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Souvenirs

 

 

 


 


Trésors d'archives > Personnages > Nathalie Calvez

Nathalie Calvez, archiviste

 

Nathalie Calvez, archiviste a mis en place les archives municipales d’Ergué-Gabéric en juin 2003.

 

Après un DEA d’histoire médiévale, Nathalie Calvez s’est peu à peu orientée vers, et formée pour, le métier d’archiviste communale. A Ploneis, Pluguffan, Henvic, Plouénan, aussi bien qu’à Roscoff, Saint-Jean du Doigt, Plounéour-Menez où elle a déjà effectué des missions, et aujourd’hui à Ergué-Gabéric, plongée dans les liasses et les dossiers, elle s’emploie à « structurer un service d’archives et à fournir un outil performant à usage de l’administration et des chercheurs institutionnels ou non ».

Les archives se définissent comme « l’ensemble des documents quels que soient leur date, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé, dans l’exercice de son activité». « Le maire est responsable au civil et au pénal des archives de sa commune, qu’il doit conserver à la fois pour la gestion des affaires et la justification des droits de la commune mais aussi pour la sauvegarde de la mémoire. A chaque renouvellement de municipalité, le nouveau maire doit procéder au récolement des archives » ; ilest en droit de demander des comptes à son prédécesseur si celui-ci n’a pas rempli ses responsabilités concernant le traitement des archives ; « les frais de conservation des archives constituent une dépense obligatoire à inscrire au budget pour les communes »… 

Les archives, en tant que bien patrimonial, sont imprescriptibles et inaliénables.

Leur classement obéit à une cohérence nationale. Celle-ci se décline par thèmes et différemment, suivant qu’il s’agisse d’archives nationales, départementales ou communales. Les thèmes constituent des séries, identifiées par une lettre et renfermant des sous-séries (elles-mêmes distinguées en faisant précéder la lettre de l’alphabet par un numéro). Néanmoins, il existe des documents propres à chaque commune, et de plus en plus variés en fonction des nouvelles compétences communales, résultant de la décentralisation, de la modernisation, non répertoriées dans les règlements de classement. Ceci contraint l’archiviste à une grande souplesse, une très forte capacité d’analyse prospective et à une formation permanente. Par exemple, les documents concernant tel projet abandonné aujourd’hui ne doivent pas forcément faire l’objet d’une élimination. Il faut savoir mesurer leur intérêt historique.

Les documents sont donc triés selon ces normes, conditionnés (il existe des règles de conditionnement, parfois il faut faire restaurer, désinfecter des documents…), inventoriés, côtés et rangés.

Nathalie Calvez, aux archives municipales, Espace Déguignet d'Ergué-Gabéric

 

On comprend donc que « le travail d’un e-archiviste ne consiste pas à retirer des documents d’un vieux carton pour les remettre dans un carton neuf après avoir à peine secoué la poussière. L’archiviste doit ouvrir chaque liasse, en analyser le contenu afin de déterminer de la nécessité d’en conserver les pièces. Cela signifie pratiquement une étude feuille à feuille. Il faut recouper les documents en fonction de leur service d’émission, tout en conservant un ordre chronologique et en respectant l’unité des dossiers et la cohérence du fonds (…).

L’archiviste doit en outre éliminer les documents désormais inutiles et qu’il est possible, aux termes de la législation en vigueur, de détruire. Bien-sûr, il/elle doit établir la liste descriptive, qu’il/elle peut être amené-e de surcroît à justifier, de ces documents afin de pouvoir remplir ses bordereaux de demande d’élimination ».

« A l’issue de son travail, la municipalité dispose d’un fonds d’archives accessible, optimisé. ». Cependant pour Nathalie, « ce résultat ne peut être atteint sans qu’il y ait rencontre, concertation, écoute des différents services, réponse – autant que faire se peut – à leurs demandes et leurs inquiétudes légitimes. L’Histoire, comme l’Archivistique, sont des sciences humaines, c’est donc cette humanité qui doit être la base de toute réflexion. Sans cette sensibilité humaniste, il n’est aucune pédagogie possible et sans pédagogie auprès des communes, ce travail n’a qu’un effet limité dans le temps et les esprits. Il est possible de considérer alors que cette mission serait un échec. »

Son immersion dans nos archives confirme que les plus vieux documents de la commune sont les registres des baptêmes (1629), des mariages (1640) et des sépultures (1678), bien connus des généalogistes. Viennent ensuite les premiers comptes-rendus de conseils municipaux dont le premier date du 12/06/1800, puis le cadastre (1835). Hormis ces documents, Ergué-Gabéric connaît un trou de mémoire pour un grand nombre d’archives du XIXe s. et du début du XXe s. : procès verbaux d’élections, listes électorales…

Loin de stagner, ces archives sont, en tant que production de la communauté, amenées à s’étendre, se développer, s’augmenter de fonds tant publics que privés, ou de fonds associatifs. Une fois classées, on peut envisager de tirer parti de ces archives et de les mettre en valeur en y puisant les éléments nécessaires à la constitution de dossiers sur tel monument, tel évènement historique ou, ainsi que Nathalie a déjà pu le faire à Quimper, en en retirant la substance nécessaire à une exposition. Le lien avec la mémoire commune devient donc évident : ces archives, bien patrimonial, sontla base des connaissances d’un territoire et de sa communauté, que les témoignages oraux, la collecte de photographies et de films contribueront à rendre sensibles et vivants. Une belle mission pour Arkae....

