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Itinéraire d'un Gabéricois dans la Grande Guerre
Yves Le Gars

 
Né à L’Ile-Tudy le 8 septembre 1895, de Yves, marin-pêcheur, et de Henriette Cluyou. Son père disparaît en mer le 19 février 1900 à la suite du naufrage de son bateau, Le Petit Mousse (voir encart couleur).
 
Le Gars Yves Grande Guerre Ergué GabéricMalgré la mort de son père dans un naufrage, Yves Le Gars embarque à son tour comme mousse, le 5 juillet 1909, sur le Saint-Antoine. Mais la pêche est un métier bien trop dangereux et difficile pour le jeune garçon de 14 ans, qui débarque dès le 8 septembre suivant. Sans doute sollicité par les autorités, à une époque où les aides institutionnalisées n’existent pas, René Bolloré propose alors au jeune mousse un embarquement plus confortable sur le yacht La Linotte, goélette à vapeur de sa belle famille, les Thubé (voir encadrés p. 9), à Nantes. Il navigue ainsi durant toute la saison estivale 1910, de mai à septembre. Selon la tradition familiale, c’est en 1912 que Yves Le Gars est embauché à la papeterie Bolloré, à Odet. Pourtant, on le retrouve sur deux bateaux de pêche inscrits à Pont-l’Abbé, L’Elise et Le Petit René, de janvier 1913 à février 1914. Et il est inscrit maritime définitif le 20 janvier 1914. Le 4 mars 1915, Yves Le Gars est mobilisé au 2e dépôt de la marine à Brest comme matelot de 3e classe. Mais ce même jour, la commission de réforme du 2e arrondissement le reconnaît impropre au service à la mer et exclusivement utilisable dans un service de la marine à terre. A la suite d’une hospitalisation, du 16 mai au 7 juin 1915, il bénéficie d’un mois de convalescence qu’il passe à l’Ile-Tudy. Le 15 avril 1916, il est affecté à l’artillerie du front de mer à Brest. Le 1er janvier 1917, il est promu matelot de 2e classe et le 16 avril il est nommé télégraphiste. Le 16 mai 1917, il est affecté à Rochefort, aux patrouilles du golfe de Gascogne, mais son embarquement est annulé. Il est alors affecté au 4e dépôt de la flotte des équipages à La Rochelle. Le 1er janvier 1918, il est affecté au centre administratif de Rochefort, détaché au Bataillon de recrutement de La Rochelle. Le 28 septembre 1918, il obtient officiellement son titre de matelot-télégraphiste des arsenaux (mais il en touchait la solde depuis septembre 1917). Le 15 octobre 1919, il est placé en congé illimité et se retire à Odet, en Ergué-Gabéric, avant d’être définitivement démobilisé le 4 mars 1920. Entre-temps, en 1918, son jeune frère Joseph, était mort de la grippe espagnole, quelques jours après sa mobilisation dans la marine, à Brest. Dès le 17 juin 1919, Yves Le Gars avait épousé, à Ergué-Gabéric, Jeanne Niger, couturière, dont le père (conducteur de machine à papier) et les sœurs travaillaient à la papeterie. Il effectuera lui-même toute sa carrière aux Papeteries de l’Odet, aux machines à papier tout d’abord, puis comme conducteur de la centrale thermique, avant de terminer garçon de laboratoire. Il décède à Quimper le 18 février 1979.
 
 
Le naufrage du Petit Mousse
En février 1900, un enchaînement de tempêtes, comme rarement vues, est la cause de plusieurs naufrages. Voici en quels termes le journal Le Finistère relate celui du Petit Mousse, bateau de pêche de l’Ile-Tudy : 
▪ « Le 21 février – On peut dire que depuis le 10 février 1900, la tempête a été permanente. Les accalmies ont été courtes dans l’intérieur et sur la côte, le vent ne cesse de souffler avec plus ou moins de violence suivant les heures. Dans la nuit de dimanche à lundi dernier, une nouvelle bourrasque s’est abattue sur Quimper sans occasionner de dégâts nouveaux. Hier, à 3 heures précises, un grain violent, vent, pluie et grêle, survenait brusquement, après quelques heures de soleil. Jamais pareilles perturbations atmosphériques n’ont été constatées. Les marins-pêcheurs ne sortent pas, ou s’ils prennent la mer, ils se tiennent aussi rapprochés des côtes que possible de peur de ne pouvoir fuir à temps les bourrasques qui éclatent tout à coup. La mer est d’ailleurs très dure ».
▪ « Concarneau, le 20 février – Au risque d’être engloutis, quelques audacieux marins n’en ont pas moins tenté des sorties au large. On a trouvé ce matin, dans la baie de La Forêt, le rôle d’équipage du bateau de pêche Petit Mousse, n° 1 735, du port de l’Ile-Tudy, monté par neuf hommes. On craint que ce bateau ne se soit perdu corps et biens, hier dans la matinée, en voulant se réfugier à Concarneau ».
▪ « Le 24 février – Tous les jours la mer rejette à la grève de lugubres épaves, corps humains, ballots de marchandises, débris de mâture ou de bateaux, attestant le nombre et l’importance des sinistres occasionnés par le furieux ouragan du 13 au 14 et par les tempêtes qui ont suivi ».
▪ « L’Ile-Tudy – Le cadavre de Le Gall (Alain-Joseph), âgé de 31 ans, un des matelots du canot de pêche Petit Mousse, n°1 735, du port de l’Ile Tudy, dont nous avions annoncé la disparition, a été trouvé engagé dans un paquet de filets, mardi, vers 1 heure de l’après-midi, sur la grève de Kerlin, en Trégunc, par le brigadier des douanes Le Touze, du poste de Trévignon. Après les formalités d’usage, le corps a été transporté par mer à l’Ile-Tudy, où il a été inhumé. Le Petit Mousse a dû sombrer en baie de Concarneau, dans la nuit du 19 au 20 février. Il est actuellement engagé sur les récifs de la pointe de la Jument. Les avaries à ce canot sont de peu d’importance, ce qui laisse supposer que les hommes auraient été enlevés par une lame sourde. Un béret de marin, un sabot, six écuelles en terre et 46 maquereaux ont été trouvés sur le pont ».
▪ « Après le naufrage du Neptune quelques jours plus tôt, l’émotion est immense dans la région. Le préfet Collignon se déplace à l’Ile-Tudy "visiter les veuves et les orphelins", leur apportant avec des paroles de consolation un premier secours qu’il leur a distribué, en leur donnant l’assurance d’une sympathie qui saura se souvenir. »
Le bureau de bienfaisance de l’Ile-Tudy « a fait distribuer à nos malheureux pêcheurs 160 pains de 5 kilos Cette distribution était nécessaire, car la misère est grande parmi eux. Depuis longtemps on n’avait pas vu un hiver aussi long et une série de tempêtes aussi continue et aussi fertiles en sinistres. Le mauvais temps empêche les pêcheurs de sortir du port et de rien gagner pour leurs besoins et ceux des leurs »
Le maire de la commune, M. Séchez lance un appel à l’aide, via la presse : « Quatorze marins ont trouvé la mort, laissant derrière eux 11 veuves et 25 orphelins. Les secours que l’administration de la marine ne manquera pas de leur accorder ne sauraient empêcher la charité privée de s’exercer. Je viens faire appel, au nom de la malheureuse population que je représente, bien persuadé que le concours de votre publicité sera acquis à cette cause, comme celui de tous les journaux auxquels je m’adresse en même temps qu’à vous ». Deux mois plus tard, l’on retrouve encore de « lugubres cadavres ». Le 12 avril, l’on découvre « au sud de l’île Verte, le cadavre décomposé d’un homme qu’on suppose appartenir à l’équipage du Petit Mousse, naufragé dans la tempête de février dernier ». Le surlendemain c’est, « dans les mêmes parages, la découverte d’un cadavre en décomposition qui paraît provenir aussi du naufrage du Petit Mousse ». Enfin, le 20 avril, c’est devant Le Guilvinec qu’un marin-pêcheur aperçoit un cadavre flottant qui « été reconnu pour être celui du sieur Le Gars, Yves, âgé de 33 ans, marin-pêcheur à l’Ile-Tudy. Cet homme faisait partie de l’équipage du Petit Mousse, qui s’est perdu corps et biens le 19 février dernier. Le Gars était marié et père de trois enfants ».
 
