Bretonnismes et français de Quimper

V’la bien trois s’maines passées maint’nant qu’Hervé Lossec, un gars du Nord (non pas un ch’ti, du Nord-Finistère, du Léon quoi) est venu au Grand-Ergué « conférencer » sur comment qu’on cause ! À l’entendre, on voyait bien que çui-là faisait un peu la moque à nous. Pourtant ici on cause comme ça depuis longtemps, sans faire plus de chichi que ça.

Le français de Quimper, Léon Le BerreLes françismes avant les bretonnismes ?
En 1913 Louis Flatrès, Mellenig parti enseigner au Cloître-Saint-Thégonnec, écrit un petit opuscule Contribution aux efforts d’amélioration de l’enseignement du français et en particulier de la composition française dans les écoles rurales bretonnes, publié en 1920. Véritable hussard de la République, il se fait le défenseur intransigeant de la langue de la République : « Quiconque pénètre sur le territoire de l’école doit laisser la breton à la porte ». Cependant, c’est aussi un bretonnant et fin observateur, qui ne manque pas, avec beaucoup de tendresse et d’humour, de constater les limites de cette affirmation : « Il arrive que le seuil de la porte tranche une phrase en deux tronçons : la tête est bretonne, la queue française… Bien entendu, le français qui se parle dans la cour n’a que de lointain rapports avec la langue de Voltaire. Chaque école a son jargon comme chaque commune son breton et son costume ». Mais il nous fait aussi découvrir que bien souvent, notamment dans les campagnes, c’est le français qui avait d’abord pénétré le breton. Ce qui se traduisait par un langage bien particulier, un françisisme tout aussi original, savoureux et cocasse que le futur bretonnisme: « en sus du breton du pays, fort correct, totalement incompréhensible aux galloued, il y a le breton cuisiné à la française, breton intermédiaire de haute fantaisie, accessible aux non-celtisants : « Ar chef de gare a oa absent pa oa survent an accident gant an train marchandis – An offiçour a deuz punisset ar zoudard evit e fusul mal astiket – Ar répartitourien a zo convoket d’ar mairie vit receo an déclaration var sujet ar mutationou.  » Les deux langues se pénètrent, non sans se déformer mutuellement. Certains mots en sortent curieusement estropiés : ficelle devient sifel et biscuit guispi. Mais, évidemment, le bretonnisme n’est déjà plus très loin. Et il multiplie les exemples de conversation avec ses interlocuteurs locaux: « Oui, oui, je comprends le français. C’est l’habitude que je n’ai pas. Je ne sais pas le disscliper bien. J’ai pas été soldat. Alors j’ai pas fait grand’chose avec mon français. Pourtant j’étais bon à l’école. J’ai été chercher mon certificat. »

Histoire de prononciation, de syntaxe et de vocabulaire…
Mais déjà l’inverse avait aussi commencé, la pénétration du français par le breton. En 1854, Jean-Marie Déguignet arrivant à Lorient pour s’engager dans le 37e régiment d’infanterie, ne comprend rien de ce que lui dit le planton : «Tonnerre, pensai-je, alors le français n’est donc pas partout le même? Car là-bas à Quimper je comprenais beaucoup de mots, tandis qu’ici je ne comprends pas un seul. » Quant au sergent-major, « il parlait un autre langage que le planton, quoique avec un accent qui n’était pas celui des Français de Quimper ».
Quel est donc ce langage si particulier à Quimper ? En 1909 une première étude est publiée par Henri Kervarec, professeur au lycée La Tour-d’Auvergne à Quimper, dans Les Annales de Bretagne, "Le parler français de Quimper" : « Ce parler présente, au point de vue de la prononciation, du vocabulaire, de la syntaxe des caractères qu’il n’est peut-être pas sans intérêt de noter ». Puis il propose un petit dictionnaire des principaux mots et expressions usités dans notre région. Sa carrière le mène ensuite à Marseille, où il n’a semble-t-il pas continué à étudier les parlers locaux. Quel dommage, oh ! peuchère.
L’année suivante, dans la même revue, le Quimpérois Charles Armand Picquenard, médecin de son état, reprend les mêmes théories de Kervarec, y ajoutant, en tant qu’autochtone, un certain attachement : « C’est une langue rude, parfois un peu verte ; les commères qui en font le véhicule de leur éloquence naturelle ont parfois l’air drolatique ; mais à tout prendre ce parler populaire a de la saveur, de la vie, et sa rudesse apparente ne nuit en rien à sa plasticité ». Puis il explique que « le parler populaire de Quimper n’a aucune littérature traditionnelle; aucune grammaire, aucun dictionnaire spécial ne lui ont assigné des règles ou des formes bien définies ; chaque jour, il est exposé à varier selon le caprice, la tournure d’esprit de chacune des individualités qui en font usage ». Qui n’a pas rêvé d’une telle langue, sans erreur de grammaire, sans faute d’orthographe…
C’est dans la continuité de leurs travaux, qu’Hervé Lossec a publié, avec le succès que l’on sait, ses Bretonnismes… cent ans plus tard. Avant le siècle, c’est pas le siècle!

Le quimpertin
Mais au diable les linguistes, grammairiens et autres technocrates de la langue. Quelques hommes de lettres allaient donner à ce parler local la tradition littéraire qu’il n’avait pas. Dès 1913, Léon Le Berre, Abalor de son nom de barde, natif du P’tit-Ergué écrit, avec son complice Daniel Bernard, Paôtr-ar-c’hap, un gars du Cap (non pas Horn, mais Sizun), une comédie en trois actes dans cet idiome local, Français de Quimpertin – Galleg Kemper. L’extension -tin, diminutif de Corentin, allait donner un nom à ce parler local, le Quimpertin, plus tard, beaucoup plus tard, traduit en breton Kempertin. Dans sa préface, Anatole Le Braz, Quimpérois de 1886 à 1901, est plein de commisération pour ce petit peuple condamné « par une pédagogie absurde à pratiquer […] le mélange adultère, la contamination réciproque des deux langues ». Puis il s’étend sur « la misère linguistique d’un peuple qui, ayant à sa disposition deux beaux idiomes, n’a réussi, par la faute de ses éducateurs, qu’à les amalgamer au moyen d’une affreuse cuisine verbale, dans le plus hétéroclite et le plus burlesque des jargons ».
Replacée dans le contexte de l’époque, cette comédie a pour objet de ridiculiser ces Bretons pédants, qui s’essaient au français pour faire chic, mais se ridiculisent dans un baragouinage approximatif au grand plaisir des citadins. Ainsi Le Balc’h, l’un des personnages de la pièce qui « pour quelques vocables de pacotille, glanés sur les pas de ses bœufs, à courir les exhibitions agricoles de Paris ou d’ailleurs, s’estime un grand clerc. Fi du brezonek natal ! Baragouin de barbares, patois informe d’arriérés, demandez plutôt aux civilisés de la ville. Comme eux, il prétend être un civilisé, lui. Témoin, le poireau qui orne la boutonnière de sa veste. Il ne se doute pas, le pauvre Le Balc’h, que le poireau par essence, c’est lui, car il est l’homme qui a perdu sa langue ; et qui perd sa langue perd du même coup sa cervelle ». Et Le Braz tire de cette pièce, « un peu de la famille des Précieuses ridicules », une leçon: « Bretons, ne singeons pas les Français: nous ne ferions rien avec grâce. Soyons simplement, bravement, délibérément nous-mêmes ». Avant de conclure: « On dit qu’en France le ridicule tue; il serait à souhaiter qu’il en fût de même en Bretagne et que cette satire vengeresse dégoûtât pour jamais d’un langage qui n’a de nom dans aucune langue, non seulement les Le Balc’h, mais encore les Jennie et les Julien de l’avenir ».