 

Keleier 31 - novembre 2003

 

 

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Trésors d'archives > Souvenirs > Souvenirs de Jean Bernard, artisan-menuisier

Souvenirs de Jean Bernard, artisan-menuisier

 

L'apprentissage (1920-1935)

« Je suis né le 19 juin 1920 à Quénéac’h Daniel, en Ergué-Gabéric, et j’y ai vécu jusqu’en 1933, année où mes parents sont venus s’installer à Parc-Feunteun. J’ai deux frères.
A cette époque, il n’était pas question de scolarisation dès les deux ans, il fallait aller à pied à l’école. J’ai donc débuté à huit ans à l’école communale du Bourg, que j’ai quittée à quinze ans, le certificat d’études primaires en poche.
Mon père étant menuisier, j’ai démarré tout de suite avec lui mon apprentissage de charron-menuisier, m’initiant ainsi à tout travail du bois intéressant la campagne de cette époque. Je garde encore le souvenir de mes débuts à Kérourvois (près de Kerdévot).
Je me rappelle avoir vu mon père utiliser un tour à perche pour tourner du bois (toupies, petits manches…). J’entends encore ses conseils à mes débuts, et aussi son rire, alors que je n’avais pas parfaitement réalisé un objet. Je le vois aussi c’est sans doute un de mes plus anciens souvenirs- confectionner les fléaux pour le battage.
En 1950, je me marie et m’installe à Garsalec, presque en face de la forge Le Goff. J’y habite toujours. J’ai deux enfants, mais aucun n’a suivi les traces de leur père ni de leur grand-père. Je note cependant leur intérêt pour le travail du bois, et cela me fait plaisir .
 
 

Le bois : une véritable passion depuis 1935

Les premiers temps de mon activité, j’allais travailler à domicile, parfois à plusieurs kilomètres et par des chemins remplis d’eau en hiver, beaucoup de routes n’existant pas encore. Il fallait apporter les outils, tout le matériel, et le premier jour servait souvent au transport.
Chaque matin, j’arrivais avec de nouveaux outils, si bien qu’à la fin du chantier, je pouvais revenir avec près de 50 kg. sur le dos. Un soir, fatigué, j’arrivais près d’une rivière qu’il me fallait franchir sur un tronc d’arbre grossièrement équarri et glissant. J’ai cru que j’allais être bon pour un plongeon… Il y avait, c’est sûr, des jours plus difficiles.
Puis au bout des ans, je n’allais pratiquement plus à domicile, de nouvelles routes s’étant faites et l’automobile apparaissant. J’ai travaillé essentiellement sur la commune d’Ergué-Gabéric et, à l’occasion, un peu sur Elliant.
« Les premières années, je faisais tout ce qui accompagnait le travail et la vie à la campagne : harponnage, sciage, charrettes, barrières, brouettes, manches d’outils, râteaux, paniers, clayettes, ruches… C’était selon les besoins.
Puis la mécanisation s’est installée peu à peu. J’ai continué certaines de ces activités, mais comme je travaillais seul, j’ai du m’adapter et effectuer davantage de menuiserie de maison, des travaux de charpente, de restauration, et même, vers la fin de ma carrière, passer à d’autres travaux que je connaissais aussi : dallages, murs…
Ce détail va peut-être vous paraître incongru aujourd’hui, mais comme beaucoup d’artisans menuisiers de cette époque rurale, j’ai fait des cercueils, essentiellement pour le voisinage, les relations de proximité et de service étant alors bien plus fortes que de nos jours.
 
 

