Trésors d'archives > Patrimoine religieux > En revenant de Kerdévot par Léon Le Berre

En revenant de Kerdévot, par Léon Le Berre (Abalor)

Ce texte est tiré d’une nouvelle intitulée « En revenant de Kerdévot », dans le recueil Fleurs de Basse-Bretagne écrit par Léon Le Berre. Léon Le Berre, alias Abalor, est né à Kervao à Ergué-Armel le 30 septembre 1874 et décédé à Rennes en 1946. Il fait des études de lettres et de droit à Rennes. Il commence sa carrière de journaliste à l’Ouest-Eclair et est intronisé barde en 1901, sous le nom d’Abalor (le fils de St Alor, patron d’Ergué-Armel). Successivement, il dirigea les revues L’Arvor, Le Courrier Morbihannais, et l’Union maritime et agricole. Il finit sa carrière comme chroniqueur judiciaire à l’Ouest-Eclair. Il a écrit une dizaine d’ouvrages en breton et en français. 
 
Le spectacle était vraiment imposant sur le placis. A la lueur des lanternes ou des cierges que tenaient les pèlerins, Mariannik et sa compagne purent voir une multitude de gens, de tous les costumes. Ici, une gracieuse fille de Scaër considérait d’un œil un peu moqueur le lourd costume des femmes de Pont-l’Abbé aux mîtres orientales. Là des « Glaziks » et des Elliantais aux broderies jaunes différents d’habits, mais unis dans les mêmes invocations à la Vierge puissante de Kerdévot, oubliant d’ailleurs pour un moment les disputes de clans, se pressaient pour entrer dans l’église. Et près de la porte, c’était comme un moutonnement de têtes d’hommes et de coiffes blanches, où scintillaient les lueurs vacillantes des cierges, allant tomber comme des gouttes de feu dans l’océan de lumières qui inondaient la chapelle.
Un moment la veuve craignit pour son corsage noir les tâches de cire ! « Restons ici dehors, à l’entrée, dit-elle.
— Point ! fit Mariannik, allons là-bas tout au haut ! »
Et en franchissant le seuil elles se frayèrent un passage, écartant de la main les cierges dont les gouttes odorantes menaçaient leurs vêtements, et par des prodiges de stratégie elles arrivèrent, dépassant l’endroit réservé aux femmes, à l’entrée du chœur.
Elles restèrent bien une grande heure en prière sans que le sommeil les prît, sans que les allées et venues de la foule leur fissent faire un mouvement. Que disait Mariannik à la mère du Christ ?
Elle lui disait son amour sans espoir, elle la conjurait par les Sept Douleurs d’avoir pitié d’elle. Elle la priait par l’affection maternelle qu’elle avait pour le « mabik Jésus » de mettre un peu d’affection pour elle au cœur de Fanch, de ne pas la laisser ainsi méconnue et oubliée de celui qu’elle aimait.
Et comme elle regardait le riche retable en sa vitrine de verre, elle crut voir sur la figure de la Madone un sourire de pitié et de miséricorde. Le reflet des cierges inondait de clarté le visage divin, et Mariannik y vit l’espérance d’un avenir meilleur.
Rapidement, elle se signa et fit signe à Katell. Toutes deux s’étant levées, mirent au plat de cuivre une pièce de monnaie, et se frayant à nouveau un chemin à travers les pèlerins, elle sortirent du saint lieu.
La lune brillait dans un ciel nuageux ; la jeune fille entraîna sa compagne à travers champs jusqu’à la fontaine sacrée, quelque peu éloignée du placis. Elle voulait, en laissant tomber dans l’eau limpide l’épingle de sa coiffe, connaître enfin son sort, selon une touchante coutume bretonne qui attache à la manière dont descend l’épingle une importance capitale pour le mariage.
En arrivant dans la prairie, où jaillit l’antique fontaine, reste vénérable d’un culte disparu que le christianisme sut conserver chez les peuples celtiques, les deux femmes virent un rassemblement de jeunes hommes se passant de main en main l’écuelle remplie d’eau. La lumière falote de la lune éclairait ce poétique tableau, blanchissant la niche de granit, plaquant des reflets d’argent dans l’onde de la piscine, que troublait seule parfois le puisage de l’eau dans les écuelles et les bols des vieilles femmes.
Au moment où Mariannik et Katell s’approchaient du groupe, l’un des hommes se retourna et, les ayant reconnues, s’en vint vers elles, un peu gauche et gêné : 
« Ah ! vous voilà, dit-il. Ma Doué ! je disais comme ça aussi, que...». Il bredouilla et ne put continuer. Katell eut un petit rire moqueur, vite réprimé, et lui dit : 
— Certainement, nous voilà ! Mais qu’est-ce que cela peut vous faire, puisque les femmes vous importent peu ?
— Ca c’est vrai, dit-il bêtement. Avec un air de chien qu’on fouette, il s’éloigna avec ses compagnons qui n’avaient rien vu de la scène et les deux femmes achevèrent tranquillement leurs dévotions...
 
Ci contre : Léon Le Berre et couverture de Fleurs de Basse-Bretagne, par Léon Le Berre, publié en 1901 à Rennes.
 
 

 

Dossier (textes et photos) réalisé par Bernez Rouz - Keleier 81 - janvier 2014

 

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Trésors d'archives > Personnage > Barz Kerdevot (extrait de poème)

Barz Kerdevot (extrait de poème)

« Eur c’hlanvour iaouank ha miz du » (Un jeune homme malade et le mois de novembre) paru dans Feiz Ha Breiz , page 373.

 

Voici un extrait de l’une des compositions de Barz Kerdévot : « Eur c’hlanvour iaouank ha mis du » (« Un jeune homme malade et le mois de novembre ») paru dans Feiz Ha Breiz le 13 novembre 1880.

L’auteur, qui se présente sousle nom de Barde de Kerdévot, a écrit une série de poèmes d'inspiration religieuse. Par l’évocation du mois de mai confrontée, à la strophe suivante, à celle du mois de novembre, le jeune homme souffrant met enabymeses moments d’espoir et ses moments de langueur.

 
E miz Mari ‘ve guelet 
Leis ar prad a vleuniou,
Leun ar guez a eunigou
Dre ar stanken potred
O cana meuleudiou
‘Neur zioual ho denved …
Ar stank ‘zo heb encleo
Pep canaouen ’zo ach
Deut ec Mis Du !…
 
Au mois de Marie on voit
Des prés pleins de fleurs
Des arbres pleins de petits oiseaux
Dans la vallée des pâtres,
Chantant des louanges
En gardant les moutons
La vallée est sans écho
Chaque chant est terminé
Le mois noir est arrivé.
 
Ann eostik-noz gant spont-vras 
‘N deus nijet da bell bro
Ken a vo deut ar guez glas
Ne deuo ket en dro.
Hed ann noz na glevimp mui
‘Med eur vouez oc’h hirvoudi
Gant an avel pa c’hueo
Dre ann noriou : - Hu ! Hu !…
« Me eo Mis Du » 
Le rossignol de nuit épouvanté
A fui dans un pays lointain
D’ici que les arbres ne reverdissent
Il ne reviendra pas
La nuit je n’entendrai plus
Seulement qu’une voix plaintive
Avec le vent qui souffle
Sous les portes – Hou, hou
Je fus le mois noir.
 
 
 
 
 

Trésors d'archives > Politique > Elections municipales sous la Vème République

Elections municipales d'Ergué-Gabéric sous la Ve République

 

1965
Résultats du premier tour (14 mars)
Inscrits 1712 / Exprimés 1447 
Liste sortante de Jean-Marie Puech (droite) : 21 élus  
 
1971
Résultats du premier tour (14 mars)
Inscrits 2083 / Exprimés 1710.
 
Liste d’entente menée par Jean-Marie Puech (droite) : 20 élus
Liste d’union de la gauche
0 Ballotage pour un siège  
 
Résultats du deuxième tour
Inscrits 2083 / Exprimés 1501  
Liste d’entente :  764  1 élu
Liste d’union de la gauche : 737
 
1977
Résultats du premier tour
Inscrits 2781 / Exprimés 2323  
Premier tour : Liste républicaine d’entente ouvrière et paysanne (droite) de 606 à 819 voix
Liste d’Union de la gauche de 849 à1280 voix
Liste d’entente pour l’avenir d’E-G (droite) de 388 à 747 voix  
Un élu au premier tour : Pierre Faucher (liste d’Union de la gauche)  
 
Résultats du second tour
Inscrits 2781 / Exprimés 2349  
Liste d’union de la gauche (de 1111 à 1403 voix)
Liste républicaine (de 912 à 1107 voix)  
La gauche remporte tous les sièges.  
   
Election partielle du 11 décembre 1977
Le tribunal administratif invalide l’élection de Jean Riou parce qu’il y avait deux beaux-frères sur la liste de gauche.
Hervé Riou (droite) est élu par 939 voix contre 489 à son adversaire Jean Tanneau (PCF).
 