Un langage bâtard
A la suite de Le Braz, les auteurs avertissent que l’intérêt de leur comédie : 
« ne réside ni dans l’intrigue ni dans le choc des passions. Elle n’a d’autre but que de peindre au vrai, la vie populaire et citadine d’un coin de notre Basse-Bretagne moderne, en lui empruntant ses formes de langage […] Puissent les ridicules que nous faisons ressortir, contribuer, du moins, à remettre nos compatriotes sur le droit chemin du Progrès intellectuel, dans la Tradition bretonne. On rougit trop souvent, hélas d’être breton, et cette mauvaise honte a envahi les campagnes avoisinant les villes. Ce qui se passe à Quimpertin, se passe aussi à Quemper-Guezennec, à Morlaix, à Lannion, à Lorient… Changez quelques expressions, modifiez un peu l’accent, et d’un bout à l’autre du pays, vous retrouverez la Pensée bretonne empêtrée dans des oripeaux mal taillés, ce même langage bâtard qui n’est ni le breton, ni le français, bien qu’on le désigne, avec une sincérité grotesquement touchante, sous ce dernier terme. L’Ecole pourrait beaucoup, si elle voulait sérieusement enrayer les progrès de ce jargon. Nous le disons avec regret : elle en est, malgré elle, la principale instigatrice. Tant que dans les hautes sphères de l’Instruction Publique, en Bretagne, on s’obstinera à écarter le système bilingue en honneur chez nos frères de Galles, tant qu’on négligera la grammaire comparée, l’enseignement du français chez les enfants du Peuple, citadins ou ruraux, sera un enseignement boiteux et inutile. Nos compatriotes ne sauront jamais le français, tout en s‘imaginant le posséder à fond. Loin de nous, de suggérer que ce langage, très spécial, n’ait un grand nombre de mots et d’expressions qui ont acquis le droit de cité dans nos villes bretonnes. Certes, les commères qui virent pendre Marion du Faouët ou qui, pour les 14-Juillet, bourouettaient en compagnie des dames de la noblesse et de la bourgeoisie, les matériaux du tertre où officierait Gomaire, durent en beurdasser et en flepper tout leur saoul ! Nous accorderons même que le Quimpérois possède un certain charme de terroir, mais nous ne croyons pas qu’il faille en tolérer l’accroissement quotidien. Komzomp brezoneg hag eur brezoneg iac’h ha difazi. Brezoneg eo Ene, kig ha mell-kein hon Broadelez-ni, met pa gomzer e galleg, iez, an oll Fransizien, diskouezomp da bep Gall, n’euz par d’eur Breizad, evit gallegât a zoare ! [Parlons breton et un breton sain et sans faute. La langue bretonne est l’âme, la substance et la moelle épinière de notre nationalité, mais quand nous parlons français, la langue de l’ensemble des français, montrons à chaque français qu’il n’y a pas meilleur qu’un breton pour parler un français de qualité !] »

Et de débuter la pièce :

SCENE I, ACTE I

- JENNIE : Mon Dieu, aussi donc ! C’est ici que c’est qu’y a du bec’h, aujourd’hui enfin!
- JULIEN : Gast ! Oueï alors ! Capable assez tout le monde aller à être fou avec !
- JENNIE : Me’nant, c’est faut que tu vas à renvoyer la bidon de pétrole chez la marquiss’ ! Reste pas à faire ton jouass, car y a la presse!
- JULIEN : La marquiss’ c’est, tu dis? Çall’ là qu’all est pisse! eune sacrée Marie Skrangn ; qu’all’ est pas seu’ment, pour donner deux sous de pratiques, quand c’est qu’on va lui envoyer des commissions!
- JENNIE : Sur vat ! pour rôder, çall’-là, all’sait, mais y faudrait la hijer pour qu’all’ ouvre sa porte-monnaie.
…/…

« Moi, au moins, je parle français un petit peu ! »
Mais si la dérision peut s’appliquer à cette époque à ces précieux ridicules, il ne peut en être de même pour tous ces braves gens du peuple pour qui l’expression en français devient au fil des années de plus en plus indispensable et qui en éprouve mille difficultés. A l’image de Julig, dont Pierre-Jakès Hélias relate, dans Le cheval d’orgueil, la peine à s’exprimer en français, mais fier malgré tout, avec son quimpertin, de pouvoir se faire comprendre, se plaignant d’un individu qui se moque de lui : « Celui-là se moque de moi en plein milieu de ma figure parce qu’il y a du mauvais français avec moi sur ma langue. Mais moi, au moins, je parle français un petit peu. Et même je vois que les gens me comprennent à peu près puisqu’ils me répondent de retour. Et lui, il n’entend ni la queue ni la tête quand je parle en breton, il n’est capable de dire yehed mad ni brao an amzer. Lequel est plus bête de nous deux ? Il dit aussi que j’ai un accent drôle, moi. J’ai l’accent que j’ai, quoi. Pour vous dire, j’ai entendu des fois, à la télévision, des étrangers, quoi. Des Allemands, des Américains, des grosses têtes de la politique, des savants et tout, est-ce que je sais, moi ! Ils parlaient français avec une cravate autour du cou et des chemises qui dépassaient leurs manches. Et beaucoup de ceux-là, presque tous pour dire, ils avaient un accent, terrible que c’était. Et moi, je comprenais quand même à peu près tout avec eux, même que je voyais qu’ils faisaient des fautes. Est-ce qu’on se moque de ceux-là ? Il n’y a plus de conscience dans le monde parmi les gens. »
L’époque est donc aux moqueries. Les citadins se moquent des paysans, qui le leur rendent bien, ainsi que s’en fait l’écho l’auteur du Cheval d’orgueil : « Au lycée de Quimper, les petits bretonnants que nous sommes seront moqués par les externes de la ville, qui parlent un affreux quimpertin et transforment tous les r en a : feame la poate donc ! Meade aloa ! Nous parlons tout de même aussi bien que ceux-là gast ! » Mais on va de moins en moins se moquer, car ce langage va de plus en plus se généraliser. Et il va même acquérir une certaine noblesse dans les lettres !

