-stique, de tir et d’instruction militaire » existant dans le département.
Il cite « la Quimpéroise » (gymnastique, exercices et tir), « La Brestoise », (gymnastique et tir), « la Morlaisienne » (gymnastique), une autre morlaisienne appelée « la Société mixte de tir » et « la Landernéenne » (tir) (ADF 4 M 409).

« La Quimpéroise » a été fondée fin 1887 à la Mairie de Quimper à l’initiative de la société civile, plus exactement des premiers républicains de la ville : son président est Adolphe Porquier, le faïencier, qui sera maire de Quimper de 1896 à 1909.
Elle a comme buts :
  • de développer les forces physiques et morales des jeunes gens par l’emploi rationnel et hygiénique de la gymnastique et des sports en général.
  • d’accroître les forces défensives du pays par la vulgarisation des exercices militaires et des marches (ADF. 4M 422 - 2 février 1912).
Elle obtint après 22 ans de fonctionnement l’agrément du Ministre de la Guerre (S.A.G.) le 23 avril 1909 pour contribuer, dans le cadre officiellement défini, à la préparation militaire de la jeunesse, et accéder ainsi à divers avantages (subventions, prix et diplômes, fournitures en matériel de tir...).
Un rapport préfectoral du 22 février 1912 la présentait ainsi : « La Quimpéroise » est rattachée à l’Union des Sociétés de Gymnastique de France, déclarée d’utilité publique. Elle donne l’éducation physique conformément aux instructions ministérielles de l’Instruction publique et de l’armée… elle a organisé un cours spécial préparatoire au brevet militaire. Son enseignement pratique est complété par des causeries et des conférences sur des sujets comme l’anatomie et la physiologie élémentaires, l’hygiène, les principes sommaires de la morale, les droits et devoirs civiques, l’anti-alcoolisme. La société compte actuellement 102 gymnastes de 13 à 20 ans, dont 40 sont élèves dans les écoles publiques. Il faut y ajouter 25 « scolaires » formant une section de fifres. Il ressort de là que « la Quimpéroise », prenant les jeunes gens dès l’école, les retient à leur sortie pour les conduire jusqu’à l’heure de la conscription. (ADF. 4M 422).

« La Cornouaille » est une autre société quimpéroise, spécialement consacrée au tir, « société mixte » (réunissant des militaires et des civils), fondée en 1897 « avec le concours du 86ème Régiment territorial d’Infanterie ». « La Cornouaille » a intégré la Fédération des sociétés de tir du Finistère, et à travers celle-ci la Fédération nationale correspondante. Elle a pour devise « Si tu veux la paix, prépare la guerre » (Statuts, art.1) et pour but statutaire « d’accroître les forces défensives du pays, en développant le goût et la pratique du tir » (art.2). « Elle n’a aucun caractère politique. Toute discussion politique et religieuse est formellement interdite dans les réunions de la Société » (art.3). Les membres élèves son âgés d’au moins 16 ans (Statuts. ADF 4M 422).

Dès avril 1898, « La Cornouaille » compte 146 adhérents (ADF 4M 409). En mai 1913, le Préfet constate : « Cette société, la plus importante de l’arrondissement de Quimper, compte actuellement 462 membres, dont plusieurs élèves du Lycée de Quimper et les élèves-maîtres de l’Ecole normale. Elle rend les plus grands services au point de vue de l’enseignement du tir et de la préparation au brevet d’aptitude militaire » (ADF 4M 422).
 

Des sociétés de tir communales un peu partout

La loi du 21 mars 1905 portant réduction à deux ans du service militaire et développement des formations pré-militaires conduisit rapidement à créer dans un maximum de communes des sociétés de tir. En témoigne, pour ce qui concerne le Finistère, ce courrier du 20 août 1908 de l’Inspecteur d’Académie au Préfet du Finistère (ADF 4M 409) :
« Le 13 décembre (1907) mon prédécesseur vous adressait un rapport très documenté où il vous faisait savoir que l’enseignement du tir était donné d’une façon méthodique et raisonnée dans 77 écoles de garçons du Finistère.
Ce nombre a certainement augmenté depuis cette époque et je ne doute pas que lorsque je vous adresserai dans quelques mois le rapport annuel prévu par la circulaire ministérielle précitée, je n’aie à enregistrer une notable augmentation du nombre de ces associations (…)
Je vous serais obligé de proposer au Conseil Général, lors de sa prochaine réunion, de vouloir bien voter un crédit de 1000 francs par exemple, destiné à venir en aide aux sociétés existantes et à faciliter la création de nouveaux groupements. »

Effectivement, l’année suivante, le Conseil Général, en sa session d’août 1909, vote un crédit supplémentaire de 1000 francs au bénéfice des sociétés de tir scolaires et post-scolaires.

Dès lors, à Quimper, la Société « La Cornouaille » se montre très active pour obtenir l’implantation, autant que possible dans toutes les communes, d’une société locale de tir dans le réseau des écoles publiques. En effet, depuis plusieurs années, « La Cornouaille » a formé au tir de nombreux élèves-maîtres de l’Ecole Normale, ce qui permet de trouver dans la plupart des écoles un ou deux instituteurs susceptibles de devenir instructeurs à leur tour, tant auprès des élèves que des anciens élèves qui attendent leur départ au service militaire.
Nous pouvons observer avec quel dynamisme un dénommé Georges Koechlin1, qui est lieutenant de réserve du 118ème Régiment d’Infanterie, et par ailleurs vice-président de « La Cornouaille » va implanter des comités de tir dans les communes des environs de Quimper.

D’abord en 1907, fondation d’un comité à Bénodet, avec stand de tir installé à l’école du Perguet (Déclaration au J.O. du 30 juillet et premier concours le 2 septembre). Voici ce que Koechlin fait valoir au préfet, qu’il sollicite pour doter le concours d’une médaille : « Bien que conformément à la circulaire sur les sociétés de tir, il n’est pas question de politique, Bénodet, noyau de républicains, appréciera certainement à sa juste valeur la faveur que vous voudrez bien lui faire » (ADF 4M 409). Trois concours de tir ont lieu chaque année, en avril, août et septembre, avec participation de nombreux Quimpérois et séries réservées aux dames.
« … le but de cette société et celui des concours qu’elle organise chaque année : vulgariser l’étude du tir, l’enseigner à l’école aux enfants de 10 à 14 ans, conserver chez les adultes le goût du tir, c’est-à-dire coopérer à la défense nationale » (Le Finistère du 14 août 1909).

Le journal Le Finistère va annoncer de nouvelles créations de comités de tir de 1907 à 1910 : La Forêt-Fouesnant, Fouesnant, Gouesnach, Briec, Concarneau, Saint-Evarzec, Loctudy, Douarnenez, Plogonnec, Elliant… Il informe des dates de concours, des prix annoncés puis des résultats et performances.

La Société « l’Elliantaise » a son comité directeur composé de trois instituteurs. Elle instruit une cinquantaine d’élèves et également des anciens élèves. Argument avancé par le préfet pour obtenir une subvention du ministère en 1914 : « La Société de tir « l’Elliantaise » rend de grands services dans une commune où la concurrence faite par l’école libre à l’école laïque est particulièrement vive » (ADF. 4M 416 – mai 1914).
 

Le Comité de tir d’Ergué-Gabéric

L’évènement a eu lieu le 4 mai 1909.  Le Finistère2 du 8 mai 1909 l’annonce :
 
Ergué-Gabéric.
Création d’une société de tir. – Une société de tir vient de se fonder à Ergué-Gabéric sous le patronage de l’Union des Sociétés de tir de France. Le comité a été constitué comme suit : président-fondateur, le délégué de l’U.S.T.F. ; président actif, M. Tanguy, instituteur ; vice-président, M. Le Roux, propriétaire ; secrétaire-trésorier, M. Lennon, secrétaire de mairie ; directeur de tir, M. Le Borgne, instituteur-adjoint.
Ont en outre été nommés membres d’honneur : M. Le Roux, maire, et M. l’inspecteur primaire Chanticlair.


Le premier concours de tir organisé par le comité a lieu le 18 juillet. Nous apprenons par Le Finistère (17 juillet 1909) que le comité a essuyé des critiques concernant son obédience politique.

Ergué-Gabéric.
Concours de tir des sociétaires – Dimanche 18 juillet aura lieu le premier concours de la société de tir d’Ergué-Gabéric, sous la présidence de M. Tanguy, instituteur, président de la société.
Grâce au dévouement de ce dernier, qui a eu maintes fois maille à partir avec ses adversaires politiques, la société a pris un essor sur lequel on ne pouvait guère compter au début. Fondée le 4 mai 1909, cette société ne compte pas moins de 65 membres.
Aujourd’hui, ses détracteurs ont reconnu que, suivant les statuts, les questions politiques et religieuses étaient exclues des réunions et le but patriotique a fait triompher le comité.
De nombreux prix sont offerts pour ce concours. Pour y participer, se faire inscrire en arrivant à l’école d’Ergué-Gabéric.
Le coût de la série pour les adultes est de 0 fr. 25 et pour les jeunes gens de 0 fr. 15. La cotisation annuelle est de 1 fr. pour les adultes et de 0 fr. 50 pour les pupilles.

Ces premiers pas difficiles sont confirmés par M. Koechlin dans sa lettre au préfet du 26 octobre 1909 : « De grandes difficultés ont empêché au début les fondateurs de la société d’agrandir le nombre de ses membres. Reconnue par tous d’une utilité incontestable, la société vit normalement des ressources apportées par les cotisations ».
Mais ceci n’empêche pas de solliciter une subvention du Conseil Général (ADF 4M.416). Le Préfet y va de son avis favorable, et intervient également auprès du Ministre de l’Intérieur pour une demande de prix à remettre aux meilleurs tireurs, en recourant à ce seul argument : « les membres dirigeants sont républicains » (lettre du 5 novembre 1909. ADF 4M 416). Comme pour bénéficier d’un tel avantage la société doit avoir reçu l’agrément S.A.G., des renseignements plus précis sont demandés par ce ministère. Le Préfet confirme dans sa réponse du 20 novembre : « J’ai l’honneur de vous faire connaître que cette société, qui a souscrit la déclaration prévue par l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901, a pour but la vulgarisation du tir. L’attitude politique de ses membres dirigeants est républicaine » (ADF 4M.416).
Le comité forme ses membres au tir à travers des cours théoriques et des exercices pratiques. Les séances de tir ont lieu dans la cour de l’école publique du Bourg. Les sociétaires sont répartis en trois sections : les pupilles (enfants de l’école), les adultes (jeunes gens de 13 à 20 ans) et les vétérans (plus de 20 ans), les cours ayant lieu de mars à août, comme le précise Le Finistère du 25 février 1911.
Ce journal annonce régulièrement les concours de tir organisés à l’école par le comité : concours entre sociétaires et concours ouverts aux membres des comités voisins. Ainsi en 1910, pour le concours des 1er et 8 mai : annonce au journal du 16 avril, information sur les prix à attribuer (23 avril) et résultats (14 mai). Un autre concours a lieu le dimanche 27 juin (annoncé le 25).