La fabrication d'une roue de charrettes

Le moyeu était soit en if, soit en acacia. Au départ, il était taillé grossièrement à la hache, puis mis dans un tour actionné à la main afin de le façonner. Il y avait 14 trous à percer pour les rayons taillés dans du chêne et de l’acacia, 7 pour chaque bois, et placés alternativement. Dans le milieu du moyeu, il y avait le coussinet en fonte, dans lequel s’emboîte l’essieu, qui n’était mis en place qu’après le ferrage de la roue.
Le moyeu, une fois fini, comportera 4 cercles en fer : les 2 du milieu étaient fixés en premier par le forgeron , puis les 2 autres seulement après le cerclage de la roue. Comme on le voit, les forgerons et les menuisiers exerçaient leur profession de manière complémentaire.
Quand le moyeu était revenu de la forge, et les rayons une fois taillés, il fallait faire bouillir le moyeu afin de pouvoir mettre les rayons en place. Un détail primordial à ne pas négliger : le rayon devait être mis un peu en biais, penché vers l’extérieur, sinon c’était la casse assurée : il ne faut pas oublier que les chemins, à cette époque, étaient souvent remplis d’ornières. Voilà pourquoi le rayon n’était pas posé droit.
Puis, pour poser les rayons, le compas était un outil précieux. C’était ensuite l’assemblage rayons-jante. La jante, en chêne, venait de plateaux coupés à la main. Elle prenait les rayons en sept endroits.
Une fois le tout assemblé, retour à la forge pour poser le cerclage, opération délicate nécessitant au moins trois personnes. Je crois que le cercle était un peu plus étroit que la roue, de 2 à 2 cm.1/2. Ce cercle devait être bien chauffé dans un feu, pour permettre sa dilatation, mais juste comme il le fallait. Sorti du feu avec de grosses pinces, il était posé sur la roue. C’était l’idéal s’il prenait bien sa place tout de suite. Le forgeron pouvait alors lui donner un coup de marteau en face de chaque rayon. Et il était très important de refroidir immédiatement le cercle en fer lorsqu’il était descendu sur la roue, sinon le feu prenait dans le bois. Cela se faisait en l’arrosant de seaux d’eau.
Je me rappelle d’un jour où il y avait 23 cercles à préparer. Pour être resté si longtemps auprès du feu, j’avais tous les poils des mains brûlés et je sentais le poulet rôti.
Pour préparer une paire de roues, il fallait environ une semaine. Le bois devait être bien sec. Il fallait 8 ans de séchage, sachant que le bois perd 1 cm. par an au séchage et qu’il fallait aboutir à une épaisseur de jante de 8 cm. La qualité du travail dépendait de tout cela.
Après avoir parlé longuement de la fabrication de la roue, il me faut, bien entendu, parler aussi des charrettes. En général, elles étaient faites en bois de châtaigner. Dans les fermes(du moins dans les plus conséquentes), il y avait souvent trois sortes de charrettes : la grande, la moyenne et la petite, chacune ayant son emploi.
La grande servait par exemple pour aller chercher du maërl à La Forêt-Fouesnant, le maërl servant d’amendement aux terres. La moyenne était utilisée pour les travaux courants (sortie du fumier…) et la plus petite convenait pour chercher la nourriture pour les animaux (trèfle, choux…). Je rappelle un fait de cette époque : les animaux avaient leur repas du matin avant les personnes, qui partaient à jeun couper et rentrer de quoi les nourrir.
 

Bois d'if mortel

Je pense pouvoir dire que je préférais travailler les bois durs, à savoir le chêne, l’if, le châtaignier, l’acacia...
Un souvenir me revient, concernant l’if : un moyeu en if avait été mis à bouillir dans de l’eau. Une fois cette eau refroidie, on l’avait utilisée pour la nourriture d’un porc. Le pauvre ! il en mourut ! L’if possède certains pouvoirs néfastes.
 
 

Retraite active depuis 1985

En 1985, à l’âge de 65 ans, j’ai pris ma retraite, faisant sans amertume le constat que les grandes entreprises remplaçaient peu à peu le petit artisan, et que divers autres matériaux se substituaient au bois : l’alu, le formica, le P.V.C. Le moment était donc bien venu de cesser mes activités.
Mais ce n’est pas pour autant que ma passion pour le bois m’a quitté. Il n’y a pas eu de jour où je ne fasse quelque bricolage dans mon atelier : jouets en bois, cannes, restauration, paniers…
J’avance vers mes 87 ans. Pour l’été 2007, je souhaite bien retrouver mon arbre, au marché de Kerdévot, soit 72 ans après mes débuts dans ce quartier qui m’a vu naître.
Prenez le temps de visiter le placître nouvellement replanté, et arrêtez-vous lorsque vous apercevrez un petit monsieur assis au fond de sa voiture, entouré de paniers en osier. Ce monsieur, c’est moi ».
 

Les fabrications ou réalisations en bois citées par Jean Bernard

  • Des barrières, faites en bois de châtaignier. Pour une bonne durée, il fallait bien les fixer, et ne pas les malmener. Dans une ferme, où ce n'était pas le cas, je devais en refaire chaque année une douzaine.
  • Des charrettes,
  • Du sciage, avec la scie de long,
  • Du harponnage
  • Des auges à cochons,
  • Des râteaux à foin, en noisetier et les dents en saule,
  • Des manches à outilsen bois de noisetier
  • Des clayettes, en bois de pin ou de sapin, jeme rappelle d’une commande de 300 clayettes pour une ferme où on faisait de la pomme de terre de sélection.
  • Des cannes, en bois de frêne, la poignée étant en If ou en buis,
  • Des barriques à restaurer. Parfois elles pouvaient servir de charnier. Le cerclage en fer ne résistait pas toujours au sel je devais le remplacer par un cerclage fait de bois de châtaignier, un bois de trois ans de pousse,
  • De la menuiserie de maison : des châssis de porte, des portes, des fenêtres, des tables, des chaises, des cloisons, des lits, des escaliers, des échelles, des sommiers,
  • Des meubles de cuisine ...
  • Des hangars,
  • Des paniers en osier. Je pense avoir fait mon premier panier vers mes 16-17 ans, et j'en fais encore !
  • Des ruches en paille (peu, uniquement pour moi-même).
  • Les ruches étaient faites de pailles de seigle cousues de ronces. Les ronces se ramassaient en hiver, après les gelées. Elles étaient coupées le plus loin possible, puis fendues en quatre et grattées pour en enlever le cœur, afin de garantir une bonne conservation.
  • Des ruches à cadres aussi.
 