Le temps des poètes
Max Jacob, qui ne parlait pas breton, se repaissait de ce langage, tant des expressions que de sa sonorité. Et Pierre-Jakez Hélias pense d’ailleurs qu’il est à l’origine des propres langages du poète, comme de ses styles, déconcertant pour tout autre qu’un bretonnant de naissance. Lorsqu’il revenait à Quimper, le poète adorait se rendre dans quelques boutiques uniquement pour entendre les conversations des mégères quimpéroises. Sur ses vieux jours l’écrivain bigouden partit sur les traces de Max le Quimpérois. Dans Le piéton de Quimper, il évoque abondamment l’influence du quimpertin sur le poète : «Toujours il sera friand de ce parler populaire dont la lettre lui échappera, mais non l’esprit. C’est ainsi qu’il se plaira beaucoup à suivre, entre les deux guerres, l’envahissement progressif du breton par le français, source de bien des faux sens hilarants, mais aussi de précieuses révélations sur le génie de la première langue et l’état d’esprit de ses pratiquants, sur une psychologie naïve au premier abord, mais quelquefois très ouverte sur les mystères de la création et les problèmes de la créature. Monsieur Max va collecter avec soin ces faux sens apparents, quitte à s’en amuser d’abord avant d’en faire l’objet de ses plus profondes méditations ». 
Et encore : « Plus excitantes, plus bénéfiques encore, sont les conversations échangées, dans les rues populaires du centre, en français de Quimper que l’on appelle quimpertin. Voilà près d’un demi-siècle que le petit peuple de la ville-capitale, venu des bourgs et des hameaux bretonnants de la Cornouaille du Sud, pour occuper des emplois de services ou tenir des commerces de détail dans les proches faubourgs, s’initie péniblement à la langue bourgeoise. C’est aussi difficile pour ces gens-là que pour les bourgeois francisants d’apprendre le breton. Ce sont les mêmes fautes qui se commettent dans les deux sens, de l’une à l’autre langue ou de l’autre à l’une. Il y a des ordres de mots dans la phrase, des accents, des respirations même qui sont rebelles à la transplantation, parce que les racines linguistiques sont invétérées. Max Jacob, depuis qu’il était enfant, s’est réjoui de ce phénomène, parfois générateur de contresens hilarants, avant d’y reconnaître une preuve d’authenticité, un signe d’originalité native et sans apprêt. Bien sûr, il s’est amusé à pasticher, à parodier même le quimpertin, il est allé jusqu’à l’enrichir sur sa lancée, mais il a su également s’en servir adroitement pour faire parler à certains de ses personnages le langage qui était le leur et qui serrait du plus près possible leur vérité ».

De Jeanne Le Lorit à Marie Le Bolloch
Dès son premier recueil de poèmes, La côte, publié en 1911, Max Jacob distille quelques vers typiquement locaux. Ainsi dans sa fausse gwerz, Jeanne Le Lorit : « Jeanne Le Lorit n’a écouté que la chaleur de la nature. Maintenant Jeanne Le Lorit a tout lieu de se repentir. Un enfant elle a eu, son enfant elle a tué. Maintenant Jeanne Le Lorit est en prison à se ronger les ongles ». Et dans Les Korrigans : «Quand je suis revenu de la foire de Morlaix, j’ai passé près du fossé du château, le trou du diable. Comme de soleil il n’y avait plus au ciel ni sur terre je faisais le signe de la croix et je disais des avé». Il parsème à nouveau de quelques vers de quimpertin son recueil de Poèmes de Morven le Gaëlique, en 1926:

Le conscrit de Landudec

Un beau cheval que j’aurais, oui, que j’aurais
si officier je devenais
à l’armée, à l’armée
à l’armée donc
Toutes les filles avec des bouquets, oui, des bouquets
à tous les balcons sur le quai
à l’armée, à l’armée
à l’armée donc
Laouïk vous viderez le baquet, oui, le baquet
des épluchures vous tirerez
à l’armée, à l’armée
à l’armée donc
…/…

 

Enterrement en Bretagne

Beaucoup de chagrin pour la mort
de votre mari vous n’avez pas encor
Voilà huit jours que la maison est pleine
et les bols de café sont pleins également.
Du temps vous n’avez pas eu pour pleurer
le soir de la mort les voitures sont arrivées
…/ …

Mais le summum de sa poésie quimpertinoise se trouve dans Cinematoma, ouvrage publié en 1929, dans lequel il relate, entre autres, les aventures de Marie Le Bolloc’h , de Saint-Oâ, Celle qui a trouvé un mari, qui, après avoir fauté avec Corentin Leborgne, tue son enfant, l’enterre, se fait arrêter, émeut le président du tribunal qui la libère, et qui, dans l’affaire, trouvera un mari :
…/… « Corentin! Regardez le ventre que j’ai pris avec vous ! »…
…« Mon Dieu, que je dis après, cet enfant là sera mieux dans la terre du cimetière que je dis. Me voilà partie avec le petit dans mon tablier, tout droit au cimetière, alors donc »…
… « Qui qui aurait eu l’idée d’aller le chercher, le pauvre petit mignon ! Corentin, vous savez, c’est rapport à vous s’il est arrivé un malheur!» que je lui dis. Mais Corentin n’a rien dit. Ah ! ça c’est vrai qu’il n’y a rien de bon à gagner autour des hommes ! »

Heureusement l’avocat, « joli garçon tout à fait. Celui-là n’aurait pas été comme Corentin à me laisser faire cet enfant-là toute seule », plaide bien: « De sa faute il n’y a pas ! qu’il disait. Non : de ma faute il n’y a pas que je disais… Allez à la maison de retour, dit le président ». Et Corentin s’étant fait pardonner, « honte que j’ai eu », Marie est ravie de constater : « Si le malheur ne serait pas arrivé, Corentin ne se serait pas marié avec moi ». Et ce, malgré la réprobation de sœur Euphrasie : 
« - Marie Le Bolloch, vous êtes dans le péché pour toujours. 
- Dans le péché, je ne dis pas, sœur Euphrasie, mais mariée pour sûr, par exemple ! »

Le 25 mars 1936, Max Jacob écrit à une amie quimpéroise une lettre en quimpertin, parodiant Marie Le Bolloc’h :
« Ma chère commère
De l’eau, il y aura encore pour sûr avant les chaleurs. Mais s’il n’y aurait pas, les fleurs il n’y aurait pas non plus, n’est-ce pas ! Alors, bien obligé ! mais quand même que la rivière irait par-dessus bord dans le café Le Theuff, content je serais toujours d’aller au pays. On aime toujours son pays, n’est-ce pas ? Chacun, n’est-ce pas ? Je pense aller de retour dans une quinzaine travailler là-bas… ici il n’y a pas moyen de rien faire avec le "reuss" » qu’il y a. Et patati et patata et ça et ça et tout le monde à virer de côté et d’autre. Alors j’avais eu l’intention d’aller là-bas de retour mais voilà que j’ai une affaire ici encore pour une quinzaine. Les "Noctambules" comme on dit : un théâtre quoi ! Alors, je vais là tous les soirs réciter… oui… réciter ; alors, là j’aurai des sous et après alors, j’irai du côté de Douarnenez-Ploaré ; dans la maison de Monsieur Colle j’irai. » 

Bernez Rouz


Les Keleier

Le Keleier est notre bulletin de liaison. Ce terme breton, au pluriel, veut tout simplement dire "informations". Depuis sa création en avril 2000, le Keleier compte plus de 100 exemplaires, riches de l'activité et des recherches de l'association. Il est aujourd'hui distribué aux adhérents, au rythme de quatre à cinq numéros par an. Études historiques, dossiers spéciaux, documents d'archive, agenda... les bulletin d'Arkae constituent un support de collecte de souvenirs et d'informations entre les adhérents de l'association Arkae. Si vous n'êtes pas adhérent, vous pouvez vous procurer le keleier pour 2 euros (4,50 euros pour les 16 pages) au local d'Arkae ou nous en faire la demande par mail et voie postale. Nous disposons de tous les numéros, version imprimée ou numérique. Les études contenues dans nos keleiers sont progressivement mises en ligne, après épuisement des versions imprimées.