 
Le yacht La Linotte
Le yacht La Linotte BolloréIngénieur civil Eugène Pérignon est un pionnier de la plaisance à vapeur. En 1868, il fait construire La Fauvette, un yacht de 214 tonneaux pour 38, 3 mètres de longueur. En 1888, il fait construire en Angleterre La Linotte, goélette à vapeur de 90 tonneaux, 30 m. de longueur, d’une puissance de 200 chevaux, « type charmant de petit bateau à vapeur rapide, apte à la fois à la navigation de mer et à celle de rivière ». Malgré ses faibles dimensions, La Linotte a de larges emménagements et peut offrir une très noble hospitalité et peut offrir une très noble hospitalité à plusieurs passagers. Sa marche dépasse 12 nœuds, ce qui représente une remarquable « utilisation de la puissance de la machine ». Par la suite Eugène Pérignon fait construire une deuxième Fauvette, avant de décéder à Paris en 1900. C’est sur ce dernier bateau, achetée la même année par sa mère, que Virginie Herriot débuta, comme mousse, une prestigieuse carrière de navigatrice. Quant à La Linotte, c’est en mars 1909 que Gaston Thubé, riche armateur nantais, après avoir fait carrière dans la magistrature, l’achète au Havre, à un dénommé Champrobert. Le yacht rejoint Nantes, son nouveau port d’attache le 10 mars. En mai, Yves Le Gars embarque comme mousse pour participer à la croisière inaugurale de son nouveau propriétaire, un tour de Bretagne. La Linotte est aux Sables-d’Olonne le 9 juillet, au Pouliguen le 12, avant d’arriver finalement à Saint-Malo le 20. Réquisitionnée par la marine nationale à Dieppe le 28 juillet 1916, La Linotte est transformée en patrouilleur auxiliaire. Libérée le 7 février 1919, on la trouve sans doute ensuite comme bateau promenade au Tréport. En souvenir de ce bateau de famille, Marie Amélie Thubé, fille de Gaston Thubé et épouse de l’industriel René Bolloré, donne le nom de Linotte II à une barge hollandaise qu’elle a fait construire, et sur laquelle son fils Gwen-Aël fait ses premières armes de marin, comme mousse. Devenu marin confirmé à son tour, celui-ci achète en 1948 un grand voilier construit lui aussi en Hollande, en 1933, par Camper-Nicholson, sur un plan de l’anglais Halden, et qu’il baptise Linotte III. Ce bateau sera vendu en 1972. Mais le nom de ce charmant petit passereau, quelque peu écervelé à ce qu’il paraît, ne fut pas l’apanage des familles Thubé-Bolloré. Il a donné son nom à bien d’autres bateaux.
 
 
De fameux navigateurs
La famille Thubé s’est particulièrement distinguée dans le monde de la voile. Gaston Thubé fils, beau-frère de René Bolloré, est le premier champion olympique français en voile. Avec ses frères, Jacques et Amédée, il remporte la médaille d’or aux jeux olympiques de Stockholm en 1912, sur le Mac Miche, un 6 mètres JI, devant l’équipage suédois. Il meurt en son château, à Saint-Marc-sur-Mer, en 1974, âgé de 98 ans.
 