Attention au bois d'if

Je pense pouvoir dire que je préférais travailler les bois durs, à savoir le chêne, l'if, le châtaignier, l'acacia.....
 
Un souvenir me revient, concernant l’if : un moyeu en if avait été mis à bouillir dans de l'eau. Une fois cette eau refroidie, on l'avait utilisée pour la nourriture d'un porc. Le pauvre ! Il en mourut ! L'if possède certains pouvoirs néfastes.
 
 

Connaissez-vous ces outils ?

Dans son atelier aux odeurs de sciure, au sol jonché de copeaux, devant différents boisen attente de création et d’innombrables outils, riche et chacun une histoire, je remarque une flamme pétiller dans les yeux malicieux du maître, et je m'en entends questionner : «  Et ça, tu connais ? »
Suit une longue liste de noms parmi lesquels beaucoup me sont étrangers,qui vient testermes connaissances. J’échappe à la note éliminatoire en reconnaissant  le marteau,la scie, les ciseaux à bois. A votre tour de tester vos connaissanceen décrivant la fonction des outils suivants :
  • Trusquin
  • Guillaume
  • Doucine
  • Plane
  • Varlope
  • Tarière
  • Bouvet
  • Vilebrequin
Est-ce vraiment si facile ?
 
Témoignage recueilli par Jacqueline Le Bihan - Keleier Arkae n° 50 décembre 2006

 

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Trésors d'archives > Personnage > Jean-Louis Morvan

Jean-Louis Morvan, un prêtre passionné du patrimoine religieux

 

Jean-Louis MorvanJean-Louis Morvan est né en 1920 à Kerbrat en Trégarantec dans le Nord-Finistère. Il a été recteur de la paroisse d'Ergué-Gabéric de 1969 à 1981. Il fut également l'artisan de la restauration de l'orgue de Dallam et du retable de Kerdévot, ce qui lui a valut le titre de Chevalier des Arts et des Lettres. Il vient de décéder, fin août 2006 à Quimper, à l'âge de 86 ans, après avoir été recteur de La Forêt-Fouesnant de 1981 à 1999. Depuis, il était en retraite à Pouldreuzic où il était aussi en charge de la paroisse.

Au cours des 12 années où il a exercé son ministère à Ergué-Gabéric, il a été à l'origine de nombreuses actions qui ont abouti à la rénovation et à la mise en valeur du patrimoine religieux gabéricois.  Il écrivait beaucoup et, dans un propos développé dans le livre à l'occasion du Ve centenaire de la chapelle de Kerdévot en 1989, il résumait son action dans le titre : un recteur du 20e s face au trésor de sa paroisse ».
Le dossier transmis au Ministre de la Culture en 1980, qui a abouti à sa nomination de Chevalier des Arts et des Lettres en 1983, dresse les principaux chantiers auxquels Jean-louis MORVAN a été associé au cours de ses douze années gabéricoises, avec le Conseil municipal et le Conseil paroissial :

  • La chapelle de Kerdévot réfection de la toiture de la chapelle et de la sacristie :
  • Le retable de la chapelle de Kerdévot : après le vol de statuettes de 1973, le retable a été déposé chez M. HEMERY pour y être restauré. Il y est resté pendant six années et après de nombreuses tergiversations, le monument restauré à retrouvé sa place dans la chapelle. Et Jean-Louis MORVAN, avec Gusti HERVE, a réalisé un magnifique montage audiovisuel avec commentaire sur le retable.
  • La chapelle de Saint-Guénolé que Jean-louis MORVAN appelait «  le véritable petit bijou de campagne ». Elle tombait en ruines et, en 1974, le Conseil municipal avec l'aide des Beaux-Arts et du Conseil Général a décidé sa restauration : réfection de la toiture, lambris refaits et peints, remise en valeur des sablières et peinture, taille d'un autel en pierre...
  • L'église Saint'Guinal du bourg fut l'objet de toutes ses attentions : réfection des peintures du retable du Rosaire, éclairage et mise en valeur de l'intérieur.
  • L'orgue Dallam (datant de 1680),situé dans cette église baroissiale, classé en 1975, se trouvait au fond de celle-ci dans un état délabré. Jean-Louis Morvandécida de tout mettre en oeuvre pour que cet orgue soit rénové et on peut écrire qu'il remua ciel et terre par écrit et par oral pour que cette rénovation soit réalisée pour le tricentenaire de 1980: restauration à l'intégrale de l'instrument musical par M. RENAUD. facteur d'orgues à Nantes, reconstruction de la tribune d'orgue par des artisans locaux peinture du buffet de l'orgue par P. HEMERY du Faouôt. L'inauguration en grandes pompes, couplée à la première journée du patrimoine le 19 octobre 1980, reste encore dans la mémoire de nombreux Gabéricois


Au-delà de ces réalisations sur les monuments, Jean-Louis Morvan s'attachait à faire vivre sa paroisse (chorale, organisation de concerts), animation du patrimoine religieux à travers les offices bien sûr, mais aussi par le renouveau du pardon de Kerdévot. L'échange avec la paroisse allemande de St Martin d'Augsbourg fut aussi un moment fort au niveau culturel.