Tous nos keleiers

  1. Avril 2000. Naissance du « Keleier » et origine d’Arkae / Le chantier de la chapelle Saint-Guénolé / Création du Centre de Recherche et de Documentation J.-M. Déguignet
  2. Mai 2000. Le chantier de la chapelle Saint-Guénolé / Toponymie : Balannou
  3. Juin 2000. Pascal Rode met en musique les Mémoires de J.M. Déguignet / Toponymie : Beg ar Menez
  4. Juillet 2000. Spécial Saint-Guénolé + supplément.
  5. Septembre 2000. La Vierge de Croas ar gac / L’Association « Les amis de Saint-André »
  6. Octobre 2000. Août 1944 : souvenirs d’un gamin, réfugié lorientais, au Bourg / Toponymie : noms de lieu en -koad
  7. Novembre 2000. Les vergers de Pennarun /Toponymie : noms de lieu en -kili
  8. Décembre 2000. La chapelle Saint-Guénolé / Ergué par les plantes / La famille Péron de Kernoas
  9. Janvier 2001. Des inondations / Ergué par les plantes
  10. Février 2001. Recensement chez les chauves-souris / La religion dans les noms de lieu (Loqueltas…)
  11. Mars 2001. La chanson du Stangala / Toponymie : Locqueltas (suite)
  12. Avril 2001. Morceaux choisis de « Barz Kerdevot » /Toponymie : Tréodet
  13. Octobre 2001. Poèmes des CM2 de St Joseph / Toponymie : Bodenn
  14. Novembre 2001. Exposition « Les mille ans d’Ergué-Gabéric » / Guillaume Kergourlay, les mémoires d'un Elliantais
  15. Décembre 2001. Le trésor du Seigneur de Pennarun
  16. Janvier 2002. Visite de l’église Saint-Guinal
  17. Février 2002. La croix de Tréodet ou de Kerrous – la fontaine
  18. Mars 2002. Alain Conan, cantonnier du Bourg (années 1940)
  19. Avril 2002. Toponymie : Croas Spern
  20. Mai 2002. Histoire du patronage d’Odet
  21. Septembre 2002. Deux stagiaires pendant l’été
  22. Octobre 2002. Inventaire archéologique
  23. Novembre 2002. Le suicide d’un sonneur en pleines noces (1728)
  24. Décembre 2002. Le suicide d’un sonneur (suite et fin)
  25. Janvier 2003. La ferme de Lanig Chiquet à Guilly vian
  26. Février 2003. Lost ar guillec
  27. Mars 2003. L’orgue Dallam
  28. Avril 2003. Notes d’Anatole Le Braz sur le patrimoine gabéricois
  29. Septembre 2003. Souvenirs de Marie Anne Coatalem, de Stang ven
  30. Octobre 2003. Les inhumations foraines
  31. Novembre 2003. Le métier d’archiviste : Nathalie Calvez
  32. Décembre 2003. Histoire de l’octroi à Ergué-Gabéric
  33. Février 2004. Le placître de Kerdévot
  34. Mars 2004. Le « Grand Terrier » de la carte de Cassini
  35. Septembre 2004. L’orgue Dallam en concerts
  36. Octobre 2004. Témoignages sur des faits de résistance (« Coup du S.T.O. »)
  37. Janvier 2005. Souvenirs d’une écolière (Marie Gourmelen, 1917-1922)
  38. Mars 2005. 1939-1945 : les 23 « Morts pour la France » d’Ergué-Gabéric
  39. Juin 2005. Des prisonniers de guerre allemands dans les fermes d’Ergué-Gabéric / Expressions gabéricoises
  40. Septembre 2005. 1939-1945 : les Morts pour la guerre de 1939-1945 (suite) / Recensement de 1790 – Le Bourg d’Ergué / Exposition Gaby Pelleter, Helmut Homilius / Alain Quelven
  41. Novembre 2005. Norbert Bernard / Les anciens moulins d’Ergué-Gabéric
  42. Janvier 2006. Cloches d’Ergué-Gabéric : Saint-André et Kerdévot
  43. Février 2006. Signalisation bilingue / Helmut Homilius
  44. Mai 2006. La vie politique à Ergué-Gabéric sous la Ve République / Le camp de prisonniers de Lanniron
  45. Juillet 2006. Deux enclos paroissiaux à Ergué-Gabéric / Marie Salaün, sonneuse de glas
  46. Septembre 2006. Jean-Louis Morvan, recteur de 1969 à 1981 / Lettre d’un « poilu » (Pot Bihan Bouden)
  47. Octobre 2006. L’Abbé Gustave Guéguen, au sujet du chemin de « Carn ar Gosquer »
  48. Janvier 2007. En 1956, on a vendangé le muscadet à Keranguéo / 1839-1844 : alcoolisme et prohibition à Ergué-Gabéric
  49. Mars 2007. Diaporama du Centenaire / La mine d’antimoine de Kerdévot-Niverrot / L'interdit du breton
  50. Mai 2007. Jean Bernard, de Garsalec, artisan menuisier / Marcel Flochlay, un champion cycliste
  51. Juin 2007. Le calvaire de Kerdévot / Le recteur, son jardinier et les deux visiteurs
  52. Octobre 2007. De l’argile et des potiers à Ergué-Gabéric
  53. Décembre 2007. La saga Bolloré : entre histoire et légende / Les « lessiveuses » d’autrefois
  54. Février 2008. Les pavés de Saint-Chéron / Les élections municipales du 4 juin 1893
  55. Mai 2008. « La Croix Saint-André », un carrefour de vies
  56. Février 2009. Jean-Marie Déguignet et la Justice / Guerre 14-18 : tous mobilisés
  57. Mai 2009. La rénovation du four à pain de Kerfrès / « An tri-uguent », Les trois frères Huguen / Le Jeudi Saint
  58. Juillet 2009. Jean René Even : témoignage sur la mine d’antimoine / Jean Bernard, une fine gaule
  59. Octobre 2009. Le tremblement de terre de 1959 / Les cahiers des doléances de 1789 / Un règlement d’eau de 1835
  60. Novembre 2009. « Chas ar vorc’h », les gamins du Bourg / « Va buhez », chanson de Jos ar Saoz
  61. Janvier 2010. Construire au Bourg en 1722 / Aménagement du Bourg en 1936-1939
  62. Mars 2010. Naissance du « Grand Quimper » en 1960 / « Plas an Itron », une ferme au Bourg
  63. Juin 2010. Poème du Stangala / Le quartier de Tréodet autrefois / Ergué-Gabéric, terre de « Bonnets rouges »
  64. Septembre 2010. Des Gabéricois à la guerre de 1870 / Un pèlerinage à Kerdévot le 20 mars 1871 / Le saccage du retable de Kerdevot en 1973
  65. Octobre 2010. Marjan Mao et Jos ar Saoz, chanteurs traditionnels
  66. Janvier 2011. 1811, mort d’Alain Dumoulin / 1911, le clocher de St-Guénolé abattu par la foudre / 1941, arrivée du recteur Gustave Guéguen à Ergué
  67. Mars 2011. Fours à pain en granit / Boulangers et boulangeries à Ergué-Gabéric
  68. Juin 2011. Les municipalités d’Ergué-gabéric sous la Révolution
  69. Septembre 2011. Un entretien avec Gwenn-Aël Bolloré en 2001
  70. Novembre 2011. Deux vols de tabac à rgué-Gabéric en 1944
  71. Janvier 2012. Les Résistants de Lestonan : Jeanne Lazou, Mathias Le Louët…
  72. Mars 2012. Les laitiers d’Ergué-Gabéric, livreurs de lait à Quimper