Dossier (textes et photos) réalisé par Jean-François Douguet - Keleier 85 - décembre 2014

 


Trésors d'archives > Guerres > Le coup du STO enquete

Coup du STO : le rapport du lendemain par le commissaire Bodiguel

François Ac'h

 

Croquis des lieuxPour les Gabéricois, la date du 14 janvier 1944 est une grande référence historique. C’est ce vendredi soir, en fin d’après-midi, que quatre jeunes d’Ergué-Gabéric, Fanch Balès, Pierre Le Moigne, Jean Le Corre et Hervé Bénéat, participèrent à l’enlèvement, dans les bureaux du Service du travail obligatoire à Quimper, de l’ensemble des dossiers des jeunes Finistériens désignés ou à désigner pour aller travailler en Allemagne. Pendant une bonne partie de la nuit, ils brûlèrent cette masse de papier dans le four de la boulangerie Balès, au Bourg. 
 
Nous reproduisons ici le rapport établi dès le 15 janvier par le Commissaire Bodiguel et le plan des lieux qui l'illustrait.
 
Quimper, le 15 janvier 1944.
 
Le Commissaire de police à Monsieur le Préfet du Finsitère
 
OBJET : Cambriolage du STO, boulevard de Kerguélen à QUIMPER.
 
J'ai l'honneur de vous rendre compte de ce que le 15 janvier 1944 à 9 h 30 j'ai été avisé que le Service Départemental du Commissariat Intermi-nistériel à la Main d'Œuvre, dont les locaux sont situés boulevard de Kerguélen à QUIMPER, avait été cambriolé pendant la nuit précédente et que l'on s'en était aperçu seulement à la prise du travail. Immédiatement je me suis rendu sur les lieux accompagné du Secrétaire LE JACQ et de l'Inspecteur de Sûreté BLEUZEN, de mon service. Avec M. LANTHEAUME Louis, né le 9 avril 1894 à MENGLON (Drôme), Directeur du service, j'ai constaté que dans le bureau A (voir croquis schématique annexé), tous les dossiers contenus dans les casiers muraux avaient disparu. Il s'agit des fiches de recensement des classes 1939 (4e trimestre) 1940-41-42, de la liste des hommes appartenant aux classes 1932 à 1939 (1er, 2e et 3e trimestres) et de la liste des hommes âgés de 18 à 50 ans, documents concernant les 301 communes du département du Finistère.Dans le bureau B les câbles du standard téléphonique et de l'appareil « de table » ont été sectionnés, et des circulaires administratives ainsi que le courrier qui se trouvaient placés sur des tables ont disparu. Dans le bureau directorial C, contigu au précédent, l'installation téléphonique a été rendue inutilisable et environ 500 imprimés de carte de travail ont été dérobés. 
Dans le bureau D, seuls deux timbres en caoutchouc paraissent avoir été emportés. 
 
Les portes d'accès à ces divers bureaux, qui avaient été fermées à clé hier soir à 18 h 35 en présence du Directeur, ne portent aucune trace d'effraction et ce matin, toutes à l'exception de celle du bureau D, étaient encore fermées à clé. Aucune fenêtre n'a été « forcée ». Il semble donc que les cambrioleurs se sont servis de clés. D'ailleurs les serrures de ces portes sont des plus ordinaires, étant donné que les bureaux dont elles commandent l'accès ne sont que les anciennes salles de classe de l'Ecole privée de l'Espérance.
 
Continuant mes investigations, j'ai découvert dans la cour intérieure et près de l'allée de sortie deux documents émanant du STO et perdus vraisemblablement par les cambrioleurs, qui semblent donc avoir emprunté ce chemin. Deux blouses appartenant à des membres du personnel du STO ont été découvertes sur les marches du perron de l'Office du Travail. Elles ont servi, sans doute, à transporter des dossiers.
 
Confirmant cette hypothèse, Melle KERAVEC Marie-Jeanne, 23 ans, demeurant à Tréguennec et GOULARD Yves, 18 ans, demeurant à Lothey, employés à l'Office départemental du travail, dont le local est contigu au bureau D, ont déclaré qu'hier soir vers 18 h 45, ils avaient remarqué trois à quatre hommes, dont l'un vêtu d'un pardessus et portant chacun un sac sur l'épaule, traverser la cour, se dirigeant vers la sortie du boulevard de Kerguélen où stationnait une voiture automobile, conduite intérieure d'un modèle non aérodynamique, donc assez ancien. Ils avaient pensé qu'il s'agissait de marchandises provenant du service allemand. Or ce dernier n'a transporté ou fait transporter dans cette cour que du charbon vers 17 h. D'autre part, contrairement à l'habitude, le portail de l'entrée du boulevard de Kerguélen, qui était fermé par des militaires allemands tous les soirs à 18 h 35, à l'aide d'une chaîne enserrant les montants internes des deux battants, ne l'a été hier soir qu'après 19 h. Ce matin à l'heure de l'ouverture, c'est-à-dire 8 h, cette chaîne était intacte. En outre, les deux autres issues permettant d'accéder à la cour intérieure sont contrôlées effectivement, l'une par les militaires allemands et l'autre par le personnel de l'Ecole de l'Espérance, occupant diverses parties de l'établissement. Aucun individu n'a pénétré ou n'est sorti par ces issues. M. le Chef du service local de la Sûreté allemande et MM. HIMPELEY et SCHMITT-KOPPEN, de la Feldkommandantur, se sont rendus sur les lieux. 
 
M. KERNEIS Louis, né le 15 novembre 1921 à CHATEAULIN, demeurant 17 rue Pen ar Steir à QUIMPER, a été conduit à la Sûreté allemande pour y subir un interrogatoire, vraisemblablement parce qu'il est l'employé qui a fermé les bureaux B et C et qui a reçu des mains de M. HAMON Yves, né le 8 mai 1895 à GOUEZEC, demeurant 9 rue de Locronan à QUIMPER, la clé du bureau A. 
 
Ce cambriolage a été signalé à l'Intendance de police (trois services régionaux) et diffusé à la Cie de gendarmerie du Finstère, à tous les  commissariats du département et à la Sûreté allemande à QUIMPER. L'enquête est effectuée en envisageant notamment une corrélation possible entre ce cambriolage et l'agression à main armée commise le même jour vers 19 h 15, 22 rue de Pont-l'Abbé à QUIMPER.
 
