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Gwenn-Aël Bolloré

Par Pierre Faucher, Bernez Rouz, Gaëlle Martin et Christophe Violette.

 

Témoignage de Pierre Faucher

Pendant une vingtaine d’années, j’ai eu l’occasion de rencontrer assez souvent Gwenn-Aël Bolloré qui se plaisait à résider dans son manoir d’Odet, cadre si luxuriant et tellement fleuri au printemps avec ses rhododendrons. Le musée océanographique complétait harmonieusement le parc longé par l’Odet.

Les visites du comité de jumelage avec la ville de Bude Stratton (Grande-Bretagne), celle du ministre de la Mer (L. Le Pensec) en 1982, les portes ouvertes presque chaque année où il recevait ses nombreux amis, étaient l’occasion d’échanger sur les activités de la papeterie, les occupations multiples de l’hôte, tant dans le domaine littéraire – en particulier avec les salons du livre (maritime à Concarneau, breton à Trévarez) – que dans la recherche océanographique, qu’il se plaisait à expliquer dans son musée.

À plusieurs reprises, je l’ai rencontré pour des discussions précises concernant la commune d’Ergué-Gabéric :
- l’acquisition des propriétés boisées de Kerho (par la commune), de Stang Luzigou (par le Conseil Général),
- l’achat de logements dans la cité de Ker Anna,
- l’aménagement du canal de l’usine, inutilisé depuis la fermeture de la papeterie d’Odet, où des avis divergeaient sur son aménagement. Gwenn-Aël Bolloré souhaitait qu’il devienne une réserve de pêche qui aurait été contrôlée par la Fédération des pêcheurs et ouverte à la carte au public. Le projet est toujours dans l’eau !

Et parfois, les discussions devenaient plus personnelles, avec des souvenirs du béret vert infirmier et son livre racontant le 6 juin 1944 Nous étions 177. Lors d’un passage au Mémorial de Caen, vers 2005, ayant décliné mon identité gabéricoise, des responsables militaires m’ont entretenu de la mémoire de Gwenn-Aël Bolloré et du commando Kieffer, dont il était le dernier survivant.

Les activités littéraires occupaient beaucoup de son temps et il aimait en converser longuement. Un jour, au manoir, je l’ai rencontré en train de vérifier son dernier livre, ce devait être Mémoires parallèles et nous sommes restés un bon moment à échanger sur ses souvenirs.

L’accueil à Odet était toujours chaleureux. Cet homme du XXe siècle que l’on rencontrait à Lestonan, aux offices religieux de l’église Saint-Guinal et à Kerdévot, aimait cultiver ses attaches locales. Et son éclectisme, son humanisme subsistent encore dans les mémoires des gabéricois.

Je suis allé voir l’exposition de la bibliothèque de Gwenn-Aël ce lundi 21 janvier 2002 vers 10 h à la bibliothèque municipale de Quimper. J’y ai rencontré Bernard Poignant, Michèle Coïc, directrice de la bibliothèque, et ai acheté le catalogue de la vente. En sortant, je me suis retrouvé face à Anne Bolloré, la fille de Gwënn. Nous avons échangé quelques mots sur le départ de son père et elle m’a fait part de sa surprise en voyant exposée la bibliothèque personnelle de son père. Les proches connaissaient le manuscrit de Céline, mais personne n’imaginait la richesse de cette bibliothèque personnelle. Il fallait traverser la chambre de son père pour y avoir accès. Un bon aparté.

 

 

Interview par Bernez Rouz et Gaëlle Martin

Arkae > Tresors archives > Personnages > Gwenn-Ael BolloréQuelques mois avant son décès le 12 juillet 2001, Gwenn-Aël Bolloré, ancien vice-président des papeteries Bolloré, écrivain, cinéaste, océanographe, avait accepté de rencontrer trois membres de l’association Arkae, dans son manoir d’Odet : Jean Guéguen, Gaëlle Martin et Bernez Rouz : l’occasion d’évoquer les grands moments de sa vie. En voici, classés par thèmes, les extraits les plus significatifs :

 

Le prénom Gwenn-Aël

En fait je m’appelais Gwinal et puis finalement ça s’est transformé en Gwenaël, et puis moi, j’ai un petit peu celtisé l’orthographe quand j’ai commencé à écrire : Gwenn-Aël, qui veut dire ou ange blanc ou vent blanc, suivant les experts. Je pense que c’était probablement pour honorer Ergué, quoiqu’il y avait la petite chapelle qui est au-dessus, là, qui était Guinal ou Guénolé. Guinal est celui qui a jeté Dahut dans les eaux... enfin il y a un tas de légendes.
Q : Il n’y avait pas de tradition dans votre famille de donner des prénoms bretons ?
Non, absolument pas, je suis le premier. Moi, j’ai un petit-fils qui s’appelle Gwenaël, mais non, il n’y avait pas de prénoms bretons.
Q : C’est une incongruité, à cette époque on ne connaît pas de gens qui s’appellent Gwenaël en fait ?
C’est très rare. Quand j’étais jeune, les gens me regardaient avec des yeux ronds. Maintenant je peux me promener, je ne parle pas de Quimper mais de Paris, où j’entends une mère de famille qui dit à son fils : « Gwenaël, arrête de faire des bêtises etc. ». Au début ça m’interpellait un petit peu puis maintenant je suis habitué.

 

La commune d'Ergué-Gabéric

Je suis né ici, (5 septembre 1925). Je suis né dans ma chambre actuelle. Les bureaux des papeteries étaient à Nantes : ma mère était d’origine nantaise, on a été habiter Nantes. Je suis resté à Nantes jusqu’à la mort de mon père et on venait passer les trois mois d’été en Bretagne, plus les vacances de Pâques. Les vacances de Noël, parfois, on allait aux sports d’hiver. A l’époque, c’était un peu un safari, car on n’allait pas souvent aux sports d’hiver. Oui, j’ai vécu quatre mois par an ici.
Q : Quand on habite Nantes, venir au fin fond de la Bretagne c’était une pénitence ?
Oh non, pas du tout, parce qu’ici on était en vacances, tandis qu’à Nantes on était en classe. En général on venait en voiture, mais c’était une aventure. Il y avait une voiture qui partait de Nantes et en général on coulait une bielle du côté d’Auray ou de Vannes. Et alors le chauffeur de l’usine qui était Louis L’Helgoualc’h, si je me souviens bien du nom, à moins que ce ne soit Gourmelen, venait nous prendre avec la voiture de l’usine. Donc on y mettait la journée. C’était une expédition. J’avais quand même deux frères, une sœur, ma mère, mon père et puis nous avions une vieille institutrice qu’on considérait comme notre tante, qui s'appelait Germaine César, que tous les gens d’Odet ont bien connue. On était au moins à deux voitures.

 

Les jeux d’enfant

Il n’y avait pas de télévision bien sûr. On avait des distractions qui étaient différentes : on allait beaucoup dans la rivière. Maintenant il y a prescription, mais on braconnait un peu : on s’amusait à pêcher les truites à la main ou les anguilles avec une fourchette en soulevant les cailloux. On avait de très bons professeurs. Il y avait deux gardes-chasse fameux, à commencer par Kergoat, puis Sizorn. On s’est bien amusé. Il y avait le Stangala, parce qu’à l'époque on marchait. Ce sont des sentiers avec des cailloux. On allait passer l’après-midi au Stangala. Il y avait la promenade du canal. Il y avait un canal d’amenée d’eau pour les turbines turbo-électriques, qui fait 1,6 km. On allait pique-niquer au bout du canal. On amenait du pain, des confitures et on passait l’après-midi comme ça.

 

La Fête-Dieu

Il y avait la Fête-Dieu qui était une fête extraordinaire : d’abord le clergé était beaucoup plus structuré qu’il n’est maintenant. Il y avait toujours une douzaine de chanoines en grand uniforme. A la Fête-Dieu, tout le monde allait ramasser des fleurs. C’était un petit peu dommage : on cassait des fleurs pour faire des paniers pleins de pétales, des roses... tout ça c’était massacré, et on mettait ça par terre. Il y avait des défilés avec tout le clergé, le haut clergé et des bannières. On trouvait ça formidable, quoi ! A l’époque il y avait la chapelle, une messe tous les matins, deux messes le dimanche ; il y avait le recteur qui habitait l’usine. Il y avait cinq ou six choristes en soutane rouge. Enfin c’était très spectaculaire.

 

Le camélia

Mon arrière-grand-père, chirurgien de la Marine, a été en Chine sur une escadre de bateaux. Ils ont ramassé des graines de camélia et les officiers ont ramené des graines. Ce camélia a été planté à l’époque. C’est sûrement l’un des plus vieux de Bretagne. C’est un des plus vieux de France. J’ai une photo de ce camélia qui a été datée par Kodak et qui a déjà cent ans. Il est presque aussi gros. Le parc a été dessiné par un paysagiste anglais, ça n’a d’ailleurs rien à voir avec les jardins à la française.

 

L’usine

On y allait automatiquement parce que c’était à côté. C’était de belles machines à papier. ça nous paraissait énorme. On connaissait tout le monde. Nos parents ne nous l'interdisaient pas. Il y avait aussi deux ou trois enfants de contremaîtres de l’époque qui étaient là : la famille Garin, la famille Eouzan, la famille Léonus. Non, ça se passait bien. Il n’y avait pas de problème.

 

La vie de château

Il y avait pas mal de réceptions, notamment parce qu’on faisait du papier qu’on exportait pour la plus grande part. On avait énormément de clients anglais, américains, de tous les pays d’ailleurs,  des gens d’Extrême-Orient. Enfin c’était très folklorique. Il est certain que le rapport clientèle était plus intime qu’il n’est maintenant. Maintenant, les clients, on les reçoit dans un hôtel impersonnel à Paris, mais on ne les invite pas chez soi, ou alors il faut que ce soit de vieux clients qui sont devenus des amis. Il y avait tout un réseau chasse, car mon père était un grand chasseur et il adorait cela. C’était une manière de distraire les clients. Il y avait dans la ferme de Moguéric, à côté, une faisanderie, où on élevait des faisans. On devait élever environ trois cents faisans par an. Et alors quand les clients venaient - car il n’y a jamais eu beaucoup de faisans en Bretagne, il n’ont pas de quoi bien se nourrir - il y avait le garde chasse avec un sac et une douzaine de faisans dedans, qui rampait derrière les talus, et puis au moment où le client était en ligne, il jetait un faisan. Alors le client tirait, il tuait le faisan et il était tout content.

