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L'octroi à Ergué-Gabéric

 
L’action des assemblées révolutionnaires, en matière de finances communales porte sur deux axes : instaurer de nouvelles ressources, dès lors que l’octroi est aboli, et restaurer le crédit des communes en assainissant leur situation financière et liquidant leurs dettes.
 
De fait, les solutions compensatrices prévoient d’attribuer aux communes une part des contributions nationales sous forme de « sous additionnels » aux contributions nationales foncières et mobilières (décret du 5-10 août 1791), mais ces mesures ne deviennent effectives que beaucoup plus tard. Longtemps, les seules ressources des communes seront les centimes additionnels (25 février 1791) à des contributions qu’on ne parvient ni à recouvrer, ni même à asseoir. Ce pourcentage des impôts publics réservé à la commune, consiste en un nombre de sous - fixé par acte législatif - à percevoir pour chaque commune. Leur création induit le principe de l’interdépendance de l’impôt communal avec l’impôt d’Etat et le budget de l’Etat règle désormais celui de la commune avec des bases d’imposition semblables.
 
Toutefois, les communes, durant la Révolution, ne percevront jamais cette nouvelle recette et pour beaucoup de communes, s’instaure une situation de faillite permanente pendant toute la période.
 
Côté dettes, quelques mesures sont prises pour aider les communes à les liquider. Dans cet esprit, en 1790, on accorde aux municipalités un bénéfice d’un seizième du prix des biens nationaux vendus par elles. Un an plus tard, l’Etat autorise les communes à vendre leurs biens patrimoniaux pour rembourser les dettes restantes et décide de prendre à sa charge le surplus si ces deux ressources n’étaient pas suffisantes. En pratique, aucune de ces mesures ne sera suffisante et les communes ne peuvent surmonter durablement la crise de leurs finances.
 
La séance du Conseil Municipal du 5 janvier 1792, à Quimper en est la parfaite illustration : « Vous savez, messieurs, que la suppression des octrois a privé la commune de tous les revenus, qui portaient cependant à 19 000 livres, ou environ ». Or, les solutions compensatrices ne parviennent pas à couvrir les charges. La situation, d’ailleurs, ne cesse de s’aggraver au fil des ans. La multiplication des fêtes nationales, le financement du secours aux indigents – en nombre croissant – les dépenses non compensées, la baisse des recettes, les dévaluations, entraînent la faillite de la municipalité.
Aussi, les demandes de rétablissement de l’octroi se font de plus en plus pressantes. Pour mieux les appuyer, le descriptif des situations les plus sordides se fait précis et imagé. Ainsi peut-on lire, à propos de l’hospice civil de Quimper, que l’on y a « pour toute nourriture, de la soupe de graisse avec du pain d’orge et de seigle ». Les employés communaux ont vu leur nombre réduit et leurs émoluments fondre. Les services les plus importants sont suspendus. Promenades publiques, pavés, places, pompes et seaux à incendie sont indigents. Les quais sont dans un tel état, les services de police, non salariés, donc, si négligents, les grillages si dégradés et les réverbères si peu entretenus que « tous les ans nous voyons se renouveler des accidents [...] cette année encore, nous avons eu la douleur de voir se noyer sept pères de famille... »
Suit la démonstration magistrale de l’utilité du rétablissement d’un octroi qui rapporterait 25 200,00 francs annuels, auxquels s’ajouteraient les centimes additionnels, le dixième des patentes portant à 1 300,00 francs. Le total produirait une somme de trente et un mille francs. « ce droit se payait avant la Révolution, pour ainsi dire sans s’en apercevoir, et sa perception se faisait à très peu de frais » [...] « Forcés de recourir à des taxes indirectes et locales, nous n’avons pas trouvé de projet plus sage ». Bien entendu, il est urgent et nécessaire que l’administration centrale du Finistère donne son accord à ce projet. (A.M.Q. 2 D 6)
 
La loi du 15 frimaire an VI divise les dépenses de la République en quatre classes : dépenses générales supportées par tous les Français, dépenses départementales, municipales de canton et communales.
Elle précise également les dépenses prises en charge par les communes : écoles primaires, gardes-champêtres, entretien du pavé. Des dépenses couvertes en partie par les centimes additionnels au principal de la contribution foncière et personnelle mobilière (principe du recours à la fiscalité directe par les communes) et en partie par le produit de la location des biens patrimoniaux, les revenus des bois communaux, le produit de la location des places dans les halles et marchés, rivières, ports et promenades publiques.
Désormais les recettes et les dépenses des communes sont définies, mais chacune d’elles est tenue d’envoyer à l’administration du département l’état de ses dépenses prévues pour y être examiné, arrêté, voire réduit.
Cette loi est complétée par celle du 11 frimaire an VII, qui énumère plus précisément les dépenses de la commune, pose le principe de l’autorisation par décret des impositions extraordinaires et les bases de la nouvelle législation des octrois, qui viennent d’être rétablis. Enfin la loi du 4 thermidor an X organise définitivement le mode d’établissement des budgets communaux.
 
Sous l’Empire, les finances municipales sont ponctionnées sur trois niveaux : les communes doivent désormais participer à l’entretien des casernes, de la garde nationale au traitement des préfets et aux dépenses du culte.
Des prélèvements sont opérés sur le produit de l’impôt municipal : 5 puis 10 %, en 1806, sur le produit net de l’octroi des villes de plus de 4 000 habitants pour le pain des troupes, puis suivent des prélèvements affectés au fonds de subvention des besoins du culte, au profit des invalides et au fonds commun affecté aux dépenses gouvernementales.
Enfin, la loi de finance du 13 mars 1813 affecte à l’Etat la propriété de tous les biens des communes, à l’exception des bois, des biens communaux proprement dits et du domaine public. En échange, la commune reçoit une rente calculée en proportion du revenu net qu’elle en aurait tiré.
 
La loi de 1837 accentuera la tutelle centrale et instaurera le principe de la division des dépenses communales en chapitres obligatoire et facultatif. Vingt et une dépenses obligatoires sont imposées à la commune, même si le conseil municipal refuse de les voter.


Cadre du nouvel octroi

L’octroi, taxe indirecte de consommation, rétabli au profit des communes, porte sur certaines denrées et certains objets. Progressivement rétabli dans les villes à partir de l’an VII, il devient obligatoire dans les villes qui n’ont pas de revenus suffisants pour financer les hospices civils dès l’an VIII
 
Avec le rétablissement des octrois, la fiscalité municipale retrouve le même visage que sous l’Ancien Régime puisqu’à nouveau l’impôt indirect prédomine dans les recettes.
 