Elections du 6 mars 1983
Inscrits 3855 Exprimés 3140  
Premier tour
Liste menée par Jean Le Reste (droite) 1514 voix (48,22 %)
Liste menée par Marcel Huitric (P.S) 1251 voix (39,84%) Liste menée par Michel Pustoc’h (PCF) 375 voix (11,94%)   Second tour
Liste Jean Le Reste (droite) 1678 voix (51,10%)   22 sièges
Liste Marcel Huitric (gauche-PS) 1606 voix (48,90% 7 sièges).
 
Elections du 12 mars 1989
Inscrits 4589 Exprimés 3695  
Liste « pour l’avenir d’Ergué-Gabéric » (Pierre Faucher-PS) 1850 voix (50,03%)  22 élus
Liste « E-G aujourd’hui et demain » (Jean Le Reste-droite) 1515 voix (41%) 6 élus.
Liste « Ergué-Démocratie » (R. Madec-PCF) 330 voix (8,93%) 1 élu.      
 
Elections du 11 juin 1995
Inscrits 5091 Exprimés 3846  
Liste « ensemble pour Ergué-Gabéric » (Pierre Faucher-PS ) : 1947 voix 50,62 %
Liste « Agir pour Ergué » (Hervé Herry-droite) : 1899 voix 49,38 %      
 
Elections du 11 mars 2001
Inscrits 5637 Exprimés 3839  
Liste Jean-Pierre Huitric (PS) 2183 voix (56,86 %)
Liste Jean-René Le Nir (droite)1656 voix (43,14%)      
 
Elections du 9 mars 2008
Premier tour
Inscrits 6001 / Exprimés 4307  
Liste Hervé Herry (DVD) 2040 voix (47,36%)
Liste Jean-Claude Pichon (U.G.) 1569 voix (36,43 %)
Liste Thierry Le Clec'h (LAUT) 698 voix (16,21%)  
Deuxième tour
Inscrits 6002 / Exprimés 4474
Liste Hervé Herry (DVD) (53,42%)
Liste Jean-Claude Pichon (U.G.) (34,80 %)
Liste Thierry Le Clec'h (LAUT) (11,78%).
 
 
 
 
 
 

Trésors d'archives > Dossiers > Le retable de la chapelle de Kerdévot

Le retable flamand de Kerdévot

 
Le retable flamand du XVe siècle est le joyau de la chapelle de Kerdévot.  Il n'en existe que deux en Bretagne celui de la cathédrale de Rennes et celui d'Ergué-Gabéric. Ce chef d'oeuvre a été étudié par Gildas Durand et photographié par l'Abbé Morvan lors du cinquième centenaire de la chapelle en 1989. Il a fait l'objet d'une publication Kerdévot 89 aujourd'hui épuisée.
Le retable de Kerdévot
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Photos : (à gauche) Le retable de Kerdévot (photo 1989).
(A droite) Le retable de Kerdévot surmontée de la statue de la Vierge Notre-Dame de Kerdévot (photo d'avant guerre 39-45).  Le retable a été déplacé en 1945.

 

Fiche signalétique

Dimensions 
Largeur : 310 cm au total, 100 cm pour un panneau
Hauteur : 170 cm au total, 85 cm pour un panneau
Materiau & technique
6 scènes sculptées en bois Ronde-brosse dorée, argentée, et polychromée.
Etat
Etat ancien : problablement en forme de T renversé. Les deux scènes latérales supérieures furent ajoutées au XVIIe siècle. Fort dégradé par des vols. Les lettres que portaient le Grand Prêtre de la Présentation et son acolyte, sur leur couvre-chef respectif, ont disparu lors de la «restauration». Les carnations des visages sont des exagérations naïfiantes. Classé Monument Historique le 14 juillet 1898 pour les parties originelles et le 23 juillet 1931 pour les partie modernes. Le 6 novembre 1973, 11 statues furent volées de l'ensemble, certaines sont retrouvées en avril 1974.
Datation & attribution
1480-1490, et ajouts du XVIIe siècle. Malines pour la huche ; Malines et Anvers pour les figures.
Bibliographie
Parmi une bibliographie assez vaste, retenons : Major FATY BSAF VIII 1880-81, 56-61 Abbe FAVE BSAF XXI, 1894, 102-108 JM ABGRALL BSAF XXI 1894,94-101 Gildas DURAND : thése de doctorat en Histoire de l'Art. Kerdevot 89, livre d'or du cinquième centenaire
 

La légende du retable

Jean-Marie Déguignet, dans ses Contes et légendes populaires de la Cornouaille bretonne, nous relate la légende :  
« Les deux plus grands miracles qu'on attribuait à cette Mère de Dieu [de Kerdévot] étaient d'abord d'avoir fait venir dans sa chapelle un grand tableau sculpté représentant toutes les aventures de son fils aîné, et d'avoir empêché durant le grand choléra d'Elliant, ar Vosen, la peste personnifiée, d'entrer dans sa paroisse. 
Le grand tableau avait été vu voguant au hasard sur un bateau plat dans la baie de Quimper. De loin, on le voyait briller au soleil et il paraissait tout en or, mais dès que l'on essayait de l'approcher il disparaissait. Tous les curés des paroisses environnantes étaient venus là en grande procession, essayant d'attirer à eux cette merveille mystérieuse. Mais toujours le tableau s'éloignait d'eux et s'évanouissait. Enfin, les curés d'Ergué-Gabéric après avoir été aussi au nom de leur saint patron Guinal songèrent à y retourner au nom de la Dame de Kerdévot. Cette fois, aussitôt que la procession arriva en vue de la baie, le tableau vint de lui-même au bord, et les curés et les assistants ne furent pas étonnés de voir là à côté d'eux une charette avec deux beaux boeufs attendant le tableau. 
On le chargea dans cette charette inconnue, et aussitôt les boeufs partirent et allèrent seuls et en droite ligne à Kerdévot où ils se placèrent avec leur grande merveille devant la grande porte d'entrée, pendant que les cloches s'étaient mises en branle toutes seules.
Ce tableau fut placé sur l'autel où il est encore aujourd'hui et au-dessus duquel dominait la Mam Doue devenue grâce à Pie IX, la vierge immaculée.  Les boeufs restèrent par là et les cultivateurs pouvaient les prendre quand ils voulaient pour travailler, mais à condition de ne les tenir que depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher.
Un jour un cultivateur, voulant achever une besogne quelconque, les garda après le coucher du soleil ; depuis, on ne les revit plus. On montre encore aujourd'hui deux auges en pierre dans lesquelles ces deux bonnes bêtes trouvaient toujours de l'eau à discrétion. »
 

Description des scènes

Le retable englobe six scènes, d'une iconographie cohérente.
Initialement, le retable se composait de quatre scènes :la Nativité ou Adoration des bergers, la Dormition de la Vierge, ses funérailles, son couronnement.
Vinrent s'ajouter à la forme originelle l'Adoration des Mages et une Présentation au Temple.
 
Arkae > Le retable de Kerdévot > Adoration des bergersNativité, Adoration des bergers
C'est le tableau qui a le plus souffert du vol de 1973.  Il avait été amputé de 5 statuettes. Celle de la Vierge, la plus belle de l'ensemble, les mains jointes, la tête penchée, contemple son fils étendu à terre sur un pan de son manteau. Ont encore été volées, puis retrouvées, les statuettes de St-Joseph, d'un joueur de cornemuse, d'une femme portant une lanterne. Le petit ange, volé lui aussi, a réintégré sa place. Dans l'arrière-plan, derrière une clôture en osier, un très bel ensemble de trois bergers contemplant la scène. A remarquer la naïveté de leurs traits et leur expression admirative. L'un deux joue de la musette. Un quatrième, encapuchonné, apparaît derrière une petite fenêtre. Le boeuf et l'âne jouent leurs rôles. La moitié de la scène est abritée par une toiture délabrée, la charpente à nu.  Photo détail  
 
Arkae > Le retable de Kerdévot > Dormition de la ViergeDormition de la Vierge
Marie est étendue sur sa couche, enveloppée dans son manteau, les bras croisés : à remarquer l'expression de sérénité, de paix, qui se dégage de ses yeux, restés ouverts. Trois statuettes volées, au devant de la scène, manquent à l'appel. L'absence de ces trois apôtres nuit à la profondeur de la scène. Derrière le lit funèbre sont groupés huit Apôtres dont trois portent des cierges, un au chevet, St-Jean, remarquable par sa jeunesse et sa chevelure blonde, St-Pierre revêtu d'une chape, empreint de gravité sereine. Tous contemplent Marie avec une expression de douleur immense, notamment St-Jean, l'Apôtre aux mains jointes et les deux qui s'essuient les yeux avec un pan de leur manteau. Deux petits anges, les mains jointes, vêtus de dalmatiques, planent dans les airs. Photo détail    
 