 

La guerre

En 39-40, j’étais à Orléans. Mon père était mort cinq ans avant. Ma mère vivait à Paris. Elle avait dit " Paris va être détruit, j’envoie mes enfants à Orléans ". J’ai été en demi-pension dans un collège qui s’appelle Saint-Euverte. Paris n’a pas été touché et Orléans a été réduit en cendres. On est parti devant les Allemands avec quelques jours d’avance et on est arrivé en Bretagne, à Quimper quelques jours avant les Allemands. Je les ai vus devant l’Hôtel de l’Epée : il y avait un side-car allemand où ils étaient trois et ils ont occupé la ville pendant 24 h. Il y avait huit cents hommes de troupe qui n’ont pas bougé et ça, ça m’a choqué. Nous avons été réquisitionnés très officiellement. Tout le gouvernement devait venir à Beg-Meil et on devait faire le " réduit breton ". La maison de mes parents c’était Paul Reynaud qui devait y venir. Mon grand-père avait une petite maison et on s’est replié dans la petite maison d’à-côté et on a fait le lit pour Paul Raynaud. On a mis des fleurs pour Paul Raynaud - c’était le Président du Conseil français - et il y a un général allemand qui a couché dedans à la place de Paul Reynaud ! et ça c’est assez choquant. L’usine a fermé, il n’y avait plus de charbon, il n’y avait plus de commandes, il n’y avait plus de clients. Si, on avait du chiffon, on avait deux cents tonnes de stock de chanvre indien. C’est du cannabis, mais il faut le traiter un peu. A part la matière première, il n’y avait plus de charbon, il n’y avait plus personne. Les ouvriers étaient soit sous les drapeaux, soit en prison et on ne pouvait pas continuer à tourner. A Cascadec, le gouvernement de Pétain nous a obligés à marcher avec une ou deux machines. Nous on tournait pour la Seita, la régie des tabacs.

Pendant la guerre, j’étais à Paris avec ma mère et je suis parti le 6 mars 43 en Angleterre. Avant j’avais essayé de partir mais j’avais quinze ans ou seize ans, avec des culottes de golf comme Tintin et ça ne faisait pas sérieux et alors j’ai été obligé d’attendre d’avoir des pantalons longs. J’ai mis très longtemps à trouver la filière. J’ai été souvent me balader sur la côte et puis je faisais trop jeune. J’ai eu de la chance. ça s’est bien passé lorsqu’on prenait des risques invraisemblables. A cet âge on est inconscient. Quand on signe un engagement à la France Libre, on signe pour la durée de la guerre plus trois mois. Donc pendant le reste de mon engagement, j’ai été à la DGR qui était le service des renseignements généraux. J’étais à Paris, j’avais un beau bureau, je me croyais quelqu’un d’important, ça m’a permis de me remettre un petit peu sur selle.

 

Le retour aux affaires

Et puis après ça je suis revenu ici, j’ai fait un stage à Cascadec, et je suis parti six mois en Amérique dans une usine qu’on avait construite, où j’ai fait un stage pour apprendre le métier de papetier, en Amérique. Là j’ai fait la défection, la machine, les lessiveurs. C’étaient des anciens ingénieurs de Bolloré qui avaient construit l’usine : Patin, Cartel. Donc on était un peu habitué au processus et tout, et quand je suis revenu, ils m’ont embauché. J’ai gardé un très bon souvenir de la papeterie parce que c’est quelque chose de vivant, le papier : ce n’est pas de la mécanique pure : il faut savoir le pourquoi et le comment, il faut sentir la chose ; si on ne sent pas la chose on est un mauvais papetier.

 

Le directeur technique

J’étais directeur technique, et puis j’ai été vice-président. Je m’occupais de toutes les usines du groupe. J’aimais bien ça et je n’ai pas eu de problèmes : les papeteries, techniquement, se sont aussi bien débrouillées que nos concurrents français. J’avais une très bonne équipe avec moi : Garin, Patin, Galès et alors il y avait Martin, et moi ça ne m’a jamais fait peur de prendre comme adjoint un type qui en savait trois fois plus. Martin était un polytechnicien, il fallait faire attention parce qu’il avait quelquefois des idées de polytechnicien. Mais on lui doit beaucoup, il était génial. La dernière chose que j’ai faite avant de prendre ma retraite, c’est la première machine de polypropylène d’Odet, et puis après ça a continué et maintenant ça va bien, j’ai un neveu qui se débrouille très bien. Il y a eu un moment qui a été un petit peu difficile mais qui est maintenant totalement arrangé, parce que j’ai un neveu, Vincent, qui est parfait.

 

L'écrivain

C’est arrivé peu à peu ; quand je suis parti je n’avais pratiquement pas fait d’études : j’avais très peu lu, j’ai fait la guerre dans des conditions où je n'avais pas le temps de me mettre dans un fauteuil pour étudier. Quand je suis revenu, j’ai eu une certaine frustration et alors je me suis mis à lire, je me suis intéressé à l’édition, et puis après ça je me suis occupé d’océanographie. J’avais aucun bagage et puis avec le musée j’ai pris contact avec le British Museum et avec le Musée de Genève qui est très riche et un jour le Professeur De Byiesse qui était directeur des recherches atomiques à Saclay, m’a dit « Bolloré ça va pas, vis à vis des étrangers, vous n’êtes pas docteur, ça fait pas sérieux, il faut que vous passiez votre doctorat. » A l’époque il m’a dit : « c’est une formalité. » Eh bien ce n’est pas une formalité. J’ai boulonné comme un nègre pendant trois ans et j’ai passé mon doctorat, j’avais plus de cinquante ans.

 

Le coelacanthe

C’est le professeur Anthony qui a été pêcher le coelacanthe aux Comores, c’est dans l’océan indien. Je l’intéressais beaucoup, d’abord parce que j’avais des notions d’océanographie et puis j’avais mon permis pour conduire les bateaux. Ca lui économisait de prendre un capitaine au long cours. Là, j’ai passé trois semaines à la pêche au coelacanthe. On a eu de la chance on en a pêché deux. Maintenant on n’a plus le droit de les pêcher, ils sont protégés. J’en ai un au musée.

 

Le Musée océanographique d’Odet

J’ai commencé à faire une collection dans ma maison et à un certain moment il y avait des crabes, des coquillages sur les armoires, sous les lits, et ma famille m’a fait comprendre que je serais bienvenu si je dégageais. Donc j’ai dessiné un petit bâtiment et puis je l’ai agrandi et je suis arrivé au musée actuel où mes collections nageaient les premières années, et qui maintenant est beaucoup trop court comme bâtiment. Je pourrais le doubler. La pièce dont je suis le plus fier c’est un petit crabe affreux que j’ai découvert et qui porte mon nom. Le Dromia bollorei. Il n’a pas un intérêt considérable mais pour moi c’est important.

 

Le cinéma

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J’aurais pu faire du cinéma. Mais là il faut le faire vraiment, et puis c’est un monde. C’est un monde qui n’est d’ailleurs pas tellement sympathique. J’ai fait sept ou huit films, sur l’Odet, sur la pêche à pied aux Glénan, sur les grands voiliers, sur la transhumance des rennes en Laponie, sur les grottes des Pyrénées, aux Canaries. J’en ai fait un sur la pêche aux requins-pèlerins aux Glénan. Le plus gros que j’ai pêché faisait neuf mètres, il paraît que certains font quinze mètres, c’est la taille d’une baleine pratiquement. J’en ai fait en Floride, c’est des films qui font vingt minutes. Le seul grand film auquel j’ai participé c’était les Naufrageurs. C’est moi qui ai fait le scénario et qui m’occupais des bateaux. Il y avait un bateau qui était naufragé et qui devait se casser sur Saint-Guénolé-Penmarc’h et puis personne ne voulait mettre le bateau sur les cailloux. Alors on s’est retourné vers moi : « C’est toi qui a écrit le scénario, c’est à toi de le faire ! ». On avait reconstitué une petite ville, pas en staff mais en granite autour de Tronoën. Et puis les Beaux-Arts ont voulu qu’on démolisse après. C’était idiot car c’était fait vraiment comme autrefois. Ils auraient pu le garder.

 

Le projet de musée de la papeterie

Moi, je suis tout à fait pour. J’ai même dit que j’étais prêt à collaborer ; je n’ai pas de choses considérables, mais j’ai quand même des documents et tout. Mais vous savez, un musée, c’est pas commode à construire, même si on a des moyens. Le bâtiment des machines 9 et 10 serait formidable pour faire un musée. Moi, si on me le donne, je bourre ça de crabes et de coquillages, ça va pas être long !

 

L'exposition de la bibliothèque de GA Bolloré

Suite à l'exposition de la bibliothèque de Gwenn-Aël Bolloré à Quimper en 2002, Christophe Violette a rédigé pour le journal Ouest-France un article descriptif.

 

Les belles pages de Gwenn-Aël Bolloré

La bibliothèque de Gwenn-Aël Bolloré va être vendue aux enchères par Sotheby’s. Avant cette dispersion, les Quimperois vont avoir la chance lundi prochain d’en admirer une sélection à la bibliothèque municipale. Dont les manuscrits de Céline, Léon Bloy, André Le Breton, Max Jacob, Roger Nimier… Une collection remarquable. C’est sûr, cette vente atteindra des sommets. Les 143 lots sélectionnés ont été estimés à près de 1,6 million d’euros (plus de 10 millions de francs) C’est que, mieux que la bibliothèque d’un très honnête homme, c’est la collection d’un personnage hors du commun qui va être dispersée les 7 et 8 février, à Paris. Décédé l’été dernier dans son manoir de l’Odet, Gwenn-Aël Bolloré a été tour à tour, industriel, grand résistant, écrivain, éditeur et océanographe. A 17 ans tout juste, il rejoint l’Angleterre en mars 1943, avant de revenir libérer Ouistreham, le 6 juin 1944 au sein du bataillon des 177 Français du commando Kieffer.


La Table Ronde

Gwenn-Aël collectionnait les livres avec passion. Dans ses Mémoires parallèles, il raconte ses très nombreuses rencontres avec les grands libraires parisiens. Très actif au sein de l’avant-garde littéraire parisienne, il pousse en avant le grand poète Henri Michaux, coédite en 1953 L’Arrache-Cœur de Boris Vian. C’est un tournant, l’industriel d’Ergué-Gabéric, vice-président des Papeteries de l’Odet, se lance alors dans l’édition : il prend une large participation dans La Table Ronde (ainsi baptisée par Jean Cocteau). Au cours des années 1950, sa culture et son dynamisme parviennent à cristalliser autour de sa maison d’édition le mouvement des Hussards : Roger Nimier deviendra le plus célèbre de ces jeunes écrivains. Au cours des années 1960, Gwenn-Aël tourne une nouvelle page et se lance dans l’océanographie. Toujours aussi passionné, il créé son Musée océanographique de l’Odet, monte des expéditions sur les mers lointaines, découvre des espèces, dont celle d’un crabe inconnu à qui il donne son nom.