  73. Avril 2012. Fric-Frac à Kerdevot en 1773 / Les bretonnismes de J.M. Déguignet
  74. Juin 2012. Deux manifestations à Kerdévot : celle pro-pétainiste du 15 août 1942 et celle de l’armistice le 7 mai 1945
  75. Septembre 2012. L’école publique de Lestonan, de 1967 à 1975
  76. Décembre 2012. Pierre Nédélec, guérisseur de la rage / Attention, chiens enragés
  77. Février 2013. Le comité de tir d’Ergué-Gabéric de 1909 à 1814
  78. Mars 2013. 1909-1913 : ça a changé au presbytère (contexte de la création du patronage)
  79. Juillet 2013. Gabéricois titulaires de la médaile de Sainte-Hélène / Le transfert du retable de Kerdevot en 1944
  80. Septembre 2013. La Constellation de l'Hermine / Un retour de la moule perlière d’eau douce ? / Le retable de Kerdevot raconté par Jean Guéguen / Le dossier belge d'Arkae : retable et guerre 14
  81. Janvier 2013. "En revenant de Kerdevot" par Léon Le Berre / La commune aux 77 vallées / Un pèlerinage à Kerdevot sous Louis XIV
  82. Mars 2014. Le "coup du STO" le 14 janvier 1944 / Le Stangala inattendu d'André Guilcher
  83. Juillet-août 2014. La Libération d’Ergué-Gabéric (3-10 août 1944)
  84. Octobre 2014. Des femmes dans la vie politique gabéricoise / Les maires d'Ergué-Gabéric / Le cantique de Kerdevot utilisé par la propagande royaliste
  85. Décembre 2014. La mort d’un jeune réfugié lorientais fin juin 1944 / Yves Le Gars, itinéraire d’un Gabéricois en 14-18 / Errata
  86. Janvier 2015. La JAC à Ergué-Gabéric dans les années 30 / Portraits 14-18 : Alain Henry et Pierre Clère
  87. Mars 2015. Les patronymes Glever et Le Jour / Le foot à Ergué de 1940 à 1945 / An nec'h : le "haut" en breton
  88. Juillet 2015. Histoire de l’électrification d’Ergué-Gabéric
  89. Octobre 2015. La statue de N-D de Kerdévot s'est déplacée / Meo et mezvez : "saoûl" en breton
  90. Décembre 2015. 1956 : une mairie neuve à Ergué / 14-18 : Corentin et Catherine Calvez / Ar vourc'h : "le bourg" en breton
  91. Février 2016 La translation du bourg d'Ergué-Gabéric / Le nom de lieu Penn Karront Lestonan
  92. Avril 2016. Spécial Crêpes : L'histoire d'une transmission / Différentes sortes de crêpes / Le poêle à crêpes / Crêperies et crêpes à emporter / Krampouz : "crêpe" en breton
  93. Mai 2016. Hommage à Jean Le Corre / Le Bourg dans les années 1930 par Jean Thomas
  94. Décembre 2016. Le cidre A.O.C de Cornouaille / Réflexions sur l'évolution de l'A.O.C / A.O.P / La confrérie des Maîtres-Cidriers de Bretagne / Le cidre au bourg d'Elliant / Le vocabulaire breton du cidre
  95. Février 2017. Origine des bannières paroissiales / Le patrimoine religieux d'Ergué-Gabéric / Présentation de trois bannières locales / Le cidre à Kerhamus
  96. Mars 2017. La race bovine Bretonne Pie-Noir / Les éleveurs sélectionneurs de Bretonne Pie-Noir à Ergué-Gabéric / Histoire de la lecture à Ergué-Gabéric
  97. Octobre 2017. Kerrous, fin de 53 ans d'activité / Un mois à Kerdevot... / Jean Louet
  98. Décembre 2017. Premiers résultats des fouilles de Park al Lann / Le tumulus de Saint André / Fouilles de la Salverte et du Melenec
  99. Février 2018. Quand Louis Le Guennec se promène à Ergué-Gabéric / Sur les pas de Louis Le Guennec
  100. Avril 2018. Numéro spécial 100e Keleier / Ergué-Gabéric en photos
  101. Septembre 2018. Le canal de la Papeterie d'Odet / Le sommaire des 100 premiers numéros du Keleier
  102. Novembre 2018. F. M. Moullec, victime de la "dernière patrouille" / J.-L. Huguen, la Grande Guerre puis la guerre du Levant
  103. Janvier 2019. Les pardons à Ergué-Gabéric
  104. Avril 2019. Vers un nouvel aménagement du bourg / Ar Groaz Ver / Stangala, vallée de poètes / Appel à témoins de la cinémathèque / Les salaisons Gouiffès.
  105. Juin 2019. La conscription sous la Seconde République / Un retable flamand ignoré : la mise au tombeau de Rosporden
  106. Octobre 2019. 1904-1905, années troubles : un "reuz" à Saint-André ou Le sourire de Jean Balès
  107. Décembre 2019. 1909, "un souffle d'enfer passa sur la paroisse"
  108. Février 2020. Fêtes et bals dans l'entre-deux-guerres
  109. Juillet 2020. Kerdévot : le temps des miracles
  110. Septembre 2020. Juin 1940 : Lanig Chiquet raconte... / Occupation et libération : enquête de 1949 à Ergué / 1942, l'électricité à Lost ar Guillec / Merci Marie-Annick Lemoine
  111. Octobre 2020 : 1894-1897 : La Caisse rurale de crédit d'Ergué-Gabéric
  112. Mars 2021. 1939-1945 : Le maire, le corps municipal et le syndic / 1940-1945 : Le maire face aux réquisitions / 1943 : Des réquisitions d’écoles. Supplément : Mois du breton : les Koñchennoù à l’honneur dans une nouvelle édition en ligne.
  113. Juin 2021. 1939-1945 : Réquisitions et ravitaillement, du champ de blé au pain sur la table.
  114. Ce numéro est joint au précédent. Le numéro 113-114 compte le double de pages (16 pages sur "Réquisitions et ravitaillement").
  115. Février 2022. Se marier pendant la guerre : "Un mariage en 1941 (Jeannette Heussaf et Guillaume Guenno)", "Un double mariage à Lenhesq en 1943 (Perrine Quénéhervé et Pierre Hostiou)", "Une noce qui finit mal, l’affaire de Moncouar en mai 1944 (Marie-Anne Cosmao et Hervé Le Bihan)" / Un poème inédit de Déguignet.
  116. Mai 2022. Le hameau de Menez Kerdévot : le quartier, la famille Letty, le mécanicien Jean Daniel
  117. Septembre 2022. Jean Istin, les pierres dessinées / Moulins de Cornouaille illustrés par Jean Istin / Quand le conseil municipal s’amuse (extrait des délibérations du conseil municipal d'Ergué, en 1892, sur le refus de payer une indemnité pour dégradation sur chemins vicinaux à La Forêt-Fouesnant)
  118. Décembre 2022. Les terres du Cleuyou / Les richesses minières au Cleuyou / Réédition du livre de Jean Le Corre.
  119. Mars 2023. Les traces d’habitation au Stangala, par J-F Douguet / René Danion nous quitte, par Pierre Faucher
  120. Septembre 2023. Souvenirs de Ty Nevez ar Cleuyou, par Yves Ascoët