Arkae > retable de Kerdévot > Funérailles de la ViergeFunérailles de la Vierge
Deux apôtres portent respectueusement sur leurs épaules le brancard sur lequel repose le corps de la Vierge. Les dix autres, avec St-Jean en tête portant un cierge, forment un cortège plein de douleur. Trois soldats romains veulent s'opposer à la marche du cortège et portent une main sacrilège sur le brancard. Leurs mains se détachent de leurs bras et restent fixés au brancard qu'ils ont touché. On les voit, tombés à la renverse, se tordre de douleur. Cette légende, qui avait cours au Moyen-Age, est tirée des Evangiles apocryphes, et est également consignée dans le mystère breton du Trépas de Dame la Vierge Marie publié par M. de La Villemarqué, auteur du Barzaz BreizPhoto détail
 
Arkae > Le retable de Kerdévot > Couronnement de la ViergeCouronnement de la Vierge
C'est un tableau merveilleux dans sa composition, l'attitude des personnages, les visages empreints de majesté du Père éternel et du Fils, la sérénité du visage de Marie, la grâce juvénile des anges musiciens. Le Père a la tête couronnée et le Fils la poitrine nue où l'on voit la blessure de son côté. Sur ses pieds et ses mains sont dessinés les stigmates des clous du crucifiement. Devant eux est agenouillée la Vierge Marie, les mains jointes et la tête découverte ; ses vêtements amples s'étalent sur les marches du trône. Le Père et le Fils tiennent une couronne au-dessus de sa tête. Surplombant ces trois personnages, plane le Saint-Esprit sous la forme d'une colombe. De chaque côté du St-Esprit, deux anges portent la colonne de la flagellation et la croix de la Passion. De chaque côté de la scène, deux anges debout jouent du haut-bois et de la guitare ; deux autres assis jouent de la harpe et de l'orgue. Photo détail  
 
Arkae > Le retable de Kerdévot > Adoration des magesAdoration des Mages
Marie, debout dans l'étable, présente son Fils au-dessus de son berceau. A ses côtés St-Joseph. Devant eux se tient une délégation de Rois Mages dont deux ont disparu : ils étaient placés sur le devant de la scène et masquaient ainsi les pieds du troisième et des deux jeunes gens de leur suite, ce qui explique cette découpure à la scie de la partie postérieure de ces trois personnages. En arrière de la scène, à droite, deux hommes d'armes portent des hallebardes. L'un deux a la moustache et la mouche du temps de Louis XIII, ce qui peut servir à dater ce tableau. Photo détail  
 
Arkae > retable de Kerdévot > Presentation au TemplePrésentation au Temple
La Sainte-Vierge, en manches bouffantes, offre son enfant Jésus au-dessus d'une grande table couverte d'un tapis brodé. St-Joseph est derrière elle. Le grand prêtre Siméon contemple l'enfant, les mains jointes. Deux autres prêtres l'accompagnent. Un jeune lévite tient un cierge. Une servante porte sur la tête une corbeille contenant les deux colombes qui seront le prix du rachat de l'Enfant-Jésus. Une autre, à genoux, tient un grand vase contenant l'eau de la purification. Ces deux derniers personnages se retrouvent dans les sculptures des autels de Lampaul-Guimiliau et semblent sortir du même atelier. Photo détail  
 
 

Art des retabliers brabançons

Thème marial. Les scènes de l'Adoration des Bergers et de l'Adoration des Mages, ainsi que la Présentation ne contribuent guère à faire glisser le théme marial vers une histoire mixte qui serait ainsi et égalemet consacrée à l'Enfance du Christ.
En effet, la naissance de Jésus est, avant tout, l'une des Joies de Marie. Quand à la Présentation, c'est de celle da Vierge dont il s'agit, et non de celle de l'Enfant ; la Vierge est présentée au Temple quarante jours après la «Parturition», et la fête religieuse à laquelle correspond l'ancienne fête civile des «relevailles royales», est aussi appelée «Purification de la Vierge». Jeune femme prise parmi les femmes, elle était donc une mortelle avant d'être sanctifiée, quasi divinisée.
L'origine terrestre de la quasi-déesse est rappelée à Kerdevot par la figuration d'une pathétique veillée funéraire des apôtres au chevet de la Vierge. Comme l'on ne sait rien de la vie post-christique de la Vierge, mais seulement des circonstances de sa mort et de son ascension, sa «Dormition» est une des rares scènes de son histoire après la mort du Christ que les sculpteurs ont représentée.
 
Le chaud et le froid. Pour émouvoir, les retabliers jouent de toutes les techniques théâtrales de la mise en scène, de la "mise-en-scène" devrions-nous écrire. Notamment par une succession de scènes bien typées, de nature à solliciter des assentiments et des désaccords différenciés, et propres à narrer en faisant naître des sentiments contrastés, le Mystère de la vie de la Vierge tel qu'il est raconté à Kerdevot procède bien de l'art élaboré du théâtre médiéval de Mystéres. Tantôt la scéne est attendrissante, comme dans l'Adoration des Bergers, tantôt elle est révoltante, comme dans les Funérailles.
Dans le premier Joseph, humblement se décoiffe devant son fils, tandis que pour bercer le sommeil du nouveau-né les rudes Bergers commentent l'heureux événement avec force gesticulations et soufflent à perdre haleine dans leur instrument de musique.
D'autres, respectueusement et plus délicatement restent à l'écart, en dehors de la crèche. Généreusement, la sage-femme tient un fanal, à moins qu'il ne s'agisse de Salomé, s'émerveillant devant sa main reconstituée malgré son geste indiscret autant qu'impie, et que raconte l'apocryphe Pro-évangile de Jacques.
Un angelot guère plus grand que le Petit Jésus ne manque pas d'assister à la collective adoration, problablement dans l'attente impatiente de pouvoir jouer avec lui.
La scène des Funérailles, s'anime de sentiments autres. Le cortège funèbre à qui Jean ouvre le chemin en tenant la palme resplendissante est attaqué par des juifs aussi arrogants qu'incrédules. A la violence de leurs vilaines intentions, l'Esprit Saint oppose un cruel châtiment face auquel les armures des soudards sont bien peu de chose. Leurs mains se détachent des corps, et, nonobstant des souffrances atroces mais bien légitimées, restent collées au brancard mortuaire. Mais Jean ne reste pas insensible, et s'apprête, muni de la palme, à «marchander le rachat» au nom du Dieu magnanime et de la foi réconciliatrice.
Cette succession de chaud et de froid en des instantanés riches en détails fit le succès des rétables du Nord; celui de Kerdevot en est un exemple.
 
Figuration de l'espace. Comme dans l'art théâtral de la mise en scène, les retabliers surgérèrent la profondeur et l'éloignement des personnages par l'inclination du sol. Ceci permettait de présenter trés haut des scènes à être vues du bas, et de donner l'impression d'une succession de plans différents, seulement en étageant les divers acteurs d'une même scène sur le plan incliné : le plus haut figure alors le plus loin.
Ce n'est pas le cas à Kerdevot, sauf dans la scène supérieure du Couronnement de la Vierge. Non seulement la profondeur, mais aussi la largeur de l'espace-cadre d'une histoire, étaient soumises aux contraintes de la niche de chaque scène. A Kerdévot, le sculpteur a usé d'un stratagème beaucoup plus fréquent dans la peinture que dans la sculpture flamande pour augmenter la sensation de largeur.
Dans l'histoire de l' Adoration de Bergers, un intérieur, (celui de la crèche) est représenté dans l'intérieur (celui de la niche), de sorte que l'espace intermédiaire devient un extérieur. C'est là qu'est contraint de rester un berger, signalé par sa houlette.
Parfois, dans les scènes de parturition ou dormition, l'espace peut être dédoublé verticalement et non horizontalement, par un ciel-de-lit; ailleurs, ce peut être par un baldaquin (dans les comparutions), ou par une nature sauvage (dans les épiphanies).
La figuration de l'espace était donc, on le voit, une préocupation essentielle dans l'art du retable. Généralement dans les retables du Nord, une dentelle architecturale de dais d'une complexe technologie d'assemblage, plafonne la scène. Ces dais qui sacralisent par leur richesse, symbolisent peut-être aussi les cieux et à la fois la Providence supervisant toute scène terrestre.
On notera à Kerdevot, comme à l'accoutumée dans les retables brabançons, les contours des espaces de chaque niche. Cette dentelle n'a sans doute aucun rôle symbolique, mais tient bonne place dans l'arsenal des techniques à disposition du metteur-en-scène qu'est le sculpteur ... Coïncidant avec le plan-limite de chaque scène, délimitant l'espace-cadre de l'histoire contée d'avec le public, celui de la réalité, des spectateurs, des fidèles, la dentelle architecturale du devant des retables brabançons est encore assimiliable aux franges d'un rideau levé sur scène après les trois coups de bâton.
Ces résilles, que l'on remarque à peine dans le foisonnement général, montrent à elles seules la richesse du témoignage constitué par l'art de retabliers brabançons. Qui restera des heures devant le retable de Kerdevot y découvrira encore des aspects non remarqués lorsqu'il y repassera !    
 