 

Le manuscrit de Nord
Un tel personnage, écrivain lui-même, ne pouvait avoir qu’une bibliothèque exceptionnelle. Parmi les pièces majeures de sa collection, qui sera vendue le 7 février, figure le manuscrit autographe de Nord : 1565 pages écrites de la main de Louis-Ferdinand Céline, où, comme Dante décrivait les cercles de son Enfer, le Dr Destouches dépeint l’Allemagne de la débâcle. On trouvera aussi un ensemble de 64 ouvrages d’Henri Michaux, dont quinze pages manuscrites rédigées pendant sa période d’écriture « mescalinienne ». Un carnet de poèmes autographes d’André Breton : celui qui allait devenir le pape du surréalisme n’était alors qu’un jeune poète. Les chants de Maldoror de Lautréamont, illustrés par Salvador Dali. Le manuscrit autographe des Enfants tristes de Roger Nimier. Celui du Mendiant ingrat de Léon Bloy. Ou encore, pour ne citer que ceux-là, parmi tant d’autres, deux carnets de voyage de Max Jacob… Ces deux dernières pièces ne manqueront pas de toucher beaucoup de Quimpérois. La bibliothèque municipale ou le musée des Beaux-Arts, qui détient déjà nombre de documents de Max Jacob, auront-ils les moyens de se porter acquéreurs ?
 
Article de Christophe Violette dans Ouest-France, paru le mardi 15 janvier 2002.

 

 

Bibliographie

 

Romans

Moïra La naufrageuse, édition La Table Ronde, 1958.
Contes-fiction, éd. du Scorpion, 1961.
Le Dîner bleu, édition La Table Ronde, 1979.
Les Amants de l'espace, édition Le Cherche Midi, 1985.
Histoires troubles, éditions Jean Picollec, 1993.

 

Histoire

Nous étions 177, édition France Empire, 1964. (Edition augmentée en 1983 chez le même éditeur sous le titre Commando de la France Libre, Prix Raymond Poincaré, 1983, Prix National de la Résistance 1984 au Cherche Midi, nouvelle édition sous le titre J'ai débarqué le 6 juin 1944, préface à Voyage en Chine, éd. SFHA,Quimper, 1979).

 

Essai

Propos interrompus, Gallimard 1958.

 

Océanographie

Guide du pêcheur à pied et sa cuisine, La Table Ronde, 1960, Gallimard 4e édition, 1986.
Destins tragiques du fond des mers, La Table Ronde, 1963. Collection " L'Ordre du Jour ".
Du mimétisme à l'utilisation de l'outil par les animaux marins, Musée Océanographique de l'Odet, Ergué-Gabéric, 1968.
Évolution et pêche au coelacanthe, édition la Palantine, 1974.
Un musée océanographique à la recherche d'une muséologie, Thèse, La Table Ronde, 1976.
Célébration de la bernique, Gallimard, 1982.
Suivez le Crabe, de l'océan à votre assiette, Gallimard, 1984.
La Saga de l'anguille : vie, pêche, cuisine, Gallimard, 1986.
Les îles suisses du Lac Léman, édition L'âge d'homme, Lausanne, 1997.

 

Poèmes

Anatomie descriptive, Seghers, 1955.
Nerfs à fleur de larmes, édition Saint-Germain-des-Prés, 1982.
L'Oiseau, édition La Groac'h du loc'h, 1994.
Morbide, édition Jean Picollec, 2001.

 

Mémoires

Mémoires parallèles, édition Jean Picollec, 1996.
Né gosse de riche, Ouest-France/Édilarge, 2000.

 

Filmographie

 

Long-métrage

Les Naufrageurs, 1959, 92 min. Tourné en 35 mm en cinémascope dans le Pays Bigouden. Il a été réalisé par Charles Brabant à partir du roman Moïra la Naufrageuse avec Danny Carrel, Charles Vanel, Henri Vidal, Carl Schell et Renée Cosima.

 

Court-métrage

Le Vire-Caillou, 1954, 12 mn ; pêche et vie aquatique durant le jusant.
Requins sur nos plages, 1955, 11 mn ; la pêche au harpon à main des requins-pélerins, le plus grand de tous les poissons dont certains spécimens peuvent atteindre 15 m de long.
La Transhumance des lapons et des rennes. Eleveurs et pêcheurs, c’est la vie des lapons.
Abîme. Une promenade dans les entrailles de la terre.
Derniers voiliers, 1958. La course Brest-Ténérife avec les derniers grands bateaux à voile.
Sur la route de Key West. La pêche au gros au large de la Floride.
La vie d'une rivière : l'Odet, 1955. De la source à la mer, une rivière et ses habitants.
Persistance du rêve, essai d'art abstrait à partir de la mer.

 

Bibliographie réalisée par Pierre Faucher pour le Keleier d'Arkae n°69, en septembre 2011.

 

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Les fours à pain et les boulangers d'Ergué-Gabéric

Pierre Faucher 

 

Arkae > Tresors archives > Patrimoine rural > Les fours à pain et boulangers Ergué-Gabéric > KerrousBernez Rouz :

" Dans ce qu’on appelle le petit patrimoine le four à pain tient une place importante.

Dans ses pérégrinations à travers les quartiers d’Ergué, Pierre Faucher en a repéré quelques 70. C’est presque une ferme sur deux qui en possédait, et certains hameaux en cumulaient jusqu’à trois. De l’époque de l’ancien régime où le four était l’apanage du seigneur jusqu’au XIXe siècle où la fabrication du pain devient symbole de l’émancipation des droits seigneuriaux, le four à pain est un endroit particulièrement choyé de nos ancêtres. On s’imagine les bandes de gamins des années Déguignet s’agglutinant devant une fournée de bon pain tout chaud.
La magie continue aujourd’hui par les artisans boulangers. Certes les fours se sont modernisés mais le pain reste une base importante de l’alimentation contemporaine.

Cet article recense tous les lieux où on a fabriqué du pain à Ergué. Les fours existants ont été répertoriés, beaucoup de fours détruits et sans doute encore d’autres à découvrir.

N’hésitez pas à nous signaler des fours ou des noms de parcelles renfermant le nom « forn » afin que ce premier état des lieux puisse être véritablement complet."


B.R.

Photo : Four de Kerrous, four en bon état, bâtiment attenant.

 

 

Le pain constitue depuis longtemps la base de l’alimentation et à Ergué-Gabéric comme partout en Bretagne et en France, la population s’est organisée pour gagner son pain et le fabriquer.

Dans notre commune subsistent de nombreux fours à pain en granit et lors de la construction du four de Kerfrès par la famille Rannou, Arkae en avait présenté la rénovation (Keleier n°57 mai 2009) avec un article de P. Pliquet, l’artisan qui a remonté le four sur cette belle réalisation.

Depuis, l’étude sur les fours à pain à Ergué-Gabéric a été poursuivie et il peut en être dressé un premier inventaire.

 

1.    Fours en granit et pains de campagne en Basse-Bretagne.

Arkae > Tresors archives > Patrimoine rural > Les fours à pain et boulangers Ergué-Gabéric > KerellouUn livre récent de Pierre Le Guiriec, dont le grand-père était fournier1, le père boulanger, et lui-même s’est retrouvé apprenti-boulanger à 15 ans, et ensuite commercial pour un constructeur de matériel de boulangerie pendant 30 ans, présente sa recherche des vieux fours à pain, fours en granit traditionnels de Basse-Bretagne. (Livre à compte d’auteur - 24,50 € - édité en 2010, disponible en librairie).

L’évolution du fonctionnement des fours est d’ailleurs présentée dans ce livre (p.91 à 94) :
Le four « banal » du Moyen-âge à la Révolution qui appartient à la seigneurie ou aux abbayes. Le four est affermé à un fournier qui perçoit des droits pour cuire le pain (redevance fixée dans le bail – souvent 1/16e).

A partir du XVIIIe siècle, les fours de quartiers ou de bourgs deviendront libres de tous commerces. Les fourniers continueront encore à cuire leur pain au XIXe siècle souvent en parallèle avec d’autres activités commerciales (débit de boissons, épiceries variées, voire forgerons …).

Photo : four de Kerellou, au bord de la route (en 1834, sur le cadastre, il y avaitune maison de four accolée).

Après 1850, chaque ferme, hameau en même bourgade, disposait d’un four banal ou commun.
Ce n’est que vers la fin du XIXe siècle, que l’on verra apparaître des boulangeries professionnelles. Leurs fours, comme ceux des fermes, seront d’abord chauffés aux fagots de bois, puis équipés en appareils à mazout et après à l’électricité.

 

2.     Les fours en granit à Ergué-Gabéric.

De nombreux villages ou hameaux à Ergué-Gabéric disposaient de four à pain et un inventaire incomplet en fait apparaître près de 70 classés en 2 catégories :

  Four existant aujourd’hui, en bon état, parfois démoli partiellement (les pierres de façade ont parfois été prélevées), parfois un peu plus détérioré mais le corps du four est encore conséquent.
  Four disparu ou avec des restes limités mais recensés à partir de témoignages oraux ou écrits.

Le « ti forn », bâtiment qui se trouve à l’entrée du four pour la préparation du pain  et surtout de la cuisson est signalé.
Liste établie en mars 2011, par ordre alphabétique des lieux-dits.

Arkae > Tresors archives > Patrimoine rural > Les fours à pain et boulangers Ergué-Gabéric > Carte état des fours

Liste établie en mars 2011, par ordre alphabétique des lieux-dits.

Balanou la pierre sous l’entrée du four est existante
Beg ar Menez  four en bon état, important.
Boden démoli, sans trace.
Bohars avec ti forn à l’entrée de la ferme.
Bourg route du cimetière, à l’intérieur d’une maison, sans entrée, ni cheminée.
Coat-Piriou  avec ti forn.
Creac’h Ergué attenant à un bâtiment
Congalic restes d’un four à un emplacement bien déterminé.
Griffonès grand four donnant sur un assez important bâtiment.
Guilly Vras un beau four au milieu de la cour.
Guilly Vian four démoli, sans trace.

Kerdales

- un four en bon état.
- l’entrée d’un autre four dans un mur avec la cheminée.

Kerdiles

- un four démoli, les enfants allaient jouer dedans.
- un autre aussi démoli depuis 30-40 ans.
Kerdudal  four en assez on état.
Kerellou  four au bord de la route, (en 1834, sur le cadastre,  il y avait une maison de four accolée).
Kerfors four à moitié démoli, cheminée haute de 3 - 4 m - linteau cassé
Kerfrès four rebâti en 2009, daterait d’environ 300 ans.
Kergoant four démoli.
Kergonan four recouvert de lierre.
Kerhuel four démoli, il était situé dans un talus près de la maison.
Keristin restes de la cheminée et façade d’un four dans un mur.
Kerho four important dans une cour (isolé).