La loi du 11 frimaire an VII prohibe la « taxation des denrées servant habituellement à la nourriture des hommes » (grains, farine, fruits, beurre, lait, légumes). Mais le changement d’habitudes alimentaires aidant, certaines denrées, devenues de consommation courante, sont cependant désormais taxés : la viande, le poisson, les boissons, les bois de chauffage.
 
A partir de 1816, les conseils municipaux décident entre quatre modes d’exploitation :
  • La régie directe : perception de l’octroi par des agents municipaux, pratiquée dans les grandes villes. Cependant, son coût ne cesse d’augmenter au cours du XIXe siècle, en même temps que s’accroît la charge salariale (10 à 20% du produit de l’octroi dans de nombreuses communes). Ce sera pourtant le mode d’exploitation choisi par Ergué-Gabéric.
  • La régie intéressée : le régisseur perçoit l’octroi moyennant un prix fixe et une part variable en fonction des frais de perception et des bénéfices réalisés.
  • Le bail à ferme : adjudication du produit de l’octroi moyennant un prix convenu. L’adjudication ne peut excéder trois ans et l’adjudicataire doit fournir un cautionnement.
  • L’abonnement avec la régie des contributions indirectes, laquelle perçoit l’octroi et en verse le montant dans la caisse municipale après déduction d’une remise proportionnelle et d’une somme fixe convenue par contrat et représentant les frais de perception. Ce mode de recouvrement se substitue peu à peu aux autres, en raison de l’économie que cela représente en frais de perception.d’Yves Le Gars, cabaretier rétif de Goëlet-Quéau, qui refuse de payer ses droits. Aussi, le 20 mars 1811, est–il décidé que soit mis brandon bas dans les 24 heures, s’il persiste dans son refus.
Ainsi Ergué-Gabéric arrive péniblement – financièrement parlant -, jusqu’à la date fatidique du 26 novembre 1837. Au cours de cette séance du conseil municipal, il faut bien constater que les recettes de la commune sont à peine suffisantes pour couvrir les dépenses ordinaires, lesquelles sont malgré tout nécessaires (réparations urgentes aux chemins, à l’église, au presbytère). Si la situation de délabrement décrite n’atteint pas les sommets de la relation des malheurs quimpérois en 1792, l’on n’en perçoit pas moins l’évident manque de ressources pour faire face aux dépenses. Aussi, en s’appuyant sur l’ordonnance royale du 9 décembre 1814, la loi du 11 frimaire an VII et celles des 24 avril 1806 et 28 avril 1816, le conseil demande-t-il, à l’unanimité, au Ministre de l’Intérieur, par l’intermédiaire du préfet, l’établissement de droits d’octrois dans la commune, sur les vins, eau de vie et liqueurs qui seront introduites dans la commune. Les droits fixés sont de 5 francs par hl. de vin et 10 francs par hl. d’eau de vie et liqueurs. Le mode de perception sera la régie principale, c’est-à-dire l’administration immédiate du maire.
 
L’introduction de l’octroi, dans la commune, révèle un souci économique certain. En effet, la délibération du 20 octobre 1839 est on ne peut plus claire à ce sujet : sans octroi, pas d’école primaire, non plus que de logement pour l’instituteur. Or, ce même local aurait pu servir avantageusement pour les réunions du conseil et la conservation des archives. Mais voilà que se dessine en outre un fort souci moral et sanitaire. Le conseil prend acte qu’il est impossible de recourir aux souscriptions volontaires une nouvelle fois. Le budget est insuffisant à couvrir les simples frais de la mairie. Pis que tout, il faut renoncer à tout espoir de créer les recours fondés jusqu’alors sur le droit d’octroi de la commune. Aussi ne peut-on que déplorer « avec tous les gens de bien, amis de l’ordre et de leur pays, qu’un rejet irrévocable et non motivé ait accueilli la demande qui avait été formée de l’établissement d’un octroi. Mesure d’autant plus nécessaire qu’en subvenant à une petite partie des besoins de la commune, elle pouvait faire diminuer le nombre de débits de boissons pernicieuses qui viennent s’établir chaque jour à la porte de chaque habitation de cultivateurs, pour porter des habitudes d’oisiveté, de désordre et d’immoralité. Et par suite, la misère et la dégradation physique et morale de la population ». Il est des discours qui se répètent inlassablement et laissent songeur-euse.
 
Toujours est-il que cela ressemble fort à une période durant laquelle la commune, aux abois, ne bénéficie plus d’octroi. Il n’y a rien d’étonnant, de ce fait, à ce que la situation financière de la commune ne s’améliore pas sensiblement. En 1847, la commune, déjà grevée d’impôts, ne peut plus créer d’autre imposition extraordinaire et demande au préfet l’autorisation de puiser dans ses réserves. Toutes les économies possibles sont réalisées, malgré l’obligation faite de procéder à un certain nombre de dépenses. En 1856 encore, la commune préfère continuer à payer une taxe pour l’instruction primaire plutôt que de construire une maison d’école, encore jugée inutile. Les centimes additionnels n’en finissent plus de s’additionner et la caisse de la commune est vide. Ce en quoi, soyons équitable, Ergué-Gabéric n’est pas une exception. En effet, le principal des quatre contributions directes, sur lequel portent les centimes communaux (foncier, portes et fenêtres, personnel-mobilier et patentes), demeure stationnaire dans les communes rurales et ce, quels que soient les progrès des cultures. Comme généralement – exception faite des différences provenant de la valeur du sol – il est en proportion du nombre d’hectares, son revenu dépend de l’étendue de la commune. Aussi ce système pénalise-t-il encore plus fortement les communes rurales de faible étendue. En revanche, les communes urbaines s’enrichissent.
 