Dossier de presse : La restauration du retable
 

Trésors d'archives > Géographie > Géographie du Pays de Kerdevot

Géographie du Pays de Kerdevot

Par Colette JEHL

Cette étude a été réalisée en 1989 et publiée dans Kerdevot, livre d'or du cinquième centenaire.
Colette Jehl a publié deux ouvrages sur la région quimperoise
  • Quimper Hier et Aujourd'hui par Colette Jehl et Philippe Malot -editeur Ouest-France (1998)
  • Les Faïences De Quimper. Trois Siècles D'Histoire, De Passion Et De Savoir-Faire par Colette Jehl - Editeur : Faïenceries De Quimper HB Henriot (janvier 1996)

 

 

Ergué-Gabéric est une commune péri-urbaine. Elle se développe à l'est de Quimper. Limitée aussi par les communes de Briec, Landudal, Elliant et Saint-Evarzec, elle est traversée par la route départementale Quimper Coray – Saint-Brieuc et la voie rapide Brest-Lorient-Nantes. Un échangeur reliant ces deux axes routiers, ouvert fin 1985 a permis la création d'une zone industrielle très bien localisée.

La commune se situe en Pays Cornouaillais, à la limite du Pays Glazik (Quimper) et du Pays Melenik (Elliant) qui est inclus dans le Pays Fouesnantais. Cette réalité ancienne est toujours présente dans la mémoire collective et influence encore les mentalités.

Mais aujourd'hui, on sait que l'espace est « polarisé » ; qu'il s'organise à partir de Pôles de commandement qui exercent leur influence sur une région. Ergué-Gabéric est donc immédiatement située dans la zone d'influence de Quimper ; ville moyenne de 60 000 habitants, siège de la préfecture et du Conseil Général du Finistère regroupant tous les services administratifs ; place commerciale, ville de tourisme, centre universitaire et carrefour routier. Elle est devenue une commune « rurbaine ». De nouvelles relations se créent à l'intérieur de cet espace car les gens le vivent différemment etle perçoivent différemment. En 1984, « l'association pour la promotion et le développement du Pays de Quimper » regroupait les élus des communes limitrophes désirant œuvrer dans le sens de la coopération intercommunale. Ergué-Gabéric en fait partie.

 

1 - Description topographique

La commune se présente sous la forme d'un plateau d'environ 110 m d'altitude moyenne incliné du NE vers le SW et du nord vers le sud (Kergonan, Carpont 135 m, Le Lec 130 m, Poulduic 80 m). Ce plateau est profondément disséqué par le réseau hydrographique et n'offre plus aujourd'hui que des interfluves à sommet plat et flancs arrondis. Ce sont les versants des vallées, plutôt encaissées. Les nombreux ruisseaux qui découpent ce plateau sont des affluents du Jet ou de l'Odet qui servent de limite communale au sud, au nord et à l'ouest. Nous sommes ici dans le bassin hydrographique de l'Odet. Le Jet, son affluent qui le rejoint à la limite de Quimper, au Cleuyou forme un sous-bassin et la ligne de partage des eaux entre l'un et l'autre est exactement suivie par la route départementale Quimper-Coray. Les vallées et vallons suivent trois directions privilégiées et présentent souvent des tronçons rectilignes : NE - SW, WNW-ESE et NW-SE.

Le réseau hydrographique est bien hiérarchisé mais il y a des discordances entre l'ampleur du creusement et le débit bien faible des cours d'eau. Le chevelu hydrographique, assez dense, est surtout formé de ruisseaux minuscules contrastant en effet avec la profondeur des vallées. Celles de l'Odet et du Jet présentent des profils longitudinaux et transversaux complètement différents.

La Vallée du Jet, utilisée par la voie ferrée Paris-Quimper a un fond très plat, de largeur inégale (de 120 m à 370 m) et des versants très raides, entaillés par des valIons transversaux. Une forte dénivellation entre le plateau et la vallée s'attenue vers l'ouest (80 m à Kerdilès, 50 m à Kerellou, 40 m au poulduic) avec une certaine dissymétrie des versants puisque sur Saint-Evarzec, la dénivellation reste forte jusqu'au Mont Frugy à Quimper (65 à 70 m). Le ruisseau du Jet dans son débit actuel paraît bien sûr sans relation avec un relief aussi vigoureux. Il prend sa source près de Coray et reçoit un large éventail d'affluents à l'amont. Près de sa confluence avec l'Odet, il serpente en dessinant des petits méandres. Etant donné la faible capacité du lit mineur, le lit majeur que constitue cette vallée à fond plat est une zone inondable où l'eau déborde fréquemment en fin d'hiver. Les crues sont ainsi rapidement écrêtées mais tout dépend de la saturation préalable des sols. En été, les étiages sont sévères. Le Jet se réduit à un filet d'eau bien qu'il soit alimenté par quelques sources souterraines.

 

La Vallée de l'Odet, (E-W puis N-S) est aussi très encaissée. Les rares secteurs à fond plat correspondent à l'extrémité des lobes convexes de méandres. Au nord, il y a une nette dissymétrie des versants. Sur Ergué-Gabéric, celui-ci est beaucoup plus raide et la dénivellation y est plus forte (60 m) que sur Briec ou Kergonan à l'est (40 m). Au Stangala, le paysage est superbe et prend l'aspect de gorges sauvages et boisées. La dénivellation atteint plus de 80 m. Au sortir des gorges, après la carrière ; la vallée s'élargit jusqu'à Pont Odet et la pente de la rivière s'abaisse, zone inondable malheureusement urbanisée. L'Odet vient des Montagnes Noires qui sont très arrosées et ses crues peuvent se produire de novembre à mars, mais surtout en février. Conjuguées aux crues du Jet, elles peuvent être catastrophiques pour la ville de Quimper comme celle de février 1974 quand les sols saturés par les pluies ne retiennent plus les eaux.

 

Le paysage rural se présente comme un bocage à chênes pédonculés avec châtaigner et hêtres. Il est associé à un habitat dispersé en fermes isolées dont quelques anciennes maisons de maîtres et manoirs. Mais ce bocage est très hétérogène.

 

Dans les nombreuses vallées encaissées, aux versants pentus, le paysage retourne à l'état naturel. Les anciennes prairies permanentes, autrefois très prisées ; parcelles trapues de fond de vallée ou allongées parallèlement à la pente retournent à la friche. Envahis de ronces et de chardons, les fonds de vallées sont mal drainés. Quand elles ne sont pas vraiment en friche, ces prairies ne sont utilisées que l'été pour des coupes de foin. Sur les pentes, on a conservé des pâtures protégées de haies mais ici ou là, on remarque des reboisements en résineux, en timbre poste. Les agriculteurs n'ont plus le temps d'entretenir ces zones contraignantes. L'utilisation des prairies humides n'est plus une nécessité pour l'agriculture moderne car l'herbe se cultive (+ 50% de la surface agricole) et les grosses machines sont inadaptées. Néanmoins, par respect du patrimoine qui vient de leurs parents, les exploitants agricoles essayent de limiter le développement des friches.

 

Les interfluves présentent un aspect très hétérogène. La commune n'ayant pas été remembrée, on peut voir, juxtaposés des groupes de toutes petites parcelles trapues, fermées de haies et de vastes parcelles rectangulaires, découvertes et redivisées en lanières de cultures différentes. Certains agriculteurs ont ainsi arasé les talus à l'intérieur de leur exploitation en gardant les haies de limite de propriété et celles qui limitent les pentes. Disposer de vastes parcelles rectangulaires est un avantage car l'essentiel de la surface cultivée est aujourd'hui en « terre labourable ». Cependant, les secteurs en pente sont nombreux à Ergué-Gabéric et les haies retiennent la terre et les eaux de pluie ; le vent est assez fort, à dominante NW et W en hiver, et les bêtes, d'instinct se mettent à l'abri des haies or l'élevage bovin est présent partout. A l'exception d'une centaine d'hectares réservés aux cultures de légumes pour les conserveries ; herbe, blé, orge, ray-grass, maïs, betterave, colza, etc ... sont réservés à l'alimentation des bêtes. En 1987, 43 % des exploitations ont une orientation laitière ; 26 % pratiquent l'élevage bovin pour la viande (vache allaitantes, limousines, blondes d'Aquitaine ou embouche de charolais). Il y a peu d'élevage hors-sol (porcs, lapins, poulets) mais deux très gros producteurs d'œufs de Kernévez et Saint-André. Certains exploitants âgés, ne produisent que des céréales et des légumes pour la vente (12,6%) par l'intermédiaire de l'entreprise de travaux agricoles. Il existe aussi sur la commune, deux pisciculteurs sur le Jet, un maraîcher au Rouillen, un producteur de pommes à cidre près du bourg et un agriculteur biologique qui produit et vend son pain (pain complet et pain de seigle), à Kerveguen.