Kerlaviou

- 2 fours en assez bon état (1 avec ti forn en démolition).
- 1 démoli, sans trace.

Kermoysan  four complet avec fournil en bon état.
Kernaon - four en partie écroulé, accès à l’intérieur d’un vieux cellier en cours de démolition.
- four cité démoli.

Kerveady

- four en bon état.
- four isolé dans un talus, avec un grand chêne sur la voûte pierres de façade enlevées.
Kerrous  four en bon état, bâtiment attenant.
Kersauz démoli.
Kervernic en assez bon état, sur un talus.
Kervian partie de four dans l’entrée de la ferme.
Kervoréden four démoli, les pierres ont servi à la construction d’un mur.
Kerourvois-Kerdévot démoli entièrement, en attente de reconstruction.
Kervreyen un beau four de taille importante.
Le Lec un four a été démoli au début du XXe siècle.
Lestonan un four démoli à Menez Groas.
Lestonan Vian four en partie démoli dans un talus où la voûte se délabre.
Lezergué four démoli (comme le pigeonnier).
Loqueltas four démoli et reconstruit hors commune.
Meilh Poul un peu en abandon, grande taille.
Meouet Vian un peu démoli, les pierres de la façade ont été enlevées.
Melennec four isolé, quelques pierres ont été enlevées. Date de 1791
Mezanlez  démoli, sans trace.
Moulin de Kergonan belle apparence, mais arbres incrustés dans le four.

Niverrot

- un acheté par la commune, démonté dans les ateliers municipaux.
- un, en bon état, toit en ardoises.
Pen Menez  démoli, les murs de façade subsistent.
Pennarun - un four en bon état, isolé.
- un petit four à l’intérieur du manoir, en granit.
Quélennec  2 fours auraient été démolis à Quélennec Huella.
Quélennec Izella   un four aurait existé auprès des vieux bâtiments.
Quillouharn - un grand four en bon état, isolé au centre du village.
- un four un peu démoli, au pignon d’une maison.

  Quillihuec

- démoli, sans trace.
- démoli, en face de Pen Carn Lestonan.
Saint-André les pierres de la façade d’un four au pignon d’une grange près de la chapelle existent.
Savardiry un four existait, noté sur des documents écrits.
Stang Quéau un four existait dans un talus entre les 2 fermes. Démoli.

Sulvintin

- traces dans un mur d’entrée.
- un autre démoli sans trace.
Tréodet cités dans un document écrit vers 1680 (inventaire après décés).
Squividan four dont on a ôté les pierres de façade et qui sert de poulailler.

 

3.    Les boulangers et les boulangeries à Ergué-Gabéric.

Jusque vers la fin du XIXe siècle, le pain était fabriqué et cuit dans la plupart des villages des communes rurales comme Ergué-gabéric.

3.1. Au bourg

Arkae > Tresors archives > Patrimoine rural > Les fours à pain et boulangers Ergué-Gabéric > PennarunVers la fin du XIXe siècle, ou début du XXe, Pierre Le Naour était boulanger au bourg. Son fournil et son four devaient se situer au bout de la maison Troalen et pas loin de l’école (espace Déguignet aujourd’hui). Il fournissait le pain chaque fin de semaine à Lestonan.

Jean Balés l’a remplacé entre les 2 guerres. La boulangerie - buvette - épicerie donnait sur la place.
Deux ouvriers boulangers Youenn Gueguen et Noël Peuziat fabriquaient le pain, à la levure (goût plus neutre), remplacé par le levain ensuite (plus suret).

Une fois par semaine, ils fabriquaient des boules de vrai pain de seigle, le pain noir d’antan, acide, à la mie compacte, délicieux tartiné au lard ou à la graisse salée. Le dimanche, on pouvait se procurer à l’étal de la boulangerie du pain doux et du gâteau breton maison.
Le four servait aussi à la cuisson du riz au lait et du pâté de campagne.
Jean Balés livrait le pain en automobile dans ses dépôts de campagne (Kerdilés, Kerdévot, Le Drohen ...).

Photo : four de Pennarun, un four en bon état isolé.

La famille Nédelec, après la seconde guerre mondiale remplacera J. Balés.
Trois fours seront construits par J. Balés et la famille Nédelec, au bord de la rue de la Fontaine, puis près de la grande salle et au milieu avec le fournil.

Biannic, le deuxième boulanger du bourg entre les 2 guerres. Il tenait aussi buvette, épicerie, salle de mariage et téléphone (à l’emplacement du commerce longtemps tenu par Marie et René Poupon).
En 1938, la famille Biannic prendra possession de la nouvelle maison qu’elle a fait bâtir en plein centre bourg (la mairie sera construite à côté en 1955-56).
Le café-mercerie Lennon, en face de l’église, vendait du pain fourni par la boulangerie Le Ster de Stang Ven.

Après la fermeture en 2001 de la boulangerie Nédelec, un bâtiment construit par la commune accueille la boulangerie du bourg depuis 2005, en face de l’église.

3.2. A Lestonan

Pierre Le Naour possédait une boulangerie à Lestonan où il déposait le pain fabriqué au bourg. En 1912, est venu Germain Guéguen qui louait la maison avec four servant de boulangerie, un hangar et une petite cour situés Menez-Groas. Germain Guéguen envoyait aussi du pain à Ti Ru.
La boulangerie, après un incendie en 1922, fut reconstruite et modernisée.
En 1947, au décés de Germain Guéguen, son fils François lui succéda jusqu’en 1970.
Ensuite, André Dervoet d’Elliant fut boulanger de 1970 à 2000. Et depuis, Arnaud Herledan (2000 - 2006) et Michel Girard se sont succédés.
A Stang Ven, la boulangerie Le Ster fut créée probablement vers 1923.
Après la seconde guerre mondiale, vers 1948, elle fut prise par Jean Philippe, ancien coureur cycliste, à l’origine du circuit de la Vallée Blanche et d’OCB.
Fanch Le Ster, vers la fin des années 1950, reprit le commerce familial - boulangerie, épicerie, bistrot - avec des tournées sur Briec, Ergué et Landudal.
La boulangerie Le Ster a ouvert un magasin de vente à Pen Ergué de 1987 à 1999.

3.3. Vers Garsalec - Saint-André

Peu après la fin de la guerre 39-45, à quelques 300 mètres du carrefour de la Croix Saint-André, juste avant la ferme de Kernaon, Mathias Binos ouvrit une boulangerie - bistrot.
En 1953, Guillaume et Catherine Plouzennec lui ont succédé, et Catherine sillonna jusqu’en 1981 les routes d’Ergué-Gabéric vers Garsalec et vers Landudal (voir Keleier n°55 - mai 2008).

3.4. Bara-bio à Kerveguen

Depuis plus de 20 ans, l’exploitation agricole de Kerveguen (Yves Le Gall) produit des céréales biologiques et fabrique en meunerie des farines diverses.
Et la boulangerie façonne des pains biologiques (farine fraîche de « la ferme », levain naturel, sel de Guérande, eau de source) cuits dans des fours chauffés au bois.

3.5. Au Rouillen

Avec l’urbanisation de ce quartier, des dépôts de pain furent installés :
- au magasin de Kérélan (Timmy) : 1978-1998
- à Pen Ergé (Le Ster de Stang-Ven).
Le supermarché de la Salle Verte vend du pain depuis 1998.
Une boulangerie importante fabrique et vend - rue P.J. Hélias - du pain et des gâteaux.
 

4.    Souvenir d’un mitron pendant la guerre 1939-45.

Jean Guéguen, fils de Germain qui fut boulanger à Lestonan de 1912 à 1947, aida son père pendant la guerre.
Il raconte le souvenir de la fabrication du pain de seigle.

" Le pain de seigle, plus communément appelé « pain noir », se faisait tous les mercredis.
La veille, on prenait une boule de pâte qui était restée dans du gros sel depuis une semaine. On la mettait dans la maie avec de l’eau tiède et on ajoutait un peu de farine pour faire un levain dans un demi-seau. On couvrait avec un sac.
Le lendemain, on reprenait le levain et on pétrissait avec de la pâte fraîche pour obtenir la pâte à pain.
On faisait 2 sortes de pain : de 1 kilo ou de 2 kilos.
Avant la cuisson, on les enduisait avec une pâte bouillie liquide faite de farine blanche et d’eau. Souvent, en les sortant du four, ces pains étaient fendus sur le pourtour. "

 

  1. Fournier : celui qui s’occupe de chauffer le four, de cuire le pain et éventuellement de faire le commerce du pain (vente au comptoir, portage à domicile, tournées …).

 

Dossier réalisé par Pierre Faucher - Keleier 67 - mars 2011

 

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Arkae > Trésors d'archives > Personnages > Gustave Guéguen

L'abbé Gustave Guéguen, recteur d'Ergué-Gabéric
Année 1941

Arkae > Trésors d'archives > Personnages > Gustave Gueguen > PortraitNous reproduisons dans cet article des extraits du « Registre-Journal » tenu par l’Abbé Gustave Guéguen pendant la première année de son ministère à Ergué-Gabéric, il y a 70 ans.
C’est en principeau début du XXe siècle que remontent les Registres-journaux dans le diocèse de Quimper. Les Statuts Synodaux publiés en 1928 par Mgr Duparc demandaient aux curés et recteurs de tenir un tel journal : « Le curé tiendra au courant le Journal Historique de la paroisse, dans lequel sont enregistrés les faits d’une certaine importance pour l’histoire locale » (article 69). Ce récit avait en particulier pour but de renseigner les recteurs à venir sur les divers antécédents qui avaient pu marquer la paroisse, d’expliquer des habitudes, des comportements, de justifier des choix. Un tel document est donc intéressant par ce qu’il nous apprend de l’époque, des personnalités, des positionnements des uns et des autres, même s’il demande une lecture critique.

L’Abbé Guéguen, fréquemment désigné à Ergué sous son prénom « Gustave », était un personnage hors du commun. Il peut apparaître comme ayant  une haute estime de lui-même, autoritaire, intéressé par l’argent des quêtes, par l’éclat à donner aux chapelles, à l’église paroissiale, aux cérémonies. C’est qu’il se prenait avant tout pour le représentant de Dieu sur le territoire de sa paroisse, et pensait que l’hommage rendu à Dieu ne pouvait que rejaillir sur sa propre personne et justifier une soumission respectueuse de tous. C’est ce qui le conduit par exemple à parler de lui-même à la troisième personne, ou à ne pas supporter de devoir faire une entrée discrète à Ergué à vélo…

François Ac'h




« Prise de possession » et « installation » en bicyclette.