Le 3 août 1856, le conseil se fait l’écho de l’urgence, pour la commune, de se créer des ressources extraordinaires, pour pourvoir aux réparations des chemins, à l’entretien du presbytère, à la construction du mur du cimetière, à l’entretien d’un cantonnier. La masse salariale commence à peser plus lourdement sur le budget. La création d’un octroi sur les boissons « enivrantes » est demandée à l’unanimité. Cet octroi pèsera sur le vin, le cidre, le poiré, l’hydromel, l’eau-de-vie, les liqueurs, importés dans la commune. Les aubergistes seront soumis aux mêmes droits pour les boissons fabriquées sur la commune. Enfin, la quotité des droits est fixée à 1,20 francs par hl. de vin, 50 centimes par hl. de cidre, de poiré, d’hydromel et 4 francs par hl. d’alcool et de liqueurs. Un an plus tard, le 14 juin 1857, le conseil fixe le taux de remise pour la perception de l’octroi à 10%.
 
Par la suite, le conseil, si fermement déterminé, en 1806, à en cesser la perception très rapidement, va demander régulièrement, tous les cinq ans, une prorogation de l’octroi. Ce qui ressemble à un abonnement. C’est le cas le 25 février 1866, le 19 mars 1876. Le budget étant tout aussi régulièrement déficitaire, le maire rappelle, le 14 mai 1882, que l’octroi prenant fin au 31 décembre de la même année, il serait urgent que le préfet prenne les mesures nécessaires pour qu’aucune interruption ne se produise dans la perception de ces taxes. La commune est dénuée de ressource, criblée de dettes, incapable de faire face aux dépenses. Si elle était privée de son octroi, l’on n’ose imaginer le gouffre dans lequel elle sombrerait. Aussi, le conseil « prie-t-il incessamment le gouvernement de vouloir bien proroger le tarif et le règlement de l’octroi ».
 
Mais le conseil municipal peut parfois se montrer un peu lent, malgré les impératifs. C’est ainsi que le 20 février 1887 le maire rappelle que l’autorisation de percevoir l’octroi dans la commune est expirée depuis le 31 décembre de l’année précédente. Le conseil délibère et, après avoir constaté que, comme à l’accoutumé, la commune est grevée de dettes et incapable de faire face à ses dépenses sans l’apport de l’octroi, en demande la prorogation pour cinq années. Cette prorogation sera ainsi demandée de cinq en cinq ans. En 1893, on se demande même si l’on ne va pas taxer le maërl importé de La Forêt. L’impopularité pressentie de la mesure, fait reculer le conseil.
 
En 1894, les frais de perception de l’octroi se montent à 10% des recettes ainsi rapportées. A partir de cette date, il semble que l’intérêt de cette taxe décroisse peu à peu. A l’occasion du 24 mai 1899 le conseil, vu la lettre préfectorale du 1er mars 1899 adopte le tarif maximum de la loi du 29 décembre 1897, réduisant les droits d’octroi sur les vins et cidres, et vote une taxe supplémentaire sur les alcools « forts » pour combler le déficit provenant des nouvelles dispositions de la loi. Un an plus tard, le 18 novembre, le conseil vote la suppression de l’octroi sur les « boissons hygiéniques » tels que cidres, vins, bières, et vote un droit de 6 à 9 francs par hl. sur les alcools. Cette mesure est applicable du 1er janvier 1900 au 31 décembre 1905 et, dans les faits, sera reconduite, avec une hausse régulière du prélèvement sur les alcools, jusqu’au 31 décembre 1921, date à partir de laquelle l’octroi disparaît du sol communal. Sans doute faudrait-il affiner cette affirmation, malheureusement nous manquons totalement de sources précises pour la période.
 
Au fil des ans, il aura été remplacé par de nouvelles créations, comme la taxe sur les chasses gardées, qui rapporte 2 francs à l’hectare et est instituée à compter du 1er janvier 1928. A partir du 1er janvier 1930, s’y ajoute une taxe sur les chiens : 5 francs par chien de garde, 10 francs par chien de chasse et 20 francs par chien d’agrément. Enfin, des demandes réitérées de multiplication des foires et marchés, sur lesquels on perçoit, là encore, des droits, sont autant de tentatives visant à compléter le dispositif.
 
Encore faut-il inscrire l’exemple d’Ergué-Gabéric dans le mouvement général qui se dessine en France et préciser que, depuis quelques années déjà, des critiques s’élevaient, à l’échelon national, tant de la part des économistes, que des socialistes, qui lui reprochent d’être économiquement inefficace et socialement injuste (J.-P. Brunet. Un demi siècle d’action municipale à Saint-Denis la Rouge, 1890-1939 ; Paris, 1981). Or, une suppression brutale aurait privé les communes d’une trop grande part de leurs recettes, ainsi que nous avons pu le voir plus haut. La loi du 29 décembre 1897 permit aux communes, sur simple autorisation préfectorale, de remplacer l’octroi, notamment sur les « boissons hygiéniques », par une élévation du droit d’octroi sur l’alcool, par des taxes municipales en addition des taxes d’Etat (sur les chevaux, voitures, billards, cercles, chiens....), par des licences municipales à la charge des débitants de boissons, 20 centimes additionnels de remplacement. En outre, les communes purent désormais percevoir une taxe sur la propriété foncière et sur les loyers, principalement.
 
Les résultats de cette loi demeurant limités il faudra cependant attendre la fin de la deuxième guerre mondiale pour voir la disparition définitive des octrois en France, même si ils sont supprimé dès novembre 1914 à Quimper et sept ans plus tard environ, à Ergué-Gabéric.
Nathalie CALVEZ

Sources :  
- Registres de délibération d’Ergué-Gabéric
- Exposition « Finances communales, finances publiques, de Philippe Le Bel à nos Jours » Volet local Quimper « de Jehan II à 1960 ». Le Grand XIXe siècle – Chapitre sur l’étude budgétaire assuré par Daniel Collet. Commissaire d’Exposition : Nathalie Calvez.
 
 
 

Trésors d'archives > Personnage > Marjan Mao, chanteuse traditionnelle

Marjan Mao, chanteuse traditionnelle

Une chanteuse populaire dans la plus pure tradition
 
Marjan MaoCeux qui ont eu le privilège de fréquenter assidument les grandes foires et marchés agricoles d'antan connais­sent bien le personnage du chanteur populaire, juché sur une caisse ou sur un piédestal, chantant et vendant des chansons sur feuilles volantes. Ces feuilles imprimées ont permis une large diffusion des thèmes des chanson niers, à travers les campagnes.
C'est par ce biais que Marjan Mao de Stang Odet a pu apprendre des dizaines de chansons qui composent aujourd'hui son répertoire tant apprécié des personnes du troisième âge. Comment a-t-elle appris ces chants ? Quels thèmes évoquent-ils ? De quand datent-ils ? Voici les questions auxquelles nous essayons de répondre, et l'étude plus approfondie d'une chanson nous permettra en plus de dégager l'intérêt historique, linguistique et ethnologique de notre culture orale.
 