A l’occasion d’une nouvelle demande de médaille à attribuer (lettre du 2 mai 1911. ADF 4M 416), nous apprenons que l’effectif est de 62 membres. Trois journées de concours se suivent dans l’année (mai, juillet et août, cette dernière propre aux pupilles). Souvent, une série de tirs est réservée « aux dames ». Un rythme d’activité identique de concours a été suivi de mars à septembre les années 1912, 1913 et 1914. M. Tanguy, le président, a été destinataire d’une lettre de félicitations du ministère, au titre des sociétés de préparation et perfectionnement militaire pour l’année 1912 (Le Finistère du 26 juillet 1913).

La guerre contre l’Allemagne est déclarée le 2 août 1914. Les membres du Comité de tir vont hélas ! devoir tirer à balles réelles sur d’autres hommes.

 

L’apparition des « Paotred Dispount » sur la scène locale

Foot à Ergué-Gabéric - Etienne Le Grand
Photo prise par Etienne Le Grand pendant la Grande Guerre.
Entre deux combats, les soldats se repliaient en arrières des lignes, pour quelques jours de repos. Ici, partie de football, avec les fusils de guerre en faisceau pour spectateurs.
 
 

A partir de la déclaration de guerre, nous n’avons plus aucune information concernant le Comité de tir d’Ergué-Gabéric. Il va subir le même sort que la plupart des autres comités de tir communaux créés depuis 1907 : à la fin de la guerre, ils auront perdu plusieurs de leurs membres, parfois leurs instructeurs ou responsables, et probablement la motivation pour préparer une nouvelle guerre.
Le Président départemental de la F.S.T.F. (c’est Georges Koechlin, depuis 1913) fait savoir le 24 mai 1919 dans le journal Le Finistère aux différents comités du département qu’il « serait heureux de reprendre contact avec les sociétés affiliées à la Fédération afin de savoir si elles sont en état ou non de reprendre leur activité d’avant-guerre » et propose de les aider éventuellement à retrouver le chemin des stands. En réalité, la plupart d’entre elles disparaissent à ce moment..

Que se passe t’il donc désormais à Ergué-Gabéric ? Tentons un balisage rapide.
Rappelons d’abord l’arrivée à la mi-Juillet 1913 au presbytère d’Ergué-Gabéric d’un nouveau vicaire, l’Abbé Louis Le Gall. C’est autour de lui que va s’opérer le rassemblement de jeunes gens qui constituera les « Paotred dispount ».
Après un an de présence, il est mobilisé, à 38 ans, pendant environ 3 années de guerre, servant au front dans un service d’ambulances, puis à l’arrière. « Après avoir été réformé, (il) fut successivement auxiliaire dans les paroisses de Fouesnant, Edern et Morlaix » (extrait du registre-journal de la paroisse).
Un premier repère important apparaît sur le terrain administratif : la parution au « Journal Officiel » du 23 septembre 1919 de la déclaration faite le 5 septembre précédent d’une Société désignée « Les Sans Peur3 », dont l’objet est très brièvement annoncé : « Développer les forces physiques, la pratique du tir » Son siège Social est « au Bourg d’Ergué-Gabéric ». La seule activité précisément indiquée : « la pratique du tir ». Comme si c’était la seule discipline à annoncer explicitement. Il y a un enjeu en effet : tôt ou tard, il va falloir que cette jeune Société obtienne l’agrément S.A.G., qui ouvre la voie aux subventions et à des avantages multiples.

Un match de football a bien eu lieu auparavant, le 9 mars 1919 (Le Finistère des 1, 8 et 15 mars 1919). Le « Stade Quimpérois » joue contre une équipe désignée sous le nom « A.S. d’Ergué-Gabéric » dont le journaliste déclare que « la valeur nous est totalement inconnue, mais qui, composée de jeunes gens de la classe 1920, compte résister au Stade ». Il poursuit : « Après Kerfeunteun, voici Ergué-Gabéric, bientôt Ergué-Armel qui viennent au sport ; le Stade Quimpérois est heureux d’assister à cette éclosion de sociétés voisines et de pouvoir les encourager en les faisant applaudir du public quimpérois ». En effet, le dimanche précédent, le Stade Quimpérois invitait sur son terrain une « Union Sportive Quimpéroise » constituée surtout sur Kerfeunteun, et le match était présenté comme « le premier match sérieux du Stade Quimpérois » (après-guerre), qui allait « mettre sur pied un « onze » de bonne valeur ». Nous ignorons à quoi correspond cette « A.S. d’Ergué-Gabéric » et nous ne la retrouverons plus dans les chroniques sportives. Cette équipe n’a peut-être rien à voir avec les « Paotred » On peut penser que le Stade Quimpérois, qui était en mesure de constituer plusieurs équipes de jeunes joueurs, cherchait dans les communes proches des adversaires à qui les opposer, mais n’y a pas toujours trouvé le répondant recherché.

Voici encore un match de foot contre une équipe du Stade Quimpérois. C’est en 1922 : le dimanche 29 janvier, « la 4ème du Stade a eu raison des Paotred dispount par 13 buts à 0 (Le Finistère du 4 février 1922).

Ce n’est pas le soutien du Stade Quimpérois4 qui va permettre de lancer une société sportive à Ergué-Gabéric : c’est plutôt dans le sillage d’un patronage quimpérois, celui de la paroisse Saint-Corentin, que ce qui va s’appeler définitivement « les Paotred Dispount » va prendre son essor à partir de 1920. Ce patronage quimpérois, c’est « La Phalange d’Arvor », créée en 1904. Il pratique principalement les disciplines de la gymnastique. Sous la forte impulsion de l’Abbé Le Goasguen, vicaire à la Cathédrale, il tient à Quimper la dragée haute à la société laïque « la Quimpéroise ». A partir de 1910 il dispose d’une équipe de football qui va vite progresser ; la « Phalange » organise aussi, bien sûr, des formations de préparation militaire.

L’Abbé Le Goasguen est par ailleurs le secrétaire de l’Union Départementale des Patronages, ce qui lui confère toute l’autorité nécessaire pour développer et orienter le réseau des patronages.
Alors qu’il vient de participer à Paris au Congrès de la F.G.S.P.F. (Fédération Gymnastique et Sportive des Patronages de France), il est chargé le 22 novembre 1920, d’en présenter les décisions à Landerneau lors d’une réunion des directeurs de patronages du Finistère : il est décidé de limiter désormais les relations avec les autres fédérations, en particulier laïques, et de renforcer l’organisation des patronages catholiques entre eux. « Il a été adressé aux directeurs de patronage une circulaire recommandant les rencontres interpatronages pendant la saison qui va s’ouvrir. La circulaire insiste sur l’avantage de rencontres amicales entre jeunes gens formés par une même discipline et animés d’un même esprit… » (Le Finistère du 24 septembre 1921).

Ainsi, en football, pour le secteur de Quimper, un challenge regroupant 15 sociétés va se dérouler entre le 1er octobre 1921 et le 15 avril 1922 Désormais, les « Paotred dispount » vont disputer leurs matchs presque exclusivement dans ce cadre du Challenge des Patros de la F.G.S.P.F. de la Cornouaille. (Progrès du Finistère du 15 octobre 1921).

Foot-ball
Challenge départemental de la F.G.S.P.F. - C’est dimanche prochain 16 octobre que commencent les rencontres des équipes affiliées à la F.G.S.P.F. dans le secteur de Quimper qui comprend toute la Cornouaille. Déjà 15 sociétés sont engagées et nous recevons chaque semaine de nouvelles adhésions qui nous permettrons sous peu de constituer un nouveau groupe.
Voici les matchs annoncés pour dimanche : Fleurs d’Ajonc de Pont-Aven reçoit Lions Saint-Marc de Trégunc - Les Mouettes d’Arvor de Lanriec reçoivent Concarneau - La Phalange d’Arvor 1re va contre l’Avant-Garde de Quimperlé - Les Potred-Dispount 1re d’Ergué-Gabéric contre les Jongleurs de N.D. à Quimperlé - Les Potred-Dispount 2e d’Ergué-Gabéric contre Riec - La Jeanne d’Arc Quimper 1re reçoit la Phalange d’Arvor 3e - La Phalange Saint-Joseph de Combrit reçoit la Jeanne d’Arc de Pont-l’Abbé.

De même pour la gymnastique et la clique : les « Paotred » sont invités à se produire à Saint-Denis quand la « Phalange » y organise une journée festive au nouveau Foyer des Familles le 1er mai 1921. De même à la kermesse de la « Phalange » le 12 juin 1921. (Progrès du Finistère du 18 juin 1921).

La Phalange d’Arvor.
Grande Fête à Saint-Denis, 12 juin. - Dès 6 h. ½, les sons joyeux des trompettes (…)
A 2 heures, nous entendons les clairons. C’est la Société des Paotred dispount, conduite par M. l’abbé Le Gall, d’Ergué-Gabéric. Cette jeune Société produit bon effet. J’en juge par les exclamations qui se font entendre à leur entrée : « Oh ! ils sont costauds !! ». Quelques minutes après, les jeunes de la Jeanne-d’Arc font leur entrée  (…)
Puis viennent les exercices en plein air, acrobaties..., ballets des Pierrots.
Un compliment aux Potred dispount pour leur travail aux barres : c’est bien, très bien.
La Jeanne-d’Arc, par ses représentations théâtrales, a fait réellement plaisir.
Les pyramides de la Phalange d’Arvor, comme tout son programme du reste, ont été artistiquement enlevées ( …)

La « Phalange » entraîne les gymnastes des « Paotred » avec elle dans ses déplacements : au Festival de Quimperlé le 26 juin suivant, puis à Brest au concours régional de gymnastique de la Fédération des Patros à la mi-août.

C’est ce même été, le 3 juillet 1921, qu’a lieu l’inauguration du « Patronage du Sacré-Cœur »5 au lieu-dit « l’Hôtel » où les « Paotred » disposent d’une grande salle au rez-de-chaussée d’une maison, et d’un terrain équipé d’une baraque. L’évènement est annoncé par un article du Progrès du Finistère le 2 juillet 1921.