Le mercredi 29 janvier, par une radieuse journée, arrivaient péniblement au bourg d'Ergué-Gabéric en bicyclette deux abbés Guéguen : l'un doyen du Chapitre, l'autre nouveau recteur de la paroisse, transféré de Clohars-Fouesnant et succédant à Monsieur Neildé mort accidentellement le 11 janvier1.

L'abbé Gustave Guéguen avait vainement cherché à Quimper chez les différents loueurs de taxi une voiture : le manque d'essence fit qu'aucun véhicule ne pouvait sortir et qu'en conséquence les deux cousins germains, en plein XXe siècle, durent venir de Quimper en si piteux équipage. En cours de route les deux cyclistes communiquaient leurs impressions sur la dureté des temps.
Le conseil paroissial se trouvait réuni au complet : Jean-Marie Nédélec de Saint-Joachim, René Riou de Tréodet, Pierre Tanguy de Kérellou (maire), Jérôme Quelven de Garsalec, Pierre Le Bihan d'Odet, Alain Le Roux de Mélennec, Pierre Le Roux de Kerfort.
Dans la salle à manger du presbytère, on procéda à la prise de possession telle qu'elle figure au registre des délibérations. On décida que le nouveau Recteur ferait son entrée le jeudi suivant 6 février à 15 heures, mais sans aucune solennité à cause des évènements.

6 février 1941. Au jour indiqué, le Recteur arriva à l'heure fixée, par le même moyen de locomotion, mais seul cette fois, ayant tout le loisir voulu en cours de route d'agiter dans son esprit des idées plutôt moroses. Fort peu de monde au bourg : l'arrivant trouva près de l'église quelques figures amies connues dans des postes précédents.

9 février 1941. L'installation officielle eut lieu le 9 février, présidée par M. le chanoine Pichon, curé de Saint-Corentin (…).
Temps assez sombre mais pas trop froid.

Inconcevable, cette quête !

Le dimanche 16 février : 5 F. comme offrande à toutes les messes !!! Inconcevable.

Le dimanche 23 février, annonce que désormais 3 plats circuleront dans l'assistance à toutes les messes (…). Il n'y eut pas de protestation, mais force d'inertie qui oblige à fermer les yeux pour les basses messes et à ne se contenter que de deux plats2 !

Et ils s’amusent…

Dimanche 2 mars, pardon de Saint-Guénolé. Innovation : Vêpres à 16 h. Mauvais temps. M. Eon chante la messe. M. Guillou prêche. J'arrive pendant le sermon. Malgré le temps, nombreuse assistance aux Vêpres. Il est toutefois regrettable que certains jeunes gens et jeunes filles, au lieu d'assister aux offices, aient senti le besoin de se réunir trop nombreux dans les granges du voisinage pour des amusements qui ne sont vraiment pas de saison quand il y a tant de souffrances dans le monde.

Des arriérés !

(La visite de sa paroisse par le nouveau recteur s’est déroulée sur plusieurs semaines. Il est accompagné dans ce porte-à-porte soit par un vicaire, soit par un fabricien).
Impression générale très défavorable : distances effrayantes, chemins impraticables; côtes incessantes et dangereuses, habitations mal tenues. Je m'attendais à trouver le Porzay3.
Quelle déception ! Très arriérés au point de vue culture, manquant de savoir-vivre, ils sont bien moins sociables et bien moins hospitaliers qu'à Clohars4. Leur sauvagerie vient peut-être de leur timidité.

N.D. de Kerdevot à sa place, au-dessus de l’autel et du retable.

26 mars 1941. En l'absence de M. le Recteur, appelé d'urgence pour prêcher la retraite pascale des hommes au Passage-Lanriec, M. Eon vicaire a veillé sur le travail d'érection de la statue de Notre-Dame de Kerdévot au dessus du retable où elle se trouvait avant la réfection du grand vitrail par les Beaux-Arts. Ces Messieurs avaient placé le trône sur des tréteaux devant la balustrade du coté de l'épître. Le rétablissement du trône a été exécuté par des ouvriers d'Odet gracieusement prêtés par l'usine sous l'habile direction de M. Blanchard, contremaître. La population a été enchantée de voir la statue remise à son ancienne place5.

Réforme du prix des chaises.

30 mars 1941. Dimanche de la Passion. Annonce en chaire de l'augmentation du prix de location des chaises : 20 centimes au lieu de 10, pour le dimanche suivant. Cette réforme a été acceptée sans aucune protestation. Le Recteur a regretté de n'avoir pas porté la taxe à 25 centimes, mais on parlait de la démonétisation probable des pièces de 25, bruit démenti officiellement le jour même où rentrait en vigueur le nouveau règlement6.

Pardon « mud »

10 avril 1941. Jeudi Saint. A Kerdévot, à 18 heures, cérémonie pieuse et émouvante organisée par la JAC masculine et féminine d'Ergué. Départ du bourg vers  17 h. par petits groupes en silence. Les jeunes seuls ont récité alternativement les prières et les chants de l'Heure Sainte. Louis Lozachmeur de Kerous, employé de bureau à la préfecture pour les garçons, et Mlle Josèphe Cariou du bourg, élève de seconde du lycée de Quimper pour les filles. Chapelle pleine, attitude très pieuse. Peu d'hommes. Quelques jeunes gens arrivés en retard. Cette cérémonie devait avoir lieu la nuit, mais l'on a craint les représailles des "occupants" interdisant toute circulation à partir de 22 h. M. le Recteur, dans l'adieu final, a promis à Notre-Dame. que tous s'y retrouveraient si possible l'année suivante à pareil jour. (…)

Un pardon qui paie bien.

29 juin 1941. Pardon de Saint-Eloi - Saint-Jean à Kerdevot. On prétendait qu'il n'y avait qu'une douzaine de chevaux à peine. Or M. le Recteur en a compté 59 pendant qu'ils défilaient devant la chapelle après leur bénédiction avant la grand-messe. Résolution de donner à ce pardon plus d'extension si possible, car les offrandes sont intéressantes. Sans doute la réflexion semble cynique, mais c'est une question d'une importance singulière à l'époque que nous vivons.

Pompes funèbres.

Début juillet, achat de tentures funèbres chez M. Paul de Quimper pour rehausser l'éclat des funérailles dont le tarif a été augmenté. Ces tentures sont arrivées début de septembre et elles ont servi la première fois pour l'enterrement solennel de Jeanne Bacon, veuve Rannou, de Ty Ru (Odet) le mercredi 29 octobre et pour les fêtes de la Toussaint. La population a été très agréablement surprise de voir tous ces décors pour la fête des Trépassés.

Salle interdite.

13 juillet 1941. Séance récréative donnée par des acteurs en majeure partie jacistes dans la salle Balès en faveur des prisonniers de guerre. Cette salle, habituellement condamnée, a vu lever l'interdit par une grâce spéciale de Mgr Duparc uniquement pour ce motif et après intervention directe de M. le Recteur7. (…)

Du laisser-aller.

10 août 1941. Un abus tendit à s'introduire dans la paroisse au sujet des publications de bans. Les jeunes gens venaient seuls ; parfois même l'un d'entre eux seulement et en tenue négligée. L'on a averti que par respect pour le sacrement de mariage, on ne recevrait plus les candidats avec cette désinvolture et ce sans-gêne et qu'ils devraient désormais être toujours accompagnés de leurs parents ou du moins de l'un d'entre eux. La leçon a porté et les parents ont été fiers de voir qu'on leur redonnait la place qu'ils n'avaient su garder. (…)

Un pardon en temps de guerre.

14 septembre 1941. Pardon de Kerdévot. M. le Recteur a multiplié ses démarches à la Préfecture, à la Kommandantur, pour obtenir l'autorisation de circuler en auto le 14 septembre et prendre à Quimper ce jour là le doyen du chapitre, M. Guéguen et le curé-archiprêtre de St Corentin, M. Pichon. Il a conservé quelque espoir de réussite jusqu'au vendredi. Il a fallu alors se résigner à prendre ces hauts personnages en char à bancs !!!

Le pardon s'est ouvert comme d'habitude la veille au soir par le chant des Vêpres où il y avait fort peu de monde. Les confesseurs se sont trouvés réunis le samedi soir à la table de M. le Recteur : M. Kerbiriou, supérieur de l'école Saint-Charles à Kerfeunteun, M. Cauvel, professeur à Pont-Croix, M. Guilcher, vicaire à Elliant. Ces messieurs sont partis dès l'aurore pour les confessions qui ont été très nombreuses. Les « pardonneurs » sont arrivés fort peu de temps avant l'heure. Il y avait au chœur 15 soutanes. Célébrant : le doyen. Prédicateur : l'archiprêtre. Pardon très émouvant, très pieux. Les offrandes ont été très abondantes. Une seule ombre au tableau : les paroissiens ne suivent pas la procession, se contentant  de la regarder et ne se signant pas au passage de la croix, toutes remarques qui ont été faites par les prêtres étrangers.
M. le Recteur à son départ de la chapelle, le dimanche vers 18 heures, a été hué par une bande de buveurs qu'il a mis à la raison par un mot d'esprit.
Et ces messieurs d'Elliant, le même soir, en regagnant leurs pénates, ont été entrepris par une troupe de jeunes avinée chantant "l'Internationale" ; étant descendus de bicyclette, ils ont mis à la raison ces jeunes garnements, particulièrement l'abbé Marzin en exhibant ses titres de prisonnier de guerre libéré. (…).

Le lendemain, 15 septembre 1941. Le recteur et le vicaire sont allés à Kerdevot pour de nombreuses confessions paroissiales. M. le Recteur a donné un avertissement sévère à la tenancière de l'auberge qui désirait avoir "un casse-gueule" pour amuser la jeunesse et qui n'a eu qu'un innocent manège de chevaux de bois sans musique pour l'amusement des bébés. (…)

La J.A.C. reste autorisée.

26 octobre 1941. Fête de la jeunesse rurale à Kerdévot8. Toutes les paroisses environnantes ont été invitées : Ergué-Armel, Kerfeunteun, Saint-Yvi, Saint-Evarzec, Briec, Landudal, Elliant.  La grand-messe annoncée à 10 h 30 n'a commencé qu'à 11 heures, chantée par M. le Recteur. Sermon par M. le chanoine Favé, sous-directeur des Œuvres, d'assez méchante humeur parce qu’aucun jeune homme de la paroisse n'avait assisté à une réunion des jours précédents à Quimper. Dîner à la sacristie. Séance d'étude à 13 heures sur l'organisation des loisirs à la campagne le dimanche.