Rapide présentation de la chapelle de Kerdévot

Ce texte est issu du dépliant disponible lors des visites guidées de l'été à la chapelle. Il a été établi sous le contrôle de Gaëlle Martin, adjointe au patrimoine d'Ergué-Gabéric, et traduit en plusieurs langues.

 

Kerdévot Photo Clélia Steczuk 2018Arrivant par une route sinueuse de campagne, on remarque la gracieuse flèche de la chapelle de Kerdévot, entre les frondaisons. Sur le placître, abrité par deux chênes séculaires, sont groupés la chapelle, le calvaire et la sacristie. A 300 mètres, dans le champ voisin, la fontaine. En entrant dans le porche sud, on est surpris par l’ampleur de l’édifice : 13 m de hauteur, 30 m de long. L’ensemble est harmonieux. Le plan est un simple rectangle, mais la séparation entre le chœur et la nef est soulignée par un puissant arc-diaphragme et autrefois par un jubé dont il reste un accès dans le mur. Le chevet est plat et percé d’une large baie axiale. Cette formule, très souvent utilisée en Bretagne, est d’origine anglaise. La chapelle est lambrissée. Comme fréquemment en Bretagne, on a utilisé le savoir-faire des charpentiers de marine. Libéré du problème de la poussée d’une voûte, on a pu hausser et ouvrir largement les arches des travées.

Un peu de chronologie
De style gothique flamboyant, la chapelle fut commencée par le chœur vers 1470 et achevée par la nef au début du XVIe. Le chœur est donc contemporain de la progression de la cathédrale et sous l’influence architecturale de ce chantier. Peut-être les maîtres d’œuvre ont-ils travaillé sur les deux chantiers en même temps ? Le clocher, écroulé le 2 février 1701, fut reconstruit l’année suivante. Le maître d’œuvre respecta le style gothique et ajouta des éléments de décoration classique (XVIIe). En réussissant le rapprochement de styles si différents, il fit preuve d’une parfaite maîtrise de son art. Par contre, la sacristie, datée 1705, est clairement du XVIIIe. La toiture à l’impériale, en forme de carène de navire renversée, est une belle réussite. C’est une forme savante héritée des modèles de la Renaissance française, introduite ici en milieu rural. Le calvaire (XVIe) est un des sept calvaires aux Apôtres du Finistère, mais il est très incomplet. Les statues des Apôtres n’ont peut-être jamais occupé leurs niches et le registre supérieur est vide des groupes sculptés qui devaient l’orner.

Pourquoi cette chapelle de campagne présente-t-elle une telle ampleur, une telle richesse ?
La tradition orale veut que la chapelle fut construite pour remercier la Vierge d’avoir arrêté, à la frontière des deux communes, la terrible épidémie de peste qui ravageait Elliant et menaçait Ergué-Gabéric. La « peste d’Elliant » a tellement frappé l’imagination populaire que son histoire est arrivée jusqu’à nous dans de multiples versions, dont une recueillie par Th. Hersart de la Villemarqué dans son livre le Barzaz Breiz, publié en 1839. Dans la réalité, il pourrait s’agir de l’épidémie de 1450, parmi les nombreuses autres épidémies de peste. 
Mais il faut aussi remarquer la grande abondance des armoiries et blasons (vitraux, façades). La noblesse locale s’est fait largement représenter pour ses dons. En effet, à la fin du XVe, cette classe sociale veut témoigner de son ascension dans un contexte politique favorable qui est celui du puissant Etat breton, créé par les ducs dans le courant du siècle. Les ducs eux-mêmes favorisent ce mouvement de rénovation du paysage architectural par une politique de mécénat. L’intérêt du pouvoir ducal pour la construction de Kerdévot se remarque ainsi sur la façade (hermine passante, bannière ducale) et sous le lambris (écu plein de Bretagne).

Les pièces du mobilier : retables et statues
pardon Kerdevot 2014 samedi 13 Benoît BondetLa fabrique de Kerdévot était donc assez riche pour s’offrir une belle construction et, par la suite, de belles pièces de mobilier pour en orner l’intérieur. Le retable flamand est en bois (chêne) polychrome et doré. Il raconte la vie de la Vierge en bas : la Nativité, la Dormition, les Funérailles. En haut, l’Adoration des mages, le Couronnement, la Présentation au temple. Il devait aussi comporter des volets peints. Les trois panneaux du bas et le panneau du couronnement ont été réalisés vers 1500 dans les ateliers d’Anvers. Au XVIIe siècle, un artiste breton a sculpté les deux panneaux du haut, à droite et à gauche. Connaissant l’importance des relations commerciales maritimes entre la Bretagne et les Flandres, on peut supposer qu’il est venu par mer. Mais quand ? Nous n’avons aucune information sur ce sujet. Ce retable a malheureusement été victime d’un vol en 1973. De nombreuses statuettes ont été dérobées. Aujourd’hui sa protection est assurée.
A gauche, la Vierge de Kerdévot est assise sur un trône imposant. Cette Vierge à l’Enfant affirme le triomphe de la maternité. Etant donnés le style et le décor Renaissance, c’est peut-être une œuvre fin XVe, importée d’Italie ou d’influence italienne. On possède peu d’informations sur cette statue remarquable. A droite, une Vierge de la Victoire foule le démon de son pied gauche et présente son enfant de front. Elle peut dater du début XVIIIe.
Quant aux retables des bas-côtés : à droite, celui de la Déploration serait peut-être de la fin XVe et de style hispanisant ; à gauche, le baptême du Christ a été volé en 1973. Il est remplacé par une Epiphanie, peut-être réalisée par un artisan local vers la fin du XVIe. L’encadrement est du XVIIIe.
Une statue de Saint Thélo, chevauchant un cerf, doit être du début du XVIIe. La crucufixion, au nord, est une œuvre composite difficile à dater.