Jean-Louis Morvan était fier de cette mise en mouvement autour du patrimoine, il a été un ambassadeur d'Ergué-Gabéric au cours de ces douze années avec les montages audio-visuels, les nombreux articles qu'il écrivait, en particulier dans le bulletin municipal, et par les nombreux contacts qu'il établissait pour le rayonnement des monuments religieux.

Pour terminer, on peut reprendre ce que Jean-Louis Morvan écrivait dans la préface du livre du Ve centenaire de Kerdévot en 1989 :  « des multitudes de souvenirs s'entremêlaient dans mon esprit souvenirs de mes 12 ans d'un ministère exaltant où j'étais souvent écartelé entre mes obligations pastorales dans une paroisse en pleine mutation et les richesses historiques et artistiques de la paroisse, toutes rongées par l'usure du temps et des intempéries, à qui il fallait à tout prix redonner vie ».

 

Ces 12 années d'intenses activités pour le patrimoine gabéricois se devaient d'être remémorées pour rendre hommage à Jean-Louis Morvan.

 

Arkae - Bulletin municipal d'Ergué-Gabéric n° 21 - septembre 2006

 

 

Suite...

Afin de compléter au mieux cette présentation de Jean-Louis Morvan, voici les principales dates qui ont marqué sa vie de prêtre :

· 1937 - baccalauréat au lycée St-François de Lesneven.

· 1937 - entrée au séminaire de Quimper

· 1940 - en juin se constitue prisonnier après 11 jours de mobilisation.

· 1945 - en avril libération et retour en Bretagne.

· 1947 - ordination de prêtre par Mgr Fauvel en la cathédrâle de Quimper.

· 1948 - nomination comme vicaire de Landudec

· 1951 - vicaire à Névez

· 1954 - vicaire au Pilier-Rouge à Brest

· 1966 - nomination comme recteur de Melgven

· 1969 - recteur d'Ergué-Gabéric

· 1981 - recteur de la Foret-Fouesnant

· 1999 - retraite active au presbytère de Pouldreuzic

 

Jeune prisonnier de guerre en Allemagne

Au début du conflit de 1940-1945, en France, Jean-Louis qui avait tout juste 20 ans, écrivait son journal sur des feuilles volantes et racontait sa courte mobilisation suivi de son expérience de K.G. (Kriegsgefangener), prisonnier en route vers le pays ennemi.

Là-bas en plein coeur de l'Allemagne, dans son premier camp de prisonnier à Limburg (Stalag XIIA), il les recopia dans un cahier de marque Schola, qu'il compléta les années suivantes de deux autres cahiers identiques. A son retour de captivité, sa soeur Elizabeth les recopia minutieusement sur deux cahiers à spirales.

Plus tard ces cahiers furent remaniés et repris au format A4 agrémentés de photographies prises en Allemagne et à son retour de captivité. Jean Cognard entreprit en 2002 la transcription du texte initial des cahiers à spirale et ce travail est téléchargeable sur le site Arkae.org.

Ce qui frappe le lecteur de ses cahiers, c'est la spontanéité du prisonnier, et la fraîcheur de ses observations. Il dit et écrit tout haut ce qu'il pense. Et de cette spontanéité on devine une grande humanité, un sens de l'amitié et de la fraternité entre les peuples. Il dut travailler dur dans les champs, lui l'intellectuel, et affronter les idées nazies de certains de ses patrons de ferme. Et il souffrit physiquement lorsqu'il dut travailler à l'usine IG Farben-Industrie Ludwigshafen où il devait porter des sacs de soude de 100kg.

Après sa libération et son retour, il y eut des prolongements heureux et positifs à sa période de captivité :

· Alors qu'il baptisait le fils d'un ami à Trier, il fut invité à visiter l'usine de Ludwigshafen par un dirigeant de la société BASF (ex IG Farben). Ce dernier le reçut ensuite à table comme "Ehre Gest" (invité d'honneur) et devant les cadres supérieurs de l'entreprise il relata toute son histoire.

· Son frère Jean-Marie fut prisonnier aussi en Allemagne. Mais contrairement à Jean-Louis il resta dans la même famille à Salgen et il sympathisa avec le fils jeune séminariste allemand du village bavarois. Ce jeune Anton Schaule fit la connaissance de Jean-Louis après-guerre et ils se consacrèrent à la lourde tâche de rapprochement des peuples français et allemands.