 

 

II - Etude géologique et morphologique

 

La structure géologique actuelle résulte de l'orogénèse hercynienne qui a bousculé le socle aplani après l'orogénèse cadomienne, et structuré le Massif Armoricain en grands domaines dont deux sont visibles à l'est de Quimper : le domaine Sud-Armoricain qui apparaît sur Saint-Evarzec et le domaine Centre-Armoricain qui couvre la commune d'Ergué-Gaberic ... et une bonne partie de la Bretagne Centrale. Les deux domaines sont séparés par la zone broyée Sud-Armoricaine qui correspond ici à la vallée du Jet et à la basse ville de Quimper.

La zone broyée Sud-Armoricaine est un couloir de déformation tectonique (cf. tectonique des plaques). C'est une cicatrice profondément enracinée dans l'écorce terrestre ; une grande zone de coulissages WNW-ESE.

On distingue en fait, deux grands accidents linéamentaires d'âges différents qui ont tendance à devenir parallèles et proches vers Quimper : au nord, (versant nord de la vallée du Jet) le linéament « Pointe du Van Angers », accident très ancien, réactivé lors des mouvements majeurs de l'orogénèse hercynienne et au sud (versant sud), le linéament « Pointe-du-Raz - Parlenay » qui est d'âge hercynien.

Cette zone de suture commence à jouer à partir de 340 Ma et se termine par une phase de coulissages dextres tardi-hercyniens (300 Ma) qui vont guider la montée de magmas leuco granitiques syntectoniques. Ces leucogranites constituent aujourd'hui l'essentiel des affleurements sur Ergué-Gabéric. Ce sont des granites clairs, à muscovite, à grain grossier, assez résistants à l'érosion.

Le domaine centre-armoricain comporte donc, sur la commune, des ensembles liés au fonctionnement de la zone broyée. Au sud, une ceinture de leuco granites, enracinée sur cette zone est plus ou moins étirée et mylonitisée aux environs de Kerdévot - Mez an Lez et Quénéach-Daniel - Castel. Le serrage, lors des phases de coulissages à provoqué le laminage, l'écrasement, le broyage des roches qui se sont retransformées sous l'effet de la pression en mylonites, voire ultramylonites, parfois sur plus d'un kilomètre de large.

Plus au nord, les leucogranites affleurent sous la forme d'unmassif allongé, « le massif d'Odet - Lestonan » délimité au nord par la vallée de l'Odet ; à l'ouest par les talus de Ty Mab Fourmant et Ty Gardien (sur Quimper) et au sud par la ligne carrière - Kerveady - Lestonan Vian - Saint-André - Kerlaviou. Ce massif est un batholite intrusif de même origine que les autres leucogranites. Il est découpé par un réseau de fractures et de diaclases denses.

En fait, les géologues pensent que les leucogranites forment ici, une seule et même masse de granite, subaffleurant sous les autres terrains, malgré la variété de leurs faciès.

Comme je l'ai dit, ces leucogranites sont intrusifs, c'est-à-dire que le magma visqueux s'est petit-à-petit mis en place dans des roches plus anciennes qui constituent aujourd’hui, les roches encaissantes. Elles ont été « digérées », et métamorphisées sous l'effet de la température (haute température et pression moyenne) mais il est difficile ici de faire la part d'un métamorphisme de contact et d'un métamorphisme régional. La disposition des affleurements souligne leur antériorité par rapport aux leucogranites car ils sont recoupés par la bordure sud du massif. Il s'agît d'une pari, de la trondhjémite, magma intrusif mis en place à la fin de l'orogénèse cadomienne dans les schistes brioveriens ; métamorphisés (rétromorphosés) en orthogneiss (gneiss sombre à biotite, à grain moyen) lors de la mise en place du massif d'Odet Lestonan ; et d'autre part, des schistes brioveriens ; série sédimentaire antécambrienne (650 Ma) plissée lors de l'orogénèse cadomienne et métamorphisée en micaschistes (schistes gris à staurotides qui donnent des sols argileux après altération). Ils affleurent au centre de la commune entre Pennervan, Quillihuec, Troland et Carpont ainsi qu'au NE à Kergonan et Kerautrel.

 

A la fin de l'orogénèse hercynienne, après les phases de serrage (mylonitisation) se mettent en place quelques filons de magma dioritique près de Kerdévot. C'est une roche sombre, riche en biotite et feldspath, à grain fin, proche des gabbros. Un peu plus tard, lors des phases de détente, des schistes charbonneux seront piégés dans des bassins effondrés au stéphanien (280 Ma) à Kergogn et Quimper-Jet ; en même temps que des fluides hydrothermaux circuleront dans les fractures, à l'origine de la formation des filons vers 400 à 230 degrés C° témoignant ainsi d'un refroidissement progressif du massif et d'une formation postérieure au paroxysme métamorphique. Enfin, vers la fin du trias, des failles NW - SE (faille Kerforne : Douarnenez - Concarneau) vont recouper les accidents coulissants. Sur Ergué-Gabéric, on en voit quelques-unes qui correspondent à ce réseau.

Mais de toute cette orogénèse hercynienne, il ne nous reste plus que la structure des affleurements car les montagnes ont été complètement érodées. Le massif Armoricain étant émergé, une surface d'érosion s'élabore dès le paléozoïque (surface post-hercynienne) elle est ensuite continuellement regradée au fur et à mesure des pulsations du niveau marin et des phases climatiques, jusqu'à l'éocène. On parle de surface polygénique éogène. Claude Klein nous dit dans sa thèse, qu'il s'agit d'une surface acyclique el la qualifie de pénéplaine à partir du tertiaire, mais André Guilcher critique quelque peu cette définition pour la Basse-Bretagne, tout en la considérant valable pour l'Ouest intérieur. On peut parler de surfaces cycliques dans les Monts d'Arrée par exemple. André Guilcher pose aussi la question non résolue d'une pénéplaine ... ou d'une pédiplaine ?

Que reste t-il aujourd'hui de cette surface d'érosion ? En l'absence de témoins, on peut penser que les secteurs plans les plus élevés du plateau correspondent à des éléments de la surface fondamentale vers 110-120 m (Quelennec, Lestonan Vian, Kerangueo, Troland).

Les zones de faiblesse de l'écorce terrestre où se manifestent facilement les mouvements tectoniques et leurs conséquences magmatiques vont rejouer à la fin du cénozoïque (miocène, pliocène) et au quaternaire jusqu'à nos jours puisque la terre a tremblé et grondé le 2 janvier 1959. L'épicentre du séisme se situait sur Elliant au niveau du grand linéament (la zone de Quimper témoigne d'une des plus forte séismicité régionale de Bretagne).

Cettenéotectomique est liée à l'ouverture de l'Atlantique et de la Manche dès le Crétacé (cf. tectonique des plaques). Les anciens accidents ont donc rejoué ; selon les directions privilégiées : WNW - ESE el NE -SW perpendiculaires et parallèles aux rifts ; et NW - SE. Ces mouvements de néotectonique ont rajeuni le massif ancien. Ils ont déformé, basculé vers le SW la surface fondamentale éogène. Ils ont favorisé le rejeu vertical d'accidents anciens et crée un relief en gradins dénivelés vers le sud. On peut ainsi considérer le versant méridional de la vallée du Jet comme un escarpement de faille, précédé de replats rocheux ou gradins de faille, car le rejeu vertical de l'accident coulissant est très probable.

Cependant Ergué-Gabéric est éloignée des points les plus élevés et le soulèvement ici, a été faible. C'est donc l'érosion différentielle qui joue le rôle principal. La reprise d'érosion est bien marquée du fait des modifications climatiques qui provoquent une concentration des écoulements et une incision linéaire dès le miocène. Le manteau d'altérites formé au tertiaire sous climat chaud est en partie nettoyé. Les rivières utilisent les lignes de fracture et s'enfoncent sur les zones altérées ou bien scient les roches dures en coulant selon la pente de la surface d'érosion basculée. Mais l'essentiel du creusement a été réalisé au pléistocène lors des périodes pluviales (interglaciaires) au lendemain des glaciations, sur les versants fragilisés par la cryoclastie. Le creusement s'est fait en fonction du niveau de base marin, dont les abaissements contrôlent la profondeur de l'encaissement des rivières. En effet, comme le soulèvement a été faible sur Ergué-Gabéric, les oscillations multiples du niveau de base dépendent surtout des variations eustatiques qui ont été au maximum de quelques mètres au dessous du niveau actuel de l'éémien (interglaciaire Riss-Würm) et d'au moins 100 mètres au-dessous du niveau actuel dans le courant du Würm. Le dernier réchauffement et la remontée Flandrienne de la mer qui s'en suivit favorisent un alluviennement des fonds de vallées el une tendance à l'hydromorphie des sols ainsi qu'un empâtement par des colluvions et coulées de solifluxion du dernier âge glaciaire (Würm). Le débit actuel est insuffisant pour déblayer les fonds d'argiles et de graviers. Les rivières ne peuvent plus creuser.