LE COMMISSAIRE DE POLICE,
Gabriel Bodiguel 
 
 
Avis de menaces sur le commissaire Bodiguel ADF200W73 DSC 4660Le rapport des pages précédentes est établi à partir d'une enquête effectuée par le commissaire Bodiguel et l'inspecteur Bleuzen. Gabriel Bodiguel ne manifeste pas de tolérance particulière pour les « terroristes », en particulier les communistes. D’abord instituteur public, il a passé le concours de Commissaire de police et pris son premier poste en 1938 à la tête de la police municipale de Concarneau. Il rejoindra Quimper le 5 août 1941. Il se mettra prudemment en maladie le 21 janvier 1944, après avoir pris connaissance d’une affiche de menaces de mort le concernant, collée rue du Steïr. Elle est rédigée par le 3e détachement des FTPF.
A ses côtés, l’inspecteur de Sûreté René Bleuzen. Né en décembre 1914 à Tourc’h. D’abord gardien de la paix à la police municipale à Brest, il rejoint Quimper en mars 1943. A l’occasion de son passage de la police municipale à la police d’Etat, il est devenu inspecteur, chargé de l’organisation du service (inspecteur de la Sûreté). En septembre 1943, il entre à « Libé-Nord », alors que la chasse aux « réfractaires » au STO bat son plein. Dans les journées de la Libération de Quimper, il se montrera très actif et très efficace. Il est décédé à Bénodet fin mars 2012, à 97 ans.
 
 
 
 
 
Le coup du STO Jean Le Corre Fanch Balès Hervé Bénéat et Pierre Le MoigneLe « coup du STO », vu 70 ans après 
 
Haut fait de la Résistance à Quimper, le « coup du STO » n’est pas à considérer isolé de tout son contexte : il faut le situer dans une succession d’évènements, que nous évoquons ici.
 
Janvier 1943. l’Allemagne réclame de plus en plus de travailleurs français dans ses usines, et Vichy instaure le 16 février un Service de travail obligatoire qui se substitue à des formules comme « la Relève » qui invoquaient le volontariat. Désormais, le Reich, qui retient déjà plus d'un million de prisonniers de guerre français dans ses frontières, réquisitionne aussi la jeunesse de France, comme elle réquisitionnait déjà le beurre, l’avoine, les chevaux, les logements, les voitures… 
 
1er mars 1943. Rapport du Préfet au Feldkommandant : « le recensement des jeunes gens nés en 1920-1921-1922 est en cours et sera terminé le 4 mars. Les désignations s’effectueront d’après le résultat du recensement actuellement en cours ».
 
24 mars 1943. Lettre véhémente du Feldkommandant au préfet : les ouvriers défaillants conduits au camp d’hébergement surveillé, installés à l'hôpital Gourmelen, sont examinés quatre jours consécutifs par quatre médecins français différents, avec des appréciations sensiblement différentes. Décision : désormais les nouveaux arrivants au camp seront examinés par un seul médecin français, et tous les ouvriers estimés inaptes par ce médecin seront conduits le jour même, sous garde de police, en contre-visite par le médecin-chef de la Kommandantur.
 
12 avril 1943. Le Préfet visite le camp de Lanniron qui pourrait servir de « centre d’hébergement surveillé pour les défaillants ». Il précise au Feldkommandant : « pour éviter toute évasion, il y aura lieu de mettre quatre rangées supplémentaires de fils barbelés ». Le centre restera à l'hôpital Gourmelen.
 
10 mai 1943. L’Office départemental du travail est transféré de Brest à Quimper : la Felkommandantur a réquisitionné pour les Services du travail obligatoire le rez-de-chaussée de l’école de l’Espérance, 9 rue du Frout (trois pièces, ainsi que deux pièces à aménager, véranda) (lettre du Felkommandant Braun au préfet, le 3 mai 1943).
 
1er juin 1943. Le Feldkommandant Braun demande au Préfet de procéder également au recensement des jeunes nés au dernier trimestre 1919.
 
Mars à juillet 1943.  C’est la période où l’appareil de réquisition pour le STO bat son plein : convocations en vue du recensement des jeunes gens par commune, remise d’un « certificat de recensement », visites médicales, établissement de listes d’astreints au STO et d’exemptés, établissement d’un certificat de travail individuel (remplaçant le « certificat de recensement ») à présenter avec la carte d’identité pour tout acte administratif, opération postale, retrait de ticket d’alimentation, contrôle de police… Le défaut de carte de travail vaut désignation automatique pour le STO.
 
Les « défaillants » ou « réfractaires » sont très nombreux. Les autorités allemandes et la police française les recherchent, et pour cela répètent des convocations en mairie. Les réfractaires évitent de se présenter. Les tentatives pour les piéger ne manquent pas, par exemple la distribution des titres d’alimentation organisée à leur intention à une date séparée. (A Quimper, le 1er juillet, un seul sur les 80 jeunes qui se présentent a une carte non valable).
 
Le commissaire aux Renseignements généraux Soutif note dans son bulletin hebdomadaire du 20 au 26 juin 1943 : « L’état d’esprit de la population reste toujours très hostile au travail obligatoire et cette hostilité tend à gagner tous les milieux. Des gens qui semblaient ne pas avoir pris parti jusqu’alors à ce sujet ou qui avaient réservé leur opinion annoncent avec une pointe de satisfaction qu’ils ont appris qu’avec la Savoie et quelques départements du Centre, le Finistère est une des régions où le recrutement est le moins satisfaisant » (BHR 1943, n°22). Il compte pour quatre jours (les 19, 22, 23 et 24 juin) et sur l’ensemble du département 1620 convocations, auxquelles n’ont ré-pondu que 25 jeunes.
 