· En 1978, Jean-Louis suggéra à Anton de proposer à ses paroissiens de venir à Ergué-Gabéric. Ils hésitèrent car ils craignaient la rancœur de certains français, mais leur accueil fut très émouvant. La messe de réconciliation à la chapelle de Keranna fut poignante également. Et ce fut le début d'échanges entre la paroisse bretonne et celle de St-Martin d'Augsbourg.

 

La dette de la chapelle de Keranna

- La première tâche qui incomba à Jean-Louis à son arrivée à Ergué en 1969 fut purement administrative : la dette de la paroisse suite aux travaux de la chapelle de Keranna s'élevait à 25 millions de centimes. Il fallut beaucoup d'énergie pour obtenir des solutions de financement. En juillet 1970 il écrivait à son évêque : « En me nommant ici, voulait-on placer un prêtre ou un financier ?  Cette année passée, j'ai surtout été financier ; j'ai dû chercher 6 millions, faire appel à la population, organiser une kermesse ... »

- Et dès 1971 il engagea le projet d'une salle paroissiale pour le quartier du Rouillen, ce grâce à un don Le Guay-Lassau. Mais l'évêché, ne voulant pas renouveler l'expérience de Keranna, veillait au grain,  : « Notre préférence va à un équipement pastoral léger, répondant en priorité aux besoins actuels de la catéchèse des enfants et de l'A.C.E. et pouvant cependant servir aux réunions d'adultes. »

- En janvier 1980, dans le compte-rendu de la réunion du conseil paroissial, Jean-Louis put enfin crier victoire : « Pour la première fois depuis 1969, la paroisse n'a plus de dette. Celles de Keranna et de la salle du Rouillen sont règlées, et l'avoir de la paroisse est de 24903 F. »

 

Saccage et restauration du retable de Kerdévot

Entre-temps l'affaire du retable de Kerdévot causa bien des soucis au recteur gabéricois. Le 6 novembre 1973 cet ensemble unique d'origine anversoises et datant du 15e fut l'objet d'un cambriolage par le gang "spécialisé" Wan den Berghe de Bruxelles qui emportèrent six statues et saccagèrent une dizaine d'autres. Trois statues furent retrouvées six mois plus tard, mais les statues du tableau de la nativité sont encore manquantes aujourd'hui.

Suite au saccage, il fallut mettre à l'abri le chef d'oeuvre : d'abord dans le grenier du presbytère, puis dans la sacristie de Kerdévot, en enfin au musée de Quimper. Il fallut aussi répondre aux enquêtes de la police judiciaire et aux responsables des Beaux-Arts car le retable était classé.

En 1975, à force de démarches, le travail de restauration fit confié à Paul Hémery du Faouët qui sut redonner aux statues abîmées leur dorure et leur polychromie originelles. Et en 1979, Jean-Louis et Pierre Faucher, maire, décidèrent le rapatriement du retable à Ergué, car les décisions des instances parisienne tardaient à venir.

Ce jour-là, les services municipaux travaillèrent toute la journée à hisser le retable pesant une tonne et ils n'eurent pas le temps de poser la vitre blindée de protection contre de nouveaux cambrioleurs. Jean-Louis et Gusti Hervé de la commission diocésaine d'art sacré passèrent la nuit dans la chapelle et prirent des centaines de photos.

   

 

L’Orgue de Thomas Dallam en 1980

En 1971 on découvrit que cet orgue historique Dallam datant de 1680 avait été ignoré du classement des monuments historiques lors du dernier passage de la commission. Lorsque ce fut fait il fallut se battre contre les lourdeurs des administrations, valider les devis, obtenir des subventions, lancer les travaux de restauration sous l'égide de Jean Renaud de Nantes.

En 1978 Jean-Louis engagea une campagne auprès des entreprises pour collecter des fonds. Lorsqu'une société n'était pas assez généreuse il ne mâchait pas ses mots :

« Ce matin j'ai reçu une lettre de votre société avec un chèque de 100 francs libellé "pour vos orgues". Je me demande si vous avez compris le sens de ma démarche : versement d'une somme sur le 1/1000 du chiffre d'affaires destiné aux oeuvres, comme vous me l'aviez conseillé, me laissant espérer une somme assez forte en raison de la bonne marche de la société. »

Le coût total de l'opération fut de 294.000 francs. Et le budget, grâce aux dons et aux subventions, fut bouclé pour le grand jour de l'inauguration de l'orgue, le 19 octobre 1980, soit 300 ans après sa construction. Ce jour-là tout le monde ne put pénétrer dans l'église, et les organistes JA et S. Villard et M. Cocheril firent vibrer les coeurs en interprêtant du Couperin, Roberday, Purcell, Attaignant, Ximenez.

 

 

*  *  *

Les contemporains de Jean-Louis ont pu remarquer qu'il avait un "sacré" caractère. Il était capable de s'emporter, et là on remarquait son bégaiement, mais il le regrettait toujours. Il était émotif. A la cérémonie de départ d'Ergué, il ne put prononcer son discours tant il pleurait d'émotion. Et la grande musique était son refuge et son remède pour affronter les difficultés.