Auguste Dupouy le poête bigouden nous a laissé une évocation fort pittoresque de nos chanteurs populai res du siècle dernier :
 
Aux pardons de chez nous, ceux des champs, ceux de la mer
Les chanteurs qui s'en vont de Tréguier à Quimper
Sortant de leur bissac ou la guerz ou la sône
Avec leur fort accent, leur glote monotone
Scandaient devant le même auditoire ingénu
Des récits d'un parler que tu n'as pas connu
Et, j'écoutais leur voix rudement cadencées
Dérouler en mes bourgs, de moindres odyssées.”

Marjan Mao et Bernez RouzL'aspect monotone relevé par l'écrivain ne pouvait que frapper ce non-bretonnant qu'était Dupouy. La Gwerz bretonne a en effet un caractère répétitif et scandé qui fait penser à un tarare en action et a tôt fait de lasser nos auditoires modernes. C'est que le ton n'a que peu d'importance dans ce genre de chant, qui tient autant du récit que de l'art musical. Seules les paroles et le thème déployé au long d'une centaine de couplets peuvent accrocher l’attention de l'auditeur et c’est elles qui renferment le véritable trésor de notre patrimoine chanté.

Celui-ci a-t-il disparu à Ergué-Gabéric ?
C'est ce que l'on peut penser car rares sont les personnes qui ont connaissance de l'existence d'une tradition qui se perpétue grâce à Marjan Mao et récemment encore à Jos Ar Saoz. Celui-ci après avoir passé toute sa vie adulte au Maroc prit sa retraite au pays, retraite active puisqu'il composa plusieurs chants racontant sa vie de colon et sa vie de retraité. Autre sujet d'étonnement ce nonagé naire alerte me chanta en 1976 l'histoire du Meunier : "Ar Meilher" apprise par lui en 1898 quand il était paotr -saout (vacher) à Briec. Il n'avait oublié aucun des 36 couplets après plus de cinquante ans passés en Afrique !

Le répertoire de Marjan Mao est bien plus étoffé cependant car elle n'a jamais arrêté de chanter ses chansons. Née en 1902 elle a appris pratiquement tous ses chants avant la grande guerre :

"Me ‘m eus bet desket kanañ brezhoneg dam ber me moa ur voereb ha honnezh gane ken-kenañ ha neuze ma mamm. Ar re se veze atav o kanañ. Ar re se zo chañsoniou desket gant ma mamm gozh matrese, Ar re se zo chañsoniou ne oar den pegen kozh int. ‘M eus desket ‘nei ‘benn e oan merc'hig, mod se o kanañ, raed ken kanañ atao. Kanañ ha lar ar pater ingal. Ha feiz pater voe laret paotr paour... ha goude-se me zeske na founnus a-walc'h ha goude-se ar re se a blij din, ar re se vez o ranouelliñ barzh ma fenn dibaoe, setu me zalc'h soñj ar re se... Med an dra-se vez ket laret ur son d’eus an dra-se vez ket laret un chañson d’eus na, ur werz vez laret d’eus na gwechall."

J'ai appris à chanter en breton parce que j'avais une tante qui chantait beaucoup et aussi ma mère. Elles étaient toujours en train de chanter. C'était des chansons apprises par ma grand mère peut-être, c'était des chansons qu'il est impossible à personne de donner leur ancienneté. Je les ai apprises quand j'était petite fille, comme cela en chantant, on ne faisait que chanter toujours. Chanter et dire le Pater tout le temps... Ha ! On en disait des Paters mon gars... Et sans doute que j'apprenais assez rapidement et çà me plaisait, depuis ces chansons tournent dans ma tête c'est pourquoi je les retiens... Mais on ne dit pas chanson de celle là, une gwerz (complainte) disait-on autrefois."

 

Ces gwerz dont parle Marjan était un des genres les plus populaires au siècle dernier. Il s'agissait de complaintes racontant des évènements tragiques : "Gwerz an Titanic" par exemple évoquait le naufrage du célèbre paquebot. Dans une société rurale que l'école n'avait pas encore culturellement transformée, ces chants servaient de journal parlé et diffusaient les grandes nouvelles de l'époque. Le plus souvent cependant la chanson prenait pour thème un crime abominable, capable d'émouvoir les foules car le chansonnier vivait de la vente de ses feuilles il fallait donc qu'il attire le client par des sujets à sensation. La chanson du Meunier déjà citée commence par une formule à "tirer son mouchoir".

“Ken trist eo va flanedenn, aet on skuizh o ouelañ
 E kreiz va brasañ anken en em lakan da ganañ"
 Ma destinée est si triste, je suis fatigué de pleurer
 Au milieu de mon grand désespoir je me mets à chanter”

L'essentiel est de capter l'attention par les pleurs ou par le rire. Car si Marjan chante la complainte à l'occasion, ses chansons sont plutôt gaies : "Ar Pilhaouer", "Barzh en tu all da Bariz", "Son ar mezvier mechant", "La Barbière" etc. Toutes ces chansons ont un intérêt certain et l'exemple d'Ar gemenerez (la couturier) est édifiant à ce sujet.

 

Ar Gemenerez

Selaouit hag ho klevfot, ho klevfot kanañ
Ar chanson nevez savet, kompozet ar bloaz-mañ
‘Zo savet d'ar gemenerez he anv Maivon
He neus Tailhet rochedoù d'an Aotrou ar Baron.
 
Rochedoù lien fin, rochedoù lien tanv
A zo brodet war an daouarn, gwriet gant neud arc'hant
‘Benn oan achuet gante e oant laket en ur pakad kloz
Neuze e yae Marivonig d'o c'has d'ar ger d'an noz.
 
Debonjour deoc'h paotr lakez ha c'hwi palafrinker
Ha c'hwi a lavarfe din-me, h'ar baron zo e ker ?
Ar baron diouzh e wele ‘ glevas buan an trouz
Hag a c'houlas piou zo aze war ar parviz ?
 
Piou zo aze war a parviz d'an eur mañ deuz an noz ?
N'eus nemet Marivonig ho ponamiez koant
A zo deut da z’as rochedou deoc'h, c'hwi baron yaouank
Digor an nor paotr lakez ha digorit nei frank !
 