Semaine suivante, 27 juin au 3 juillet, le même Soutif écrit : « L’hostilité de la population à l’égard du STO va croissant. En ville, de petits rassemblements se forment au passage des jeunes gens conduits au centre d’hébergement par les gendarmes, et les gens ne craignent pas de manifester à haute voix leur indignation. Dans les campagnes, un vaste élan de solidarité prend corps de plus en plus pour faire échapper les jeunes gens au départ pour l’Allemagne. Les gendarmes rencontrent de plus en plus de difficultés lors des arrestations des défaillants. Certains d’entre eux prétendent que dans les fermes les paysans ont créé un véritable dispositif de sécurité pour permettre aux jeunes de prendre la fuite à travers champ dès qu’apparaissent les uniformes noirs et bleus. Généralement, c’est un gamin qui, posté à l’entrée du chemin de terre qui conduit à la ferme, donne l’alerte, et lorsque les gendarmes arrivent à la maison, ils la trouvent vide de tous ses occupants, astreints ou non au STO » (BHR – 1943, n°23). Cette semaine, pour 1 145 convocations, il y avait 30 présents. Le nombre de convocations diminue de semaine en semaine : 745, 131, 69 (pour 34, 8 et 0 présents) et descend à 4 (pour aucun présent) dans la dernière semaine de juillet. 
 
Le 31 juillet 1943, le commissaire Soutif constate : « En dépit des efforts multipliés par la Gendarmerie et la police, les arrestations de défaillants et d’insoumis deviennent de moins en moins nombreuses. Après avoir dépassé largement les 200, le nombre d’arrestations est tombé à moins de 100 par semaine ; il était la semaine dernière de 45 et il est cette semaine de 66. Le personnel chargé des recherches constate qu’ils ne trouvent plus que des jeunes gens en règle. L’Autorité allemande s’est émue de cette situation, et un fonctionnaire allemand venu d’Angers a entrepris, dans le département, en liaison avec des représentants de la police française, des sondages qui, selon les premiers renseignements qui me parviennent, ont été fort décevants. A Quimper, ce fonctionnaire, qui désignait lui-même dans la rue les jeunes gens à contrôler, n’a pu enregistrer aucune arrestation, et, comme il se déplaçait en civil, il a pu entendre les réflexions faites par les jeunes gens contrôlés, ce qui ne lui laissera aucune illusion sur la popularité du STO. » (BHR – 1943, n°27). 
 
Pour la semaine du 1er au 7 août, nous lisons encore : « le rythme des convocations se ralentit considérablement, ce qui fait croire à beaucoup que les pouvoirs publics renoncent, dans une certaine mesure, aux "déportations" sous la pression des évènements extérieurs. Toutefois, le rythme des arrestations se maintient à un niveau élevé, puisque cette semaine encore 96 jeunes gens ont été dirigés sur le Centre d’hébergement du département ». (BHR – 1943, n°28)
 
Juillet 1943 encore. Des communiqués de presse rappellent les sanctions prévues par la loi : une amende administrative de 10 000 à 100 000 F, y compris pour les membres de la famille de l’intéressé, qui auraient sciemment hébergé, aidé ou assisté un « réfractaire ».
 
Septembre-novembre 1943. Le recensement des jeunes gens nés en 1923 est lancé en septembre, et les visites médicales auront lieu à Quimper et dans les cantons voisins  du 25 octobre au 10 novembre.
 
Le 15 octobre 1943, à 22 h 40, un soldat allemand logeant dans l’immeuble de l’école de l’Espérance aperçoit les lueurs d’un feu dans les locaux du STO. Il se saisit d’un extincteur et éteint l’incendie. Suivant l’enquête du commissaire Bodiguel, l’origine volontaire est manifeste : bout de mèche d’amadou, odeurs d’essence, fuite précipitée d’un inconnu…
 
Une trentaine de dossiers contenant les recensements des communes ont brûlé dans la salle des convocations, et autant sont partiellement endommagés. Les dégâts sont considérés comme peu importants, et toutes les données détruites seraient récupérables. Tout laisse penser que les auteurs de cet incendie appartiennent à une organisation « terroriste ».
 
11 novembre : dans la soirée, des « inconnus » tirent quelques coups de revolver sur le directeur du STO, M. Trarieux.
 
30 décembre 1943, à 21 h 15. « Six individus armés d’un pistolet à chaque main et masqués » font irruption au poste de police. L’effet de surprise est total. Les assaillants se saisissent des registres des cartes d’identité, du fichier s’y rapportant et de quelques armes. Ils quittent les lieux en souhaitant une « bonne année » aux six policiers présents. Le lendemain, l’inspecteur Bleuzen, chef de poste, fait son rapport (in Alain Le Grand, Finistère 39-49, Quimper, éd. Daoulan, 1994),
 
14 janvier 1944, soit 15 jours après. Cette fois, cela se passe immédiatement après la fermeture des bureaux du STO à l’école N.D. de l’Espérance. Les « cambrioleurs » sont au nombre de onze, et le coup de main est rapide… Une première enquête est effectuée le lendemain matin par le Commissaire Bodiguel, assisté de l’Inspecteur de Sûreté Bleuzen. C’est ce rapport qui  est présenté dans ce numéro des Keleier d'Arkae, pages 2 et 3.
 
 
Comment les choses évoluent après le 14 janvier 1944 ?
 
Janvier-février 1944. Il y a très peu de départs vers l’Allemagne. Par contre, les jeunes réquisitionnés sont dirigés vers les chantiers Todt : « environ 6 000 hommes dans les communes voisines de la région côtière du département, pour les employer à des travaux stratégiques manifestement destinés à la mise en état de résistance du territoire au débarquement anglo-américain ». (BHR n°1, 1er janvier 1944). Ces réquisitions se font de plus en plus difficiles : « Ceux qui s’étaient rendus sur les lieux de travail les premiers jours n’y retournent pas. Dernièrement, un chantier qui comptait sur 1500 travailleurs n’en vit se présenter qu’un seul… » (BHR n°4, 22 janvier 1944).
 
Mars-avril 1944. Alors que le recensement de la classe 1944 est en cours, suivi des visites médicales, on voit les Allemands s’intéresser aux ouvriers employés dans les usines de conserves de Douarnenez et d’Audierne. Quelques-uns sont désignés pour l'Allemagne. « Il semble bien que les ouvriers, dans leur ensemble, soient décidés à se soustraire par tous les moyens à cette mesure et à ne quitter la France à aucun prix », note le commissaire Soutif (BHR n°10, 4 mars 1944).
 