 

On peut donc dire que le versant septentrional de la vallée du Jet est un versant de ligne de faille en l'absence de rejeu prouvé. Le fort contraste de résistance a permis un déblaiement important et un élargissement rapide de la vallée qui est aujourd'hui adaptée à la largeur de la zone de broyage, les versants étant formés de leucogranites résistants ou d'ultramylonites. La vallée du Jet est une vallée de ligne de faille. Elle est adaptée à une structure faillée de grande dimension ; alors que la vallée de l'Odet est incisée. Après avoir été guidé localement par un système conjugué de failles orientées WNW-ESE et NE-SW au contact des leucogranites et des micaschistes tendres, "Odet forme un méandre serré dominé par l'échine de Griffonès. Ce méandre est guidé par deux fractures parallèles. Après avoir exploité cette zone de faiblesse, il doit trancher les leucogranites en gorge dans un tracé inadapté à la structure mais adapté à la pente. L'Odet est donc surimposé à la structure.

La surface d'érosion éogène dégagée du manteau d'altérites est dégradée en reliefs résiduels. On repère quelques belles formes typiques du modelé granitique : des collines à flancs convexes à Melennec et Boden, un alvéole très bien dessiné à Mez an Lez (cuvette tourbeuse évidée dans les roches altérées du socle, liée ici à un entrecroisement de lignes de fracture) ; des vallées de fracture (érosion linéaire sur les lignes de fracture où les roches sont broyées, fragilisées). Les deux meilleurs exemples sont la vallée du moulin de Pont ar marc'hat et celle du moulin du Faou.

Enfin, la dissymétrie des versants de l'Odet entre Ergué-Gabéric et Briec s'explique en partie par le contraste de résistance des roches, de même que les ultramylonites arment les parties hautes du relief vers Kerdévot, Quéneac'h-Daniel, Castel. Au centre de la commune par contre, le contact leucogranites - trondhjémite - micaschistes n'est guère mis en valeur. La structure du massif ancien nous a entrainés dans la nuit des temps aux alentours de - 700 millions d'années, mais le paysage que nous avons sous les yeux est le résultat de l'évolution récente (au maximum depuis - 10 Ma) responsable du relief actuel; un relief en creux.

 

GLOSSAIRE

 

BIOTITE : mica noir.

MUSCOVITE : mica blanc.

BATHOLITE : massif granitique dont les racines se perdent dans les profondeurs de l'écorce terrestre.

INTRUSIF(Granite) : résulte de la montée du magma jusqu’à la surface par son intrusion dans l’épaisseur de l'écorce où il se consolide à des profondeurs variables. On peut opposer le magmatisme intrusif au magmatisme extrusif plus communément appelé volcanisme.

COULISSAGE (zone de) : les linéaments de la zone broyée Sud-Armoricaine correspondent à des faillesqui n'ont pas joué verticalement mais latéralement ; les blocs glissant l'un contre l'autre vers la gauche puis vers la droite (coulissage dextre) sous l’effet d'une tectonique de compression.

METAMORPHISME : modification profonde des roches sous l'action de différents agents d'origine endogène. Le métamorphisme de contact, est associé à la mise en place du magma. La roche encaissante subit une transformation à son contact sous l’effet de la pression, de la  température et de la profondeur. Le métamorphisme régional s’effectue en profondeur et affecte de vastes étendues.

OROGENESE : génèse des montagnes, suppose la mise en place d’un volume montagneux.

TECTOGENESE (tectonique): mouvements donnant naissance auxstructures. On parle de tectonique cassante (failles) ou de tectonique souple (plissements).

ORTHOGNEISS : roche métamorphique ; gneiss qui s'est formé par transformation d’une roche magmatique - (paragneiss ;transformation d'une roche sédimentaire).

SYNTECTONIQUE : contemporain de la tectogénèse (du grec syn : avec).

CRYOCLASTIE : fragmentation d'une roche sous l’effet de l’alternance du gel et du dégel de l'eau contenue dans ses fissures.

EUSTATISME: ensemble des mouvements positifs ou négatifs du niveau de la mer, qui sont dus à une variation de l'englacement des Continents.

 

III - L'antimoine à Kerdévot

 

Le minerai d'antimoine se présente sous la forme de sulfure d'antimoine ou Stibine (Sb2 S3). Il cristallise en prismes allongés, disposés en groupes d'aiguilles. Sa dureté est faible, et sa teinte gris de plomb avec éclat métallique.

La stibine se trouve dans des filons hydrothermaux à gangue quartzeuse formés à basse température. C'est-à dire qu'elle s'est formée par la cristallisation de substances dissoutes dans les eaux thermales, et déposées dans des fissures où ces eaux circulaient. Un des éléments les plus constant de la gangue est le quartz. Or, le quartz anhydre fond à 1 700° C. Comme on n'observe jamais de traces de fusion sur les terrains voisins des dépôts, on peut conclure que ce quartz s'est déposé à partir de solutions aqueuses ou de suspensions colloïdales à une température beaucoup plus basse (de quelques centaines de degrés au maximum).

Les filons minéralisés apparaissent à proximité des grands accidents linéamentaires et ils sont liés à la présence des bassins houillers stéphaniens parce que les filons se sont mis en place dans les fentes d'extension, lors des phases de détente, après les phases de compression des grands cisaillements vers la fin de l'orogénèse hercynienne. (La Stibine qui est un minéral très fragile est très peu tectonisée). Ces phases de détente ont permis la formation des bassins houillers et facilité la montée des fluides minéralisateurs. Cette minéralisation serait alors d'âge stéphanien (290 Ma). Les failles marquant le contact entre deux types de roches sont souvent minéralisées alors que les failles tardives de type Kerforne (fin trias) qui décalent la zone broyée sud-armoricaine, ne sont pas minéralisées. C'est ainsi qu'aux environs de Quimper, les failles minéralisées sont dans le prolongement du Bassin houiller de Kergogn (Kerfeunteun) et se raccrochent au grand cisaillement vers Elliant.

 

Dans le district de Quimper, seuls des filons à stibine ont été découverts. La paragénèse en est très simple, pratiquement monominérale. Les minéraux accessoires se constituant qu'une infime partie du minerai essentiellement constitué de stibine massive et de berthiérite résiduelle (Fe Sb2 S4).

Le filon de Kerdévot se présente au contact des leucogranites et des micaschistes. La paragénèse en est extrêmement simple puisque seule la stibine a été observée, en amas polycristallins ou en aiguilles disséminées dans le quartz ; parfois en gerbes à texture rayonnée, dans des micro-géodes.

C'est en 1911 que l'on découvrit, tout à fait fortuitement le minerai sur les terres de Kerdévot (1). Lors d'une journée de défrichage Jean-Louis Huitric agriculteur à Niverrot fut dans l'impossibilité de soulever une des pierres, tant elle était lourde. Celle-ci, une fois cassée, se répandit en fragments bleuâtres constellés d'éclats métalliques. Monsieur Fernand Kerforne, professeur de géologie à la faculté des sciences de Rennes (découvreur du système de failles, qui portent son nom) fut consulté et il constata la présence « à fleur de sol d'un certain nombre de blocs d'une roche quartzeuse contenant de la stibine et de l'oxyde d'antimoine ... » Monsieur Kerforne céda son droit de découverte à la « Société nouvelle des mines de la Lucette » dont le siège était à Paris et qui avait des mines et une fonderie au Genest (Mayenne). Cette société présenta une demande en concession qui fut accordée. Les travaux de recherches se localisèrent à Niverrot à 300 m au SE de la chapelle. La société des mines de la Lucette commença les fouilles au printemps 1913, sous la direction d'un ingénieur, de trois contremaîtres et quatre mineurs Espagnols venus du Genest et dont les épouses furent très remarquées à Ergué-Gabéric par la manière qu'elles avaient de porter leurs enfants sur la hanche plutôt que dans les bras. Une cheminée d'aération rappelait, par sa dénomination, leur souvenir « Toul ar Spagnoled ». La société avait engagé le gros de son effectif dans la région ; une trentaine d'ouvriers au début puis 54 en 1915 (37 au fond, 17 au jour). Le minerai était extrait, lavé, trié, mis en sac et expédié par train à la fonderie en Mayenne. Entre 1913 et 1915, 3 puits, un kilomètre de galeries, trois niveaux d'exploitation (25 m, 38 m, 50 m) furent établis sur les terres de Niverrot dans deux filons distants de 50 m et de quelques centaines de mètres d'extension. Pendant cette même période, les quantités extraites par catégorie de minerai étaient de 352 t. contenant 158t. de stibine (à 50 % de teneur) 19 t. à 30 % et 1 626 t. à 6 % soit environ 300 t. de stibine extraites.