Évolution des effectifs à la papeterie d'Odet

En s'appuyant sur les sources disponibles, Pierre Faucher a retracé l'évolution des effectifs au cours des 161 années de fonctionnement de la papeterie.

1822 : fondation de la papeterie par Nicolas Le Marié
1828 : 31 ouvriers travaillent à Odet, dans un usine équipée de deux cuves à papier blanc et d'une à papier gris. Source : tableaux de fabrication des Papeteries, ADF 6M 1029 et 6M1032.
1849 : 35 hommes et 37 femmes travaillent à Odet. Source : Yann-Ber Kemener, Moulins à papier de Bretagne, une tradition séculaire, Morlaix, Skol Vreizh, juin 1989.
1856 : 95 personnes travaillent à l'usine. Source : Jean Cognard, Chroniques du Grand Terrier, n°9.
1857 : 102 personnes travaillent à l'usine. Source : ADF 6M 1029 et 6M1032.
1859 : 107 personnes travaillent à l'usine. Source : ADF 6M 1029 et 6M1032.
1860 : 110 personnes travaillent à l'usine. Source : ADF 6M 1029 et 6M1032.
1861 : Jean-René Bolloré prend la direction de la papeterie.
1873 : 50 hommes, 54 femmes, 3 enfants.
1881-1905 : René I Bolloré prend la direction de la papeterie.
1884 : 37 hommes, 48 femmes, 10 enfants.
1885 : 39 hommes, 33 femmes, 29 enfants.
1905-1935 : René II Bolloré prend la direction de la papeterie.
1910 : plus de 150 ouvriers travaillent à la papeterie. Source : Yves Goulm, "Les papetiers d'Odet et de Scaër" dans le numéro éponyme de Micherioù Koz, n°30, Rosporden, Kylan's éditions, 2012, p. 14. Ces chiffres figurent dans une présentation de l'usine par "P. R. Bolloré" aux jurés de l'exposition internationale de Bruxelles de 1910.

Photo de groupe ouvriers et employés 1

Deux photos de groupe ont été prises à Odet en 1911, lors des noces de René Bolloré II avec Marie Thubé.
On y voit les ouvriers d'Odet et de Cascadec, ainsi que les enfants.
Le contremaître Jean-Pierre Rolland se trouve sous le 2e arbre à partir de la gauche.


Avant 1914 : 200 personnes travaillent dans les usines d'Odet et de Cascadec.
Années 1920 : entre les usines d'Odet, de Cascadec et de Troyes, on comptera jusqu'à 1200 employés.
1930 : 350 ouvriers travaillent à Odet, d'après le livre d'or de la papeterie.
1941-1947 : arrêt de l'usine d'Odet.
Vers 1950-1955 : Jean Le Gall, responsable de la paie, indique : "On a eu jusqu'à 314 ouvriers après la guerre 1939-45 à Odet, 413 avec les employés". En 1950, le groupe Bolloré emploie en tout 1500 ouvriers.
1983 : fermeture d'Odet. le groupe Bolloré compte encore 800 employés, dont 80 à Odet, qui iront désormais travailler à Cascadec.

Pierre Faucher


Les ouvriers à Odet de 1822 à 1960

Sur le travail des ouvriers, depuis l'ouverture jusqu'à la fermeture des papeteries, nous disposons de quelques sources. Nous présentons ici celles qui nous semblent les plus pertinentes.

 

Le rapport de la DRAC

Un rapport sur La vie dans les papeteries d'Odet au XIXe et au début du XXe a été produit vers 2004 par la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et classé à Rennes. Il analyse les conditions de vie des ouvriers, le rapport entre le monde ouvrier et le patronat, ainsi que l'importance de la religion dans l'environnement particulier qu'était l'usine Bolloré. Ce texte de la DRAC établit notamment des comparaisons avec des papeteries du même type en France, telle celle des Montgolfier à Annonay dans l'Ardèche. Les fêtes ayant eu une part non négligeable dans la vie des papetiers sous la direction de René Bolloré II, le rapport se termine sur une série de cartes postales émises par Villard pour le centenaire de l'usine en 1922. Certaines d'entre elles figurent sur notre site. Nous avons choisi de conserver les légendes du rapport, qui apportent des compléments d'analyse et d'information.

Pour télécharger le PDF du rapport, cliquez ici.

 

L'étude de Moulins à papier et familles papetières de Bretagne

Dans leur ouvrage paru en 2015, le Centre généalogique de France et l'association Au fil du Quéffleuth et de la Penzé complètent avantageusement notre connaissance de la vie des ouvriers à Odet au XIXe et au début du XXe siècle, en dépliant, notamment, les descendances généalogiques et les états-civils. Suit ici une synthèse des informations apportées par ce livre.

 

Qui étaient les premiers ouvriers

On apprend ainsi que parmi les salariés des premières décennies, l'usine employait un certain Jean Poiriel, menuisier-charron, mais aussi Guillaume Thaboré, Pierre Grill, Alain Daniélou, Jean Quéré et Louis Cariouo, anciens cultivateurs recrutés localement. Des papetiers issus des familles des premiers moulins à papier, ayant une expérience précédente dans le métier, ont sans doute été les formateurs des nouveaux arrivants dans l'usine. La liste des employés mentionnés dans les actes est publiée sur le site Grand Terrier. Les recensements de 1836 à 1911 figurent sur le site des Archives départementales du Finistère. Les familles papetières sont aussi citées dans Moulins à papier de Bretagne, p. 167.

 

Ouvriers de la papeterie Bolloré vers 1900

 Ouvriers de la papeterie Bolloré vers 1900

 

L'évolution technique du métier

En 1828, la manufacture de papier à cylindre est équipée d'une cuve à papier blanc et d'une cuve à papier gris. En 1834, le travail aux cuves et le séchage aux perches sont remplacés par les premières machines. Avant la Première Guerre mondiale, une nouvelle machine à papier est mise en activité, ce qui fait passer le nombre de salariés à 1200 (papeteries de Troyes comprises). Après un arrêt pendant la Seconde Guerre mondiale, faute de matière première, la production reprend en 1947 avec des chaudières à charbon, puis à fuel.
Le chiffon restera la matière première travaillée par les ouvriers pendant plus d'un siècle. En 1920, on le découpe toujours sur un banc traditionnel, une table munie d'une lame de faux. Filets, ficelles, cordes sont mis en pièces sur ce billot de bois. En 1936, une machine à découper les chiffons est installée. Enfin, le chiffon est remplacé en 1950 par de l'étoupe de lin et de chanvre, des linters de coton (duvet de fibres très courtes) et de la pâte à bois.