Vit ma gallo Marivonig dont d'am gwelet d'am c'hambr
Pa edo Marivonig ‘ vont d'an diriou d'an nec'h
Ar baron lampon sache dei war he brec'h
Didostit Marivonig vit aour na vit arc'hant
 
Deus da aozan din va gwele depech ma teus c'hoant
Me ne ran ket kant mil foutre gant aour nag an arc'hant
Me a gousko un nosvezh gant ur baron yaouank.

 

La Couturière

Écoutez et vous entendrez chanter
La chanson nouvellement composée cette année
Sur une couturière nommée Marivonne
Qui a taillé des chemises à monsieur le Baron
Des chemises de drap fin
Qui sont brodées sur les mains
et cousues de fils d'argent
Quand je les ais terminées je les mis dans un paquet clos
Alors Marivonig partit les emmener la nuit
Bonjour à vous laquais et à vous palefrenier
Me diriez-vous si le baron est à la maison ?
Le Baron de son lit entendit vite le bruit
Et demanda qui est là sur le parvis?
Qui est là sur le parvis à cette heure-ci de la nuit ?
C'est seulement Marivonig votre jolie bonne amie
Qui est venue vous apporter vos chemises à vous jeune Baron
Ouvre la porte pour que Marivonig puisse entrer dans ma chambre
Quand Marivonig montait les marches, le Baron coquin lui tirait sur le bras
Approchez Marivonig pour de l'or ou pour de l'argent
Vient faire mon lit dépêche-toi si tu veux
Moi çà m'est égal d'avoir de l'or ou de l'argent
Car je dormirai une nuit avec un jeune baron.

 

Soulignons d'abord l'archaïsme de la chanson qui nous offre le tableau d'un noble avant la révolution française avec ses chemises brodées d'argent et son train de vie imposant : valet et palefrenier. Cette chanson a dû être écrite au 18erne siècle. La langue employée est riche et d'une syntaxe excellente. Il était de bon ton de glisser quelques mots français dans les chansons bretonnes pour afficher sa "culture" : Kompozet, debonjour, parviz, bonamiez, depech... Ils sont peu nombreux et n'altèrent aucunement la qualité du texte.

Le thème en est relativement classique le noble qui profite de son rang de privilégié pour séduire les servantes ou ouvrières. Mais la façon dont il est traité est peu commun et nous renseigne sur les rapports sociaux dans cette période de décadence de l'ancien régime ainsi que sur la personnalité de l'auteur. Car, ici c'est la couturière qui attire la désapprobation des auditeurs : elle va chez le baron le soir, n'oppose aucune résistance et refuse mème l'argent qu'on lui propose. Quant au baron il est qualifié gentillement de "lampon" et nous apparaît sympathique. Le plus curieux est, qu'aucune morale n'accompagne la chanson hors il ne peut être question de mariage entre la couturière et le noble dans une société où le rang social a tant d'importance. Doit-on y voir une version non édulcorée de la Bergère et du prince charmant, thème fréquent dans nos contes populaires et traduisant le rêve des gens du peuple d'échapper à leur condition sociale par le mariage. Ceci pourrait ètre plausible dans le cas où la chanson serait vraiment issue du peuple.

Les auteurs de chansons populaires savaient écrire ce qui dénotait dans l'ancienne société un certain rang social propriétaire terrien, artisan, prètre, étudiant où... noble. La fin du XVIIIe siècle et le XIXe siècle est une période d'engouement de la noblesse pour la langue bretonne. Un des grands plaisirs de ces nobles oisifs était de composer, de recueillir ou d'arranger des chansons bretonnes voire des petits poèmes. Le plus célèbre d'entre eux restant le Vicomte Hersart de la Villemarqué auteur du célèbre "Barzaz Breiz ", recueil de chants traditionnels publiés en 1839. L'Auteur de cette chanson était-il noble ? Ce n'est pas impossible.

Marjan dit avoir appris cette chanson de part sa mère ou sa tante qui l'avait probablement apprise de la bouche d'un autre chanteur. La plus ancienne version de cette chanson a été recueillie en 1888 près de Lannion et montre bien le voyage dans le temps et dans l'espace que peut effectuer une telle oeuvre et surtout son succès.

Aujourd'hui la chanson populaire bretonne, expres sion d'une société orale florissante jusqu'en 1914 est en voie de disparition avec les derniers témoins de cette civilisation. Les campagnes de collectage effectuées par le groupe “Daspugnerien Bro C'hlazig” ont permis de recueillir Près de trios cents airs et chants auprès de personnes de plus de 80 ans. Ces chansons avaient une place précise dans cette société orale, celle du journal informer, émouvoir, distraire et influencer les choix moraux et politiques des gens. Il est logique que ces chansons disparaissent avec les derniers représentants de la société rurale dominante, elles ne correspondent plus aux besoins d'aujourd'hui, les créateurs contempo rains même s'ils s'inspirent d'elles ont complètement renouvelé les thèmes et le style. L'important est que des chansonniers continuent à créer dans cette lignée brillamment illustrée par Marjan Mao.

Bernez Rouz - Bulletin municipal d'Ergué-Gabéric, mars 1982

Les textes de chanson de Marjan Mao sont disponibles sur la page qui lui est consacrée en breton.

 
 
 
 

Trésors d'archives > Guerres > Récit de résistance au bourg

Récit de résistance au bourg

 
Bernard Le Bihan est né à Lorient d’une mère du Cap et d’un père gabéricois. En 1944, la famille quitte son domicile quimpérois et vient se réfugier au bourg d’Ergué. Le jeune Bernard Le Bihan a donc été amené à vivre à Ergué-Gabéric cette période où la Résistance à l’occupant s’organisait. Il a connu ces jeunes gens qui formaient le « groupe de Résistance du bourg » et il nous expose ici le témoignage d’une journée où il se vit confier un mystérieux colis dans le bourg en état d’alerte...
 