Ergué-Gabéric.
Inauguration du Patronage. - Demain dimanche, 3 juillet, aura lieu l’inauguration du Patronage du Sacré-Cœur par Mgr Duparc, Ergué-Gabéric.
Inauguration du Patronage. - Demain dimanche, 3 juillet, aura lieu l’inauguration du Patronage du Sacré-Cœur par Mgr Duparc, évêque de Quimper et de Léon, avec le concours de la « Phalange d’Arvor » et de la « Jeanne-d’Arc » de Quimper.
A 11 heures, messe pour les gymnastes, au bourg, à l’église paroissiale. Allocution de M. Le Goasguen, directeur de la « Phalange ».
Après la messe, départ pour l’Hôtel, dîner. A 2 h, arrivée de Mgr Duparc. A 2 h ½, vêpres dans la baraque, bénédiction de la statue, du drapeau. Allocution de Mgr Duparc. A 4 h, mouvements d’ensemble, exercices aux agrès, ballet des Pierrots.
Rendez-vous dimanche matin, à 11 heures moins quart, dans l’allée de Pennarun.
Le directeur : Le Gall, vicaire

Les « Paotred Dispount » se sont constitués sur le modèle de la « Phalange d’Arvor » : un lieu convenant aux activités, une bonne équipe de gymnastes accompagnée d’une clique ; une équipe de football de bon niveau, et enfin des cours de préparation militaire conduisant à la participation à des concours de tir et à l’examen du Certificat de Préparation au Service Militaire. Ainsi, à l’issue de la 2ème session d’examen sanctionnant la préparation militaire de la classe 22, organisé à Quimper, nous verrons apparaître parmi les candidats à qui est attribué le C.P.S.M. deux sociétaires des « Paotred » : Pierre Quéré et Marcel Le Gallès (Le Finistère du 16 septembre 1922).

Les « Paotred Dispount » sont prêts pour assurer une très belle prestation à Odet à l’occasion des Fêtes du centenaire des Papeteries Bolloré en juin 1922, pour la plus grande satisfaction de René Bolloré, leur président, et de ses invités.

A suivre…

 
  1. Georges Koechlin, né en 1872, est le fils d’un industriel de Mulhouse fortement engagé dans la guerre de 1870 contre l’occupation allemande. Il se replia en Suisse, puis à Paris et enfin à Bénodet, où il construisit une villa qui devint l’Hôtel Kermor. Le fils partage les idées républicaines et l’esprit de revanche du père. Lieutenant de réserve au 118ème R.I. de Quimper, il habite Quimper. Il est entomologiste de profession.
  2. Journal républicain fondé par Louis Hémon en 1872. Louis Hémon aura été député de Quimper de 1876 à 1885 et de 1889 à 1912, puis sénateur jusqu’à sa mort en 1914. - Le délégué du l’U.S.T.F (Union des Sociétés de tir de France) est M. Georges Koechlin. - M. Le Roux, propriétaire, est probablement Jean-Louis Le Roux, de Lezouanac’h, leader des républicains, conseiller municipal et délégué cantonal auprès des écoles publiques, futur maire de 1925 à 1929.
  3. Cette déclaration officielle semble préférer la traduction en français du véritable nom : « Paotred dispount ».
  4. Le « Stade Quimpérois » a vu le jour sous la forme d’association déclarée en 1905. Des matchs de football se déroulaient dès 1904 entre lycéens sur le plateau de la Déesse, ou au vélodrome du Véloce-Club ou au champ de manœuvre sur le Frugy. Le « Stade Quimpérois » eut d’abord le même président que « la Quimpéroise » un professeur du Lycée, François Parent… Le « Stade Q » dominait avant la guerre de 14-18 le championnat de Basse Bretagne avec l’A.S. Lambézellec. Il doit se reconstruire après la guerre.
  5. Cette appellation est rarement attestée. Les salles de patronage étaient souvent dédiées à un saint, dont elles portaient le nom. Le patronage lui-même prenait ou ne prenait pas le nom de ce saint pour se désigner lui-même.
 
François Ac'h - keleier Arkae 77 - février 2013
 

Trésors d'archives > Quartiers > L'école publique de Lestonan 1967-1975

L'école publique de Lestonan de 1967 à 1975

 

Ces pages font suite, d’une certaine manière, au travail de recherche effectué par François Ac’h et Roger Rault sur la période 1880-1930 concernant les écoles publiques de Lestonan.
Nous nous intéresserons ici à la période s’étendant de 1967 à 1975. Notre témoignage se limitera à un récit parfois anecdotique décrivant l’état matériel et administratif de l’Ecole et restituant les divers aspects des conditions de notre fonction d’instituteurs- directeurs d’écoles primaires’’ durant ces années.

Survol préalable des années 1932 à 1967

En 1932, après les créations en 1928 et 29 des "Ecoles de la Papeterie", comme les désigne lui-même M. René Bolloré, écoles privées "gratuites et obligatoires" au confort exceptionnel (électricité et chauffage central), les Ecoles Publiques de Lestonan sont au bord de la disparition avec chacune une classe (44 élèves pour l’école des garçons et 35 pour celle des filles contre un effectif total évalué entre 200 et 250 élèves pour 6 enseignants quelques années auparavant).
En 1932, les deux écoles publiques sont dirigées par M. et Mme Lazou qui ont profondément marqué la vie du quartier.
La création de ces deux écoles privées met fin aux tergiversations, aux promesses non tenues, aux nombreux revirements, aux coups bas des diverses municipalités, de la famille Bolloré, de l’Inspection Académique qui n’ont jamais pu se mettre d’accord sur le développement de l’Ecole de Lestonan. Toujours est-il qu’avec 3 locaux pour deux classes, 3 logements, un terrain acquis en 1926, l’espace est alors plus que suffisant. Les classes seront géminées en 1933. L’Ecole dite de garçons et l’Ecole dite de filles subsistent administrativement de façon distincte,mais chacune des classes accueille garçons et filles à partir de cette date.
En 1967, quand nous arrivons à Lestonan, la situation administrative est toujours la même, mais avec une école de garçons à deux classes et une école de filles à deux classes. De 1932 à 1967 très peu d’évolution en ce qui concerne la disposition des locaux (voir les 2 plans) et les effectifs (108 élèves au total, c’est à dire une augmentation d’à peine 30 élèves pour ces 35 dernières années).

Notre arrivée à Lestonan

En 1967, après 6 années passées à Edern dans l’école du hameau retiré de Gulvain, école classée déshéritée par l’Education Nationale, nous souhaitons nous rapprocher de la ville. A l’école de Lestonan, M. et Mme Imprez désirant se fixer à Quimper portent leurs deux postes susceptibles d’être vacants. Nous les sollicitons et les obtenons pour la rentrée de septembre.
Dans le petit monde de l’Education, Lestonan est peu connu, mais pour moi (Maryse), c’est un lieu familier. Il faut rappeler que mes racines sont gabéricoises depuis des générations et qu’en 1967 mes grands-parents paternels (Marie-Anne et Louis Barré de Penn ar Garn) ainsi que la majorité de ma famille y vivent encore.
En juin de cette année-là, quand nous recevons notre nomination officielle, nous prenons contact avec nos prédécesseurs afin de visiter les lieux et de prendre tous les renseignements utiles. L’accueil est très cordial mais peu encourageant : toutes les difficultés nous sont exposées et, en particulier, le surcroît de travail occasionné par la gestion de la cantine. Qu’importe! Nous avons obtenu ce que nous avions demandé, et la cantine, nous nous en occupions aussi à Gulvain!
Début septembre, nous déménageons. Les services d’un déménageur professionnel ne s’imposent pas. Le camion de François Le Berre (Fanch a Bar) fait l’affaire. L’installation du chauffage central est en cours. Les ouvriers de Roger Coathalem s’activent. Ouf ! Il n’y aura pas à allumer les poêles chaque matin dans les classes. Cette rentrée se présente bien.

Etat des lieux en 1967

Les locaux. Entre 1930 et la période qui nous intéresse, peu de choses ont changé (voir plans). Le corps des bâtiments comprend :
en façade nord, deux logements donnant sur la rue.
Celui qui s’ouvre sur la cour des filles est occupé par la famille Le Lec jusqu’en 1970 puis par la famille Corlosquet pendant de nombreuses années. Ce logement, froid et humide, se compose de 2 pièces au rez-de-chaussée et 2 pièces à l’étage. Absence de sanitaires.
Celui qui s’ouvre sur la cour des garçons est inoccupé. Après avoir abrité un réfectoire très exigu, il sert de réserve pour la cantine.

Les classes, au nombre de 3. L’une donne sur la cour Ouest, les deux autres sur la cour Est. Elles sont grandes et claires, mais relativement humides. Elles ont besoin d’un entretien sérieux. Les murs sont défraîchis et les planchers en mauvais état.
Au fond de la cour des garçons, le logement du directeur. Au rez-de-chaussée, 2 pièces ; à l’étage 2 chambres et un petit réduit doté d’un lavabo et d’une douche qui n’a jamais fonctionné, faute d’alimentation en eau chaude. Pas de WC dans le logement.

Les cours. Le portail de l’école jouxte le commerce Bouedec et donne sur la cour des garçons où se trouvent un garage, des cabinets « à la turque », des urinoirs, un préau (disons plutôt un abri d’à peine 20 m2) avec accès au jardin.
La cour des filles a la même configuration. Dans le préau une porte donne accès à la cantine.
Les cabinets des deux cours (qu’on ne peut qualifier de sanitaires) sont d’origine et datent donc de la fin du 19e siècle. Leur remplacement par des sanitaires décents fait l’objet d’échanges mémorables avec Tinig Signour lors d’une visite de la commission des écoles. Tinig les trouve encore fort convenables et ne juge pas nécessaire d’en construire d’autres.

La cantine. Dans les années 1950, la municipalité a fait construire un bâtiment à usage de cantine : une entrée avec lavabos, un réfectoire, une cuisine.
L’équipement de la cuisine est des plus sommaires : des placards, une table, un évier, et, pour la cuisson, deux trépieds alimentés au gaz (trépieds à lessiveuse).
Le réfectoire est meublé de quelques tables recouvertes de lino, de bancs et d’une longue table sur tréteaux (dont on reparle plus bas).

Le jardin. Dans le prolongement de la cantine, un "préfabriqué", a été installé à la rentrée 1966 pour abriter une classe enfantine qui est la deuxième classe de l’école des filles.
En 1967, il reste donc environ la moitié du jardin d’origine, un bel espace tout de même.
Au pignon du logement du directeur, exposée au sud, une petite parcelle permet d’obtenir quelques légumes et des pommes de terre (vers le 1er mai ?). Une glycine assez envahissante grimpe sur ce mur. Un muret de pierres sèches recouvert de vigne vierge subsiste près de la cantine et délimite la cour des petits.
Le reste du jardin donne sur le quartier du Champ et on y trouve des pommiers, un prunier, des groseilliers, des lilas et un majestueux camélia qui fut planté par M. Lazou dans les années 30.

Le fonctionnement de l’école

Les classes, leurs effectifs. Comme déjà dit, à notre arrivée en 1967 l’école comprend 4 classes pour 108 élèves (effectif au 10 décembre 1967).
La classe enfantine ( Marie-France Le Beul) : une trentaine d’élèves.
Le CP ( Hélène Le Lec).
Le CE1- CE2 (Maryse Le Berre).
Le CM1-CM2 - Fin d’études (Jean Le Berre).
Les 2 écoles sont géminées et les classes sont mixtes ; la classe enfantine et le CE1-CE2 forment l’école de filles (école B) ; le CP et le CM1-CM2-FE forment l’école de garçons (école A). Aux yeux de tous, il y a « l’Ecole Publique de Lestonan » car les subtilités de l’Administration ne sont pas connues.
A cette date encore beaucoup d’enfants d’ouvriers papetiers fréquentent les écoles privées. Quelques-uns cependant viennent à l’école publique, ainsi que des enfants de commerçants et d’artisans de Lestonan, d’agriculteurs et de familles habitant la zone rurale Est de la commune. De plus en plus de familles travaillant à Quimper dans différents services administratifs ou de santé s’installent dans le quartier, et le nombre d’élèves croît régulièrement (voir graphique).