Pourtant, en 1916, la société arrêta l'exploitation et démonta les installations. En 1927, elle reprit des recherches en contrebas de Niverrot à la limite du placître de la chapelle, dans un périmètre interdit à la prospection. Jean Mahé, agriculteur à Kerdévot avait en 1914, mis au jour du minerai à 2 m seulement en dessous du niveau du sol ; mais le gîte fût très vite épuisé et le 1er novembre 1928, la société abandonnait les travaux. On avait extrait seulement 61 t. de minerai à 25 % de teneur. Le 30 mai 1936la société des mines de la Lucette renonça définitivement à son droit exclusif de recherches. C'est ainsi que seul, un des filons de Kerdévot à fait l'objet d'une exploitation. Cependant d'autres gîtes ont été localisés sur la commune et de 1972 jusque vers 1978, les ingénieurs du BRGM ont effectué des recherches approfondies, basées sur des techniques d'analyses géochimiques, des tranchées et des forages.

 

Le filon de Mezan Lez a été découvert en 1927, étudié en 1977. Au contact des leucogranites et des micaschistes, le minerai se présente, dans la gangue quartzeuse, sous forme de lentilles de 15 à20 cm. Il est souvent associé à la melnicovite, ce qui témoigne de la présence initiale de berthiérite (puisque la melnicovite résulte de la précipitation du fer libéré lors de la transformation de la berthiérite Fe Sb2S4 en stibine Sb 2 S3). Présence aussi de mispickel, kermésite, etc ...

 

Le filon de Kervéady a été découvert en 1973 et étudié en 1977. Il s'agit d'une structure filonienne continue, assez complexe, au contact des leucogranites et de la trondhjémite, qui se présente comme un ensemble de nombreux filonnets, de stibine en aiguilles. Ils sont disséminés dans une gangue de quartz gris formant 80 % de la minéralisation.

Seuls quelques tronçons présentent des teneurs suffisantes pour l'exploitation. Plusieurs minéraux ont été recensés : stibine, berthiérite saine ou en voie de transformation en stibine et melnicovite.

 

A Menez-Kervéady et Munuguic des anomalies géochimiques ont été découvertes en 1973.

 

A Quimper d'autres gîtes ont été étudiés dont les plus notables sont Ty Gardien et Leuriou présentant des lentilles de stibine massive. Pour mémoire, on citera la découverte de stibine au niveau du Mont Frugy par l'ingénieur Kerforne, en 1920, dans un secteur aujourd'hui urbanisé.

L'antimoine est essentiellement utilisé comme constituant d'alliages spéciaux auxquels il confère une meilleure résistance. C'est un élément durcissant dans les alliages à base d'étain et de plomb en particulier (plaques de batteries d'accumulateurs, caractères d'imprimerie). Un autre usage, consiste à l'incorporer sous forme d'oxyde à certaines matières plastiques pour les ignifuger. Les peintres, eux, connaissent le « vermillon d'antimoine »(oxysulfures) et le « Jaune de Naples » (antimoniate de plomb).

 

 

IV - Ergué-Gabéric : commune rurbaine

 

A)    Population

La commune connaît un formidable bouleversement depuis quinze ans. Un très fort accroissement de la population entraîne une modification dans la composition sociologique et un changement dans les mentalités.

Jusque vers 1962, Ergué-Gabéric évolue comme une commune rurale et agricole, nullement influencée par la proximité de Quimper. Elle continue de se dépeupler lentement de 1954 (2 610 hab.) à 1962 (2 586 hab.). Le solde migratoire est négatif (-1,54 %par an). Les jeunes partent chercher du travail à Quimper ou ailleurs. Heureusement ces départs sont compensés par un solde du mouvement naturel très positif (+ 1 % par an). Les agriculteurs représentent alors 52 %de la population active et l'exode agricole sévit comme dans beaucoup de communes.

Mais après 1962, l'urbanisation va transformer toutes les données démographiques. Des jeunes ménages viennent s'installer sur la commune grâce à une politique de lotissement, accélérée après 1968. Ergué-Gabéric atteint 2 829 hab. en 1968 et retrouve ainsi son maximum de population de 1911, puis 5 711 hab. en 1982 et près de 6 700 hab. en 1988 ; ce qui représente une population d'une taille supérieure à celle de la ville de Châteaulin et semblable à celle de Rosporden, pour une commune qui ne possède pas de vrai pôle urbain.

Le solde migratoire devient donc extrêmement positif alors que l'accroissement naturel baisse. Ce sont des jeunes ménages de 25 à 35 ans, ayant déjà 1 à 3 enfants, qui viennent habiter sur la commune el ceci explique la faible fécondité. Ces jeunes ménages ont quitté Quimper, et le plus souvent la ZUP de Quimper, pour faire construire à Ergué-Gabéric. Le coût moins élevé des terrains et de la fiscalité est une raison importante de leur choix, mais aussi, le désir de se faire construire une petite maison avec un jardin, plutôt que d'habiter un appartement dans des grands immeubles car beaucoup d'entre eux sont originaires du monde agricole.

Le nombre de permis de construire accordés pour les constructions neuves est particulièrement important entre 1972 et 1980 (120 en 1972). Depuis cette date, il y a une légère diminution. Le mouvement migratoire qui était exceptionnel se ralentit. Les difficultés économiques et la crainte du chômage n'incitent pas non plus une population aux revenus modestes à investir dans la construction.

 

B- Trois pôles urbains

Malgré cette croissance brutale de population le bourg n'est pas devenu une petite ville attractive parce que l'urbanisation s'est réalisée ici en trois pôles distincts : le bourg, le Rouillen et Lestonan-Odet.

Cette tripolarité urbaine a toujours gêné, au point qu'en 1838, une majorité du conseil municipal avait envisagé de transférer le bourg vers Lestonan A Pen Carn, c'est-à-dire, de déménager tout simplement la mairie, l'église, le presbytère et le cimetière ! Et elle gêne encore aujourd'hui puisque les différents programmes politiques envisagent de revitaliser le bourg par des constructions de lotissements, créations de commerces et services ferroviaires, embellissement des abords.

Le bourg en effet s'est endormi jusque vers 1975, trop excentré par rapport aux deux axes routiers que sont les routes de Quimper vers Elliant et vers Coray ; mais surtout à cause du développement des deux autres pôles urbains. Actuellement, le bourg compte seulement 9% de la population communale contre 30 % au Rouillen et 24 % à Lestonan, les 37 % restant étant disséminés dans la zone rurale.

Le secteur de Lestonan s'urbanise autour de la papeterie créée en 1822, au fond de la vallée de l'Odet et de son agrandissement au début du siècle, qui favorise la constitution d'une petite communauté ouvrière et la création de quelques commerces. De cette époque subsiste la cité ouvrière de Ker Anna (1917). L'urbanisation s'est donc greffée autour de ce premier noyau et s'est développée principalement dans les années vingt. Lestonan devint une entité bien vivante et indépendante du bourg avec ses commerces, ses écoles, sa vie sociale et même, un service de tar vers Quimper ; d'autant plus indépendante qu'un fort clivage sociologique et politique se créait entre ce quartier et le bourg, qui semble bien encore exister aujourd'hui.

Ce quartier est peu structure. L'urbanisation est très diffuse le long des voies de communication jusqu'à Quelennec à l'ouest et vers la route de Coray au sud, mais dans l'avenir, ce secteur, où l'on observe de nombreuses friches sociales aura tendance à se densifier. Les zones urbanisables du POS cernent les espaces restés libres entre les constructions.

Le quartier du Rouillen est fort différent. De croissance plus récente et plus rapide, il est plus compact et composé essentiellement de lotissements, à la limite de la commune vers Quimper.

C'est à la fin du XIXe siècle que sont construites les premières maisons le long de l'axe Quimper-Coray et jusque vers 1960 l'urbanisation reste linéaire et devient continue le long de cet axe. Vers 1963 sont créés les premiers lotissements. Dès lors,le quartier connait un essor très rapide, surtout entre 1969 et 1975. Le Rouillen forme aujourd'hui une masse compacte d'environ 2 600 hab. en 1981 et donc le poids démographique le plus important de la commune. On prévoit de le limiter aux abords de la voie rapide. C'est avant tout un quartier de « migrants »perçu par les Gabéricois comme un monde à part, qui a le regard tourné vers Quimper.

Il y a donc eu sur Ergué-Gabéricun envahissement brutal par les gens de la ville, même si ceux-ci sont pour la plupart d'origine rurale, et l'espace agricole est mangé par les constructions. « Avant, il n'y avait pas douze personnes que je ne connaissais pas sur Ergué. Aujourd'hui je ne connais plus les gent ... »me dit un exploitant agricole en 1987. Mais paradoxalement, il n'y a pas ou très peu de problèmes dans le contact entre rurbains et agriculteurs ; même si les vaches aiment bien les glaïeuls, si l'élevage laitier paraît incompatible avec l'urbanisation et si certaines routes rurales connaissent une très forte circulation de voitures le matin, en direction de Quimper.