La boîte en fer blanc

« Août 1944… Dans le bourg d’Ergué-Gabéric, un groupe de maquisards bavarde devant l’école des filles. Admiratifs et curieux quelques gamins les observent… Soudain, venant de la rue du presbytère, semblant apeuré et essoufflé, un gamin plus grand que les autres crie : « les boches, les boches… ils arrivent !!! » et il indique la direction du cimetière…
 
François Balès, pas du tout impressionné déclare : « Je rentre de patrouille de nuit et je vais me coucher, s’il y a du grabuge, venez me chercher !!! ».Un responsable donne des ordres et tout le monde s’éparpille dans toutes les directions…Un petit garçon blond se dirige vers la maison qu’il occupe avec ses parents, en face de la « ferme des F… », à l’angle de la rue qui mène à l’école des sœurs. Il croise en chemin un couple qu’il connaît comme étant des réfugiés de Brest, et dont l’homme doit exercer la profession de dentiste ou de prothésiste dentaire. La femme lui confie alors une grande boîte en fer blanc, une de ces boîtes qui a contenu à l’origine des gâteaux, en lui recommandant d’y faire très attention, de bien la cacher, et de la lui rapporter quand les allemands seront partis…Un car manœuvre sur la route de Kerdévot. Sur le toit un résistant est armé d’un fusil mitrailleur…Quelques secondes plus tard, la boîte en fer blanc sous le bras, il pénètre dans le jardin qui embaume la pèche mûre. Il appelle l’autre locataire, Marie-Louise C. mais elle n’est pas là. La maison est donc vide car ses parents sont également absents. Une idée bien précise en tête il traverse rapidement la parcelle de choux à vaches qui s’étend devant la maison et accède au fond du jardin. Celui-ci surplombe d’environ 2 m la fin d’une ruelle qui débouche sur le chemin qui, passant derrière le presbytère rejoint la route d’Elliant. Entre le fond du jardin et la ruelle, il y a une échelle de meunier et c’est sur cette échelle qu’il a décidé de se cacher. 
La boîte en fer blanc sur le sol, le nez dans l’herbe et au travers des choux, il peut ainsi, pratiquement invisible de la maison, observer et à la moindre alerte s’enfuir par la ruelle. La boîte en fer blanc l’intrigue : que peut-elle contenir ? Le couvercle en est maintenu par une ficelle nouée à l’aide d’une « cosette ».
 
Brutalement trois rafales d’arme automatique déchirent le silence, elles proviennent de l’endroit où le car s’est placé pour prendre la rue en enfilade. Un silence s’installe comme si le bourg retenait sa respiration…
 
L’enfant a peur, très peur et des sanglots silencieux secouent ses épaules, il connaît la brutalité et la sauvagerie des occupants…
Un bourdon vaque à ses occupations…
 
Plus aucun bruit ne venant rompre le silence, se sentant abandonné de tous et après un temps qui lui paraît long, il se décide avec mille précautions à rejoindre la maison. Celle-ci est toujours vide de ses occupants… Dans la demi-pénombre de la salle principales, il pose la boîte en fer blanc sur la table. Il fait glisser la ficelle sur la boîte de manière à pouvoir enlever le couvercle sans défaire le nœud. Un peu honteux de succomber à la curiosité, qui comme chacun le sait est un vilain défaut, il ôte le couvercle et la boîte en fer blanc dévoile son secret : elle est pleine à ras bord de billets de banque !!!
 
Le coeur gonflé d’orgueil de se sentir responsable d’un tel « trésor », le petit garçon s’empresse de remettre tout en ordre.
 
Un moment plus tard après avoir remis aux propriétaires légitimes la boîte en fer blanc et son précieux contenu, il est à nouveau parmi les maquisards. Ceux-ci commentent l’événement : « Heureusement que ce n’était qu’une fausse alerte, dit l’un d’entre eux. Qu’est-ce que j’aurais fait avec ça ? ». Et il exhibe un poignard de scout. Un autre dit : « Et moi avec ça ? », en montrant un pistolet de petit calibre, tout juste bon  à effrayer les chiens.
 
Une patrouille qui cherchait le contact avec les Allemands revient en poussant devant eux l’auteur de la fausse alerte. Immédiatement conduit devant le chef, celui-ci lui assène une gifle formidable et lui dit : « Si tu avais été un homme nous t’aurions fusillé… ». Cette histoire est authentique.
Cinquante six ans plus tard, si je n’ai toujours pas compris comment des adultes ont pu confier à un enfant de huit ans leur bien le plus précieux, je revendique l’honneur d’avoir été ce jour-là, le plus jeune convoyeur de fonds de France !!! »
 
Bernard Le Bihan.

Keleier Arkae n° 6 - Octobre 2000
 
 
 

Trésors d'archives > Pat. religieux > Restauration de la chapelle Saint-Guénolé

Restauration de la chapelle Saint-Guénolé

 

La première restauration

Une première restauration avait eu lieu en 1974. La chapelle se dégradait, son accès devenait même dangereux, le pardon était tombé en désuétude. Il avait même été question de délocaliser Saint-Guénolé et de la reconstruire pierre par pierre à Lestonan. Projet auquel les riverains se sont opposés.
En 1971, le Conseil Municipal autorise le Maire Jean-Marie Puech à procéder à une remise en état. La chapelle n’est pas classée. Le Maire est donc le maître d’œuvre de cette première restauration (financement : Commune et Conseil Général).
La particularité de celle-ci est d’avoir été l’oeuvre d’artisans de la commune :  toiture, maçonnerie (le contrefort Nord-Est est démonté puis remonté), une partie de la charpente lambrissée. Mais peut-être l’esprit des bâtisseurs d’antan, sommeillant dans la chapelle fut-il réveillé sous le coup de cette activité car peinture du lambris, sculpture des voussures, autel et table d’autel, réalisées par des gabéricois, révèlent de véritables talents locaux. Archives Arkae Pat religieux > Sabliere de saint-GuénoléLes remarquables sablières retrouvèrent leurs couleurs sous le pinceau de l’Abbé Dilasser, membre de la Commission d’Art sacré. Les ressources d’alors n’ont pas permis de s’atteler à la réfection du clocher.
Photo : Célèbres sablières repeintes par l'Abbé Dilasser en 1974.
 

Les Amis de Saint-Guénolé

La récente restauration doit beaucoup au comité des Amis de Saint-Guénolé. Elle constitue  même, avec l’animation du quartier Saint-Guénolé, l’une des raisons qui ont prévalu à la création de  l’association le 28 mai 1991 autour de  Joëlle et Gérard Jezequel.