L’urbanisation du Rouillen amène une forte hausse des effectifs dans les années 70-75, ce qui nous vaut des ouvertures de classes dans l’urgence, avec des structures légères vite montées :
En 1970 : ouverture d’une classe primaire à l’école de garçons (arrivée d’Andrée Canévet).
En 1970 également : ouverture d’une classe enfantine à l’école des filles (arrivée de Mme Faruel, remplacée par Marie Louise Léon en 1971).
En 1973 : ouverture d’une classe primaire à l’école de garçons (arrivée de Mme Morel).
En 1973 il y a donc 7 classes pour 173 élèves. Et l’on reparle (comme dans les années 20) de la nécessité de restructurer l’ensemble du groupe scolaire. De nombreuses questions se posent alors : Faut- il une école maternelle autonome ? et où la construire ? Quant à l’école primaire, faut-il tout reconstruire ou rénover sérieusement la partie ancienne et rajouter des classes en ‘’dur’’?
Et la cantine, n’est- il pas temps de la moderniser et de reconsidérer son fonctionnement ? (voir plus bas, chapitre cantine).
A cette date, le jardin a pratiquement disparu ; les 3 classes implantées en 4 ans ont remplacé les fruitiers, les massifs de fleurs, le muret et ces baraques ne sont qu’un pis-aller. Un certain hiver, pendant les vacances de Noël, l’eau gèle dans les canalisations de chauffage central de la classe enfantine : les radiateurs éclatent, répandant une eau noire sur le parquet. Il faut éponger! Une autre année la grosse chaleur rend suffocante l’atmosphère dans les classes préfabriquées ; on arrose les toitures pour essayer de les refroidir.
Des questions primordiales se posent donc dès cette époque mais les solutions ne seront pas immédiates car au Bourg, des besoins se font également sentir et le quartier du Rouillen est en pleine expansion.
De nombreux équipements scolaires et sportifs sont partout nécessaires. A Lestonan, l’Ecole Publique, pratiquement enclavée, ne peut s’étendre que sur des terrains dont le propriétaire ne veut absolument pas se séparer. Commencent alors de laborieuses négociations entre Pierre Quéré d’une part, Jean-Marie Puech, le Maire, et son adjoint Alain Le Bihan d’autre part.
Les discussions souvent au bord de la rupture se termineront favorablement, non sans mal.
Le terrain étant acquis ou en voie de l’être, reste à décider ce qu’on y construira ; une bonne quinzaine d’années sera encore nécessaire pour que l’Ecole Publique trouve sa physionomie actuelle. En 1986, avec ses 10 classes (maternelles et élémentaires totalisant 254 élèves) les effectifs se stabilisent peu ou prou.

Les services municipaux. Une seule personne, Marie-José Pennarun (Le Moigne) est employée communale depuis 1959 et affectée à diverses tâches.
Elle aide l’institutrice de la classe enfantine (le rôle actuel des ATSEM) ; elle accueille le matin les élèves qui arrivent par le car de ramassage scolaire et les reconduit à 16 h 30 ; elle balaie et nettoie les classes le soir.
Elle assume également la corvée d’avant la rentrée : le nettoyage en profondeur des classes. Seule au début, elle est secondée au fil des ans par Jacqueline Le Clech, Henriette Francès, et Anna Cloarec.
Avant la rentrée de septembre chaque classe est nettoyée du sol au plafond ; les tables et les chaises sont lavées et cirées. Pas de consigne particulière de sécurité pour le nettoyage des hautes fenêtres. Les sols sont lavés et enduits d’huile anti-poussière qu’il faut commander et aller chercher à la Droguerie Nationale près de la gare de Quimper.

Les services techniques tels que nous les connaissons aujourd’hui n’existent pas encore. Seuls les cantonniers interviennent avant la rentrée pour le balayage des cours.
Les travaux d’entretien (essentiellement les peintures des classes) sont confiés aux artisans de la commune. A la dernière minute, on voit arriver les peintres Kernaléguen-Le Corre (bons chanteurs ! très décontractés) et plus tard, Marcel Barré. La chaudière qui alimente toute l'école est révisée par l’entreprise Coathalem mais c’est le directeur qui l’allume et règle la température selon la météo. Quand nous manquons de mobilier, notamment pour la cantine, Jean- Louis Thomas ou Yves Nicot livrent des tables et des bancs de fabrication robuste.
L’équipe municipale de Jean-Marie Puech accorde les crédits nécessaires à l’achat des fournitures scolaires et aux équipements des classes dont les effectifs sont en augmentation continue. Alain Le Bihan et Jean Hascoet, eux-mêmes parents d’élèves, sont nos interlocuteurs.

La cantine. Comme dans la plupart des communes, la gestion de la cantine est laissée aux directeurs d’école. Nous avons en charge l’emploi d’une cantinière et toute l’organisation depuis les commandes des denrées, l’élaboration des menus jusqu’à la comptabilité (collecte des prix des repas, salaire de la cantinière, déclaration URSSAF, etc.).
Madame Guillou (Marjannig Ar Bras ) est en place depuis plusieurs années. Nous lui demandons continuer d’occuper ce poste. Elle a des habitudes et tient à conserver des menus qui se répètent d’une semaine à l’autre, une nourriture simple et saine : de la soupe tous les jours, un plat, et pour terminer, des tartines de confiture que les enfants trouvent sur la grande table à tréteaux qui trône au milieu du réfectoire.
Ce qui nous surprend le plus, c’est que la vaisselle est fournie par les familles. Chaque élève retrouve chaque jour à la place qui lui est dévolue son assiette et son verre que la cantinière reconnaît. Nous remédions dès la rentrée à cet usage datant d’un autre temps en achetant un lot de vaisselle. D’ailleurs, les rationnaires augmentant, cette façon de faire aurait pris trop de temps.
Le prix du repas est de 1 F. La commune verse une subvention qui permet de régler quelques factures d’épicerie.
Le budget est serré. Les familles fournissent avec plaisir les légumes pour la soupe. En alternant chaque mois, nous achetons chez les commerçants de Lestonan l’épicerie (Chez Bouédec et Le Ster), la viande (chez Lauden et Henry), le pain (chez Le Ster, Guéguen, puis Dervoet). Un cahier fait la navette pour les factures en fin de mois. Pour des conditionnements plus adaptés il faut recourir à des fournisseurs spécialisés dans l’approvisionnement des collectivités.
A midi, chaque enfant retrouve sa place. Il y a seulement environ 45 inscrits à cette première rentrée. Les "grands" sont investis du titre de "chefs de table" pour aider les petits et prennent ce rôle très au sérieux. Après un temps d’observation, nous apportons quelques améliorations en variant les menus et en proposant de vrais desserts.
Une anecdote : Mai 1968. C’est la grève générale. Les 4 enseignants sont grévistes. A Quimper un collectif distribue des denrées alimentaires. Nous décidons de nous y approvisionner afin de faire fonctionner un service de cantine gratuite pour les enfants de grévistes.
Nous voyons arriver des élèves de l’école privée voisine dont les parents sont employés à l’usine Bolloré... Ceci n’a duré que quelques jours , mais a marqué les esprits.

En 1970, Madame Guillou, déjà malade sans doute, cesse son activité. Henriette Francès accepte de la remplacer avec un statut pourtant peu alléchant : elle sera payée à l’heure, cinq jours par semaine. Henriette aime cuisiner ; elle est toujours partante pour varier les menus, pour innover. A l’heure de midi, la cantine est une véritable ruche. Chaque adulte prend part au service car le nombre de rationnaires ne cesse d’augmenter (jusqu’à 150). Herveline Le Roux, nommée à Lestonan en 1970, apporte également son aide. Le nombre croissant d’enfants et une légère augmentation du prix du repas permettent d’équilibrer un budget encore serré et aussi de moderniser l’équipement de la cuisine en achetant un frigo, une gazinière, une plonge et une friteuse, matériels "pro" fabriqués par les établissements Capic et pour lesquels la Mairie octroie des crédits couvrant 50% du prix (seulement pour les deux derniers achats). Le tout est complété par un hachoir professionnel et une éplucheuse de pommes de terre achetée d’occasion à un collège du Nord-Finistère.
Une société de surgelés nous prête un congélateur, merveille qui contient des desserts dont des glaces en petits pots... les instants de silence pendant la dégustation sont impressionnants.
Il est évident que la gestion de cette "entreprise" devient de plus en plus contraignante et des contacts s’engagent avec la municipalité pour que celle-ci prenne en charge les emplois de la cantinière et de son aide, Anna Cloarec, recrutée depuis peu. Démarche commune avec l’école du Bourg qui se trouve dans le même cas. Le Maire n’est pas opposé à une aide supplémentaire mais est assez réticent à la demande de municipalisation des employées.

En 1974-75, la construction des Ecoles du Rouillen se termine. Cet ensemble est doté d’une cuisine centrale qui distribuera les repas dans les écoles et fonctionnera avec du personnel municipal. Les écoles du Bourg et de Lestonan sont alignées sur celles du Rouilllen . Le travail des cantinières sera différent car la préparation ne se fera plus sur place. Mais à qui confier ce nouvel outil : gestion purement municipale ou recours à une de ces sociétés privées qui commencent à s’implanter un peu partout ?
Autre anecdote : Afin de faire un choix dans la production des repas de la future cuisine centrale, la municipalité contacte la société Sodexho qui répond par une invitation à Bordeaux. La délégation gabéricoise comprend le Maire, des élus, le secrétaire de mairie et un représentant de chaque école. Pendant deux jours, nous visitons des cantines, des restaurants d’entreprises et, bien sûr, une cave du Bordelais… Malgré un accord pratiquement conclu , le marché sera confié non pas à Sodexho, mais à un de ses collaborateurs qui monte sa propre société (Restaurel). Bravo M. Tartu ! Rassurons-nous, la gestion de tout cela deviendra rapidement municipale.
D’une cuisine familiale on passe en 1975 à une cuisine de collectivité. Fin d’une époque. Pour les directeurs d’école, c’est un fardeau en moins d’autant plus qu’il ne faut pas perdre de vue que leur fonction première est d’enseigner, de s’occuper en classe des élèves dont ils ont la charge. Ils continueront à assurer la surveillance du réfectoire et après des années de bénévolat, ils seront indemnisés pour ce travail qu’ils partageront avec les adjoints volontaires.

 

Conclusion.

Le récit de cette petite tranche de vie va peut-être susciter l’étonnement des plus jeunes.
En parlant de l’école publique de Lestonan, nous relatons des situations ordinaires, vécues également par nos homologues exerçant dans la plupart des communes rurales à cette même époque.
La fonction des directeurs d’école a beaucoup évolué au cours des dernières décennies, les libérant de nombreuses charges matérielles mais leur imposant sans doute d’autres contraintes.