On sait que le Reich réclame 300 000 ouvriers français. On sait aussi que « malgré les promesses faites, une grande quantité de jeunes gens  des classes 41, 42, 43 ont été saisis sur les chantiers et dirigés vers l’Allemagne. Afin d’éviter de tomber dans le même piège, le nombre d’ouvriers quittant leurs chantiers s’accroît sans cesse, notamment dans la région de Quimperlé » (BHR n°17, 22 avril).
 
Mai-juin 1944. Et voici la saison des rafles. Des hommes de tout âge et de toutes professions sont acheminés vers le Centre d’hébergement de Quimper. Le 9 mai, 56 sont dirigés vers l’Allemagne, 47 la semaine suivante. « Le 20 mai, dans l’après-midi, à partir de 16 heures, des rafles ont été effectuées à Quimper et Kerfeunteun par les autorités allemandes. Des quartiers ont été cernés et de nombreuses arrestations opérées. Les personnes arrêtées ont été conduites vraisemblablement dans un lieu ignoré où doivent avoir lieu les vérifications de situation ». Citons aussi l’arrestation « pour circulation tardive » à Moncouar en Briec le 18 mai de Louis Cogent, Jean Herry, Jean Tanneau et Fanch André. Ils sont partis pour l’Allemagne le 20 mai.  Dans la dernière semaine de mai, 94 hommes de 18 à 35 ans, de toutes professions, quittent Quimper pour l’Allemagne…
 
 
En conclusion
 
1. La politique allemande en matière de recrutement d’ouvriers français aura beaucoup varié. En janvier 1943, quand Hitler prélève 300 000 ouvriers des usines allemandes pour en faire des soldats sur le front russe, Sauckel, chef de la main d'oeuvre du Reich, doit les remplacer d’abord par un recrutement forcé de 250 000 jeunes Français, puis, dans la même année, par d’autres vagues de « requis ». C’est de cette situation que naît le Service du travail obligatoire. Quand ensuite, en fin 1943-début 1944, c’est à l’Ouest que s’annonce un débarquement anglo-américain et que le Mur de l’Atlantique est à construire, c’est dans la zone côtière qu’il faut faire travailler une main-d’œuvre si possible recrutée sur place. 
 
Aussi en janvier 1944 n’y a-t-il pratiquement plus de nouveaux départs pour l’Allemagne, et cependant le recrutement de la classe 1943 est engagé. Le personnel du STO de Quimper comporte une équipe de jeunes étudiants, anciens copains au lycée de La Tour-d’Auvergne à Quimper. Ils ont bénéficié d’un sursis jusqu’au 1er juillet et ont trouvé à s’embaucher en septembre, ce qui a l’avantage de les exempter personnellement d’un départ pour l’Allemagne. Ils ne sont pas là pour se « planquer ». Ils sont entrés dans la Résistance, dans les organisations « Libération-Nord » ou « l’Armée secrète ». Antoine Le Bris et Louis Kerneis sont au STO pour saboter le travail de ce service, comme Laurent Jacq est au Génie rural et René Fauvel à la préfecture. Ils s’assurent la complicité des médecins qui doivent intervenir dans les visites médicales. Ceux-ci établissent des certificats de maladie à ceux qui sont assujettis. S’ils sont en trop bonne santé, ils sont simplement déclarés « à revoir » ; ceux qui sont employés à l’Organisation Todt s’en sortent avec une déclaration d’aptitude… à rester là où ils sont. Ceux enfin qui sont exemptés parce qu'ils travaillent pour l’agriculture ou dans des entreprises d’intérêt majeur pour les occupants sont tous en bonne santé.
 
Jean Le Bris nous raconte la suite dans un texte rédigé par lui en 2010 : « Vers la fin de l’année 1943, le recensement se termine. La préfecture se désespère des résultats obtenus. Les statistiques sont extraordinairement mauvaises. Le directeur du STO, Lantheaume, est interrogé et reconnaît qu’il ne comprend pas. Il tente de convaincre ses rédacteurs à plus d’efficacité. En fait, plus personne ne comprend plus rien […]. Le nombre de fausses cartes délivrées s’élève à près de 3 000. Les Allemands demandent par la suite d’établir des convocations massives par commune. Pour gagner du temps, les rédacteurs se procurent les noms des décédés, des malades, et les convoquent par priorité. Pour permettre aux maquisards de circuler, des attestations provisoires leur sont délivrées. Le sabotage des dossiers de la classe 1943 est réussi ».
 
Il faut faire disparaître tous les dossiers, car les Allemands ne manqueront pas de s’intéresser aux curieux résultats obtenus. Il est nécessaire maintenant pour les résistants du STO de se protéger. Faire intervenir un commando armé en pleine ouverture des bureaux, comme au poste de police le 30 décembre ? Le quartier grouille d’Allemands. Mettre le feu ? La tentative du 15 octobre avait montré que l’idée d’un incendie détruisant rapidement cette masse de papier était à écarter. Reste la solution d’un enlèvement éclair, à un moment opportun, le vendredi soir, nuit tombée, immédiatement après la fermeture des bureaux. Fanch Balès et son équipe d’Ergué-Gabéric sont tout à fait aptes à intervenir pour faire disparaître la cargaison de dossiers. Laurent Jacq obtient l’accord de « Libération-Nord ». Et le « coup du STO » a fonctionné comme une belle mécanique.
 
2. Il est à remarquer que ce qui s’est passé dans les murs de l’école de l’Espérance le 14 janvier 1944, à 18 h 30, fait suite à plusieurs mois d’un refus nettement exprimé, non seulement par les jeunes gens concernés par l’obligation du travail en Allemagne, mais aussi par toute la population, villes et campagnes réunies. Les divergences d’intérêt entre paysans et citadins n’ont pas tenu devant une solidarité qui a joué à plein. Cela, bien que les jeunes agriculteurs fussent exemptés de la réquisition au STO. 
 