Depuis 1991, Les Amis de Saint-Guénolé organisent différentes animations autour de Saint-Guénolé : kermesse d’abord puis expositions, des sorties avec les habitants du quartier. Tous les fonds récoltés par le biais de ces animations vont au bénéfice de la chapelle. L’entretien et la mise en valeur de Saint-Guénolé passent aussi par leurs soins : nettoyage interne de la chapelle (environ tous les deux ans), refonte de la cloche, signalétique, plantations, décoration le jour du pardon, cartels à venir pour chaque statue de saint…
 

En 1998, il entre dans sa phase active toujours suivi par Les Amis de Saint-Guénolé en liaison avec la municipalité et d’autres amis du patrimoine : les membres d’Arkae.
D’après une première estimation, les travaux vont concerner : la flèche à remonter en pierres du pays, la pose d’une croix et d’un paratonnerre, la consolidation et le rejointement des façades, la réfection des contreforts Nord et Sud, la restauration et la protection des vitraux.
 
Photo : Fin 1995, les Amis de Saint-Guénolé contactent un premier architecte pour dresser les plans du nouveau clocher. Ils présentent peu après en Mairie un dossier fin prêt. La municipalité se montre favorable au projet.
 
  • Breiz santel

La Mairie d’Ergué-Gabéric a contacté Breiz Santel. Breiz Santel est  une association pour la protection des monuments religieux bretons. Elle existe depuis 1952 et répond aux demandes des Mairies, des associations, des particuliers, désirant faire restaurer ou étudier  tout élément du patrimoine religieux, de l’humble croix de chemin aux chapelles et églises.
Elle fait vivre ce patrimoine et informe sur les différents chantiers de restauration en Bretagne par le biais de sa revue du même nom, Breiz Santel.
La cheville ouvrière de Breiz Santel se nomme Léo Goas-Straaijer, diplômé en études supérieures d’architecture. Depuis l’arrivée de Léo à Breiz Santel il y a 8 ans, l’association peut se prévaloir d’une quinzaine de chantiers à son actif.
 

Léo Goas-Straaijer : l’architecte et maître d’œuvre de la restauration.

Léo Goas-Straaijer a donc défini et supervisé les travaux à Saint-Guénolé, recruté les sculpteurs-tailleurs de pierres, contacté les diverses entreprises intervenues sur le chantier.
Son rôle éminent a été de retrouver la silhouette probable de l’ancien clocher. Il n’existait aucune reproduction de celui-ci. Nous savons seulement qu’au début de ce siècle encore il était assez haut pour servir de repère aux chasseurs de la région. Et qu’un architecte allemand, Pierre Marquardt, avait remarqué une chapelle identique à Garnilis (Briec). Elle aura pu servir de modèle de référence
L’architecte a alors sondé Saint-Guénolé et ses alentours afin de  faire parler  chaque pièce d’origine sur laquelle il a pu tomber: pierres concassées de l’ancien clocher retrouvées dans la maçonnerie de la base du clocher, pinacles- pièces d’ornementation du sommet-  découverts en fouillant le talus situé à proximité de la chapelle. Grâce à ceux-ci, Léo Goas-Straaijer bénéficiait d’un indice sur la hauteur du clocher. Connaissant l’angle traditionnel utilisé par les bâtisseurs du XVIe siècle. entre une flèche de clocher et sa base, Léo Goas-Straaijer a déduit les dimensions du clocher. Pour son allure, il s’est inspiré de clochers datant de la même période sur la région.
Les plans du nouveau clocher ont donc été dressés par ses soins.
D’autres vestiges, tel un chou retrouvé dans la maçonnerie de la base du clocher lorsqu’elle a été démontée,  lui ont permis de dire que Saint-Guénolé allait connaître au moins sa troisième flèche.
 
Léo Goas Straaijer
Durant les travaux, l’état du contrefort Nord surtout s’est révélé alarmant: 2 pierres de fondation avaient glissé de 10 cm. Le contrefort perdait son appui et fragilisait l’arc diaphragme. Le contrefort a dû être entièrement démonté et remonté et l’arc du bas-côté nord soutenu par des étais le temps de l’opération.
Des actes de vandalisme survenus en avril l’ont conduit à recommander une protection de la statuaire. Autre problème à signaler dans le déroulement du chantier: les oiseaux venus nicher précisément dans les failles des façades qu’il s’agissait de reboucher! Léo Goas-Straaijer  a expressément tenu à ce qu’ils ne soient pas dérangés. Les joints ont été achevés après leur départ.
Avant, pendant et après Saint-Guénolé, l’architecte cumule les chantiers. Vous le retrouverez dans différentes contrées bretonnes (actuellement Audierne, Hanvec, Lannion, Fréhel...) au chevet de notre patrimoine religieux.
 
Photo : architecte, Léo Goas-Straaijer n’en est pas moins tailleur de pierres : on lui doit la taille du larmier de Saint-Guénolé.
  • Visite du Père Castel


A l’invitation de Bernez Rouz, le Père Castel, spécialiste des croix et calvaires, est venu mardi dernier se pencher sur le haut de calvaire extirpé du talus à proximité de la chapelle Saint-Guénolé. Il est visible à présent à l’intérieur de la chapelle. Ce vestige présente le crucifié géminé à un Christ aux liens. Le traitement de ce dernier, aura retenu l’attention du Père Castel : en effet, la corde liant les poignets du Christ forme un motif très particulier, semblant  vouloir se rapprocher d’un motif  végétal  ou ornemental.
Il daterait du XVe siècle. Nous sommes donc là à une époque un peu antérieure à la construction de la chapelle : pour le Père Castel comme pour l’architecte il ne fait aucun doute que celle-ci remonte au XVIe siècle.
 
Archives Arkae Pat religieux > haut de calvaireMais le Père Castel ne s’en est pas tenu qu’à l’analyse de ce reste de calvaire. Sa visite dans une chapelle qui n’a pas encore fait l’objet d’une étude complète, fut l’occasion de nouvelles observations et de remises en question  : évocation des particularités du plan, (la baie du milieu en façade sud n’est pas centrée par rapport à la travée à l’intérieur), peut-être existence de fonds baptismaux… Enthousiasmé par ses découvertes, le Père Castel était de nouveau sur le terrain le lendemain..
Nul doute que plusieurs interrogations et probablement l’identité du saint énigmatique jusque-là baptisé Saint-Alar trouveront un éclaircissement à la suite de ses investigations.
 