Gwechall e oa !

 Maryse et Jean Le Berre

 

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Géographie du Pays de Kerdevot

Par Colette JEHL

Cette étude a été réalisée en 1989 et publiée dans Kerdevot, livre d'or du cinquième centenaire.
Colette Jehl a publié deux ouvrages sur la région quimperoise
  • Quimper Hier et Aujourd'hui par Colette Jehl et Philippe Malot -editeur Ouest-France (1998)
  • Les Faïences De Quimper. Trois Siècles D'Histoire, De Passion Et De Savoir-Faire par Colette Jehl - Editeur : Faïenceries De Quimper HB Henriot (janvier 1996)

 

 

Ergué-Gabéric est une commune péri-urbaine. Elle se développe à l'est de Quimper. Limitée aussi par les communes de Briec, Landudal, Elliant et Saint-Evarzec, elle est traversée par la route départementale Quimper Coray – Saint-Brieuc et la voie rapide Brest-Lorient-Nantes. Un échangeur reliant ces deux axes routiers, ouvert fin 1985 a permis la création d'une zone industrielle très bien localisée.

La commune se situe en Pays Cornouaillais, à la limite du Pays Glazik (Quimper) et du Pays Melenik (Elliant) qui est inclus dans le Pays Fouesnantais. Cette réalité ancienne est toujours présente dans la mémoire collective et influence encore les mentalités.

Mais aujourd'hui, on sait que l'espace est « polarisé » ; qu'il s'organise à partir de Pôles de commandement qui exercent leur influence sur une région. Ergué-Gabéric est donc immédiatement située dans la zone d'influence de Quimper ; ville moyenne de 60 000 habitants, siège de la préfecture et du Conseil Général du Finistère regroupant tous les services administratifs ; place commerciale, ville de tourisme, centre universitaire et carrefour routier. Elle est devenue une commune « rurbaine ». De nouvelles relations se créent à l'intérieur de cet espace car les gens le vivent différemment etle perçoivent différemment. En 1984, « l'association pour la promotion et le développement du Pays de Quimper » regroupait les élus des communes limitrophes désirant œuvrer dans le sens de la coopération intercommunale. Ergué-Gabéric en fait partie.

 

1 - Description topographique

La commune se présente sous la forme d'un plateau d'environ 110 m d'altitude moyenne incliné du NE vers le SW et du nord vers le sud (Kergonan, Carpont 135 m, Le Lec 130 m, Poulduic 80 m). Ce plateau est profondément disséqué par le réseau hydrographique et n'offre plus aujourd'hui que des interfluves à sommet plat et flancs arrondis. Ce sont les versants des vallées, plutôt encaissées. Les nombreux ruisseaux qui découpent ce plateau sont des affluents du Jet ou de l'Odet qui servent de limite communale au sud, au nord et à l'ouest. Nous sommes ici dans le bassin hydrographique de l'Odet. Le Jet, son affluent qui le rejoint à la limite de Quimper, au Cleuyou forme un sous-bassin et la ligne de partage des eaux entre l'un et l'autre est exactement suivie par la route départementale Quimper-Coray. Les vallées et vallons suivent trois directions privilégiées et présentent souvent des tronçons rectilignes : NE - SW, WNW-ESE et NW-SE.

Le réseau hydrographique est bien hiérarchisé mais il y a des discordances entre l'ampleur du creusement et le débit bien faible des cours d'eau. Le chevelu hydrographique, assez dense, est surtout formé de ruisseaux minuscules contrastant en effet avec la profondeur des vallées. Celles de l'Odet et du Jet présentent des profils longitudinaux et transversaux complètement différents.

La Vallée du Jet, utilisée par la voie ferrée Paris-Quimper a un fond très plat, de largeur inégale (de 120 m à 370 m) et des versants très raides, entaillés par des valIons transversaux. Une forte dénivellation entre le plateau et la vallée s'attenue vers l'ouest (80 m à Kerdilès, 50 m à Kerellou, 40 m au poulduic) avec une certaine dissymétrie des versants puisque sur Saint-Evarzec, la dénivellation reste forte jusqu'au Mont Frugy à Quimper (65 à 70 m). Le ruisseau du Jet dans son débit actuel paraît bien sûr sans relation avec un relief aussi vigoureux. Il prend sa source près de Coray et reçoit un large éventail d'affluents à l'amont. Près de sa confluence avec l'Odet, il serpente en dessinant des petits méandres. Etant donné la faible capacité du lit mineur, le lit majeur que constitue cette vallée à fond plat est une zone inondable où l'eau déborde fréquemment en fin d'hiver. Les crues sont ainsi rapidement écrêtées mais tout dépend de la saturation préalable des sols. En été, les étiages sont sévères. Le Jet se réduit à un filet d'eau bien qu'il soit alimenté par quelques sources souterraines.

 

La Vallée de l'Odet, (E-W puis N-S) est aussi très encaissée. Les rares secteurs à fond plat correspondent à l'extrémité des lobes convexes de méandres. Au nord, il y a une nette dissymétrie des versants. Sur Ergué-Gabéric, celui-ci est beaucoup plus raide et la dénivellation y est plus forte (60 m) que sur Briec ou Kergonan à l'est (40 m). Au Stangala, le paysage est superbe et prend l'aspect de gorges sauvages et boisées. La dénivellation atteint plus de 80 m. Au sortir des gorges, après la carrière ; la vallée s'élargit jusqu'à Pont Odet et la pente de la rivière s'abaisse, zone inondable malheureusement urbanisée. L'Odet vient des Montagnes Noires qui sont très arrosées et ses crues peuvent se produire de novembre à mars, mais surtout en février. Conjuguées aux crues du Jet, elles peuvent être catastrophiques pour la ville de Quimper comme celle de février 1974 quand les sols saturés par les pluies ne retiennent plus les eaux.

 

Le paysage rural se présente comme un bocage à chênes pédonculés avec châtaigner et hêtres. Il est associé à un habitat dispersé en fermes isolées dont quelques anciennes maisons de maîtres et manoirs. Mais ce bocage est très hétérogène.

 

Dans les nombreuses vallées encaissées, aux versants pentus, le paysage retourne à l'état naturel. Les anciennes prairies permanentes, autrefois très prisées ; parcelles trapues de fond de vallée ou allongées parallèlement à la pente retournent à la friche. Envahis de ronces et de chardons, les fonds de vallées sont mal drainés. Quand elles ne sont pas vraiment en friche, ces prairies ne sont utilisées que l'été pour des coupes de foin. Sur les pentes, on a conservé des pâtures protégées de haies mais ici ou là, on remarque des reboisements en résineux, en timbre poste. Les agriculteurs n'ont plus le temps d'entretenir ces zones contraignantes. L'utilisation des prairies humides n'est plus une nécessité pour l'agriculture moderne car l'herbe se cultive (+ 50% de la surface agricole) et les grosses machines sont inadaptées. Néanmoins, par respect du patrimoine qui vient de leurs parents, les exploitants agricoles essayent de limiter le développement des friches.

 

Les interfluves présentent un aspect très hétérogène. La commune n'ayant pas été remembrée, on peut voir, juxtaposés des groupes de toutes petites parcelles trapues, fermées de haies et de vastes parcelles rectangulaires, découvertes et redivisées en lanières de cultures différentes. Certains agriculteurs ont ainsi arasé les talus à l'intérieur de leur exploitation en gardant les haies de limite de propriété et celles qui limitent les pentes. Disposer de vastes parcelles rectangulaires est un avantage car l'essentiel de la surface cultivée est aujourd'hui en « terre labourable ». Cependant, les secteurs en pente sont nombreux à Ergué-Gabéric et les haies retiennent la terre et les eaux de pluie ; le vent est assez fort, à dominante NW et W en hiver, et les bêtes, d'instinct se mettent à l'abri des haies or l'élevage bovin est présent partout. A l'exception d'une centaine d'hectares réservés aux cultures de légumes pour les conserveries ; herbe, blé, orge, ray-grass, maïs, betterave, colza, etc ... sont réservés à l'alimentation des bêtes. En 1987, 43 % des exploitations ont une orientation laitière ; 26 % pratiquent l'élevage bovin pour la viande (vache allaitantes, limousines, blondes d'Aquitaine ou embouche de charolais). Il y a peu d'élevage hors-sol (porcs, lapins, poulets) mais deux très gros producteurs d'œufs de Kernévez et Saint-André. Certains exploitants âgés, ne produisent que des céréales et des légumes pour la vente (12,6%) par l'intermédiaire de l'entreprise de travaux agricoles. Il existe aussi sur la commune, deux pisciculteurs sur le Jet, un maraîcher au Rouillen, un producteur de pommes à cidre près du bourg et un agriculteur biologique qui produit et vend son pain (pain complet et pain de seigle), à Kerveguen.

 

 

II - Etude géologique et morphologique

 

La structure géologique actuelle résulte de l'orogénèse hercynienne qui a bousculé le socle aplani après l'orogénèse cadomienne, et structuré le Massif Armoricain en grands domaines dont deux sont visibles à l'est de Quimper : le domaine Sud-Armoricain qui apparaît sur Saint-Evarzec et le domaine Centre-Armoricain qui couvre la commune d'Ergué-Gaberic ... et une bonne partie de la Bretagne Centrale. Les deux domaines sont séparés par la zone broyée Sud-Armoricaine qui correspond ici à la vallée du Jet et à la basse ville de Quimper.

La zone broyée Sud-Armoricaine est un couloir de déformation tectonique (cf. tectonique des plaques). C'est une cicatrice profondément enracinée dans l'écorce terrestre ; une grande zone de coulissages WNW-ESE.

On distingue en fait, deux grands accidents linéamentaires d'âges différents qui ont tendance à devenir parallèles et proches vers Quimper : au nord, (versant nord de la vallée du Jet) le linéament « Pointe du Van Angers », accident très ancien, réactivé lors des mouvements majeurs de l'orogénèse hercynienne et au sud (versant sud), le linéament « Pointe-du-Raz - Parlenay » qui est d'âge hercynien.

Cette zone de suture commence à jouer à partir de 340 Ma et se termine par une phase de coulissages dextres tardi-hercyniens (300 Ma) qui vont guider la montée de magmas leuco granitiques syntectoniques. Ces leucogranites constituent aujourd'hui l'essentiel des affleurements sur Ergué-Gabéric. Ce sont des granites clairs, à muscovite, à grain grossier, assez résistants à l'érosion.

Le domaine centre-armoricain comporte donc, sur la commune, des ensembles liés au fonctionnement de la zone broyée. Au sud, une ceinture de leuco granites, enracinée sur cette zone est plus ou moins étirée et mylonitisée aux environs de Kerdévot - Mez an Lez et Quénéach-Daniel - Castel. Le serrage, lors des phases de coulissages à provoqué le laminage, l'écrasement, le broyage des roches qui se sont retransformées sous l'effet de la pression en mylonites, voire ultramylonites, parfois sur plus d'un kilomètre de large.