Rien de précis dans la discussion et rien de prévu pour donner au dimanche sa signification de jour saint, consacré au Seigneur. Guère de franchise de la part des jeunes gens à mon avis. Vêpres. Jeux divers. Mot d'adieux de M. le Recteur. (…)

Et encore…

Début Novembre. Rétablissement d'une messe régulière à Saint-Guénolé le 1er dimanche du mois à la grande joie de tout le quartier qui a témoigné sa reconnaissance par de généreuses offrandes.
Annonce que la messe du 1er vendredi du mois sera désormais célébrée pour les prisonniers et qu'on y ferait une quête pour l'honoraire de la messe, l'excédent devant servir à célébrer d'autres messes. Ce premier vendredi, il y a eu de nombreuses femmes de très loin et même quelques hommes.

Le 2 novembre, M. le Recteur a reçu du Secours National9 la somme de 2000 Fr. pour la fondation d'une bibliothèque paroissiale : elle a commencé à prêter des livres d'abord aux jacistes le dimanche 16. Ont été nommées bibliothécaires : Melle Laurence Bihannic et Melle Louise Lennon du Bourg. Elles seront à la disposition des clientes le 1er dimanche du mois après les messes et le 3e dimanche après la réunion générale.
(…)

Arkae > TA > Personnages > Gustave Guéguen > phot du bourg

  1. L’Abbé Pierre Neildé, originaire du Juch, avait été nommé recteur d’Ergué-Gabéric en 1938. Il y est décédé le 7 janvier 1941, à l’âge de 57 ans, après deux ans et quelques mois de présence. « Toujours à son devoir, c’est en se pressant de rentrer d’une visite à son frère malade, pour faire son catéchisme, qu’il a été terrassé d’une hémorragie cérébrale, le lundi, vers midi. Malgré tous les soins, M. Neildé expirait le mardi matin, vers cinq heures » (Semaine Religieuse de Quimper et Léon, 31 janvier 1941).
  2. Ainsi, le recteur n’aurait pas réussi à se faire obéir, du moins pour les « basses messes ».
  3. L’Abbé Guéguen est originaire de Locronan, et le Porzay était considéré dans le clergé comme faisant partie, comme le Léon, des « gras pâturages » attribués en fin de carrière aux prêtres méritants.
  4. L’Abbé Guéguen était précédemment, depuis 1937, recteur de Clohars-Fouesnant.
  5. Telle était la configuration historique de l’ensemble autel-retable-trône de la Vierge. C’est en septembre-octobre 1944 que l’Abbé Guéguen, sous le contrôle de l’inspecteur départemental des Beaux-Arts, dispersera ces éléments, le retable étant transféré au fond de la chapelle, contre le mur Nord, et la statue de N.D. de Kerdevot sur son trône, en appui contre un pilier de la travée Nord, face à l’entrée Sud.
  6. Sous l’Occupation allemande, ces petites pièces de monnaie, qui contenaient des métaux stratégiques pour l’armement (nickel, cupronickel…) furent démonétisées en 1941 et 1942, c’est-à-dire mises hors circuit monétaire, pour être récupérées par les Allemands et servir dans leurs industries d’armement. Elles furent remplacées par des pièces en zinc. La démonétisation de la pièce de 25 centimes, d’abord annoncée pour le 1er avril 1941, n’a eu lieu que plus tard.
  7. Depuis une dizaine d’années (voir Semaine Religieuse du 18 mars 1932 : « Directives au sujet des danses »), Mgr Duparc avait engagé son clergé dans une campagne de proscription des salles de bal, « véritables écoles de corruption », de leurs tenanciers et de leurs enfants, « pécheurs publics et traités comme tels », c’est-à-dire privés des sacrements de l’Eglise, des danseurs et danseuses, des musiciens… Ainsi, plusieurs salles de danses se trouvaient « interdites » à Ergué-Gabéric, dont celle tenue par la famille Balès au Bourg.
  8. Le régime de Pétain voulait, en créant par la loi du 15 juillet 1940 un Secrétariat Général de la Jeunesse, « coordonner et contrôler l’action éducative des différents mouvements de jeunesse », avec comme objectif de couler les jeunes dans le moule de la Révolution Nationale. L’Eglise de France résista à une trop forte absorption de ses mouvements de jeunes par l’Etat. Ainsi, la J.A.C. et la J.A.C.F. purent poursuivre leurs activités ; l’encadrement assuré par les autorités religieuses garantissait que ces mouvements ne s'occuperaient pas de ce qui ne les regardait pas. C’est ainsi que la J.A.C. continua à prospérer pendant la guerre.
  9. La loi du 4 octobre 1940 attribuait au Secours National un rôle bien plus large que celui d’assistance aux soldats mobilisés (colis, courrier…) : Pétain en faisait un organisme d’Etat chargé d’habiliter, de coordonner et de contrôler toutes les œuvres privées, les initiatives d’assistance, que ce soit auprès des soldats prisonniers, de leurs familles, des réfugiés, des victimes des bombardements anglais, etc. « Le Secours National est seul qualifié pour formuler des appels publics à la générosité et recevoir des subventions de l’Etat ou des diverses collectivités publiques ». Les maires ne peuvent autoriser que les quêtes qui ont l’aval du Secours National, et il n’y a de subvention ou d’aide que par le canal du Secours National.

 

François Ac'h - Keleier 66 - janvier 2011

 

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Arkae > Trésors d'archives > Personnages > Alain Dumoulin

Alain Dumoulin

Bernez Rouz

Alain Dumoulin : présentation dans le dictionnaire d'Arkae

1811 : la mort du recteur Dumoulin

Arkae > Trésors d'archives > Personnages > Alain Dumoulin > Hent ar BaradosRecteur d’Ergué-Gabéric de 1788 à 1791 Alain Dumoulin dut s’exiler à Liège puis à Prague pendant la Révolution. Il revient d’exil en 1802 et reprend son rectorat à Ergué-Gabéric. Il est nommé à Crozon puis curé de la cathédrale de Quimper.
Bras droit de l’évêque Mgr Dombideau de Crouzeilhes, il exerce les responsablités de vicaire général dans le diocèse jusqu’à sa mort.

Une convention avec une dame Feunteun
Alain Dumoulin garde des relations avec les paroissiens d’Ergué-Gabéric. En 1810 il passe une convention avec une dame Feunteun demeurant à Lezergué : celui qui survivrait dirait deux messes pour l’autre. Il survécut à la dame et dit effectivement ses deux messes.

Alain Dumoulin meurt subitement le 21 mai 1811 à l’âge de soixante trois ans. L’évêque écrivit alors « ce pauvre M. Dumoulin je le regretterai jusqu’à mon dernier soupir ». Quand à son biographe il témoigne « Quand il mourut, ce fut un deuil universel dans la ville. On jugea de l’estime et de l’affection dont il jouissait au nombre considérable de personnes de toutes les classes qui assistèrent à son inhumation  ».

Il est enterré au cimetière Saint-Louis. Son oncle Mgr Graveran originaire comme lui de Crozon fit exhumer ses restes en 1852 pour les déposer dans le chœur de la chapelle du cimetière. L’évêque fit graver une pierre tombale en marbre noir où il fit graver une inscription de sa composition.

 

Bernez Rouz - Keleier 66 - janvier 2011

 

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Arkae > Trésors d'archives > Politique > Les municipalités d'Ergué-Gabéric sous la Révolution

Les municipalités d'Ergué-Gabéric sous la Révolution

Jean-François Douguet 

 

Arkae > Tresors archives > Politique > Les municipalités d'Ergué-Gabéric sous la Révolution > ArretéBernez Rouz : " Avec Jean-François Douguet, on y voit plus clair sur la mise en place de l’institution communale pendant la Révolution.
La rareté des archives, la briéveté des mandats électifs, la complexité des structures mises en place compliquent le travail de l’historien. Quelques noms au hasard de l’état civil nous renseignent sur la qualité de nos compatriotes engagés dans la lente construction de la démocratie locale.  

Heureusement d’autres communes ont gardé plus d’archives. On sait donc comment la Révolution a bouleversé les institutions locales, et on peut en tirer des conclusions pour Ergué, faire se rejoindre les bribes éparses de notre mémoire collective.

Loin de la fureur des sans-culottes, des luttes fratricides entre Girondins et Jacobins et des épisodes de la chouannerie, la Révolution s’est semble-t-il passée sans heurts sur les terres gabéricoises. Reste à glaner cette étrange moisson d’archives nouvelles dans un calendrier républicain déroutant.

Le travail de Jean-François Douguet y participe et complète le livre sur Alain Dumoulin, un recteur breton dans la tourmente révolutionnaire, disponible cet été. "

 

Photo : Municipalité an III : Arrêté des représentants du peuple Faure et Tréhouart donnant la liste des membres du conseil municipal d’Ergué-Gabéric, en date du 26 pluviôse an III (14 février 1795).

 

Les nouvelles institutions

Le 16 novembre 1789 l’Assemblée constituante, après avoir créé les départements et les districts, décide de les subdiviser en cantons et communes. La loi du 14 décembre suivant précise les modalités d’administration et d’élections des nouvelles organisations municipales.

Chaque commune doit être dirigée par un corps municipal, composé d’officiers municipaux, d’un nombre variable selon sa taille, d’un procureur et d’un maire. Ce corps municipal appartient à un conseil général composé d’un nombre de notables double de celui du corps municipal. Chaque fonction donne lieu à une élection séparée. Le maire et le procureur sont élus pour deux ans, rééligibles qu’après un délai de deux ans sans mandat. Les officiers municipaux et les notables, élus aussi pour deux ans, sont renouvelables par moitié chaque année.

Les attributions des nouvelles municipalités sont considérables : gestion des biens communs, budget, travaux publics, voirie, répartition des impôts, mais aussi un pouvoir réglementaire, notamment dans le domaine économique (droit de taxe) et de police (droit de requérir la force publique). Le maire peut aussi proclamer la loi martiale en arborant un drapeau rouge sur la façade de la mairie, mais il ne peut quitter le territoire de la commune sans autorisation. Quant au procureur, il représente à la fois le gouvernement et la population. Il est tantôt avocat, tantôt accusateur public, et il a voix consultative dans toutes les affaires. C’est un préfet communal avant la lettre, ce qui lui donne un pouvoir considérable… et il peut circuler librement.

Pour être électeur il faut être citoyen actif, c’est-à-dire être de nationalité française, avoir plus de vingt cinq ans, être domicilié dans la commune depuis au moins un an, ne pas être en état de domesticité, ni en situation de faillite et payer un impôt au moins égal à trois jours de salaire d’un ouvrier. En 1790 cette contribution est fixée à quinze sols la journée. Pour être éligible il faut réunir les mêmes conditions, mais l’impôt est fixé à dix jours de travail. Et seuls les hommes ont droit de vote.