Dès le mois de mai 1943, cette attitude est largement partagée, au moment où le Service du travail obligatoire s’installe à l’école ND de l’Espérance. Le STO n’est pas apprécié et le sera de moins en moins : « On n’entend même pas défendre le STO dans les milieux les plus favorables à la Collaboration » (Rapport du commissaire des RG du 3 juillet 1943). Ce même état d’esprit perdure en fin d’année : l’attaque contre le poste de police de Quimper a « mis la population bourgeoise de la ville dans un visible état d’euphorie » (Rapport des RG du 1er janvier 1944).
 
Ainsi, le « coup du STO », loin d’être une intervention d’isolés, est bien la traduction en acte d’une opposition générale à une déportation des travailleurs français en Allemagne.
 
Plaque à la mémoire des résistants du Coup du STO Collège Brizeux QuimperPour aller plus loin, nous vous conseillons de lire ou relire l'ouvrage de Jean Le Corre, Récit d'un résistant déporté, Ergué-Gabéric, Cahier d'Arkae n°2, 2004. Toujours d'actualité.

Dossier (textes et photos) réalisé par François Ac'h - Keleier 82 - mars 2014

 


Trésors d'archives > Littéraires > Les rimes se ramassent à la pelle !

Les rimes se ramassent à la pelle !

 

Les CM2 de Saint-Joseph célèbrent par la rime les jalons d’histoire et de patrimoine qu’ils ont découverts avec Arkae pendant l’année scolaire 2000-2001. Morceaux choisis, qui enrichiront notre patrimoine littéraire.

 

 

Saint-Guénolé,

 

Tu es une chapelle

Au beau milieu d’un village

Qui a failli être détruite

Pour construire Ker-Anna

Pauvre petite chapelle !

Ton clocher est tombé

Mais une fois restaurée

Tu renais !

 

Florent

 

 

 

La ville au Vert

 

La ville au vert

Avec des buissons verts

Des moineaux

Et son ruisseau

 

De grands sapins verts

Des paysages clairs même en hiver

A côté de Quimper.

 

Solenn

 

La rue des Jardins

 

On voit tout le temps en automne

Quelque chose qui nous étonne

Comme la rue des Jardins

Où poussent quelques pins

Sous un coucher de soleil c’est le jardin des merveilles.

 

Charles

 

 

 

La rosace de Saint-André

 

Toi, rosace pleine de couleurs,

Toi qui apportes le bonheur,

Tu es ronde comme le soleil

Et mystérieuse comme le ciel.

 

Tu as vu passé le temps

Peut-être l’as-tu trouvé lent,

Mais tu es restée belle

Et tu es éternelle.

 

Chloé

 

 

Keleier 13 - octobre 2001

 


Arkae > Trésors d'archives > Politique > Les femmes en politique à Ergué

Les femmes en politique à Ergué-Gabéric

Bernez Rouz
 
Femmes en politique, une affaire bien bretonne
Il est bon de rappeler que le Duché de Bretagne a été gouverné plusieurs fois par des femmes qui, contrairement à ce qui avait lieu dans le Royaume de France, pouvaient accéder au trône. Parmi elles, on peut citer Berthe de Cornouaille (1148-1156), Alix (1203-1221), Anne de Bretagne (1488-1514) et Claude de France (1514-1524). L’histoire de Bretagne a connu également trois duchesses qui ont secondé ou remplacé leurs maris avec brio : Ermengarde d’Anjou, Jeanne de Flandres et Jeanne de Penthièvre. L’exemple venait du haut et il n’est pas étonnant que dans la gestion des paroisses on trouve aussi des femmes. Ainsi à Erquy, en 1516 — on est au temps de la Bretagne indépendante — l’administration est tenue par un "général des parouessiens et des parouessiennes, tant nobles que non nobles…" Pour Ergué, les seuls compte-rendus du "corps politique" que nous possédons datent de la fin du XVIIIe siècle. Aucun nom de femme n'y apparaît. En revanche, les femmes étaient présentes dans les affaires paroissiales, puisqu’elles ont fermement manifesté en 1741-42 contre l’application d’un arrêt du parlement de Bretagne interdisant l’inhumation dans les églises.
 
La Révolution, une occasion manquée
Anne FerronnièreLa France se targue souvent d’être la patrie des droits de l’homme et du citoyen. Mais en ce qui concerne les droits de la femme, le compte n’y est pas. La Révolution a exclu que les femmes puissent avoir le droit de vote le 22 décembre 1789. Pourtant, une fervente révolutionnaire, Olympe de Gouges, publia en 1791 une "Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne". Cet appel fut ignoré et son auteure guillotinée sous la Terreur !
Sous la Troisième République, les mouvements féministes réclamèrent en vain le suffrage pour tous. Plusieurs projets de loi furent votés par l’Assemblée et rejetés par le Sénat qui, majoritairement radical-socialiste, craignait que les femmes soient sous l’inflence de l’Eglise. Le Front populaire nomma trois femmes secrétaires d’Etat, mais les parlementaires refusèrent le droit de vote aux femmes. On le sait peu, mais c’est le gouvernement de Vichy qui nomma les premières femmes conseillères municipales. Les conseillers et le maire étaient nommés par le préfet, dans toutes les villes de plus de 2 000 habitants. La loi prévoyait que siège obligatoirement "une femme qualifiée pour s’occuper des œuvres privées d’assistance et de bienfaisance". Le maire Pierre Tanguy, renouvelé dans ses fonctions, proposa le nom d’Anne Ferronière, femme du directeur de l’usine d’Odet, qui s’occupait alors des œuvres sociales de la papeterie. Elle siégea quatre ans, du 9 avril 1941 au 13 mai 1945. La loi prévoyait aussi que des femmes âgées d’au moins 25 ans puissent être nommées conseillères municipales. Ce ne fut pas le cas à Ergué. Il fallut attendre la Libération pour voir le droit de vote accordé aux Françaises par le Comité français de libération nationale. La décision fut confirmée le 5 octobre 1944 et la mise en pratique commença le 29 avril 1945, pour les premières élections municipales après la guerre.
 