Plus au nord, les leucogranites affleurent sous la forme d'unmassif allongé, « le massif d'Odet - Lestonan » délimité au nord par la vallée de l'Odet ; à l'ouest par les talus de Ty Mab Fourmant et Ty Gardien (sur Quimper) et au sud par la ligne carrière - Kerveady - Lestonan Vian - Saint-André - Kerlaviou. Ce massif est un batholite intrusif de même origine que les autres leucogranites. Il est découpé par un réseau de fractures et de diaclases denses.

En fait, les géologues pensent que les leucogranites forment ici, une seule et même masse de granite, subaffleurant sous les autres terrains, malgré la variété de leurs faciès.

Comme je l'ai dit, ces leucogranites sont intrusifs, c'est-à-dire que le magma visqueux s'est petit-à-petit mis en place dans des roches plus anciennes qui constituent aujourd’hui, les roches encaissantes. Elles ont été « digérées », et métamorphisées sous l'effet de la température (haute température et pression moyenne) mais il est difficile ici de faire la part d'un métamorphisme de contact et d'un métamorphisme régional. La disposition des affleurements souligne leur antériorité par rapport aux leucogranites car ils sont recoupés par la bordure sud du massif. Il s'agît d'une pari, de la trondhjémite, magma intrusif mis en place à la fin de l'orogénèse cadomienne dans les schistes brioveriens ; métamorphisés (rétromorphosés) en orthogneiss (gneiss sombre à biotite, à grain moyen) lors de la mise en place du massif d'Odet Lestonan ; et d'autre part, des schistes brioveriens ; série sédimentaire antécambrienne (650 Ma) plissée lors de l'orogénèse cadomienne et métamorphisée en micaschistes (schistes gris à staurotides qui donnent des sols argileux après altération). Ils affleurent au centre de la commune entre Pennervan, Quillihuec, Troland et Carpont ainsi qu'au NE à Kergonan et Kerautrel.

 

A la fin de l'orogénèse hercynienne, après les phases de serrage (mylonitisation) se mettent en place quelques filons de magma dioritique près de Kerdévot. C'est une roche sombre, riche en biotite et feldspath, à grain fin, proche des gabbros. Un peu plus tard, lors des phases de détente, des schistes charbonneux seront piégés dans des bassins effondrés au stéphanien (280 Ma) à Kergogn et Quimper-Jet ; en même temps que des fluides hydrothermaux circuleront dans les fractures, à l'origine de la formation des filons vers 400 à 230 degrés C° témoignant ainsi d'un refroidissement progressif du massif et d'une formation postérieure au paroxysme métamorphique. Enfin, vers la fin du trias, des failles NW - SE (faille Kerforne : Douarnenez - Concarneau) vont recouper les accidents coulissants. Sur Ergué-Gabéric, on en voit quelques-unes qui correspondent à ce réseau.

Mais de toute cette orogénèse hercynienne, il ne nous reste plus que la structure des affleurements car les montagnes ont été complètement érodées. Le massif Armoricain étant émergé, une surface d'érosion s'élabore dès le paléozoïque (surface post-hercynienne) elle est ensuite continuellement regradée au fur et à mesure des pulsations du niveau marin et des phases climatiques, jusqu'à l'éocène. On parle de surface polygénique éogène. Claude Klein nous dit dans sa thèse, qu'il s'agit d'une surface acyclique el la qualifie de pénéplaine à partir du tertiaire, mais André Guilcher critique quelque peu cette définition pour la Basse-Bretagne, tout en la considérant valable pour l'Ouest intérieur. On peut parler de surfaces cycliques dans les Monts d'Arrée par exemple. André Guilcher pose aussi la question non résolue d'une pénéplaine ... ou d'une pédiplaine ?

Que reste t-il aujourd'hui de cette surface d'érosion ? En l'absence de témoins, on peut penser que les secteurs plans les plus élevés du plateau correspondent à des éléments de la surface fondamentale vers 110-120 m (Quelennec, Lestonan Vian, Kerangueo, Troland).

Les zones de faiblesse de l'écorce terrestre où se manifestent facilement les mouvements tectoniques et leurs conséquences magmatiques vont rejouer à la fin du cénozoïque (miocène, pliocène) et au quaternaire jusqu'à nos jours puisque la terre a tremblé et grondé le 2 janvier 1959. L'épicentre du séisme se situait sur Elliant au niveau du grand linéament (la zone de Quimper témoigne d'une des plus forte séismicité régionale de Bretagne).

Cettenéotectomique est liée à l'ouverture de l'Atlantique et de la Manche dès le Crétacé (cf. tectonique des plaques). Les anciens accidents ont donc rejoué ; selon les directions privilégiées : WNW - ESE el NE -SW perpendiculaires et parallèles aux rifts ; et NW - SE. Ces mouvements de néotectonique ont rajeuni le massif ancien. Ils ont déformé, basculé vers le SW la surface fondamentale éogène. Ils ont favorisé le rejeu vertical d'accidents anciens et crée un relief en gradins dénivelés vers le sud. On peut ainsi considérer le versant méridional de la vallée du Jet comme un escarpement de faille, précédé de replats rocheux ou gradins de faille, car le rejeu vertical de l'accident coulissant est très probable.

Cependant Ergué-Gabéric est éloignée des points les plus élevés et le soulèvement ici, a été faible. C'est donc l'érosion différentielle qui joue le rôle principal. La reprise d'érosion est bien marquée du fait des modifications climatiques qui provoquent une concentration des écoulements et une incision linéaire dès le miocène. Le manteau d'altérites formé au tertiaire sous climat chaud est en partie nettoyé. Les rivières utilisent les lignes de fracture et s'enfoncent sur les zones altérées ou bien scient les roches dures en coulant selon la pente de la surface d'érosion basculée. Mais l'essentiel du creusement a été réalisé au pléistocène lors des périodes pluviales (interglaciaires) au lendemain des glaciations, sur les versants fragilisés par la cryoclastie. Le creusement s'est fait en fonction du niveau de base marin, dont les abaissements contrôlent la profondeur de l'encaissement des rivières. En effet, comme le soulèvement a été faible sur Ergué-Gabéric, les oscillations multiples du niveau de base dépendent surtout des variations eustatiques qui ont été au maximum de quelques mètres au dessous du niveau actuel de l'éémien (interglaciaire Riss-Würm) et d'au moins 100 mètres au-dessous du niveau actuel dans le courant du Würm. Le dernier réchauffement et la remontée Flandrienne de la mer qui s'en suivit favorisent un alluviennement des fonds de vallées el une tendance à l'hydromorphie des sols ainsi qu'un empâtement par des colluvions et coulées de solifluxion du dernier âge glaciaire (Würm). Le débit actuel est insuffisant pour déblayer les fonds d'argiles et de graviers. Les rivières ne peuvent plus creuser.

 

On peut donc dire que le versant septentrional de la vallée du Jet est un versant de ligne de faille en l'absence de rejeu prouvé. Le fort contraste de résistance a permis un déblaiement important et un élargissement rapide de la vallée qui est aujourd'hui adaptée à la largeur de la zone de broyage, les versants étant formés de leucogranites résistants ou d'ultramylonites. La vallée du Jet est une vallée de ligne de faille. Elle est adaptée à une structure faillée de grande dimension ; alors que la vallée de l'Odet est incisée. Après avoir été guidé localement par un système conjugué de failles orientées WNW-ESE et NE-SW au contact des leucogranites et des micaschistes tendres, "Odet forme un méandre serré dominé par l'échine de Griffonès. Ce méandre est guidé par deux fractures parallèles. Après avoir exploité cette zone de faiblesse, il doit trancher les leucogranites en gorge dans un tracé inadapté à la structure mais adapté à la pente. L'Odet est donc surimposé à la structure.

La surface d'érosion éogène dégagée du manteau d'altérites est dégradée en reliefs résiduels. On repère quelques belles formes typiques du modelé granitique : des collines à flancs convexes à Melennec et Boden, un alvéole très bien dessiné à Mez an Lez (cuvette tourbeuse évidée dans les roches altérées du socle, liée ici à un entrecroisement de lignes de fracture) ; des vallées de fracture (érosion linéaire sur les lignes de fracture où les roches sont broyées, fragilisées). Les deux meilleurs exemples sont la vallée du moulin de Pont ar marc'hat et celle du moulin du Faou.

Enfin, la dissymétrie des versants de l'Odet entre Ergué-Gabéric et Briec s'explique en partie par le contraste de résistance des roches, de même que les ultramylonites arment les parties hautes du relief vers Kerdévot, Quéneac'h-Daniel, Castel. Au centre de la commune par contre, le contact leucogranites - trondhjémite - micaschistes n'est guère mis en valeur. La structure du massif ancien nous a entrainés dans la nuit des temps aux alentours de - 700 millions d'années, mais le paysage que nous avons sous les yeux est le résultat de l'évolution récente (au maximum depuis - 10 Ma) responsable du relief actuel; un relief en creux.

 

GLOSSAIRE

 

BIOTITE : mica noir.

MUSCOVITE : mica blanc.

BATHOLITE : massif granitique dont les racines se perdent dans les profondeurs de l'écorce terrestre.

INTRUSIF(Granite) : résulte de la montée du magma jusqu’à la surface par son intrusion dans l’épaisseur de l'écorce où il se consolide à des profondeurs variables. On peut opposer le magmatisme intrusif au magmatisme extrusif plus communément appelé volcanisme.

COULISSAGE (zone de) : les linéaments de la zone broyée Sud-Armoricaine correspondent à des faillesqui n'ont pas joué verticalement mais latéralement ; les blocs glissant l'un contre l'autre vers la gauche puis vers la droite (coulissage dextre) sous l’effet d'une tectonique de compression.

METAMORPHISME : modification profonde des roches sous l'action de différents agents d'origine endogène. Le métamorphisme de contact, est associé à la mise en place du magma. La roche encaissante subit une transformation à son contact sous l’effet de la pression, de la  température et de la profondeur. Le métamorphisme régional s’effectue en profondeur et affecte de vastes étendues.

OROGENESE : génèse des montagnes, suppose la mise en place d’un volume montagneux.

TECTOGENESE (tectonique): mouvements donnant naissance auxstructures. On parle de tectonique cassante (failles) ou de tectonique souple (plissements).

ORTHOGNEISS : roche métamorphique ; gneiss qui s'est formé par transformation d’une roche magmatique - (paragneiss ;transformation d'une roche sédimentaire).

SYNTECTONIQUE : contemporain de la tectogénèse (du grec syn : avec).

CRYOCLASTIE : fragmentation d'une roche sous l’effet de l’alternance du gel et du dégel de l'eau contenue dans ses fissures.

EUSTATISME: ensemble des mouvements positifs ou négatifs du niveau de la mer, qui sont dus à une variation de l'englacement des Continents.