Jérôme Kgourlai, premier maire… de la paroisse

Arkae > Tresors archives > Politique > Les municipalités d'Ergué-Gabéric sous la Révolution > Acte baptemeCent trente-et-un Gabéricois, soit un peu plus de 8% de la population, sont appelés à voter début 1790 pour élire cinq officiers municipaux (pour les communes ayant entre 500 et 3000 habitants) et dix notables, plus le maire et le procureur.
Les procès-verbaux de ces premières élections ont malheureusement disparu. C’est l’état civil qui permet d’identifier les premiers élus. Ainsi le baptême de René Le Pétillon, de La Salleverte, le 16 juin 1790, révèle que son père, aussi prénommé René, est le procureur de la commune. Deux mois plus tard, le 12 août, c’est l’acte de baptême de Françoise Credou, de Khaut, qui indique que le parrain, Jérôme Kgourlay1 est le « maire de cette paroisse »2.
Un autre acte de baptême précise que René Le Pétillon est aussi administrateur du district de Quimper. A défaut de tornade révolutionnaire, c’est un vent nouveau qui souffle sur la nouvelle commune d’Ergué-Gabéric, car aucun de ces deux hommes n’était signataire des cahiers de doléances rédigés quelques mois plus tôt.

Photo : Cohabitation à Ergué-Gabéric où le recteur Dumoulin mentionne sur l’acte de baptême de Marie Le Dore,
le 15 août 1790, les nouvelles fonctions du parrain, Jérôme Kergourlay maire de cette paroisse (sic).


Le 9 juin suivant décède René Le Pétillon, « ancien électeur de la commune ». Sans doute a-t-il démissionné pour raisons de santé de ses fonctions de procureur. Son successeur à cette fonction, Augustin Géllard, de Congallic, assiste à son enterrement en compagnie du maire.

Cependant c’est la polémique sur le découpage des cantons qui permet d’identifier l’intégralité de la première municipalité d’Ergué-Gabéric.
Dès 1790 la nouvelle commune est rattachée au canton de Rosporden avec celles d’Elliant, Saint-Yvi, Locmaria-Hent3, et Tourc’h. Fureur des Elliantais, vexés qu’une de leurs anciennes trêves obtienne la prééminence dans les nouvelles institutions. Ils font intervenir leur recteur l’abbé Guino, alors député du Clergé à l’Assemblée constituante qui, le 30 mai 1791, sollicite l’appui des plus hautes autorités locales : François-Jérôme Le Déan, maire de Quimper, Louis Alexandre Expilly, le nouvel évêque, et Augustin Le Goazre de Kervélégant, député du Tiers-Etat qui appuie la pétition d’un commentaire personnel : « il ne me paraît point raisonnable d’obliger les habitants de la paroisse4 d’Ergué-Gabéric de traverser celle d’Elliant pour celle de Rosporden ».
« Nous préférons le canton de Quimper à celui d’Elliant, et celui d’Elliant à celui de Rosporden… »
Mais cela ne convient pas non plus aux Gabéricois qui le font savoir par une requête adressée aux administrateurs du directoire départemental. Si la municipalité appuie les pétitions d’Elliant pour que le chef-lieu de canton soit au bourg de cette commune, plus proche, elle ne manque pas de faire observer aussi qu’elle préférerait être rattachée au canton de Quimper :
« Ce jour 28 novembre 1790 le conseil général de la paroisse, assemblé dans la personne de Jérôme Kgourlai maire, de René Le Gouerou, de Hervé Lizien, d’Allain Rannou, de Jean Gourmelen officiers municipaux, de Jean Lozac’h, Guénolé Laurent, François Le Poupon, Louis Le Naour, Hervé Le Pétillon, Louis Le Bihan, tous notables5. Présent Augustin Gélard procureur de la commune… a arrêté de suplié messieurs les administrateurs du département de finistère et messieurs les administrateurs du district de fixer irrévocablement le chef lieu du canton au bourg d’elliant [qui] est plus au centre du canton que Rosporden…
... Le conseil général de la commune a aussi arrêté de supplier messieurs les administrateurs du département et du district de Quimper de réunir la paroisse d'Ergué-Gabéric au canton de Quimper dont elle est beaucoup plus près que d'Elliant ; les villages d'Ergué les plus voisins du bourg d'Elliant en sont distants de cinq quarts de lieue, et les plus éloignés à trois fortes lieues, ajoutez les mauvais chemins de cette paroisse à Elliant ; au lieu que plusieurs villages d'Ergué-Gabéric ne sont qu'à une demie lieue de Quimper, et nos villages les plus éloignés de Quimper n'en sont distants que de deux lieues au plus. Nous avons tout à gagner si nous étions réunis au canton de Quimper; nous préférons donc le canton de Quimper à celui d'Elliant, et celui d'Elliant à celui de Rosporden ».

Quelques mois plus tard la municipalité demande à « Mr l’abbé Guino recteur d’Elliant et député aux Etats généraux de représenter aux augustes membres des dits Etats que plusieurs quartiers de cette paroisse étant au moins éloignés de Rosporden de quatre lieues, outre les difficultés des chemins, nous désirerions tous dans cette commune de voir fixer irrévocablement le chef lieu du canton au susdit bourg d’Elliant. Tels sont les vœux ardents des citoyens actifs de la commune d’Ergué-Gabéric ».

Cette nouvelle requête est signée Jérôme Kgourlay maire, Alain Rannou et Hervé Lizien, officiers municipaux, Jérôme Credou, René Seznec, François Laurans, Pierre Jean Credou et François Le Poupon, notables, et René Le Pétillon, administrateur du district de Quimper.
Quatre nouveaux noms apparaissent, sans doute élus lors de l’élection partielle de décembre 1790.

La mairie siège à la sacristie…

Dans un premier temps Elliant croit avoir obtenu gain de cause car le directoire du district de Quimper se prononce en sa faveur le 14 juin 1791, mais dans sa séance du 18 juin le directoire départemental arrête que la commune d'Ergué-Gabéric est rattachée au canton de Quimper.
De ce fait Elliant n'est plus le point central du nouveau canton et « considérant qu'il se tient à Rosporden des foires et marchés, dont la privation ajouteroit à la perte de ses octrois et celle de la juridiction qui s'y exerçoit » il arrête aussi que le « chef-lieu demeurera irrévocablement en la ville de Rosporden. »

Entre temps, le 2 février 1791, une autre requête, pour demander le maintien des prêtres réfractaires dans la paroisse « pour n’être pas privés des secours spirituels », complète la liste des élus en 1791: Jérôme Kgourlay, maire, Augustin Gélard, procureur, Jean Gourmelen, Alain Rannou, Yves Le Meur, Hervé Lizien et René Gouerou, officiers municipaux, Jean Le Poupon, François Le Poupon, Jean Lozeac’h, Guennolé Laurent, Hervé Pétillon, Louis Le Naour, Alain Seznec, Charles Le Queneudec notables, Joseph François Mahé, secrétaire-greffier. La réunion s’est tenue «en la sacristie de la dite paroisse où a présidé Jérôme Kgourlay, maire …»

On trouve encore la signature de Jérôme Kgourlay et Alain Rannou le 15 mai 1791 dans la demande d’expulsion de la commune d’une fille de mauvaise vie, atteinte de la vérole qui « se lave dans neuf fontaines dans la persuasion de se guérir … Les habitants, qui ne peuvent avoir de l’eau potable que de ces fontaines, sont dans la plus grande gêne et souffrent d’être obligés de boire de ces fontaines… »

Troubles et incertitudes…

Arkae > Tresors archives > Politique > Les municipalités d'Ergué-Gabéric sous la Révolution > Jean Le JourNous n’avons nulle trace des élections de décembre 1791. Seul, le 30 mars 1792, l’acte de baptême de Barbe Le Jour, de Boden, mentionne que son père, Jean Le Jour, est le procureur de la commune. Ce qui indiquerait qu’il y a bien eu des élections avec, outre la moitié du conseil général de la commune (les notables), et du corps municipal (les officiers municipaux) à renouveler, un autre procureur et, normalement, un nouveau maire. Mais nous ne connaissons pas avec certitude son identité.

L’une des dernières mesures prises par l’Assemblée Législative est, par les décrets des 20 et 25 septembre 1792, la création de l’état civil. Confié au conseil général de la commune, celui-ci doit choisir en son sein la personne la plus compétente, à laquelle on donne le titre d’officier public, pour enregistrer les actes. Ainsi, le 26 janvier 1793, Jean Le Jour inscrit dans le premier registre de l’état civil que, « membre du conseil général de la commune d’Ergué-Gabéric, district de Quimper, département du Finistère », il a été « élu le neuf décembre dernier [1792] pour rédiger les actes destinés à constater les naissances, mariages et décès des citoyens… ».
A partir du 17 avril il mentionne son nouveau titre d’officier public, qu’il peut cumuler avec sa fonction de procureur. Le 19 août, venu déclarer la naissance de sa fille Marie Magdeleine, il charge « Jean Nicolas, membre du conseil général de la commune d’Ergué-Gabéric, qui fait fonction d’officier public », de rédiger l’acte de naissance.

Le 21 mars 1793, le procès-verbal de la levée d’un contingent de douze hommes d’Ergué-Gabéric, dans le cadre de la levée de 300 000 hommes décrétée par la Convention, est contresigné par Yves Le Meur, procureur de la commune, François Laurant, maire, et Jean Lejour, officier municipal6. François Laurent, de Squividan, est-il maire depuis décembre 1791, date à laquelle il aurait dû y avoir, constitutionnellement, un renouvellement ou, plus probablement, depuis le 9 décembre précédent. Dans plusieurs communes environnantes il y a également eu un changement de maire à cette époque7.

L’an I de la République

Arkae > Tresors archives > Politique > Les municipalités d'Ergué-Gabéric sous la Révolution > DeliberationPar l’acte constitutionnel du 24 juin 1793 la Convention apporte deux modifications importantes à la loi électorale. La majorité est ramenée de vingt-cinq à vingt-et-un an et le suffrage universel est instauré pour les hommes, sauf les domestiques, le pouvoir se méfiant de leur dépendance vis-à-vis de leurs « maîtres ». Le 4 décembre suivant une autre modification d’importance est adoptée en créant les agents nationaux à la place des procureurs, et en étendant leurs attributions, déjà importantes. Bien qu’élus par le peuple, ils représentent le gouvernement. Ils exercent leur contrôle sur les particuliers comme sur les autorités constituées (et donc le maire). Ils doivent prévenir le comité de sûreté générale de la tranquillité intérieure et des conspirations contre l’égalité et la liberté. Ils ont le droit de décerner des mandats d’arrêt, de mettre en liberté, de poser et lever des scellés. Ils doivent surveiller la stricte application des lois et sont tenus d’envoyer des rapports tous les dix jours à l’administration du district. De fait, ils ont plus de pouvoir que les maires.