 
Jeanne Lazou1945-1971 : aucune femme n’est élue
En 1945, une seule femme se présente au suffrage des électeurs. Il s’agit de Mme Blanchard, sage-femme à Odet, sur la liste de Pierre Tanguy, le maire sortant de droite. Il affrontait une liste radicale, menée par Jean Le Menn, et une liste communiste (républicaine antifasciste). Au deuxième tour, les deux listes de gauche fusionnèrent et remportèrent les élections. Mme Blanchard, avec 523 voix, faisait le dixième score sur sa liste. Il n’y a donc eu ni ostracisme ni empathie particulière pour une femme qui, par sa profession, agissait dans le domaine social.
En 1947, trois listes étaient encore en présence. Deux femmes figuraient sur la liste communiste : Corentine Espern, papetière de Stang Venn, et Jeanne Lazou, institutrice à Lestonan. Elles ne furent pas élues.
En 1953, trois listes étaient en présence. Le parti communiste présentait deux femmes : Marie-Jeanne Poupon, ménagère au bourg, et Henriette Herry, ménagère à Stang-Venn. Elles ne furent pas élues.
En 1959 et en 1965, aucune femme ne se présenta aux suffrages des électeurs gabéricois.
En 1971, deux candidates se présentent sur la liste de gauche : Paule Le Poupon, mère de famille au Rouillen, et Maryse Le Berre, institutrice à Lestonan. Aucune ne fut élue.
 
 
Le tournant de 1977
Le maire sortant, Jean-Marie Puech (centre-droit), ne présente aucune femme sur sa liste. En revanche, une liste dissidente, menée par deux adjoints, présente quatre candidates : Maryvonne Le Corre, cuisinière au bourg, Annie Flécher, employée de bureau vivant à la Croix-Rouge, Madeleine Lasseau, agricultrice à la Salleverte, Monique Pavec, mère de famille à Lezebel.
Sur la liste d’Union de la gauche, quatre femmes également sont présentes : Marie-Françoise Hémery, assistante sociale à Croas-ar-Gac, Annie Madec, mère de famille à la Croix-Rouge, Jacqueline Le Fur, mère de famille au Rouillen, Betty Rannou, mère de famille à Penn-ar-Garn. Au premier tour au scrutin nominal,  seul Pierre Faucher, tête de liste de gauche, est élu. Au second tour, la liste de gauche est entièrement élue. Quatre femmes rentrent au Conseil municipal, et pour la première fois, l’une d’entre elles devient deuxième adjointe au maire. Il s'agit de Marie-Françoise Hémery. Il est intéressant de noter que les femmes présentes sur la liste font de beaux scores : deux d’entre elles se situent à la 4e et 5e place du scrutin. 
 
Yvette Gogail1983 : les femmes entrent en force
En 1983, c’est une petite révolution lorsque Ergué-Gabéric, commune de plus de 3 500 habitants, inaugure le scrutin de liste qui remplace le scrutin nominal précédent. Les candidates sont nombreuses : la liste de gauche menée par le PS présente sept candidates, dont trois sortantes. L’autre liste de gauche, menée par le PCF, présente huit candidates. La liste de droite, sept candidates. Au second tour, les deux listes de gauche fusionnent, mais cette liste menée par Marcel Huitric est battue par la liste de Jean Le Reste. Sept femmes sont élues, cinq sur la liste de droite et deux sur la liste de gauche. Il s’agit de Christiane Le Guellec, Suzanne Lozac’h, Maryvonne Le Corre, Renée Ernoul, Yvette Gogail (photo ci-contre avec Jean-Hascoët), Jacqueline Le Fur et Marie-Françoise Hémery. En 1989, 17 candidates se présentent sur trois listes différentes. Six d’entre elles sont élues : Jacqueline Le Fur, Marie-Françoise Hémery, Antoinette Le Bihan, Annick Kervran, Maryvonne Blondin et Suzanne Lozac’h. En 1995, 18 candidates sont sur les rangs de deux listes concurrentes. Sept sont élues : Jacqueline Le Fur, Maryvonne Blondin, Annick Tamic, Christiane Jézéquel, Alice Le Bihan, Yvette Gogail et Bernadette Jehan.
 
 
2001 : la parité s’installe
Par une loi promulguée le 6 juin 2000, toutes les communes de plus de 3 500 habitants sont soumises au scrutin de liste paritaire. On trouve donc 14 candidates sur la liste de gauche menée par Jean-Pierre Huitric et 14 candidates sur la liste de droite menée par Jean René Le Nir. Quatorze femmes sont élues. En 2001, Maryvonne Blondin succède à Pierre Faucher au siège de Conseiller général du canton. Elle devient ainsi la première Gabéricoise conseillère générale du Finistère. Elle est réélue en 2007. En 2007, la parité s’affirme encore plus, puisque la loi du 31 janvier impose non seulement la parité au conseil municipal, mais aussi dans l’éxécutif, c’est-à-dire pour les adjoints au maire.  De plus l’alternance homme-femme est de mise dans les listes. Trois listes se présentent, portant à 42 le nombre de femmes qui briguent un mandat de conseillère municipale.En 2008, Maryvonne Blondin est élue sénatrice. Elle devient ainsi la première parlementaire gabéricoise. En 2014, deux listes se présentent aux élections municipales, et pour la première fois, l’une d’entre elles, la liste de la gauche gabéricoise, est menée par une femme, Sylvaine Frenay. Le conseil municipal actuel comprend 14 femmes, dont quatre adjointes au maire. La parité est entrée dans les mœurs, mais il aura fallu du temps.
 
Maryvonne Blondin et Jacqueline Le Fur
Jacqueline Le Fur et Maryvonne Blondin entourant Fañch Mao, doyen de la commune (1995).


Dossier réalisé par Bernez Rouz, Keleier 84, octobre 2014.
Pour aller plus loin : voir Anne Ferronière et Maryvonne Blondin.