 

 

 Keleier Arkae 46 - septembre 2006

 

 

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Trésors d'archives > Patrimoine religieux > Les deux enclos paroissiaux d'Ergué-Gabéric

Les deux enclos paroissiaux d'Ergué-Gabéric

 Par Pierre Faucher

 

Un cimetière entouré de murs, une église aux riches retables, un ossuaire, un calvaire, une "porte triomphale"… : cette puissante originalité basse-bretonne s'appelle, depuis le milieu du XIXème siècle, L'ENCLOS PAROISSIAL, que l'on découvre dans toute sa splendeur à Guimiliau ou à Pleyben par exemple.

Cet ensemble constitue à la fois un espace architectural et un espace sacré.

 

1.    Généralités sur les enclos paroissiaux

Les enclos paroissiaux présentent les éléments suivants autour et dans l'église :

· Le baptistère (fonds baptismaux) installé à l'entrée de l'église, parfois richement décoré.

· L'ossuaire: jusqu'au 18èmesiècle, l'usage était d'inhumer les morts dans l'église. On transférait les ossements dans l'ossuaire lorsque la place manquait dans l'église. Puis le cimetière s'est installé autour de l'église, et enfin à l'écart, au début du 20èmesiècle.

· Les échaliers: les ouvertures de l'enclos sont obstruées par une marche et par une pierre plate dressée sur le chant, empêchant l'entrée du bétail. Ainsi est souligné le passage du profane au sacré.

· Le porche sud : vestibule qui accueille les fidèles entrant dans l'église. Des scènes bibliques, des statues les préparent à la messe.

· Les retables et le vitrail  dans le chœur décorent l'église ; ils rappellent souvent la Passion du Christ.

· Le placître, espace cultuel situé autour de l'église. Il fait souvent office de cimetière du 18èmeau 20èmesiècle.

· Le calvaire, situé près du porche sud, est souvent orné de scènes du Nouveau Testament.

· L'arc de triomphe: cette porte de l'enclos est supportée par des piliers. Les cortèges (baptêmes, mariages, enterrements) passent sous son arcade.

· La sacristie, accolée contre le chœur de l'église

 

Les enclos paroissiaux sont le reflet d'une histoire et d'une culture singulières :

· Prospérité économique des 15ème– 17èmesiècles, en particulier dans les régions toilières  (Locronan, Guimiliau, Saint Thégonnec…) et maritimes.

· Vitalité religieuse stimulée par la Réforme Catholique durant cette période.

· Présence insistante de la mort dans les mentalités.

· Force d'une identité paroissiale, qui s'affiche dans les clochers, les porches, les calvaires.

 

2.      Les deux enclos paroissiaux d'Ergué-Gabéric.

Bien qu'éloignée des régions d'identification des "riches" enclos, la paroisse d'Ergué-Gabéric a construit deux ensembles qui ont des caractéristiques proches de ces enclos.

L'église Saint Guinal, église paroissiale du Bourg, avec :

- Le mur d'enclos, comportant plusieurs échaliers.

- La porte d'entrée de l'enclos (les piliers sont en place face au portail occidental de l'église).

- Le placître, qui fut cimetière jusqu'entre les deux guerres du 20èmesiècle.

- Le porche sud, auquel on accède par un escalier.

- L’ossuaire (17èmesiècle) qui présente 4 baies en plein cintre, séparées de 3 autres identiques par une porte.

- La maîtresse-vitre de la Passion (1516), dans l'église (qui est du début du 16èmesiècle), composée

de 4 baies, s'achève par un tympan dessinant 2 fleurs de lys.

- Le retable du Rosaire est entouré d'un Ecce Homo et de Sainte Apolline.

- Et dans cette église, se trouve un orgue dû à Thomas DALLAM, placé dans un buffet orné

de peintures figurant des anges musiciens (1680), comme dans les églises des enclos paroissiaux illustres de Pleyben et de Guimiliau

 

 

La chapelle Notre-Dame de Kerdévot, qui comporte aussi :

- Un mur d'enclos, avec des échaliers.

- Un placître, clos par les bâtiments de la ferme sur un côté, et qui ne semble pas avoir été un cimetière. Kerdévotn'est pas chapelle de trêve et ne contient pas d'ossuaire.

- La porte d'entrée de l'enclos, face à l'entrée principale (porche occidental) de la chapelle.

- La chapelle gothique du 15èmesiècle, avec sa maîtresse-vitre contenant des fragments de la vie du Christ, avec son retable sorti d'un atelier d'Anvers (scènes de la vie de la Vierge et de Jésus), d'autres retables et statues, et un calvaire intérieur. Elle comporte aussi un porche occidental avec des écus.

- La sacristie, qui offre une couverture en forme de carène.

- Le calvaire extérieur, mutilé à la Révolution, qui comprend trois croix.

 

Ainsi, Ergué-Gabéric se compte parmi les paroisses qui ont construit deux enclos paroissiaux. Cette particularité s'explique :

- Saint Guinal, au Bourg, est l'église paroissiale, avec son ossuaire et puis son cimetière, où l'on célèbre toutes les cérémonies importantes de la vie (baptêmes, mariages, enterrements). Cette église regroupe l'ensemble des caractères d'un enclos paroissial.