Heureusement,malgré les ventes de parcelles isolées en zone rurale par les agriculteurs, surtout après 1972, l'espace agricole a pu être préservé dans tout l'est de la commune, et le « mitage », même s'il existe par endroit (Lézebel, Squividan, Place an Dans, Kerriou) a pu être limité. Le POS approuvé en 1985 n'encourage pas les constructions en zone rurale.

 

 

 

C - Un secteur tertiaire prédominant

Une telle évolution démographique suppose un changement sociologique important. Les agriculteurs représentent désormais moins de 9 % de la population active (225 personnes). La proximité de Quimper, l'importance des situations mixtes où s'entrecroisent la vie urbaine et la vie agricole, le lien gardé avec des parents agriculteurs influencent les modes de vie et les mentalités (attitude vis-à-vis du patrimoine foncier, du POS). De nombreux agriculteurs ont une double activité et les épouses des jeunes exploitants travaillent hors agriculture. On les retrouve à Quimper ; ouvriers dans l'agro-alimentaire, aides-soignantes à l'hôpital, employées de bureau ou du commerce, ou dans l'entreprise Bolloré d'Ergué-Gabéric. De même, beaucoup d'enfants d'agriculteurs travaillent en dehors de l'agriculture mais résident dans la commune et beaucoup ont fait construire sur la ferme.

Le devenir même des fermes est fortement influencé par l'évolution récente. Comme dans beaucoup de communes du Sud-Finistère, se pose le problème de la succession. 50 % des exploitants prendront leur retraite avant l'an 2000 et les installations de jeunes sont si peu nombreuses que l'on ne sait pas ce que vont devenir plus de 1000 ha de terres, soit environ 50 % de la SAU communale, auxquels sont attachés un million de litres de lait (25 % de la production en 1987) du fait de la réglementation sur les quotas laitiers ; alors que paradoxalement, certains jeunes agriculteurs sont obligés d'utiliser intensivement toute leur surface. Or les agriculteurs ne veulent généralement ni louer, ni vendre, ce qui explique l'extension des locations verbales et le travail de fermes entières par l'entreprise de travaux agricoles qui permettent de garder la maîtrise du foncier... en attendant de pouvoir vendre des parcelles constructibles car il y a souvent en arrière pensée, le rêve de pouvoir vendre « un jour » du terrain constructible quelque soit la localisation, (le POS approuvé en novembre 1985 est encore mal accepté), à moins qu'on ne veuille garder les terres pour les enfants qui travaillent en ville, par crainte du chômage.

On comprend que dans un tel climat, directement lié à l'urbanisation d'Ergué-Gabéric, les jeunes agriculteurs (17 % ont moins de 40 ans) éprouvent certaines difficultés à travailler dans de bonnes conditions.

 

Le secteur tertiaire est le mieux représenté, 60 % de la population active totale aujourd'hui contre 17 % en 1968 el 42 % en 1975. On peut relier l'importance de l'emploi tertiaire au fort taux d'activité féminin qui contraste fortement avec la situation antérieure. Entre 20 et 40 ans, les trois quart des femmes travaillent. On peut aussi la relier aux migrations quotidiennes de travail vers Quimper car celte population active tertiaire travaille essentiellement sur Quimper (les deux hôpitaux, les administrations départementales, la préfecture, la mairie et l'enseignement sont parmi les plus gros employeurs). En 1982, l'INSEE nous indique que plus de 60 % de la population active travaille en dehors de la commune, dans la même Z.P. I. U.

Pourtant, Ergué-Gabéric a la volonté de ne pas être une commune dortoir. Elle possède déjà un tissu industriel de PME et quelques grosses entreprises dont deux sont anciennes. « Bolloré Technologies » est une multinationale, et son PDG, Vincent Bolloré s'est vu plusieurs fois récompensé (manager de l'année 1987). L'entreprise développe ses activités ; les laboratoires de recherche ont été transférés à Ergué-Gabéric et une 3e chaîne de production du film de polypropylène se met en place. L'entreprise emploie 300 personnes sur la commune. La salaisonnerie « Gouiffès » créée en 1937 au Cleuyou, emploie plus de 160 personnes.

Un certain nombre de PME sont implantées à la Croix Rouge, au Cleuyou et sur une zone artisanale de 5 ha à Quillihuec, en bordure de la route de Coray, inaugurée en 1979. Une dizaine de petites entreprises y sont installées, occupant environ 80 personnes.

Plus récemment, une zone industrielle de plus de 20 ha a été créée en bordure de l'échangeur de la voie rapide Brest-Quimper-Lorient-Nantes ouvert fin 1985 et de la route Quimper-Coray-Saint-Brieuc, à dix minutes du centre ville de Quimper et de la Gare SNCF. Bénéficiant d'une excellente situation, celle zone industrielle connait un réel succès. Ouverte en 1987, elle est déjà entièrement occupée par une vingtaine d'entreprises. Une extension est prévue pour 1989. Globalement 160 à 200 nouveaux emplois auront été créés en deux ans.

 

Ergué-Gabéric est donc un espace de transition, une commune péri-urbaine qui juxtapose les situations individuelles les plus variées et les plus inattendues parce qu'il n'y a pas de frontière entre l'agricole et J'urbain. L'afflux de population et l'essor urbain très brutal ont multiplié les problèmes, mais le rajeunissement important favorise aussi un dynamisme riche d'avenir. Un équilibre difficile doit être trouvé. Il faut contrôler la dynamique urbaine tout en préservant l'activité agricole, développer l'industrie ; favoriser des habitudes de vie Gabéricoises, ancrées dans la commune.

II faut aussi préserver la beauté des paysages. Ergué-Gabéric possède des atouts non négligeables, encore peu connus, pour développer le tourisme rural de repos et de découverte ; et une vitalité associative remarquable pour les mettre en valeur. Les exploitants agricoles sont d'ailleurs favorables au développement de ce type de tourisme parce qu'il facilite les contacts humains. Il existe 5 gîtes ruraux, 8 meublés saisonniers et 2 hôtels de tourisme (48 chambres).

La commune possède un ensemble architectural riche et varié. L'église du bourg avec son ossuaire est classée en 1939. Elle abrite un orgue Dallam du XVIIe siècle dont la sonorité très pure a été respectée lors des restaurations et que vise à mettre en valeur  « l'association des amis de l'orgue » par des concerts ou des enregistrements. La chapelle de Kerdévot abrite un superbe retable Flamand du XVe siècle et « l'association Kerdévot 89 » s'est justement constituée pour fêter le 5e centenaire de sa construction et mieux la faire connaître. Il faut également citer les chapelles de St-Guénolé à Quelennec et de Saint-André, les croix de chemins, les fontaines, les ruines du château de Lézergué ... sans oublier la cité ouvrière de Ker Anna datant de 1917.

Ergué-Gabéric possède aussi quelques sites naturels de toute beauté. Les gorges boisées du Stangala sont aujourd'hui, pour une partie, un site classé en 1929 et pour l'ensemble des deux versants jusqu'à la carrière, un site inscrit en 1932. La partie classée (l'éperon de Griffonès) appartient au Département. C'est une forêt de 39 ha, gérée par l’ONF qui y a aménagé des sentiers de randonnées pédestres et un arboretum tout en préservant le caractère sauvage. A Stang Luzigou, propriété du Département depuis 1981, les 32 ha de bois sont parcourus de nombreux chemins et longent le canal qui acheminait l'eau aux papeteries Bolloré. Tout près de là, on peut visiter le Musée Océanographique.

L'Odet et le Jet sont des rivières à truites et à saumons, très appréciées des pêcheurs. Voici donc quelques uns des atouts, parfois peu connus, de la commune d'Ergué-Gabéric, et le but de notre livre est justement de vous présenter un de ses plus beaux joyaux : la chapelle et le retable de Kerdévot.

 

BIBLIOGRAPHIE

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JOUVIN  Frédéric : Contribution l’étude des leucogranites hercyniens du Finistère Sud et de leur encaissant. Mémoire de maîtrise /984-85 - UBO déportement des sciences de la terre - Brest.

JOUVIN Frédéric : Etude du contrôle Structural cl des conditions pression-température lors de la mise en place d'un leucogranite en contexte de collision; exemple du massif d'Odet-Lestonan. Mémoire de DEA 1986. Laboratoire de Géologie structurale de l'UBD- Brest. LE GRAND Alain : Quimper Corentin en Cornouaille. 1968.

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JEHL Colette: L'agriculture à Ergué-Gabéric, bilan 1987 et perspectives d'avenir An 2000. Elude réalisée pour la mairie. 1987.