 

Grande production, petit salaire

Au début de l'activité, le salaire des 31 ouvriers est inférieur à celui des autres moulins : 2,25 F pour les hommes, 1,25 F pour les femmes. Ils travaillent 295 jours par an et transforment 90 tonnes de drilles. En 1838, les ouvriers fabriquent 130 tonnes de papier : 25 tonnes de papier de bureau, 50 tonnes de papier à la jacquard, 55 tonnes de papier de tenture. En 1885, les effectifs et la production augmentent à 95 personnes pour 410 tonnes de papier par an. En 1948, ce sont 1800 tonnes qui seront produites grâce au charbon et au fuel.

 

Les horaires

Une ouvrière d'Odet (Marianne Saliou) évoque les 12 heures de travail par jour effectuées par les femmes pendant la Première Guerre. L'horaire revient à 8 heures par jour en 1922.

 

Quelques montées en grade

Le changement de métier intervient souvent dès l'entrée en papeterie, puisque de nombreux ouvriers sont d'anciens cultivateurs recrutés aux alentours. Mais certains évolueront dans l'entreprise elle-même.
Dans les années 1860, Jean-Marie Le Lous, natif de Garlan, débute en qualité de commis, puis devient teneur de livres, et comptable.
Dans les années 1880, Jean-Pierre Rolland entre à Odet. Il a 17 ans. René-Guillaume Bolloré remarque cet ouvrier compétent et entreprenant, et en fait son contremaître/surveillant de fabrication. Par la suite, le patron lui confie la direction technique de l'usine de Cascadec à Scaër. Jean-Pierre Rolland s'installe alors à Scaër avec sa famille dans une maison construite par les Bolloré, et fait un va-et-vient incessant entre les deux usines. Il décède en 1914, victime de l'emballement du cheval qui conduit son char-à-bancs.
Dans les années 1890, Pierre Le Dé, ouvrier papetier, époux de Marie-Renée Bonjour, maîtresse de salle, devient conducteur de machines.

 

Le travail des femmes

Comme dans la plupart des manufactures du XIXe et du début du XXe siècle, les femmes reçoivent un salaire inférieur à celui des hommes. Les ouvrières sont orientées vers les travaux de triage, de préparation et de découpe des chiffons. Dans cet atelier, les conditions de travail sont particulièrement difficiles. Ce n'est qu'après la Première Guerre mondiale que leur situation s'améliore. Nous vous renvoyons ici vers l'article dédié aux ouvrières de la papeterie.

 

La présence des enfants

Les enfants forment une partie non négligeable du personnel, jusqu'au début du XXe siècle. On dispose de quelques chiffres : 3 enfants en 1873, 10 en 1884, 29 en 1885. Comme dit précédemment, ils aident à la découpe des chiffons. L'encyclopédie Diderot-D'Alembert mentionne dès 1751 ces "petits garçons" des anciennes papeteries qui transportaient déjà les chiffons "du pourrissoir au dérompoir".

 

Les garanties sociales

Dans les années 1920, René Bolloré II construit une cité ouvrière de 19 logements à 800 mètres de la papeterie. Il met en place un club sportif, avec terrain et vestiaires. De 1936 à 1930, il crée uun patronage, deux écoles "libres", gratuites pour les enfants des ouvriers. Une messe hebdomadaire, destinée au personnel de l'usine, est donnée à la chapelle Saint-René. 
Les syndicats apparaissent après 1936. Avant cette date, il n'y a pas de véritables corporations de papetiers, métier très conservateur et influencé par les compagnons, mais "de nombreuses associations d'ouvriers existent", selon Moulins à papier en Bretagne (p. 19). 

 

Les articles d'Yves Goulm et Laurent Quévilly

D'après les informations recueillies par Yves Goulm, dans "Les papetiers d'Odet et de Scaër" (Micherioù koz n°30, Rosporden, éditions Kylan's, 2012, p. 25-26), les heures de travail après la Première Guerre mondiale et avant 1936 se répartissent comme suit :
- pour le personnel de jour : 7 h 30 - 11 h 30
- pour les femmes du bobinage : 5 h -13 h et 13 h - 21 h
- pour les hommes de faction : 5 h - 13 h ; 13 h - 21 h ; 21 h - 5 h
Le tout, 6 jours par semaine, soit 48 h/semaine. La fabrication s'arrête le samedi soir à 21 h et reprend le dimanche à la même heure.
Après la loi des 40 heures en 1936 :
- pour les "factionnaires", une quatrième faction est créée.
- pour les autres, le samedi devient une journée libre.
Les déplacements domicile-lieu de travail se font généralement à pied, pour certains quatre fois par jour. 
En juillet 1930, les Assurances sociales (sécurité sociale) voient le jour en France et à Odet. Pour les anciens qui n'ont pas cotisé, il n'y a pas, bien sûr, de retraite. Cependant, la direction de l'usine décide de garder ces personnes aux "Services extérieurs", c'est-à-dire à l'entretien des bois, de l'allée du canal, à la construction de murs, dont celui du stade de Keranna. Ces dernières fournissent un travail à temps plein, pour lequel elles sont rémunérées. Après la cessation définitive du travail, une enveloppe leur est remise mensuellement, lors de la paie des ouvriers.

Dans un article de juin 1983 pour la revue de la Mutuelle familiale Finistère des travailleurs, Laurent Quévilly écrit : "On y travaillait dur autrefois, aux Papeteries : les hommes aux redoutables machines, les femmes, voire parfois les enfants, qui à la chiffonnerie, qui aux bobines, au séchage du papier sur la lande ou encore à la gare de Quimper pour marquer les caisses de papier destinées à Camel aux États-Unis, le gros client. À cette époque [avant 1918], ce n'était pas les 3 x 8. Mais les 2 x 12. Douze heures à travailler c'est long, se souvient un témoin, à la fin on ne pouvait plus manger et le sommeil nous prenait. De pénibles conditions de travail qui paradoxalement et pendant longtemps n'auront pas pour autant suscité un développement du syndicalisme dans l'usine, alors qu'il se développait partout ailleurs dans la région, comme dans les conserveries. Un jour, raconte le même témoin, les ouvriers avaient demandé de l'augmentation et fait une pétition. Comme ils ne savaient pas écrire, ça n'avait pas été difficile de découvrir les noms de ceux qui avaient fait la liste. Et ceux-là ont été punis." Plus loin dans le même article, un ouvrier de la papeterie de Cascadec évoque des conditions encore très difficiles dans les années 1980 : travail dans l'eau, température ambiante de 40 °C, repas pris au pied de la machine, décalages horaires, problèmes psychologiques dus aux mutations...

Synthèse effectuée par Marilyne Cotten