 

III - L'antimoine à Kerdévot

 

Le minerai d'antimoine se présente sous la forme de sulfure d'antimoine ou Stibine (Sb2 S3). Il cristallise en prismes allongés, disposés en groupes d'aiguilles. Sa dureté est faible, et sa teinte gris de plomb avec éclat métallique.

La stibine se trouve dans des filons hydrothermaux à gangue quartzeuse formés à basse température. C'est-à dire qu'elle s'est formée par la cristallisation de substances dissoutes dans les eaux thermales, et déposées dans des fissures où ces eaux circulaient. Un des éléments les plus constant de la gangue est le quartz. Or, le quartz anhydre fond à 1 700° C. Comme on n'observe jamais de traces de fusion sur les terrains voisins des dépôts, on peut conclure que ce quartz s'est déposé à partir de solutions aqueuses ou de suspensions colloïdales à une température beaucoup plus basse (de quelques centaines de degrés au maximum).

Les filons minéralisés apparaissent à proximité des grands accidents linéamentaires et ils sont liés à la présence des bassins houillers stéphaniens parce que les filons se sont mis en place dans les fentes d'extension, lors des phases de détente, après les phases de compression des grands cisaillements vers la fin de l'orogénèse hercynienne. (La Stibine qui est un minéral très fragile est très peu tectonisée). Ces phases de détente ont permis la formation des bassins houillers et facilité la montée des fluides minéralisateurs. Cette minéralisation serait alors d'âge stéphanien (290 Ma). Les failles marquant le contact entre deux types de roches sont souvent minéralisées alors que les failles tardives de type Kerforne (fin trias) qui décalent la zone broyée sud-armoricaine, ne sont pas minéralisées. C'est ainsi qu'aux environs de Quimper, les failles minéralisées sont dans le prolongement du Bassin houiller de Kergogn (Kerfeunteun) et se raccrochent au grand cisaillement vers Elliant.

 

Dans le district de Quimper, seuls des filons à stibine ont été découverts. La paragénèse en est très simple, pratiquement monominérale. Les minéraux accessoires se constituant qu'une infime partie du minerai essentiellement constitué de stibine massive et de berthiérite résiduelle (Fe Sb2 S4).

Le filon de Kerdévot se présente au contact des leucogranites et des micaschistes. La paragénèse en est extrêmement simple puisque seule la stibine a été observée, en amas polycristallins ou en aiguilles disséminées dans le quartz ; parfois en gerbes à texture rayonnée, dans des micro-géodes.

C'est en 1911 que l'on découvrit, tout à fait fortuitement le minerai sur les terres de Kerdévot (1). Lors d'une journée de défrichage Jean-Louis Huitric agriculteur à Niverrot fut dans l'impossibilité de soulever une des pierres, tant elle était lourde. Celle-ci, une fois cassée, se répandit en fragments bleuâtres constellés d'éclats métalliques. Monsieur Fernand Kerforne, professeur de géologie à la faculté des sciences de Rennes (découvreur du système de failles, qui portent son nom) fut consulté et il constata la présence « à fleur de sol d'un certain nombre de blocs d'une roche quartzeuse contenant de la stibine et de l'oxyde d'antimoine ... » Monsieur Kerforne céda son droit de découverte à la « Société nouvelle des mines de la Lucette » dont le siège était à Paris et qui avait des mines et une fonderie au Genest (Mayenne). Cette société présenta une demande en concession qui fut accordée. Les travaux de recherches se localisèrent à Niverrot à 300 m au SE de la chapelle. La société des mines de la Lucette commença les fouilles au printemps 1913, sous la direction d'un ingénieur, de trois contremaîtres et quatre mineurs Espagnols venus du Genest et dont les épouses furent très remarquées à Ergué-Gabéric par la manière qu'elles avaient de porter leurs enfants sur la hanche plutôt que dans les bras. Une cheminée d'aération rappelait, par sa dénomination, leur souvenir « Toul ar Spagnoled ». La société avait engagé le gros de son effectif dans la région ; une trentaine d'ouvriers au début puis 54 en 1915 (37 au fond, 17 au jour). Le minerai était extrait, lavé, trié, mis en sac et expédié par train à la fonderie en Mayenne. Entre 1913 et 1915, 3 puits, un kilomètre de galeries, trois niveaux d'exploitation (25 m, 38 m, 50 m) furent établis sur les terres de Niverrot dans deux filons distants de 50 m et de quelques centaines de mètres d'extension. Pendant cette même période, les quantités extraites par catégorie de minerai étaient de 352 t. contenant 158t. de stibine (à 50 % de teneur) 19 t. à 30 % et 1 626 t. à 6 % soit environ 300 t. de stibine extraites.

Pourtant, en 1916, la société arrêta l'exploitation et démonta les installations. En 1927, elle reprit des recherches en contrebas de Niverrot à la limite du placître de la chapelle, dans un périmètre interdit à la prospection. Jean Mahé, agriculteur à Kerdévot avait en 1914, mis au jour du minerai à 2 m seulement en dessous du niveau du sol ; mais le gîte fût très vite épuisé et le 1er novembre 1928, la société abandonnait les travaux. On avait extrait seulement 61 t. de minerai à 25 % de teneur. Le 30 mai 1936la société des mines de la Lucette renonça définitivement à son droit exclusif de recherches. C'est ainsi que seul, un des filons de Kerdévot à fait l'objet d'une exploitation. Cependant d'autres gîtes ont été localisés sur la commune et de 1972 jusque vers 1978, les ingénieurs du BRGM ont effectué des recherches approfondies, basées sur des techniques d'analyses géochimiques, des tranchées et des forages.

 

Le filon de Mezan Lez a été découvert en 1927, étudié en 1977. Au contact des leucogranites et des micaschistes, le minerai se présente, dans la gangue quartzeuse, sous forme de lentilles de 15 à20 cm. Il est souvent associé à la melnicovite, ce qui témoigne de la présence initiale de berthiérite (puisque la melnicovite résulte de la précipitation du fer libéré lors de la transformation de la berthiérite Fe Sb2S4 en stibine Sb 2 S3). Présence aussi de mispickel, kermésite, etc ...

 

Le filon de Kervéady a été découvert en 1973 et étudié en 1977. Il s'agit d'une structure filonienne continue, assez complexe, au contact des leucogranites et de la trondhjémite, qui se présente comme un ensemble de nombreux filonnets, de stibine en aiguilles. Ils sont disséminés dans une gangue de quartz gris formant 80 % de la minéralisation.

Seuls quelques tronçons présentent des teneurs suffisantes pour l'exploitation. Plusieurs minéraux ont été recensés : stibine, berthiérite saine ou en voie de transformation en stibine et melnicovite.

 

A Menez-Kervéady et Munuguic des anomalies géochimiques ont été découvertes en 1973.

 

A Quimper d'autres gîtes ont été étudiés dont les plus notables sont Ty Gardien et Leuriou présentant des lentilles de stibine massive. Pour mémoire, on citera la découverte de stibine au niveau du Mont Frugy par l'ingénieur Kerforne, en 1920, dans un secteur aujourd'hui urbanisé.

L'antimoine est essentiellement utilisé comme constituant d'alliages spéciaux auxquels il confère une meilleure résistance. C'est un élément durcissant dans les alliages à base d'étain et de plomb en particulier (plaques de batteries d'accumulateurs, caractères d'imprimerie). Un autre usage, consiste à l'incorporer sous forme d'oxyde à certaines matières plastiques pour les ignifuger. Les peintres, eux, connaissent le « vermillon d'antimoine »(oxysulfures) et le « Jaune de Naples » (antimoniate de plomb).

 

 

IV - Ergué-Gabéric : commune rurbaine

 

A)    Population

La commune connaît un formidable bouleversement depuis quinze ans. Un très fort accroissement de la population entraîne une modification dans la composition sociologique et un changement dans les mentalités.

Jusque vers 1962, Ergué-Gabéric évolue comme une commune rurale et agricole, nullement influencée par la proximité de Quimper. Elle continue de se dépeupler lentement de 1954 (2 610 hab.) à 1962 (2 586 hab.). Le solde migratoire est négatif (-1,54 %par an). Les jeunes partent chercher du travail à Quimper ou ailleurs. Heureusement ces départs sont compensés par un solde du mouvement naturel très positif (+ 1 % par an). Les agriculteurs représentent alors 52 %de la population active et l'exode agricole sévit comme dans beaucoup de communes.

Mais après 1962, l'urbanisation va transformer toutes les données démographiques. Des jeunes ménages viennent s'installer sur la commune grâce à une politique de lotissement, accélérée après 1968. Ergué-Gabéric atteint 2 829 hab. en 1968 et retrouve ainsi son maximum de population de 1911, puis 5 711 hab. en 1982 et près de 6 700 hab. en 1988 ; ce qui représente une population d'une taille supérieure à celle de la ville de Châteaulin et semblable à celle de Rosporden, pour une commune qui ne possède pas de vrai pôle urbain.

Le solde migratoire devient donc extrêmement positif alors que l'accroissement naturel baisse. Ce sont des jeunes ménages de 25 à 35 ans, ayant déjà 1 à 3 enfants, qui viennent habiter sur la commune el ceci explique la faible fécondité. Ces jeunes ménages ont quitté Quimper, et le plus souvent la ZUP de Quimper, pour faire construire à Ergué-Gabéric. Le coût moins élevé des terrains et de la fiscalité est une raison importante de leur choix, mais aussi, le désir de se faire construire une petite maison avec un jardin, plutôt que d'habiter un appartement dans des grands immeubles car beaucoup d'entre eux sont originaires du monde agricole.

Le nombre de permis de construire accordés pour les constructions neuves est particulièrement important entre 1972 et 1980 (120 en 1972). Depuis cette date, il y a une légère diminution. Le mouvement migratoire qui était exceptionnel se ralentit. Les difficultés économiques et la crainte du chômage n'incitent pas non plus une population aux revenus modestes à investir dans la construction.

 

B- Trois pôles urbains

Malgré cette croissance brutale de population le bourg n'est pas devenu une petite ville attractive parce que l'urbanisation s'est réalisée ici en trois pôles distincts : le bourg, le Rouillen et Lestonan-Odet.

Cette tripolarité urbaine a toujours gêné, au point qu'en 1838, une majorité du conseil municipal avait envisagé de transférer le bourg vers Lestonan A Pen Carn, c'est-à-dire, de déménager tout simplement la mairie, l'église, le presbytère et le cimetière ! Et elle gêne encore aujourd'hui puisque les différents programmes politiques envisagent de revitaliser le bourg par des constructions de lotissements, créations de commerces et services ferroviaires, embellissement des abords.

Le bourg en effet s'est endormi jusque vers 1975, trop excentré par rapport aux deux axes routiers que sont les routes de Quimper vers Elliant et vers Coray ; mais surtout à cause du développement des deux autres pôles urbains. Actuellement, le bourg compte seulement 9% de la population communale contre 30 % au Rouillen et 24 % à Lestonan, les 37 % restant étant disséminés dans la zone rurale.