- Kerdévot, chapelle dressée en reconnaissance à la Vierge, en particulier pour l'arrêt de la peste venant d'Elliant, n'a pas les fonctions d'église paroissiale. Ainsi, les éléments de l'enclos s'en trouvent limités (pas de cimetière et d'ossuaire, pas de fonds baptismaux).

 

 

Bibliographie :

· les nombreux guides touristiques (Gallimard…)

· Le Répertoire Couffon du diocèse, "Eglises et chapelles" - 1988.

· Deux livres :"Les enclos paroissiaux de Bretagne", de Y. Pelletier. 2005.

et "Les enclos de Dieu" de G. Leclerc, 1996, Edit. Gisserot.

· Enfin, la plaquette "Kerdevot 89", éditée par Arkaé.

 

      Vous pouvez encore consulter au Centre de Documentation Arkaé :

· "Atlas de l'histoire de Bretagne", Skol Vreiz, 2002.

· "Enclos paroissiaux", Edit. Ouest-France, 1990.

· "La Bretagne des enclos et des calvaires",

de D. Mingant et M. Decéneux, Edit. Ouest-France, 2001.

· Le "Dictionnaire du Patrimoine Breton", Editions Apogée, 2001.

 

 

 

C'est quoi, un placître ?

  Par François Ac'h

 

Vous ne trouverez pas ce mot dans les dictionnaires, ni dans le Larousse, ni dans le Robert. Or, ce mot est d'usage courant en Bretagne. Il y a pratiquement un « placître » dans chaque bourg breton. Alors ?

 

En fait, là où en Bretagne il y a un « placître », en Auvergne il y a un « couderc », en Alsace il  y  a  un « usoir », dans le Berry ou dans le Poitou, il y a un « queyriau »ou « querieux », bien que ces termes ne soient pas tout à fait équivalents.

La réalité concernée, c'est, au Moyen-âge, l'espace communautaire dont dispose une petite agglomération rurale (appelée « bourg » en Bretagne, « village » ailleurs). Les routes se rencontrent dans le bourg et s'élargissent en se rencontrant. Cela donne un espace libre, une sorte de terrain vague qui fait office de grand carrefour ou de plaque tournante, lieu de pacage, lieu où se tiennent les pardons, les marchés, les jeux ou les feux de la Saint Jean… On peut y trouver une fontaine, un puits ou une mare, une chapelle ou une église, peut-être un calvaire.

Ce « placître » ,dans son  sens originel, a un terme correspondant en breton : c'est le « leur »:: place ou « placis » du village/bourg. Le « placître », était plutôt vaste autrefois, pas toujours matérialisé dans ses limites. Il a été peu à peu grignoté par les habitants du bourg qui se sont approprié des parcelles et y ont tracé des clôtures pour leurs jardins, courtils, échoppes.

L'église aussi était construite sur cette place commune. C'est, semble -t-il à partir des années 1630-1640 que les églises se sont entourées d'un espace clos, séparé du reste du bourg par un muret de nature à la fois à interdire l'accès du bétail et à définir une « terre sainte » autour de l'édifice religieux.

C'est cet « enclos »qui recevra plus tard les tombes des défunts, quand l'enterrement dans l'église même sera abandonné. Mais il sera en même temps une sorte de vestibule de l'église, avec un porche d'entrée, un calvaire qui peut servir de chaire à prêcher, qui déroule les scènes de l'histoire sainte…

Ainsi, le mot « placître » aurait évoqué au départ un espace public où trouvait à s'exprimer la vie quotidienne des villageois, et aurait fini par désigner prioritairement l'espace religieux, qui, par son architecture souvent riche et sa fonction particulière, s'est démarqué du reste du bourg et distingué d'un espace profane, tout en y trouvant habituellement une parfaite intégration.

En entendant « placître de Kerdevot », on peut donc aujourd'hui comprendre qu'il s'agit du grand triangle planté de platanes et de chênes, englobant à sa base la chapelle et son enclos (cf. Keleier, n° 33, rapport de "Bretagne Arborescence"). En ce sens, on dit que le marché de Kerdévot « a lieu sur le placître », que la procession « fait le tour du placître »… Et, suivant l'autre sens, plus récent, et plus restreint : le « placître », est devenu strictement l'espace clôturé autour de la chapelle, le domaine des assemblées religieuses, avec l'équipement architectural qui correspond à cette fonction. A noter que le cadastre de 1835 ne fait pas encore apparaître de mur de clôture autour de la chapelle de Kerdevot. Il aurait donc été construit ultérieurement.

 

Bibliographie :

·  Pierre Flatrès, "les placîtres en Bretagne"Geographia polonica. 38. 1978.

·  Jean-François Simon : "Le paysan breton et sa maison. T.2 La Cornouaille". Ed. de l'Estran.

 

 

Keleier Arkae 45 - juillet 2006