Photo : Haut du calvaire dans un talus proche de la chapelle.
Gaelle Martin - Keleier arkae n° 4 juillet 2000
 
 

Trésors d'archives > Dossiers > L'orgue Dallam de Saint-Guinal

L'orgue Dallam de Saint-Guinal

 

Historique

On ne possède guère d'archives sur l'orgue d'Ergué-Gabéric, aussi devons-nous nous baser sur l'examen de l'instrument lui-même pour en reconstituer l'historique. Une date apparaît sur le buffet : 1680, et la comparaison avec les orgues de Ploujean, Saint-Melaine de Morlaix, Guimiliau, Sizun et Rumengol nous permet d'attribuer la paternité de cet orgue à Thomas Dallam, sieur de La Tour.
 
 
Arkae > Trésors d'archives > Orgue de Dallam
Ce facteur, d'origine anglaise, est né vers 1630, dans une famille catholique originaire du Lancashire. Son père, Robert Dallam, était déjà célèbre en Angleterre, mais il dut s'exiler au moment de la Révolution puritaine qui interdit l'usage de l'orgue dans les églises et se réfugia à Quimper en 1642.

Il fut chargé de construire le grand orgue de la cathédrale, et la famille Dallam garda longtemps des attaches avec Quimper. En 1660, à la restauration de la monarchie anglaise, Robert Dallam rentra dans son pays, mais son fils Thomas resta dans le Finistère où il s'établit et travailla sans relâche jusqu'à sa mort à Guimiliau en 1705. On lui doit les orgues déjà citées ainsi que d'autres disparues depuis.

L'orgue de Ploujean, près de Morlaix, fut commandé en 1677 et terminé en 1680 ; il est donc contemporain de celui d'Ergué, avec lequel il présente de nombreuses analogies : les deux orgues ne possèdenr qu'un seul clavier à l'arrière du buffet, et tous deux se trouvent placés en bord de tribune, tels des positifs.
 

Restaurations

Ce qui fait l'intérêt de l'orgue d'Ergué-Gabéric, c'est qu'il fut très peu retouché au cours des siècles. Quelques réparations eurent lieu en 1845, consécutives à des dommages causés par la chute du clocher en 1836. Ces modestes travaux, réalisés par un artisan originaire du Morbihan, François Bardouil, permirent à l'instrument de poursuivre sa carrière jusqu'en 1902, lorsque les Wolf, facteurs d'origine suisse établis à Quimper, effectuèrent une intervention pour 1.200 F.

Quelques années plus tard cependant, il semble que l'orgue soit devenu muet, et ce triste état devait durer jusqu'en 1980. L'instrument tricentenaire, classé Monument Historique, fut alors restauré par Jean Renaud sous la direction de Jean-Albert Villard. L'objectif était de revenir autant que possible à l'état de 1680. Les travaux portèrent sur la remise en état de la tuyauterie, de la soufflerie, du sommier, de la mécanique des claviers et des registres, ainsi que sur le buffet et la tribune.
 
On le voit, l'histoire de ce petit instrument comporte encore des zones d'ombre, et mériterait d'être mieux connue, ainsi que les circonstances de sa construction. Tel qu'il est cependant, il représente surtout depuis 1990, un excellent exemple de la facture de Thomas Dallam et permet de retrouver des sonorités oubliés depuis bien longtemps.

 

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Partie sonore et buffet

Composition actuelle (conforme à la composition d'origine, 1680) :

  • Clavier de 48 notes, Ut à Ut sans premier Ut#
  • Bourdon 8
  • Montre 4
  • Flûte 4 à cheminée
  • Nasard 2 2/3
  • Doublette 3
  • Tierce 1 3/5
  • Fourniture III
  • Cymbale II
  • Cornet V (de Ut 3)
  • Trompette 8 (en basses et dessus, coupure entre Ré# et Mi)
  • Voie humaine 8 (idem)


Le tempérament est inégal, proche de celui préconisé par Schlick, mais légèrement moins affirmé. La composition du plein-jeu est conforme à celle de l'orgue français classique, par exemple à celle de Dom Bédos, avec les reprises sur les Fa et Ut.

Les tailles des tuyaux sont homogènes par famille de jeux : une taille pour les principaux, une pour les jeux flûtés. Le bourdon 8 possède des tuyaux de plusieurs jeux anciens, bourdons ou flûtes. La trompette 8, de Dallam, n'a probablement pas été d'abord destinée à Ergué-Gabéric. Les tuyaux, trop longs ne pouvaient trouver place dans le buffet, et elle parle mieux avec une pression légèrement plus basse que celle des autres jeux.

Les bouches sont assez basses. Beaucoup avaient été relevées au cours des siècles, mais il a été possible de retrouver la hauteur d'origine, en se basant sur quelques tuyaux témoins, pratiquement non retouchés depuis leur fabrication.

Arkae > Trésors d'archives > Dossier > Orgue de DallamLe buffet a retrouvé sa polychromie et ses dorures anciennes, que le XIXe siècle avait camouflées sous une couche de peinture marron. La tourelle centrale a la forme d'une proue de navire, ce que l'on retrouve dans les autres buffets Dallam, les tourelles latérales, plus courtes, s'arrondissent au-dessus des encorbellements.

La décoration sculptée est des plus simples dans la partie basse, mais s'orne d'anges à la trompette dans les hauteurs. On trouve aussi des anges musiciens sur les fresques décorant la tribune avec l'inscription en latin "Laudate Dom in timpano et choro. Laudate Eum in chordis et organo". Ces panneaux peints, eux aussi restaurés en 1980, rehaussent le buffet de leurs chaudes couleurs.

Depuis quelques années, le Finistère peut s'enorgueillir de posséder trois orgues de Thomas Dallam en état de jouer, ceux de Ploujean, Guimiliau et Ergué-Gabéric, tous classés. Leur restauration a été confiée à des facteurs différents, mais on retrouve des caractéristiques communes dans les éléments constitutifs de leur sonorité, c'est-à-dire la forme des tuyaux, leur embouchage, le vent, la taille des gravures des sommiers, etc.

On ira donc à Guimiliau écouter un grand orgue Dallam de trois claviers et pédalier, pouvant interprêter avec raffinement toute la musique ancienne ; on ira à Ploujean pour écouter un Dallam de taille moyenne, à un clavier et pédalier ; on ira à Ergué-Gabéric pour écouter un petit Dallam à un seul clavier, aux riches possibilités malgré sa taille - et son ramage étant égal à son plumage, on goûtera le chatoiement de ses ors et de ses couleurs.
 
Texte de présentation de l'orgue rédigé par Michel Cocheril