Le secteur de Lestonan s'urbanise autour de la papeterie créée en 1822, au fond de la vallée de l'Odet et de son agrandissement au début du siècle, qui favorise la constitution d'une petite communauté ouvrière et la création de quelques commerces. De cette époque subsiste la cité ouvrière de Ker Anna (1917). L'urbanisation s'est donc greffée autour de ce premier noyau et s'est développée principalement dans les années vingt. Lestonan devint une entité bien vivante et indépendante du bourg avec ses commerces, ses écoles, sa vie sociale et même, un service de tar vers Quimper ; d'autant plus indépendante qu'un fort clivage sociologique et politique se créait entre ce quartier et le bourg, qui semble bien encore exister aujourd'hui.

Ce quartier est peu structure. L'urbanisation est très diffuse le long des voies de communication jusqu'à Quelennec à l'ouest et vers la route de Coray au sud, mais dans l'avenir, ce secteur, où l'on observe de nombreuses friches sociales aura tendance à se densifier. Les zones urbanisables du POS cernent les espaces restés libres entre les constructions.

Le quartier du Rouillen est fort différent. De croissance plus récente et plus rapide, il est plus compact et composé essentiellement de lotissements, à la limite de la commune vers Quimper.

C'est à la fin du XIXe siècle que sont construites les premières maisons le long de l'axe Quimper-Coray et jusque vers 1960 l'urbanisation reste linéaire et devient continue le long de cet axe. Vers 1963 sont créés les premiers lotissements. Dès lors,le quartier connait un essor très rapide, surtout entre 1969 et 1975. Le Rouillen forme aujourd'hui une masse compacte d'environ 2 600 hab. en 1981 et donc le poids démographique le plus important de la commune. On prévoit de le limiter aux abords de la voie rapide. C'est avant tout un quartier de « migrants »perçu par les Gabéricois comme un monde à part, qui a le regard tourné vers Quimper.

Il y a donc eu sur Ergué-Gabéricun envahissement brutal par les gens de la ville, même si ceux-ci sont pour la plupart d'origine rurale, et l'espace agricole est mangé par les constructions. « Avant, il n'y avait pas douze personnes que je ne connaissais pas sur Ergué. Aujourd'hui je ne connais plus les gent ... »me dit un exploitant agricole en 1987. Mais paradoxalement, il n'y a pas ou très peu de problèmes dans le contact entre rurbains et agriculteurs ; même si les vaches aiment bien les glaïeuls, si l'élevage laitier paraît incompatible avec l'urbanisation et si certaines routes rurales connaissent une très forte circulation de voitures le matin, en direction de Quimper.

Heureusement,malgré les ventes de parcelles isolées en zone rurale par les agriculteurs, surtout après 1972, l'espace agricole a pu être préservé dans tout l'est de la commune, et le « mitage », même s'il existe par endroit (Lézebel, Squividan, Place an Dans, Kerriou) a pu être limité. Le POS approuvé en 1985 n'encourage pas les constructions en zone rurale.

 

 

 

C - Un secteur tertiaire prédominant

Une telle évolution démographique suppose un changement sociologique important. Les agriculteurs représentent désormais moins de 9 % de la population active (225 personnes). La proximité de Quimper, l'importance des situations mixtes où s'entrecroisent la vie urbaine et la vie agricole, le lien gardé avec des parents agriculteurs influencent les modes de vie et les mentalités (attitude vis-à-vis du patrimoine foncier, du POS). De nombreux agriculteurs ont une double activité et les épouses des jeunes exploitants travaillent hors agriculture. On les retrouve à Quimper ; ouvriers dans l'agro-alimentaire, aides-soignantes à l'hôpital, employées de bureau ou du commerce, ou dans l'entreprise Bolloré d'Ergué-Gabéric. De même, beaucoup d'enfants d'agriculteurs travaillent en dehors de l'agriculture mais résident dans la commune et beaucoup ont fait construire sur la ferme.

Le devenir même des fermes est fortement influencé par l'évolution récente. Comme dans beaucoup de communes du Sud-Finistère, se pose le problème de la succession. 50 % des exploitants prendront leur retraite avant l'an 2000 et les installations de jeunes sont si peu nombreuses que l'on ne sait pas ce que vont devenir plus de 1000 ha de terres, soit environ 50 % de la SAU communale, auxquels sont attachés un million de litres de lait (25 % de la production en 1987) du fait de la réglementation sur les quotas laitiers ; alors que paradoxalement, certains jeunes agriculteurs sont obligés d'utiliser intensivement toute leur surface. Or les agriculteurs ne veulent généralement ni louer, ni vendre, ce qui explique l'extension des locations verbales et le travail de fermes entières par l'entreprise de travaux agricoles qui permettent de garder la maîtrise du foncier... en attendant de pouvoir vendre des parcelles constructibles car il y a souvent en arrière pensée, le rêve de pouvoir vendre « un jour » du terrain constructible quelque soit la localisation, (le POS approuvé en novembre 1985 est encore mal accepté), à moins qu'on ne veuille garder les terres pour les enfants qui travaillent en ville, par crainte du chômage.

On comprend que dans un tel climat, directement lié à l'urbanisation d'Ergué-Gabéric, les jeunes agriculteurs (17 % ont moins de 40 ans) éprouvent certaines difficultés à travailler dans de bonnes conditions.

 

Le secteur tertiaire est le mieux représenté, 60 % de la population active totale aujourd'hui contre 17 % en 1968 el 42 % en 1975. On peut relier l'importance de l'emploi tertiaire au fort taux d'activité féminin qui contraste fortement avec la situation antérieure. Entre 20 et 40 ans, les trois quart des femmes travaillent. On peut aussi la relier aux migrations quotidiennes de travail vers Quimper car celte population active tertiaire travaille essentiellement sur Quimper (les deux hôpitaux, les administrations départementales, la préfecture, la mairie et l'enseignement sont parmi les plus gros employeurs). En 1982, l'INSEE nous indique que plus de 60 % de la population active travaille en dehors de la commune, dans la même Z.P. I. U.

Pourtant, Ergué-Gabéric a la volonté de ne pas être une commune dortoir. Elle possède déjà un tissu industriel de PME et quelques grosses entreprises dont deux sont anciennes. « Bolloré Technologies » est une multinationale, et son PDG, Vincent Bolloré s'est vu plusieurs fois récompensé (manager de l'année 1987). L'entreprise développe ses activités ; les laboratoires de recherche ont été transférés à Ergué-Gabéric et une 3e chaîne de production du film de polypropylène se met en place. L'entreprise emploie 300 personnes sur la commune. La salaisonnerie « Gouiffès » créée en 1937 au Cleuyou, emploie plus de 160 personnes.

Un certain nombre de PME sont implantées à la Croix Rouge, au Cleuyou et sur une zone artisanale de 5 ha à Quillihuec, en bordure de la route de Coray, inaugurée en 1979. Une dizaine de petites entreprises y sont installées, occupant environ 80 personnes.

Plus récemment, une zone industrielle de plus de 20 ha a été créée en bordure de l'échangeur de la voie rapide Brest-Quimper-Lorient-Nantes ouvert fin 1985 et de la route Quimper-Coray-Saint-Brieuc, à dix minutes du centre ville de Quimper et de la Gare SNCF. Bénéficiant d'une excellente situation, celle zone industrielle connait un réel succès. Ouverte en 1987, elle est déjà entièrement occupée par une vingtaine d'entreprises. Une extension est prévue pour 1989. Globalement 160 à 200 nouveaux emplois auront été créés en deux ans.

 

Ergué-Gabéric est donc un espace de transition, une commune péri-urbaine qui juxtapose les situations individuelles les plus variées et les plus inattendues parce qu'il n'y a pas de frontière entre l'agricole et J'urbain. L'afflux de population et l'essor urbain très brutal ont multiplié les problèmes, mais le rajeunissement important favorise aussi un dynamisme riche d'avenir. Un équilibre difficile doit être trouvé. Il faut contrôler la dynamique urbaine tout en préservant l'activité agricole, développer l'industrie ; favoriser des habitudes de vie Gabéricoises, ancrées dans la commune.

II faut aussi préserver la beauté des paysages. Ergué-Gabéric possède des atouts non négligeables, encore peu connus, pour développer le tourisme rural de repos et de découverte ; et une vitalité associative remarquable pour les mettre en valeur. Les exploitants agricoles sont d'ailleurs favorables au développement de ce type de tourisme parce qu'il facilite les contacts humains. Il existe 5 gîtes ruraux, 8 meublés saisonniers et 2 hôtels de tourisme (48 chambres).

La commune possède un ensemble architectural riche et varié. L'église du bourg avec son ossuaire est classée en 1939. Elle abrite un orgue Dallam du XVIIe siècle dont la sonorité très pure a été respectée lors des restaurations et que vise à mettre en valeur  « l'association des amis de l'orgue » par des concerts ou des enregistrements. La chapelle de Kerdévot abrite un superbe retable Flamand du XVe siècle et « l'association Kerdévot 89 » s'est justement constituée pour fêter le 5e centenaire de sa construction et mieux la faire connaître. Il faut également citer les chapelles de St-Guénolé à Quelennec et de Saint-André, les croix de chemins, les fontaines, les ruines du château de Lézergué ... sans oublier la cité ouvrière de Ker Anna datant de 1917.

Ergué-Gabéric possède aussi quelques sites naturels de toute beauté. Les gorges boisées du Stangala sont aujourd'hui, pour une partie, un site classé en 1929 et pour l'ensemble des deux versants jusqu'à la carrière, un site inscrit en 1932. La partie classée (l'éperon de Griffonès) appartient au Département. C'est une forêt de 39 ha, gérée par l’ONF qui y a aménagé des sentiers de randonnées pédestres et un arboretum tout en préservant le caractère sauvage. A Stang Luzigou, propriété du Département depuis 1981, les 32 ha de bois sont parcourus de nombreux chemins et longent le canal qui acheminait l'eau aux papeteries Bolloré. Tout près de là, on peut visiter le Musée Océanographique.

L'Odet et le Jet sont des rivières à truites et à saumons, très appréciées des pêcheurs. Voici donc quelques uns des atouts, parfois peu connus, de la commune d'Ergué-Gabéric, et le but de notre livre est justement de vous présenter un de ses plus beaux joyaux : la chapelle et le retable de Kerdévot.

 

BIBLIOGRAPHIE

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JOUVIN  Frédéric : Contribution l’étude des leucogranites hercyniens du Finistère Sud et de leur encaissant. Mémoire de maîtrise /984-85 - UBO déportement des sciences de la terre - Brest.

JOUVIN Frédéric : Etude du contrôle Structural cl des conditions pression-température lors de la mise en place d'un leucogranite en contexte de collision; exemple du massif d'Odet-Lestonan. Mémoire de DEA 1986. Laboratoire de Géologie structurale de l'UBD- Brest. LE GRAND Alain : Quimper Corentin en Cornouaille. 1968.

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JEHL Colette: L'agriculture à Ergué-Gabéric, bilan 1987 et perspectives d'avenir An 2000. Elude réalisée pour la mairie. 1987.