Photo : Délibération de la municipalité d'Ergué-Gabéric.

Ces nouvelles mesures sont appliquées lors des élections du 9 février 1794 (elles auraient dû se dérouler en décembre 1793), dont nous ne retrouvons qu’une seule évocation, dans l’état civil, à l’occasion du changement d’officier public, Jean Le Jour, laissant la place à Rolland Coatmen, curé constitutionnel, «membre du conseil général de la commune, élu le 24 du présent mois de pluviôse (9 février 1794) pour rédiger les actes destinés à constater les décès… ». Cette élection devait aussi donner lieu à l’élection d’un nouveau maire (sauf si François Laurent a été élu en décembre 1792), tout comme le nouvel homme fort de la commune, l’agent national. Quant à Jean Le Jour on le retrouve comme officier municipal lors de l’estimation de la vente de la chapelle de Kerdévot comme bien national le 1er novembre 1794.

Enfin, après plus de trois ans d’incertitude, durant la période la plus trouble de la Révolution, un arrêté du 26 pluviôse an III (14 février 1795) des représentants du Peuple «prez les porte et côtes de Brest et de l’Orien », Tréhouart et Faure, nous renseignent à nouveau sur la composition du conseil municipal, probablement élu quelques jours plus tôt8: Jean Riou, de Tréodet, maire – René Le Guenno, de Sulvintin, Jean Le Gouzien, de Niverrot, René Gouerou, de Lec, Jean Jaouen (dont le nom est ajouté à la place de celui de Jean Le Jour qui est rayé), Allain Rannou, de Kourvois, officiers municipaux – Jean Credou, de Créac’h Ergué, agent national – Jean Le Signour, Denis Huitric, Joseph Le Roux, Pierre Lozach, Louis Le Naour, Louis Maugen, Guénolé Laurent, René Le Maguer, Jean Knevez, Louis Michelet, de Knogen, notables – Yves Kgourlai, secrétaire-greffier. Allain Rannou est aussi l’officier public.

D’anciens personnages de premier plan, comme Jérôme Kergourlai, Jean Le Jour, Augustin Géllart, sans doute contraints de se retirer par le renouvellement imposé par la constitution, et peut-être aussi « victimes » d’une épuration locale à la suite de la chute de Robespierre (27 juillet 1794), ne font plus partie du conseil général de la commune. Par contre les nouvelles lois électorales de 1793 ont permis l’élection comme officier municipal de Jean Gouzien, qui n’était pas citoyen actif en 1790. Joseph Le Roux et Louis Maugen quant à eux n’étaient pas recensés sur la commune.

Les municipalités cantonales

A leurs débuts ces réformes municipales sont accueillies avec satisfaction, mais les gouvernements se trouvent très vite confrontés à plusieurs problèmes. Dans les villes, la plupart des municipalités, imbues de leurs nouveaux pouvoirs, veulent affirmer leur indépendance vis-à-vis des autres administrations de districts et départementales. Dans les campagnes, le renouvellement exigé par la loi, la compétence et parfois la motivation des élus posent d’autres problèmes9.

Ainsi dès le 17 avril 1795 la Convention supprime les agents nationaux, puis, le 22 août suivant, les municipalités dans les communes de moins de 5 000 habitants. Dorénavant elles ont à leur tête un agent municipal et un adjoint élus par l’assemblée communale, de nouveau censitaire, pour deux ans. Les élections doivent avoir lieu à date fixe, le 1er germinal (22 ou 23 mars). L’ensemble des agents municipaux, et leurs adjoints, des communes d’un canton forme la municipalité cantonale dirigée par un président. Ergué-Gabéric, avec Kerfeunteun et Penhars, est rattaché au canton d’Ergué-Armel.

C’est au travers d’archives éparses que l’on retrouve les élus gabéricois. Ainsi le 23 février 1796 Jean Le Jour, agent municipal d’Ergué-Gabéric, et Jean Lozac’h, son adjoint, ainsi que l’ensemble du personnel cantonal sont invités à Ergué-Armel pour assister à « la fête commémorative de la mort du dernier des tyrans », et à prêter le serment « qu’ils sont sincèrement attachés à la république et qu’ils vouent une haine éternelle à la royauté ». Jérôme Kergourlay et Augustin Gélart, assesseurs du juge de paix du canton, absents, prêtent à leur tour serment le lendemain.

Lors des élections générales du 21 mars 1797 renouvelant cette assemblée, c’est Jean Nicolas, de Quilly huec, qui est élu agent municipal d’Ergué-Gabéric, et Alain Rannou, de Kourvois, adjoint 10.

Retour des maires… nommés

Il n’y a pas d’élections au printemps 1799, sans doute en raison de l’instabilité politique qui amène la chute du Directoire, et l’instauration du Consulat quelques mois plus tard après le coup d’état de Bonaparte le 18 brumaire (9 novembre).

La constitution de l’an VIII réorganise l’administration du pays. Les communes ont à nouveau un maire à leur tête, entouré d’un conseil municipal, mais dorénavant tous nommés par le préfet, nouveau personnage installé à la tête des départements. C’est ainsi que le registre des délibérations municipales d’Ergué-Gabéric commence, le 17 juin 1800, par la transcription de la nomination de Jean Le Jour aux fonctions de maire par le préfet du Finistère Charles Didelot. Il remplit aussi les fonctions d’officier public de l’état civil. Suit la nomination de son adjoint, François Mahé ? (le patronyme est malheureusement illisible), qui n’apparaît pas dans les délibérations suivantes11.

 

Sources et Bibliographie :

  • Histoire des institutions du droit public français au XIXe siècle 1789 - 1914 – Gabriel Lepointe – Ed. Domat Montchrestien, 1953.
  • Histoire des maires 1789 - 1939 – Jocelyne George – Terres de France, Plon - 1989
  • Archives départementales : séries L et M
  • Archives municipales : Etat-civil, Registre des délibérations municipales.

 

République, Liberté, Egalité?

Lorsque l’on consulte les premiers actes de l’état civil on ne manque pas d’être surpris par les expressions allégoriques des nouvelles années de Liberté, d’Egalité, de République... Il y a parfois de quoi s’y perdre. Ainsi la création d’un nouveau calendrier, révolutionnaire comme il se doit, adopté en novembre 1793, mais démarrant le 22 septembre 1792, date de l’instauration de la République, ne manqua pas de causer quelques tracas à l’officier public. Un petit aperçu nous en est proposé à la lecture de l’état civil, créé à la même époque, dont la rédaction donnait parfois lieu à des calendriers… pas très catholiques. Alors que le maire réunissait son conseil municipal à la sacristie, c’est le curé, constitutionnel, qui rédigeait l’état civil !
Contraint entre la rigueur demandée à la rédaction d’un acte officiel, et le zèle à montrer au nouveau régime, terrorisant, Rolland Coatmen ne sait plus, à défaut de saints, bannis, à quel an se vouer !
Ainsi le 20 septembre 1792 rédige-t-il l’an quatrième de la Liberté et première (sic) de Légalité (sic), puis, le 8 novembre l’an premier de la liberté française, et sur l’acte suivant l’an premier de la République française. Enfin, perdu dans ses calendriers, il choisit, le 25 novembre, de les regrouper, certain ainsi de ne pas se tromper : l’an premier de la Liberté et de la République française !
A moins que, enivré par l’enthousiasme d’une ère nouvelle, il se laisse emporter, comme bien d’autres, par les frissons de l’exaltation ! Ainsi la gazette Le Moniteur universel inscrivait-elle à sa une L’an 1er de la Liberté depuis le 14 juillet 1789 (prise de la Bastille), l’an IV de la Liberté et 1er de l’Egalité, depuis le 10 août 1792 (prise des Tuileries et arrestation de Louis XVI), l’an 1er de la République française, depuis le 21 septembre 1792 (instauration de la République). On peut remarquer que Rolland Coatmen reprend, le 20 septembre 1792, le même libellé que Le Moniteur universel met en exergue depuis le 10 août précédent. Lit-il cette gazette à Ergué-Gabéric, l’a-t-il vue ailleurs, ou respecte-t-il des directives? Quoiqu’il en soit nous sommes au début d’un nouveau calendrier, républicain, qui va durer quatorze ans.
 
A Ergué-Gabéric le 30 prairial An 219
 

Arkae > Tresors archives > Politique > Les municipalités d'Ergué-Gabéric sous la Révolution > tableau des municipalités

 

  1. Dans un souci historique nous transcrivons les noms dans leur graphie originale. Sous l’Ancien régime la lettre K est l’abréviation commune de Ker. Il faut donc lire Kerhaut, pour Khaut, Kergourlay, pour Kgourlay, etc.
  2. Le terme de commune n’est pas encore entré dans le langage courant…
  3. Sous l’Ancien régime la paroisse d’Elliant comprend les trêves de Rosporden, Saint-Yvi et Locmaria-Hent. Toutes ces entités deviennent communes en 1790. La commune de Locmaria-Hent est supprimée en 1792 et rattachée à celle de Saint-Yvi.
  4. Les communes existent déjà depuis un an et demi, mais même les élus ont du mal à intégrer ce nouveau vocabulaire.
  5. D’après la loi il manquerait un officier municipal et deux notables.
  6. Il faut noter que le procureur est mentionné avant le maire, ce qui confirme toute son importance dans les structures municipales de l’époque.
  7. Dans de nombreuses communes les lois électorales ne furent pas respectées, et il n’y eut un changement de maire qu’en décembre 1792, sauf démission.
  8. Il ne peut s’agir du conseil municipal élu en février 1794 puisque Jean Le Jour n’y figure plus.
  9. Aux élections municipales d’Elliant en décembre 1792 il n’y eut que 21 électeurs … pour 20 postes à pourvoir ! A Kernével il n’y avait que trois personnes qui savaient lire et écrire…
  10. Un document du 22 avril 1798 inverse les rôles. Cependant la délibération du conseil municipal du 23 janvier 1801 auquel est convié Jean Nicolas «agent» pour expliquer la situation financière de la commune prouve que c’est bien lui qui était l’agent municipal en 1798.
  11. Dans le recensement de 1790 figurent Joseph François Mahé, cultivateur à Kdévot, 26 ans, citoyen actif, et son frère François, 22 ans. Peut-être pourrait-il s’agir de l’un d’eux.

 

Dossier réalisé par Jean-François Douguet - Keleier 68 - juin 2011

 

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